Protocole d’instillation
Les instillations de thermo-chimiothérapie de MMC ont débuté 4 à 6 semaines après la première résection trans-urétrale de vessie (RTUV) ou après la RTUV de réévaluation lorsqu’elle était recommandée. Le protocole était de 6 ou 8 instillations hebdomadaires et consistait à instiller 40 mg de mitomycine dans 50 ml de solution de chlorure de sodium 0,9% réchauffée par le système HIVEC à 43°C pendant une heure. Le débit de recirculation était de 200 ml par minute. Le nombre d’instillations prévu était généralement de 6, sauf pour deux centres qui ont commencé à 8 instillations au début du protocole. Le traitement était interrompu en cas d’effets secondaires graves (grade 3 ou 4).
Analyse statistique
Les données ont été collectées et analysées à l’aide du logiciel SAS version 9.3 (SAS Institute, Cary, NC, USA) et du logiciel R version 3.0.3. Les corrélations cliniques et histopathologiques ont été testées, en utilisant, pour les variables continues (quantitatives), le test de Student, et pour les variables qualitatives, le test du Chi2 avec ou sans correction de Yates selon les effectifs. Les analyses de survie ont été effectuées à l’aide de courbes de Kaplan-Meier et ont été comparées à l’aide du test log-rank. Les données ont été considérées comme statistiquement significatives à l’intervalle de confiance de 95 % (p<0,05).
Résultats oncologiques
Le suivi médian dans notre étude était de 18 mois [5-43]. Au total, 22 patients ont récidivés, avec un délai moyen de récidive de 10 mois [4-22], 12 mois [7-22] pour le groupe N-BCG et de 8 mois [4-16] pour le groupe Fail-BCG. 19 patients ont eu une récidive sous la forme d’une TVNIM. Les traitements de rattrapage en cas de récidive sur le mode TVNIM comprenaient (Tableau 3) : cystectomie radicale (n=3), instillations intra-vésicales si la récidive était survenue plus d’un an après la fin du traitement HIVEC (BCG n=6, ou HIVEC n=4), abstention pour les patients qui n’étaient pas éligibles à un autre traitement (n=5) et pembrolizumab intraveineux (n=1). Trois patients ont progressé vers l’infiltration musculaire avec un délai moyen de progression de 7 mois [5-12]. Deux d’entre eux ont développé une maladie métastatique et sont morts de leur cancer de la vessie, tandis que le troisième a été opéré d’une cystectomie radicale pour une tumeur localisée à la vessie. À la fin du suivi, cinq patients au total sont décédés : deux d’un cancer de la vessie, un d’un infarctus du myocarde, un d’une embolie pulmonaire et un d’un cancer ORL. Le taux de survie globale était de 90,6 %. Les taux de SSR à 3, 6, 12 et 18 mois étaient respectivement de 94,3 %, 80,4 %, 60,5 % et 46,2 %. Pour le groupe de patients N-BCG, les taux de SSR à 3, 6, 12 et 18 mois étaient respectivement de 100 %, 95,7 %, 70 % et 61,1 %. Pour le groupe Fail-BCG, les taux de SSR à 3, 6, 12 et 18 mois étaient respectivement de 89,7 %, 67,9 %, 52,2 % et 33,3 %. On observe une tendance (figure 2) à un risque de récidive plus élevé dans le groupe Fail-BCG, mais cette différence n’est pas statistiquement significative (p=0,0773). Dans le groupe Fail-BCG, en cas de présence de Cis, les taux de réponse complète à 6 mois étaient de 75%. Le taux de préservation de la vessie était de 92,4 %.
Résultats principaux
L’enjeu de la prise en charge des TVNIM-HR est de permettre une préservation de la vessie tout en évitant la progression vers une infiltration musculaire. La RTUV de réévaluation et un traitement adjuvant par BCG diminuent le risque de récidive et de progression (9,10). Cependant, malgré une prise en charge optimale, le risque de récidive et de progression reste élevé. De plus, le pronostic des patients ayant progressé après une première ligne de BCG (patients réfractaires au BCG) est plus mauvais que celui de patients ayant une TVIM d’emblée (11). D’autre part, la cystectomie radicale est associée à une morbidité élevée et certains patients ne peuvent pas être opérés en raison de leurs comorbidités. L’un d’entre eux est la thermo-chimiothérapie de MMC. En augmentant la concentration intracellulaire de MMC et donc son efficacité, l’hyperthermie semble avoir un effet synergique avec la chimiothérapie (12). Il existe sur le marché deux appareils de thermochimiothérapie avec MMC. Un dispositif de chauffage de la vessie par micro-ondes délivré par un cathéter vésical, c’est-à-dire l’effet de thermo-chimiothérapie induite par radiofréquence (RITE) (Synergo®), et un dispositif de chauffage extravésical précédant l’instillation de MMC, c’est-àdire Hyperthermic Intra-Vesical Chemotherapy (HIVEC) (Combat BRS®) qui a été utilisée dans notre étude. En termes de tolérance, il a déjà été démontré que la thermo-chimiothérapie est au moins équivalente au BCG, que ce soit avec le RITE (13) ou avec l’HIVEC (14). Notre étude confirme ces données puisque nous n’avons pas eu d’effets secondaires majeurs. En termes d’efficacité, la thermo-chimiothérapie avec HIVEC est encore mal évaluée.Concernant le dispositif RITE, les premiers résultats sont encourageants et suggèrent une efficacité supérieure du RITE par rapport à la MMC passive et une efficacité au moins équivalente à celle du BCG en termes de SSR pour les TVNIM à risque intermédiaire ou élevé (4). Il n’existe qu’une seule étude randomisée de phase III évaluant l’efficacité de RITE chez les patients en échec de BCG (13). Cette étude comprenait 104 patients traités soit par RITE soit par le BCG. À un an, le taux de SSR dans le groupe RITE était de 49 %, ce qui est proche de nos résultats (52,2 % dans le groupe Fail-BCG). À 2 ans, le taux de SSR des patients traités par RITE était proche du BCG dans l’ensemble de la cohorte (35 % contre 41 % pour BCG, p = 0,49), avec une amélioration non significative dans le sous-groupe de patients sans cis (53 % versus 24 % pour le BCG p = 0,11). À l’inverse, dans le groupe de patients avec cis, le BCG était significativement meilleur en termes de survie sans récidive à 2 ans (49 % versus 26 % pour le RITE, p = 0,01). Une explication pourrait être que les tumeurs avec cis sont connues pour être génétiquement plus proches des tumeurs infiltrant le muscle (15). Avec un suivi médian de 18 mois, nous avons pu montrer un taux de SSR à 1 an de 60% et un taux de préservation vésicale de 92,4% chez les patients traités par HIVEC. Toutefois, il convient de noter que les résultats oncologiques diffèrent entre les sous-groupes N-BCG et Fail-BCG. Pour les patients BCG-naïfs de haut risque, il est établi que le risque de récidive après un traitement de première ligne par BCG est de 20 % à 6 mois et de 25 % à 12 mois, tandis que le risque de progression est de 3 % à 6 mois et de 5 % à 12 mois (7). Dans notre série, le taux de SSR dans le groupe N-BCG était de 96% à 6 mois et 70 % à 12 mois, ce qui signifie que moins d’un tiers des patients ont récidivé à 1 an. Ces résultats sont en faveur d’une efficacité au moins similaire entre l’HIVEC et le BCG, ce qui suggère que l’HIVEC pourrait être une bonne alternative, en particulier pour les patients contre indiqués au BCG. A l’inverse, le groupe Fail-BCG avait un pronostic plus défavorable en termes de risque de récidive et de progression. En effet, dans notre série, la moitié des patients ont récidivé au cours de la première année. Selon les recommandations pour les essais cliniques sur les TVNIM (7) et compte tenu du fait qu’un bras contrôlé par placebo n’est pas éthique chez les patients en échec de BCG, les essais sur les nouvelles thérapies doivent être menés simple bras avec l’objectif d’atteindre un taux de SSR d’au moins 30% à 12 mois. Pour les patients réfractaires au BCG avec cis, l’objectif est au moins 50% de réponse complète à 6 mois pour être considéré comme cliniquement significatif (7). Dans notre série, avec un taux de SSR de 52,2 % à 12 mois dans le groupe Fail-BCG et avec un taux de réponse complète de 75 % à 6 mois pour les patients réfractaires au BCG avec cis, la thermo-chimiothérapie semble pouvoir être considérée comme une option valable pour les patients qui ne répondent pas au BCG et non éligible à la chirurgie. Nos résultats sont en accord avec la littérature, Jong et al (6), dans une cohorte de 55 patients réfractaires au BCG traités par HIVEC, ont trouvé un taux de 50% sans récidive après un suivi médian de 14 mois. Cependant, les caractéristiques tumorales de cette cohorte différaient des nôtres puisque 49% des patients avaient un cis pur, avec un taux de récidive précoce de 30% à 3 mois dans cette sous-population. Le cis n’était pas un facteur prédictif de récidive après un traitement par HIVEC dans notre série, même si le cis pur semble avoir un profil distinct avec deux tiers des patients qui récidivent après HIVEC. Cela souligne l’importance d’une surveillance étroite de ces patients, avec des biopsies systématiques de la vessie afin de ne pas manquer le diagnostic de cis récurrent ou persistant. À l’inverse, les résultats semblent très favorables dans le groupe des patients atteints de tumeurs papillaires sans cis associé, avec moins d’un tiers des patients ayant récidivé. De même, Gonzalez Pailla et al. ont présenté leurs résultats chez les patients atteints de TVNIM-HR papillaire excluant les tumeurs avec Cis et ont montré d’excellents taux de réponse avec seulement 4 % de récidive et 4 % de progression après un suivi médian de 13 mois pour les patients traités par HIVEC (contre 20 % de récidive et 12 % de progression dans le groupe des patients traités par BCG). A noter que, dans cette étude, 42 % des patients du groupe HIVEC avaient une tumeur de bas grade (contre 30 % dans le groupe BCG), ce qui suggère que le grade de la tumeur pourrait être un facteur prédictif important de la réponse à la thermo-chimiothérapie. Dans notre étude, le grade de la tumeur était associé de manière significative au risque de récidive et aucun des 3 patients présentant une tumeur de bas grade à la récidive post-BCG n’a récidivé après le traitement par HIVEC au terme d’un suivi médian de 18 mois. Même si la définition des patients en échec au BCG selon les recommandations de l’International Bladder Cancer Group (7) exclue les récidives de bas grade après un premier traitement par BCG, nous avons choisi d’inclure ces trois patients dans le groupe Fail-BCG car la tumeur initiale avant le traitement par BCG était de haut ou très haut risque selon la classification EORTC, puis ils ont récidivé précocement lors de la première cystoscopie sous la forme d’une tumeur de bas grade. En effet, le pronostic de ces tumeurs n’est pas celui des tumeurs intermédiaires et la prise en charge optimale de ces patients n’est pas claire. Dans ce contexte, l’HIVEC pourrait être considérée comme une stratégie thérapeutique plus adaptée qu’une deuxième ligne de BCG.
|
Table des matières
1. INTRODUCTION
2. MATERIELS ET METHODES
2.1 Patients
2.2 Système utilisé
2.3 Protocole d’instillation
2.4 Méthode de suivi
2.5 Critères de jugement
2.6 Analyse statistique
3. RESULTATS
3.1 Caractéristiques des patients
3.2 Résultats oncologiques
3.3 Facteurs prédictifs de récidive et de progression après HIVEC
3.4 Tolérance
4. DISCUSSION
4.1 Résultats principaux
4.2 Perspectives
4.3 Limites de l’étude
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet