Généralité
Le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) est une pathologie relativement courante mais qui laisse encore les thérapeutes perplexes. Même en ce début du 21ème siècle, les mécanismes ne sont pas encore tous bien compris tant les signes cliniques sont variés et les traitements multiples. Et pour preuve ce syndrome a changé de noms à de nombreuses reprises, en voici quelques exemples : la maladie de Sudeck ou atrophie de l’os de Sudeck décrit par le chirurgien P.H.M Sudeck lui même en 1900. Le syndrome épaule-main dans les cas d’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) décrit par Steinbocker en 1947, causalgie, ou encore algodystrophie ou algoneurodystrophie si une atteinte neurologique est associée. C’est en 1993 que l’International Association for the Study of Pain (IASP) donna le nom de syndrome douloureux régional complexe. [1]
Le SDRC se définit par une douleur persistante dans un segment de membre, le plus souvent suite à un traumatisme ou une chirurgie, on retrouve cependant certains SDRC sans étiologie connue. La douleur est le symptôme commun à tous les patients, mais beaucoup d’autres peuvent être retrouvés par intermittence tels que des troubles sensoriels, vasomoteurs, sudomoteurs ou trophiques.[1]
On distingue deux catégories de SDRC, le type 1 qui ne met pas en cause de lésion nerveuse. A l’opposé, le SDRC de type 2 est caractérisé par une lésion du tronc nerveux. Dans cette revue de littérature on s’intéressera exclusivement au SDRC de type 1. En effet celui-ci étant l’objet d’étude de la plupart des articles trouvés lors de mes recherches. Ceci coïncide avec les données de prévalence (26 cas pour 100000 pour le SDRC type 1 contre 4 pour 100 000 pour le SDRC type 2) [2]. De plus, le SDRC de type 2 qui fait suite à une lésion nerveuse peut entrainer des douleurs neuropathiques supplémentaires qui pourraient être un biais concernant la cotation de la douleur. Dans la plupart des cas (90%) ce syndrome aura une évolution favorable dans un délai d’un an en moyenne. Le reste du temps les patients peuvent contracter des séquelles et voir leur temps de rémission s’allonger. [1] Durant la longue période de rééducation, les patients peuvent très vite se sentir dépasser. En effet les traitements médicaux peuvent se montrer onéreux, la douleur incessante peut entrainer une baisse de moral importante et enfin les déficits engendrés par la pathologie peuvent amener à l’arrêt des activités professionnelles et sportives ce qui isole petit à petit le patient.
Epidémiologie
On ressence entre 5 et 25 cas pour 100 000 personnes. Ce syndrome touche essentiellement des adultes avec une moyenne d’âge entre 50 et 70 ans. Les enfants, eux, sont très rarement touchés par cette pathologie. Concernant le ratio homme/femme, le SDRC touche environ 3 à 4 femmes pour un homme mais cette différence n’a pas d’explication connue. [3] Dans l’ensemble toutes les articulations peuvent être touchées. Il est retrouvé tout de même une prédominance pour le membre supérieur, et notamment la main (60% des cas). Les épaules sont souvent touchées lors de syndrome épaule-main à la suite d’AVC (Accident Vasculaire Cérébral). Au niveau du membre inférieur les pieds et chevilles sont souvent atteints, les genoux également en post-traumatique. La hanche elle sera concernée lors du 3ème mois de grossesse essentiellement. La colonne vertébrale est très rarement touchée, elle sera associée à une atteinte des membres. Plusieurs mécanismes interviennent dans cette pathologie mais leurs interactions et leurs rôles sont complexes et ne sont pas clairement identifiés.
Physiopathologie
La physiopathologie est complexe et encore insuffisamment connue. Plusieurs théories existent : [1]
– Le syndrome inflammatoire : après un traumatisme ou un accident, la réaction de défense de l’organisme est l’inflammation par stimulation des fibres nociceptives. Cela va entrainer des douleurs de type hyperalgésie et allodynie.
– Affection du système nerveux sympathique : Lors de ses recherches M. SCHURMANN a démontré qu’un système nerveux sympathique défaillant peut être énonciateur de l’apparition d’un SDRC type 1. [4]
– L’ischémie des tissus : la réponse inflammatoire provenant du SDRC type 1 (après une fracture ou une chirurgie par exemple) va diminuer la perfusion sanguine des muscles, os et nerfs. Ce qui va entrainer la formation d’un œdème et donc une augmentation de la pression tissulaire qui elle, diminue l’apport sanguin dans les tissus.
– Les troubles endothéliaux : les cellules endothéliales qui se trouvent au niveau de la zone traumatique peuvent se gonfler et entrainer une modification de la paroi des vaisseaux avec pour conséquence un œdème vasculaire et une diminution de la contractibilité des vaisseaux.
– La plasticité cérébrale : de nombreuses études ont montré que chez les patients atteints de SDRC type 1 une réorganisation somatotopique se met en place. Cette dernière va entrainer des troubles de la sensibilité tactile et de la représentation du mouvement. Cette réorganisation serait due à une trop grande quantité d’informations afférentes. Tout cela entraine une plasticité cérébrale qui est à l’origine des douleurs et des troubles moteurs. [5] Les patients peuvent aussi présenter un syndrome de négligence cognitive, ils perçoivent leur membre atteint comme un étranger.
– La dysynchiria : lors d’exercice de thérapie miroir, les patients reçoivent une stimulation au niveau de la main saine, et ressentent des douleurs au niveau de la zone correspondante de la main lésée, c’est ce phénomène qu’on appelle dysynchiria. L’auteur ACERRA a permis de prouver ce phénomène. [6]
– Les facteurs psychologiques : il y a encore peu de temps, beaucoup d’auteurs affirmaient que le SDRC de type 1 était psychogénique. Cependant l’auteur Beerthuizen [7] a démontré avec sa revue de littérature que le lien entre les facteurs psychologiques et le SDRC n’est pas avéré.
Le SDRC serait donc dû à un évènement initiateur ainsi qu’à un ensemble de facteurs mais il reste encore beaucoup de mécanismes à comprendre quant à son apparition.
Les différentes phases
La complexité du SDRC réside également dans ses différents stades. On retrouve 3 phases données à titre indicatives :
Phase I : phase initiale ou chaude, s’étend sur 6 mois environ Les premiers symptômes sont en général des sensations de fourmillements ou de picotements (paresthésies) dans le membre concerné. Le plus souvent accompagnés de troubles vasomoteurs tel qu’une coloration de la peau (rougeâtre), une augmentation de la température de la peau, et un membre avec un aspect « luisant ». Un œdème plutôt ferme (figure 1) apparait et peut remonter vers la racine du membre. Par la suite on peut retrouver un enraidissement articulaire (figure 2) et des rétractions musculaires qui entrainent une impotence fonctionnelle plus ou moins importante. Il existe encore de nombreux signes inconstants comme une hypersudation du membre concerné, des faiblesses musculaires, un changement de la peau, des ongles ou des cheveux du côté touché. Ou encore une diminution de la densité osseuse avec risque de fractures accrues encore appelé la déminéralisation osseuse.
Phase II : phase dystrophique ou froide, s’étend de 3 à 6 mois On observe en général une régression des douleurs et de l’œdème. L’impotence fonctionnelle plus ou moins importante est retrouvée, la préhension de la main devient impossible. On peut même observer certaines déformations notamment au niveau de la main. Exemple de la griffe en flexion des doigts qui peut être irréversible selon les cas. Les troubles trophiques eux, sont souvent accentués à ce stade.
Phase III : phase de guérison, séquellaire ou atrophique, peut aller de 6 à 24 mois Si la prise en charge a été correctement réalisée et ce depuis le début, les patients n’auront peu ou pas de séquelles. Cependant certains peuvent se retrouver avec des rétractions ligamentaires et tendineuses irréversibles.
On comprend donc que le SDRC est une pathologie entrainant une impotence fonctionnelle sur le long terme. Si dans la plupart des cas les patients guérissent au bout de quelques mois, pour certains la rémission est très longue, et pendant cette longue période les patients développent des problèmes autre que physique. La douleur constante peut amener à des insomnies, du stress, de l’anxiété, l’arrêt de la pratique sportive voire même de la profession. Pour ces patients-là, la difficulté est qu’aucun traitement n’aurait démontré une efficacité incontestable. Cependant de nos jours on constate certains progrès, notamment grâce à McCabe qui en 2003 a prouvé l’efficacité de la thérapie miroir dans la diminution des douleurs et les changements vasomoteurs. [8] Dans tous les cas la prise en charge d’un syndrome douloureux régional complexe se fait en équipe pluridisciplinaire : médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychologue si nécessaire.
Les 3 phases décrites plus haut ne sont pas systématiques, et les symptômes décrits ne seront pas forcements retrouvés chez tous les patients. Le diagnostic est donc complexe, chaque patient développe sa propre forme clinique du SDRC.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Généralité
1.2 Epidémiologie
1.3 Physiopathologie
1.4 Les différentes phases
1.5 Diagnostic
1.6 Les outils de mesure
1.7 Prévention
1.8 Traitement
1.9 La thérapie par le miroir
1.10 Hypothèses théoriques
1.11 Intérêt de cette revue
2 Méthode
2.1 Critères d’éligibilité des études pour cette revue
2.1.1 Population/ pathologie
2.1.2 Intervention
2.1.3 Comparateur
2.1.4 Critères de jugement
2.2 Méthodologie de recherches des études
2.2.1 Google Scholar
2.2.2 PubMed
2.2.3 Cochrane
2.2.4 PEDro
2.2.5 Mendeley
2.3 Méthode d’extraction et d’analyse des données
3 Résultats
3.1 Description des études
3.2 Etudes incluses
3.3 Risque de biais des études incluses
3.4 Effets de l’intervention sur les critères de jugement de cette revue
3.4.1 Critère de jugement principal
3.4.2 Critère de jugement secondaire
3.4.3 Taille de l’effet
4 Discussion
4.1 Analyse des principaux résultats
4.2 Applicabilité des résultats en pratique clinique
4.3 Qualité des preuves
4.4 Biais potentiels de la revue
5 Conclusion
5.1 Implication pour la pratique clinique
5.2 Implication pour la recherche
Bibliographie
Annexes