Les facteurs influençant le développement des fonctions exécutives
Différents facteurs peuvent influencer le développement des fonctions exécutives. Selon Duval, Bouchard et Pagé (2017), qui recensent de nombreux écrits, il existe trois types de facteurs : ceux propres à l’individu, ceux liés à l’environnement familial et ceux en lien avec l’environnement scolaire.
Les facteurs liés à l’enfant
Il existe des différences interindividuelles dans le développement des fonctions exécutives d’origine génétique et biologique. En ce sens, l’étude de Polderman et al.(2006) révèle la part importante des gènes dans le développement des FE puisque « l’héritabilité explique 50 % des variations dans les habiletés liées au fonctionnement exécutif, tant à 5 ans qu’à l’âge de 12 ans » (cités par Duval et al., 2017, p.124).
En outre, « le développement des fonctions exécutives semble intrinsèquement lié à la maturation du cortex préfrontal » (Chevalier, 2010, p.155) qui dépend elle-même de facteurs biologiques, dont l’âge et le sexe. En effet, les travaux de Diamond et al. (1997) et de Zelazo et al.(2003) abondent en ce sens. Ils corrèlent les différences d’habiletés cognitives avec le développement du cortex préfrontal (CPF) en fonction de l’âge des enfants (cités par Duval et al., 2017, p.124). Par ailleurs, la maturation du CPF serait également liée au sexe de l’enfant avec un décalage de deux ans en faveur des filles (Fourneret et Des Portes, 2017).
Les facteurs familiaux
Le cerveau des individus s’adapte en fonction des sollicitations de l’environnement dans lequel il évolue. Les jeunes enfants passant beaucoup de temps dans le cadre familial, il en devient d’autant plus important. Les études sur les facteurs familiaux prennent en compte deux aspects : le statut socioéconomique et le cadre familial. D’une part, plus le milieu social et le niveau d’études des parents sont élevés, plus les capacités exécutives des enfants seront élevées par rapport aux enfants de milieux plus modestes (Adrila et al.2005 ; Bernier et al., 2012 ; Noble, Norman, & Farah, 2005, cités par Duval et al., 2017, p.125). D’autre part, des « attitudes parentales comme la chaleur, la sensibilité et une discipline douce et non-coercitive sont liées à un attachement parent-enfant sécurisant et réciproque, en plus d’être associées à de meilleures FE chez l’enfant âgé de 3 ans » (Bernier et al., 2012, cités par Duval et al., 2017, p.125). Ainsi, la qualité des échanges avec l’enfant et un cadre familial accueillant constituent un environnement plus favorable au développement des fonctions exécutives.
Les facteurs scolaires
À l’instar des effets de l’environnement familial, Duval et al. (2017) supposent que l’environnement scolaire a également une influence sur le développement des FE. Certains projets, comme le Chicago School Readinessaux États-Unis, montrent que le climat de classe influence les habiletés liées aux fonctions exécutives (cités par Duval et al., 2017, p.127). Plus les enfants évoluent dans un environnement serein avec une organisation spatiale et temporelle lisible, des règles cohérentes et une part d’autonomie, plus ils seront à même de développer leurs capacités cognitives liées aux FE.
Aussi, lorsque l’enseignant est attentif aux besoins de ses élèves, qu’il interagit avec eux en les questionnant et en les encourageant, il contribue à renforcer les capacités de ses élèves dans les différentes fonctions exécutives (Duval et al., 2017). Ces effets s’expliquent parce que l’accompagnement de l’enseignant et le climat de classe serein constituent un soutien émotionnel pour les enfants. Moins stressés, ils gèrent mieux leurs émotions et leurs comportements grâce au cortex préfrontal et développent les habilités liées aux FE (Duval et al., 2017).
Si l’environnement scolaire peut influencer le développement des fonctions exécutives, le niveau des fonctions exécutives, quant à lui, conditionne la réussite scolaire des enfants.
L’implication des fonctions exécutives dans le milieu scolaire
Les fonctions exécutives participent au développement des différentes habilités cognitives, qu’elles soient liées aux interactions sociales, au langage oral et écrit ou aux mathématiques (CTREQ, 2018). C’est pourquoi Diamond (2016) considère qu’elles « représentent une des assises sur laquelle repose la réussite éducative » (cité par Duval et al., 2017, p.121). Chaque composante aide l’enfant à s’adapter et à se contrôler dans le milieu scolaire.
L’inhibition
L’inhibition prend une place importante dans la gestion du comportement de l’enfant dans lecadre scolaire. En effet, elle permet à l’enfant d’appliquer les règles et de se contrôler en inhibant les comportements inappropriés en faveur des actions exigées par le contexte scolaire (Duval et al., 2017). Grâce à ses capacités d’inhibition, l’enfant est donc capable de se retenir de courir en classe ou de bavarder avec son voisin mais aussi de rester assis à sa place et de lever la main pour demander la parole. L’inhibition favorise participe aussi à la résistance aux interférences. Elle permet donc aux élèves d’ignorer les stimuli visuels et auditifs alentours afin de se concentrer sur leur travail.
Les capacités d’inhibition auraient également une plus grande influence sur les compétences des enfants concernant la conscience phonologique, la reconnaissance des lettres ou encore en mathématiques, selon le CTREQ (2018).
La mémoire de travail
La mémoire de travail est grandement mobilisée dans les activités scolaires puisqu’elle permet de mémoriser une information afin de la modifier ou de la restituer dans un autre contexte. Elle est utilisée dans les différentes matières car elle permet, par exemple, de relier et d’assembler diverses informations issues d’un texte avec celles issues de la mémoire à long terme afin de comprendre un texte et ses inférences. Elle permet également de suivre un raisonnement comme pour effectuer un calcul mental ou retrouver l’orthographe d’un mot.
La flexibilité
La flexibilité mentale est la fonction exécutive qui permet à l’enfant de basculer entre différentes tâches. Elle « permet donc de désengager son attention vis-à-vis d’une tâche, afin de s’engager dans une nouvelle situation, en fonction des exigences de cette dernière » (Duval et al. 2017, p.122). Ainsi, dans le contexte scolaire, la flexibilité est utilisée à chaque changement de matière et/ou à chaque changement d’activité. Par exemple, lorsqu’il est demandé à l’élève de chercher le périmètre d’un carré, il fait appel à certaines informations pour appliquer la bonne formule mais il devra ensuite les inhiber pour déterminer l’aire.
Les puzzles
Définition et historique des puzzles
Pour les historiens, il est assez difficile de déterminer l’origine exacte du puzzle car elle fait l’objet de nombreuses polémiques. Toutefois, l’hypothèse la plus probable attribuerait son invention à un cartographe britannique. Dans les années 1760, John Spilsbury souhaitait faciliter l’apprentissage de la géographie. Pour ce faire, il colla des cartes sur des planches de bois et les découpa en suivant les frontières des pays et des mers. Ce procédé aurait donné son nom anglais au jeu, « jigsaw puzzle », dont les français n’ont gardé que la fin, « puzzle », pour désigner ce jeu, alors que les québécois utilisent la traduction « casse-tête ».
Cette invention conserve longtemps son aspect éducatif et prend peu à peu place dans les écoles françaises dès les années 1880. Puis, l’industrialisation et la découverte du carton, dans les années 1930, entrainent une forte baisse des coûts de fabrication et la démocratisation des puzzles pour le grand public, que ce soit avec un aspect pédagogique ou ludique. En 1990, les puzzles évoluent encore avec l’invention des puzzles en trois dimensions permettant de construire par exemple un globe terrestre ou un monument célèbre. Enfin, l’essor du numérique favorise aujourd’hui l’accès à une multitude de puzzles dématérialisés dont on ne peut plus perdre les pièces.
Aujourd’hui, le dictionnaire Larousse définit le puzzle comme un « jeu de patience, composé d’un grand nombre de fragments découpés qu’il faut rassembler pour reproduire un sujet complet ». Le joueur dispose d’un nombre précis de pièces à assembler les unes aux autres pour former une image ou un objet. Chaque pièce dispose d’une découpe unique afin de l’emboiter, sans forcer, avec les pièces voisines. Ce système permet un retour immédiat : si une pièce s’assemble avec les autres, elle est au bon endroit, sinon, elle correspond à une autre partie du puzzle. Le niveau de difficulté diffère d’un puzzle à un autre. Il dépend notamment des caractéristiques des pièces : leur nombre, leur taille, leur forme et les informations visuelles qu’elles présentent. Il dépend également de la taille finale du puzzle et de l’image qu’il représente. Plus celle-ci sera composée d’éléments variés et distincts, plus les pièces seront faciles à placer les unes par rapport aux autres. Enfin, lorsqu’un modèle est disponible, il est plus aisé d’assembler les pièces et ce d’autant plus si le modèle est à l’échelle.
Plus le nombre de pièces augmente, plus ce jeu sollicite des qualités de concentration, de patience et d’assiduité chez les joueurs. Cela pousse également les joueurs à établir des stratégies facilitant la résolution.
Les puzzles dans le milieu scolaire
Les puzzle entrent dans les écoles dès les années 1880 pour leur aspect éducatif. Ils portent à l’époque essentiellement sur des notions de géographie et d’histoire. Aujourd’hui, les programmes de l’école maternelle de 2015 incluent les puzzles dans le domaine d’apprentissage « Construire les premiers outils pour structurer la pensée ». Dans les attendus de fin de cycle, la compétence « Reproduire un assemblage à partir d’un modèle (puzzle, pavage, assemblage de solides) » est attendue dans la partie « Explorer des formes, des grandeurs, des suites organisées ». Les puzzles sont recommandés pour travailler les compétences d’observation et de reproduction d’un modèle ainsi que les notions de tri, de rangement et de repérage dans l’espace entre autres. Afin de répondre aux exigences des programmes et parce qu’ils développent de nombreuses compétences, les puzzles ont une place centrale dans les activités proposées aux élèves de maternelle. Bien qu’ils ne soient pas explicitement cités dans les programmes des cycles 2 et 3, les puzzles prennent également place au sein des écoles élémentaires par leur caractère
comparable à une situation problème. En effet, Richard (1997) considère qu’un espace problème est composé d’une situation initiale avec un but à atteindre, des actions possibles et des contraintes d’application. Ainsi, dans un puzzle, l’état initial correspond à l’ensemble des pièces étalées sur la table et le but est d’assembler toutes les pièces afin de reconstituer une image complète. Pour atteindre ce but, il est possible de manipuler les pièces, les assembler, les déplacer ou même de les retourner mais il existe aussi des contraintes liées principalement à la nature du puzzle. Par exemple, il n’est pas possible d’assembler une pièce à l’envers avec une pièce à l’endroit. Or, dans le Bulletin officiel spécial n°3 du 5 avril 2018, le ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse précise que « la résolution de problèmes […] engage les élèves à chercher, émettre des hypothèses, élaborer des stratégies, confronter des idées pour trouver un résultat ». Ainsi, les puzzles représentent des situations d’apprentissage amenant les élèves à s’engager, à élaborer des stratégies et à mobiliser leurs connaissances et leurs compétences dans le but de résoudre un problème. Ils favorisent alors l’acquisition et le développement de nouvelles compétences.
Les liens entre les fonctions exécutives et les puzzles
Les fonctions exécutives interviennent dans les situations nouvelles et permettent d’atteindre un but. Elles interviennent donc dans les activités de puzzle afin de résoudre le problème posé. Chaque composante agit sur un plan différent lors de la résolution.
L’inhibition
L’inhibition permet de se focaliser sur les informations pertinentes et d’occulter celles qui pourraient interférer avec le but recherché. Cela se produit, par exemple, lorsque le joueur recherche une pièce de couleur bleue, il ne prête aucune attention aux autres couleurs. Se faisant, elle facilite la recherche du joueur. L’inhibition permet également de se retenir d’effectuer les actions qui iraient à l’encontre du but à atteindre. Par exemple, elle empêche le joueur de forcer pour faire rentrer une pièce ou de saisir une pièce qui ne correspond pas aux critères de recherche mais qui serait attrayante.
La mémoire de travail
La mémoire de travail gère le raisonnement lors de la réalisation du puzzle. Grâce à elle, le joueur mémorise les critères d’observation et suit la logique recherche. Par exemple, elle stocke les éléments attendus « pièce jaune et verte » et « avec au moins trois encoches » et lorsqu’une pièce correspond aux critères de couleurs, le joueur vérifie ensuite le critère de forme, étape suivante de la logique de recherche.
La MdT permet également de mémoriser l’état d’avancement du puzzle et les tâches restées en suspens. Cela peut être le cas lorsque le joueur n’a pas terminé d’assembler les pièces qui constituent un personnage, faute de trouver des pièces de sa couleur et qu’il passe à une autre partie du puzzle. Lors de ses recherches suivantes, s’il voit des pièces de la couleur du personnage, il se souviendra de sa recherche précédente, qui n’avait pas abouti, et sera en mesure de reprendre le raisonnement et de placer la pièce correspondant au personnage.
La flexibilité
La flexibilité mentale permet à la fois de modifier la stratégie en cours et d’alterner dans les critères de recherche. En effet, lorsque le but intermédiaire que s’est fixé le joueur est trop difficile à atteindre en l’état, grâce à ses capacités de flexibilité, il peut changer de but et y revenir plus tard, modifiant alors sa stratégie de résolution. Ainsi, il ne persévère pas dans un but intermédiaire inadapté et pouvant le décourager de terminer le puzzle. Ce sont également ses capacités de flexibilité qui sont mises en jeu lorsque le joueur alterne entre les critères de formes et de couleurs lors de la recherche d’une pièce.
Problématique
Ainsi, les puzzles sont des tâches de résolution de problème qui sollicitent grandement les différentes composantes des fonctions exécutives. Nous pouvons donc émettre des hypothèses sur les liens possibles entre le niveau des enfants de maternelle dans les différentes fonctions exécutives et leurs performances de résolution au puzzle. Nous supposons donc que plus les enfants ont des capacités relatives aux fonctions exécutives élevées, plus ils seront rapides en résolution de puzzles. De cette hypothèse principale découlent trois hypothèses formulées pour chacune des composantes des fonctions exécutives :
L’inhibition
Les capacités d’inhibition, permettant entre autre de faciliter la recherche en se focalisant sur les critères les plus pertinents et de contrôler ses actions en direction du but à atteindre et non en fonction de facteurs affectifs, améliorent les performances de réalisation d’un puzzle.
La mémoire de travail
Les capacités de mémoire de travail, favorisant notamment la mise en mémoire des critères et des protocoles de recherche de pièces ainsi que le traitement de ces informations, influencent positivement les performances de résolution d’un puzzle.
La flexibilité
Les capacités de flexibilité, comme le fait de modifier sa stratégie de résolution en cours d’utilisation ou d’alterner entre les multiples critères de recherche optimise les performances en matière de résolution de puzzles.
Méthode
Afin de vérifier ces hypothèses, six professeurs des écoles stagiaires ont conduit une étude auprès de leurs élèves de maternelle, du mois de janvier et au mois de mars 2020.
Les participants
Dans le recueil de données final figurent les résultats de 82 élèves de maternelle, âgés de 36 à 73 mois au moment du premier test. Les enfants sont issus de six classes de maternelle des départements de la Savoie et de la Haute-Savoie et proviennent de milieux socio-culturels différents. Ils sont répartis dans les trois niveaux de maternelle comme suit :
• 13 élèves de petite section (8 filles, 5 garçons),
• 50 élèves de moyenne section (26 filles, 24 garçons),
• 19 élèves de grande section (7 filles, 12 garçons).
Le TEGP ou « Tête – Épaules – Genoux – Pieds »
Le test « Tête – Épaules – Genoux – Pieds » correspond à la traduction française, proposée par Clerc en 2016, du « Head – Toes – Knees – Shoulders » (édition originale anglaise de Cameron & McClelland, 2011). Ce test est composé de trois phases elles-mêmes divisées en trois temps : explications, entrainement et évaluation.
Pour commencer, l’examinateur vérifie la compréhension de l’enfant pour des consignes simples du type « Touche ta tête ». Il touche alors successivement sa tête et ses pieds tout en disant « Touche ta tête. Touche tes pieds. » pour inviter l’enfant à l’imiter. Une fois la compréhension validée, il peut lui expliquer le principe du test : il doit faire le contraire de ce que demande l’examinateur. Ainsi, lorsqu’il lui donne la consigne « Touche ta tête », l’enfant doit, au contraire, aller toucher ses pieds et inversement avec la consigne « Touche tes pieds ».
S’en suit un temps d’entrainement composé de six essais. Chaque fois que l’enfant réussit, il reçoit une validation orale de l’examinateur. Par contre, s’il se trompe, l’examinateur invalide sa réponse et lui répète la consigne selon des modalités précises. Lors de la première phase, il peut, si nécessaire, recevoir jusqu’à trois explications supplémentaires. Enfin, vient le temps d’évaluation. L’enfant ne reçoit alors ni corrections, ni explications supplémentaires de l’examinateur lors des dix items. S’il obtient au moins 4 points sur les 20 possibles, l’enfant accède à la deuxième phase, sinon, le test s’arrête là.
La deuxième phase débute, comme la première, en mimant l’examinateur qui touche en alternance ses épaules puis ses genoux. Puis, le même principe qu’en phase 1 s’applique : il faut faire le contraire de ce que demande l’examinateur et toucher ses genoux au lieu des épaules et inversement. Cette fois-ci, cinq essais permettent d’intégrer ces deux nouvelles consignes et l’enfant ne peut bénéficier que de deux explications supplémentaires. Lors du temps de test, les quatre consignes sont données à tour de rôle et les réponses de l’enfant sont comptabilisées. À nouveau, avec 4 points, l’enfant accède à la phase suivante, sinon, le test s’arrête là.
Lors de la dernière phase, les règles changent : la tête s’oppose maintenant avec les genoux et les épaules avec les pieds. L’enfant bénéficie alors de six essais pour intégrer ces quatre nouvelles consignes et éventuellement jouir de deux explications supplémentaires avant d’effectuer les dix items d’évaluation.
Le test de tracé de pistes Trail-P
Le Trail-P permet de mesurer conjointement la flexibilité et l’inhibition. Il correspond à une adaptation des tests de tracés de type « Trail Making Test » pour les enfants qui ne connaissent pas encore l’ordre alphabétique et/ou la suite numérique.
Le test nécessite six planches de tracés numérotées et se déroule en trois phases. Dans la première, le but est de relier par un trait des souris par ordre de taille, de la plus petite à la plus grande. Pour cela, une première planche de tracés permet à l’examinateur de faire une démonstration avec trois souris et de faire s’entrainer l’enfant avec les trois mêmes souris disposées autrement (annexe 2). Puis, vient un temps d’évaluation avec la deuxième planche où cinq souris sont à relier cette fois-ci. La consigne donnée est toujours de relier toutes les souris, de la plus petite à la plus grande, sans lever le crayon. Lorsque l’enfant se trompe, l’examinateur lui indique qu’il y a une erreur, sans pour autant l’expliquer, replace le stylo sur la dernière cible correcte et montre à l’enfant la prochaine cible à atteindre. La tâche évolue dans la deuxième phase. Le but est maintenant de relier, toujours par ordre croissant de taille, alternativement une souris, un fromage, une souris et ainsi de suite. Comme pour la première phase, un temps de démonstration et un temps d’entrainement se font sur la troisième planche avec seulement deux souris et deux fromages. Puis arrive l’évaluation avec cinq souris et cinq fromages sur la planche suivante (annexe 3). Enfin, dans la dernière phase, également divisée en trois étapes (démonstration, entrainement et évaluation), la tâche est complexifiée par la présence de personnages dits perturbateurs. L’enfant ne doit alors relier que les souris et les fromages, sans se préoccuper des autres animaux et de leur repas (annexe 4).
Pour faciliter le test, les souris ont toutes une couleur différente. De plus, l’ordre des couleurs de la plus petite à la plus grande est conservé d’une planche à l’autre. D’autre part, les fromages sont de la même couleur que la souris qui les précède.
Lors des moments d’évaluation, l’examinateur place le stylo de l’enfant sur la plus petite souris et déclenche le chronomètre. Il n’interrompt le chronomètre que lorsque toutes les cibles ont été reliées. Les temps sont relevés en secondes pour chaque phase.
Discussion
Six professeurs des écoles ont mené cette étude auprès de leurs élèves de maternelle. Les analyses portent sur les résultats de 82 élèves, âgés de 36 à 73 mois. Cette étude avait pour but d’observer la résolution d’un puzzle, ici considérée comme une situation problème, au regard des capacités relatives aux fonctions exécutives. Nous avons émis plusieurs hypothèses sur les liens entre les différentes composantes des FE et le temps de résolution d’un puzzle chez les enfants d’âge préscolaire.
‣Les enfants dont les capacités d’inhibition sont plus élevées sont les plus performants en résolution de puzzle.
‣Les enfants dont les capacités de mémoire de travail sont plus élevées sont les plus performants en résolution de puzzle.
‣Les enfants dont les capacités de flexibilité sont plus élevées sont les plus performants en résolution de puzzle.
Ces hypothèses conduisent à une hypothèse principale étant que les enfants dont les capacités exécutives sont plus élevées sont les plus performants en résolution de puzzle.
Discussion des résultats
Les analyses préliminaires effectuées dans le but de révéler un éventuel biais dans les résultats démontrent un effet de l’expérimentateur sur le temps de réalisation au puzzle. De nombreux éléments sont susceptibles d’expliquer ce phénomène. Tout d’abord, bien que les épreuves Scatterplot of Trail fromage – Trail contrôle against Temps puzzle extrapolé Fichier données Statistica_OK 23v*82c Trail fromage – Trail contrôle = 15.8601+0.0139*x; 0.95 Conf.Int. 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 Temps puzzle extrapolé Trail fromage – Trail contrôle Figure 5. Nuage de points illustrant la répartition des scores de flexibilité au Trail-P en fonction du temps de réalisation au puzzle aient été standardisées, il est possible que les six examinateurs aient agit différemment. Ainsi, par leurs propos, leurs attitudes ou leurs gestes, ils auraient éventuellement influencé l’état d’esprit des enfants, leur confiance en eux, leur niveau de stress ou encore leurs stratégies de résolution, modifiant in fineleurs résultats au puzzle. Ensuite, il est également possible que ces différences de résultas s’expliquent par l’environnement dans lequel évoluent les enfants.
En effet, les activités au sein des six classes varient fortement. Suivant le fonctionnement de leur classe, certains enfants réalisent des puzzles au moins une fois par jour, quand d’autres en réalisent plutôt une fois par semaine. Par conséquent, certains enfants seraient plus entrainés que les autres pour cette épreuve et auraient donc de meilleurs résultats. Enfin, nous savons que l’environnement familial influence le développement des fonctions exécutives des enfants, notamment le statut socioéconomique et le cadre familial. Or certaines écoles sont fréquentées par des familles plutôt aisées quand d’autres écoles sont fréquentées par des familles plus modestes. Au regard de nos hypothèses, cela serait donc susceptible de biaiser les résultats obtenus entre les différentes classes.
Les analyses préliminaires ne concernaient que le temps de réalisation au puzzle. Il aurait été intéressant d’observer aussi si des effets du sexe, de l’ordre au DCCS ou de l’examinateur existaient pour les différents tests de fonctions exécutives, ce qui aurait éventuellement fait ressortir une explication par rapport aux autres.
Si cet effet est majoritairement dû à l’expérimentateur lui-même, cela remet en cause l’existence de plusieurs examinateurs pour un même test et le fait que les enseignants euxmêmes réalisent ces tests. Toutefois, « l’évaluateur doit […] s’assurer d’avoir établi un bon contact avec l’enfant avant de procéder à l’évaluation afin d’obtenir une évaluation valide » (selon Monette et Bigras, 2008, p.327). Alors, si, de part sa fonction, l’enseignant a établi ce contact positif avec l’enfant, la difficulté réside principalement dans le fait qu’il doit, le temps des tests, troquer son statut d’enseignant pour celui de chercheur. Il ne doit plus viser la réussite de l’élève sur le long terme mais observer et analyser les capacités effectives de l’enfant à l’instant-T.
Les analyses de régression, quant à elles, semblent valider les différentes hypothèses émises.
La première hypothèse, reliant les capacités d’inhibitionaux performances au puzzle, a été validée avec les résultats au TEGP. En effet, plus le score d’inhibition au TEGP 1+2+3 est élevé, moins l’enfant met de temps à réaliser le puzzle. Le test du TEGP, où il faut se retenir de produire une réponse automatisée, et le puzzle partagent donc des processus cognitifs communs. Par contre, le score d’inhibition obtenu au Trail-P ne prédit pas les performances au puzzle. Cela semble indiquer que les processus d’inhibition mis en jeu pour éviter les cibles dans le Trail-P diffèrent des processus d’inhibition mis en jeu pour la réalisation d’un puzzle.
Le TEGP et le Trail-P mobilisent deux types d’inhibition différentes, ce qui explique cette différence de résultats entre les deux tests.
La deuxième hypothèse, reliant les capacités de mémoire de travail aux performances au puzzle, a été validée avec la moyenne des résultats aux tests d’empan, appelée ici mémoire de travail composite. En effet, plus le score de MdT composite est haut, plus l’enfant est rapide pour réaliser le puzzle entièrement. La mémoire de travail permet de maintenir en mémoire des informations de couleur et de forme ou sur l’état d’avancement du puzzle. Ainsi, plus ces capacités sont développées, plus le nombre d’informations mises en mémoire est important et plus il est facile et rapide de résoudre un puzzle.
La troisième hypothèse, reliant les capacités de flexibilité aux performances au puzzle, a été validée avec les scores au DCCS et au Trail-P. Contrairement à l’inhibition, les deux types de flexibilité, bien que différents, présentent des processus communs avec le puzzle. En effet, plus le score en phase 3 au DCCS est élevé, plus le temps de réalisation du puzzle est court. Il existe donc une similitude des tâches entre le DCCS et les puzzles, comme l’alternance de tri en fonction de la couleur et de la forme. Les résultats montrent également que plus la différence de temps entre la phase 2 et la phase 1 est importante, plus le temps de résolution du puzzle sera important également. Les deux tâches partagent donc des processus cognitifs concernant le changement attentionnel d’une catégorie sémantique à l’autre. Pour le Trail-P, l’enfant alterne ses recherches entre des souris et des fromages quand pour le puzzle, il doit par exemple alterner entre la recherche de l’emplacement puis de l’orientation de la pièce.
La validation des hypothèses pour chaque composante des fonctions exécutives corrobore l’hypothèse principale : plus un enfant a des capacités élevées en termes de fonctions exécutives, plus il sera performant en réalisation de puzzles.
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Table des matières
Introduction
1.Les fonctions exécutives et les puzzles
1.1.Les fonctions exécutives
1.1.1.Définitions des fonctions exécutives
1.1.2.Le développement des fonctions exécutives
1.1.3.Les facteurs influençant le développement des fonctions exécutives
1.1.4.L’implication des fonctions exécutives dans le milieu scolaire
1.2.Les puzzles
1.2.1.Définition et historique des puzzles
1.2.2.Les stratégies de résolution
1.2.3.Les intérêts cognitifs du puzzle
1.2.4.Les puzzles dans le milieu scolaire
1.3.Les liens entre les fonctions exécutives et les puzzles
2.Problématique
3.Méthode
3.1.Les participants
3.2.La procédure d’ensemble
3.3.Les tests et le matériel utilisés
3.3.1.Le TEGP ou « Tête – Épaules – Genoux – Pieds »
3.3.2.Le DCCS ou « Dimensional Change Card Sort »
3.3.3.Le test de tracé de pistes Trail-P
3.3.4.Les tâches d’empan mnésique inversé
3.3.5.Le puzzle
4.Résultats
4.1.Analyses préliminaires
4.2.Analyses de régression
4.2.1.Effets prédicteurs des scores d’inhibition sur le temps au puzzle
4.2.2.Effets prédicteurs des scores de MDT sur le temps au puzzle
4.2.1.Effets prédicteurs des scores de flexibilité sur le temps au puzzle
5.Discussion
5.1.Discussion des résultats
5.2.Apports professionnels
Conclusion
Bibliographie
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