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Adaptation ร l’environnement par le comportement
Les changements globaux actuels induisent des modifications environnementales importantes. Ces modifications peuvent conduire ร une diminution soudaine de la quantitรฉ de ressource alimentaire disponible [12]. Les changements globaux peuvent รฉgalement affecter des phรฉnomรจnes de type El-Nino [13] conduisant ร des phรฉnomรจnes climatiques imprรฉdictibles (ouragan, sรฉcheresse) qui affectent directement les sources de nourriture des individus ร la fois temporellement et quantitativement. Par exemple, des donnรฉes prรฉliminaires, relevรฉes sur plusieurs annรฉes, dans les forรชts tropicales sรจches du Mexique, montrent une diminution des prรฉcipitations durant la saison humide lors d’รฉpisodes climatiques de type El-Nino conduisant ร une moins grande diversitรฉ de plantes consommables par les grands herbivores [14]. Ces modifications, nรฉcessitent une adaptation temporaire, voire permanente des individus afin de survivre et se reproduire. La question de cette adaptation est centrale dans la recherche actuelle sur les modifications comportementales [15,16] d’autant que de nombreuses รฉtudes montrent que les changements environnementaux se produisent ร un rythme plus rapide que celui permettant l’adaptation de diffรฉrentes populations, ce qui peut entrainer des difficultรฉs ร รชtre performant dans le nouvel environnement [17โ20].
Plasticitรฉ comportementale
Afin de se maintenir au sein d’un environnement changeant, les individus doivent mettre en place une rรฉponse adรฉquate. La plasticitรฉ comportementale est un type de plasticitรฉ phรฉnotypique dรฉfinie comme la capacitรฉ pour un individu ร modifier son comportement en fonction des variations de l’environnement, permettant ainsi le maintien d’une haute performance le long de ce gradient environnemental [21]. Cette plasticitรฉ comportementale permet une rรฉponse adaptรฉe et relativement rapide aux variations de l’environnement, maximisant ainsi les chances de survie et de transmission des gรจnes. On distingue deux types de plasticitรฉ comportementale. Les rรฉponses innรฉes, qui sont mises en place sur plusieurs gรฉnรฉrations, correspondent ร des rรฉponses prรฉprogrammรฉes de l’organisme ร un stimulus, mettant en jeu des rรฉseaux neuronaux prรฉexistants [21,22] (Figure 1). A ces rรฉponses innรฉes sont opposรฉs les comportements dโapprentissage. Ces comportements se mettent en place au long de la vie d’un individu et nรฉcessitent la crรฉation de nouveaux rรฉseaux neuronaux [21,22] (Figure 1).
Deux mรฉcanismes permettent la crรฉation de ces rรฉseaux. La neurogenรจse est un processus de crรฉation de nouveaux neurones ร partir de cellules souches neurales. Ce mรฉcanisme, mis en รฉvidence chez de nombreuses espรจces ร l’รฉtat adulte, se dรฉroule principalement au sein du gyrus dentรฉ de l’hippocampe et de la zone sous-ventriculaire chez le mammifรจre adulte. Alors que les neuroblastes issus du gyrus dentรฉ restent au sein de cette structure pour se diffรฉrencier en neurones excitateurs (cellules granulaires), ceux issus de la zone sous-ventriculaire migrent par chaine vers le bulbe olfactif et se distribuent radialement avant de se diffรฉrencier en interneurones. Cependant ce processus serait minoritaire chez l’individu adulte [23โ 25] (Figure 2). La crรฉation de nouveaux rรฉseaux dรฉpend รฉgalement de la crรฉation de nouvelles synapses entre neurones dรฉjร prรฉsents et nouveaux neurones.
Fonctions cognitives, apprentissage et mรฉmoire
Le cerveau par ses caractรฉristiques cellulaires et fonctionnelles sert de base aux capacitรฉs cognitives. Les capacitรฉs cognitives sont dรฉfinies comme la capacitรฉ d’un organisme ร percevoir, mรฉmoriser et utiliser les informations issues des caractรฉristiques de son environnement [40]. Cette description montre le rรดle central des capacitรฉs cognitives dans l’adaptation d’un organisme ร son environnement lui permettant d’augmenter son succรจs reproducteur ou d’optimiser sa recherche de nourriture [41]. Les capacitรฉs cognitives comportent au sens large la perception de l’environnement, l’apprentissage, la mรฉmorisation et la prise de dรฉcision. La perception, stable dans le temps, est utile pour les deux types de plasticitรฉ comportementale afin d’รฉchantillonner l’environnement. Nous nous intรฉresserons principalement ร l’apprentissage et ร la mรฉmoire qui doivent, quant ร eux, รชtre trรจs modulables pour permettre une rรฉponse adรฉquate, faisant de ces deux fonctions de bons marqueurs de plasticitรฉ comportementale par apprentissage.
L’apprentissage est dรฉfini comme la capacitรฉ pour un individu ร acquรฉrir de nouvelles informations et de modifier ses connaissances en codant ces informations avec une reprรฉsentation neurale [42]. Il en rรฉsulte une variation durable du comportement basรฉe sur les expรฉriences permises par la mรฉmoire. La mรฉmoire est dรฉfinie comme la capacitรฉ ร stocker une information nouvellement apprise dans la mรฉmoire ร court terme ou ร la consolider dans la mรฉmoire ร long terme par des changements neuronaux [43]. On distingue deux catรฉgories de mรฉmoire suivant les expรฉriences qui y sont associรฉes. La premiรจre est la mรฉmoire procรฉdurale et correspond ร une forme de mรฉmoire inconsciente portant sur les habiletรฉs motrices et les savoir-faire (mรฉmoire des sรฉquences de contractions musculaires pour un mouvement, mรฉmoire de la syntaxe linguistique). La seconde est la mรฉmoire dรฉclarative et correspond ร la mรฉmoire des faits et concepts mais aussi des expรฉriences vรฉcues (mรฉmoire des noms, visages, รฉvรฉnements avec leur contexte)
[43]. L’acquisition des informations entrant dans ces diffรฉrentes catรฉgories implique diffรฉrents systรจmes cรฉrรฉbraux. En effet, chez l’Homme, il a dรฉjร รฉtรฉ observรฉ une sรฉvรจre perturbation des apprentissages et de la mรฉmoire dรฉclarative alors que les apprentissages et la mรฉmoire procรฉdurale sont restรฉs intacts [43,44]. Ces systรจmes relรจvent de structures cรฉrรฉbrales diffรฉrentes suivant les types d’apprentissage et de mรฉmoire considรฉrรฉs. Il semblerait que la mรฉmoire dรฉclarative repose principalement sur le cortex et l’hippocampe alors que les circuits de la mรฉmoire procรฉdurale sont trรจs variรฉs et dรฉpendants de l’expรฉrience ร encoder [44].
L’acquisition de nouvelles informations par l’apprentissage est permise par des changements physiologiques rรฉversibles dans le systรจme nerveux responsable de la mรฉmoire ร court terme. Leur consolidation dans la mรฉmoire ร long terme semble se faire principalement par des modifications pรฉrennes de l’intensitรฉ du lien entre neurones au sein des synapses. En 1949, Hebb propose que lorsque deux neurones sont actifs en mรชme temps et de faรงon rรฉpรฉtรฉe, des modifications interviennent, de sorte que, aprรจs un certain nombre de stimulations, l’activitรฉ d’un des neurones entraine l’activitรฉ de l’autre rendant le lien entre les deux neurones puissant [45]. Peu de temps avant, en 1948, Konorski avait dรฉjร proposรฉ que la plasticitรฉ neuronale induite par l’association rรฉpรฉtitive de stimuli, pouvait รชtre le fruit de la transformation d’un pool de connexions synaptiques potentielles en connexions synaptiques fonctionnelles par des changements morphologiques [46]. Le renforcement pรฉrenne du lien entre neurone prรฉ- et post-synaptique est appelรฉ potentialisation ร long terme ou LTP (Long Term Potentiation), et est permis par des modifications structurales des synapses. Il est largement considรฉrรฉ que la LTP est un des mรฉcanismes majoritaires sous-jacent ร l’apprentissage et ร la mรฉmoire mรชme si, ร ce jour, les mรฉcanismes induisant ce phรฉnomรจne restent encore mal connus [47].
Comme nous l’avons vu prรฉcรฉdemment, la LTP est permise par des modifications structurales des synapses. Cette plasticitรฉ synaptique est principalement due ร des flux d’ion calcium Ca2+ au niveau des terminaisons post-synaptiques [48,49]. Cette entrรฉe d’ions Ca2+ se fait au niveau de deux types de rรฉcepteurs post-synaptiques : les rรฉcepteurs au N-mรฉthyl-D-aspartate (NMDA) et les canaux calciques voltage dรฉpendants de type L (VGCC). Lorsque la membrane post-synaptique est au repos, le flux de calcium ร travers les rรฉcepteurs NMDA est empรชchรฉ par l’action du magnรฉsium. Cependant, si le neurone prรฉ-synaptique libรจre du glutamate, il se lie ensuite au rรฉcepteurs NMDA et les activent au moment de la dรฉpolarisation de la membrane. L’inhibition du magnรฉsium est alors levรฉe et le calcium entre dans le neurone post-synaptique. Ce flux de calcium est un bon indicateur d’activitรฉ simultanรฉe des neurones prรฉ- et post-synaptiques. La dรฉpolarisation de la membrane post-synaptique active รฉgalement les VGCC laissant entrer les ions calcium Ca2+ [47] (Figure 3). Cette entrรฉe d’ions Ca2+ active des protรฉines kinases qui elles mรชme activent des facteurs de transcription qui contribuent ร la synthรจse protรฉique (Figure 3). Elle permet รฉgalement la rรฉorganisation du cytosquelette comme par exemple la polymรฉrisation des filaments d’actine qui induit des rรฉarrangements du cytosquelette permettant la mise en place de nouvelles structures synaptiques [50] (Figure 4).
Une fois stockรฉes dans la mรฉmoire ร long terme, les informations doivent รชtre accessibles pour une utilisation future. Le rappel d’une information stockรฉe dans la mรฉmoire ร long terme est le fruit de l’interaction entre un indice de rappel et une reprรฉsentation interne permettant la reconstruction de l’information [51]. Dans le cas d’un test de mรฉmoire, un indice est fourni ร l’individu qui doit se souvenir de ce qu’il a appris auparavant. L’indice fourni permet alors de dรฉclencher les processus de rappel de l’information apprise. Il semblerait que les rรฉseaux mis en place lors de l’apprentissage soient utilisรฉs lors du rappel [52,53]. Cependant les mรฉcanismes cellulaires sous jacents sont encore peu connus et sont sujets ร dรฉbat. Cโest le cas du rรดle des rรฉcepteurs au glutamate tels que les rรฉcepteurs AMPA et NMDA. En effet une รฉtude a montrรฉ que le blocage des rรฉcepteurs AMPA de l’hippocampe 10 minutes avant un test perturbe le rappel d’une tรขche d’รฉvitement [54]. De mรชme, l’inactivation de ces mรชme rรฉcepteurs avant un test de mรฉmoire spatiale dans une piscine de Morris diminue la capacitรฉ de rappel des individus [55]. D’autres rรฉcepteurs au glutamate, les NMDA, essentiels pour les processus d’apprentissage et de consolidation de la mรฉmoire, ne semblent, quant ร eux, pas prendre part au processus de rappel [54,56]. De faรงon similaire le rรดle des protรฉines kinases dans les processus de rappel est lui aussi dรฉbattu dans des รฉtudes montrant que l’ajout d’un inhibiteur sรฉlectif des ces molรฉcules au sein de l’hippocampe empรชche le rappel d’une tรขche d’รฉvitement chez le rat [57]. Au contraire, l’ajout d’un inhibiteur sรฉlectif de ces protรฉines au niveau de l’amygdale ne perturbe pas le rappel de souvenirs associรฉs ร un sentiment de peur chez le rat [58]. Dans ce contexte, la neurogรฉnรจse adulte pourrait รฉgalement jouer un rรดle important, puisquโil a รฉtรฉ dรฉmontrรฉ, chez le rongeur adulte, que le recrutement dโune population de neurones hippocampiques nouvellement crรฉรฉs sโorganise en un rรฉseau fonctionnel qui sโintรจgre de maniรจre durable dans les circuits de la mรฉmoire et qui contribue au rappel et au renforcement de la mรฉmoire spatiale prรฉcedemment encodรฉe. Le phรฉnomรจne de neurogรฉnรจse pourrait donc รชtre un mรฉcanisme essentiel dans la mise en place de la plasticitรฉ comportementale acquise [59].
Ce qu’il faut retenir :
Les fonctions cognitives permettent ร l’individu de s’adapter ร son environnement. Par l’apprentissage et la mรฉmoire il peut faire face ร la fois ร de nouvelles situations ou rรฉagir de faรงon adรฉquate ร des expรฉriences dรฉjร vรฉcues. L’apprentissage et la mรฉmoire sont des processus complexes basรฉs sur des modifications physiologiques et morphologiques du systรจme nerveux. Lors de l’acquisition de nouvelles informations, des processus physiologiques permettent une rรฉtention de courte durรฉe. Des modifications morphologiques des liens synaptiques entre les neurones stimulรฉs lors de l’apprentissage permettent de consolider cette acquisition et de stocker ces informations pour une durรฉe plus importante dans la mรฉmoire ร long terme. Ces informations pourront ensuite รชtre accessibles ร l’aide d’indices qui permettront leur rappel.
En conclusion :
Dans des environnements changeants, les individus doivent s’adapter en permanence pour survivre et se reproduire. Cette adaptation est possible grรขce ร la plasticitรฉ comportementale correspondant ร un changement de comportement en rรฉponse ร des modifications de l’environnement. Il existe deux types de plasticitรฉ comportementale, ayant chacune des coรปts et bรฉnรฉfices propres et รฉtant chacune adaptรฉe ร un contexte particulier de changement environnemental. Dans le cadre actuel des changements globaux, les variations de l’environnement sont plus frรฉquentes et imprรฉvisibles, poussant les individus ร s’adapter en permanence. Ces derniรจres peuvent entrainer des modifications dans la quantitรฉ et la qualitรฉ des ressources alimentaires disponibles qui pourront contraindre ou favoriser l’adaptation des individus. Cette influence de l’alimentation provoquera alors des effets visibles sur le comportement dont les bases seront vraisemblablement neurales. Des marqueurs de plasticitรฉ comme l’horloge biologique ou les fonctions cognitives reprรฉsentent de bons systรจmes permettant d’รฉtudier l’impact des variations alimentaires. Ces systรจmes sont, en effet, particuliรจrement importants dans l’adaptation de l’individu ร son environnement et semblent coรปteux. Ils seraient donc particuliรจrement sensibles ร des modifications de l’alimentation, en particulier celles modifiant l’apport รฉnergรฉtique cรฉrรฉbral.
Modifications alimentaires
L’รฉtude de l’impact des modifications alimentaires sur le comportement et le fonctionnement du cerveau est un domaine encore peu explorรฉ. La mise en place de ces รฉtudes est en partie basรฉe sur l’observation d’effets bรฉnรฉfiques de l’alimentation sur les populations humaines. Ainsi, bien que la premiรจre รฉtude sur la restriction calorique exercรฉe sur des rats, et dรฉmontrant une augmentation de l’espรฉrance de vie des sujets restreints, ait รฉtรฉ conduite en 1935 [60], peu d’รฉtudes se sont intรฉressรฉes au sujet avant la dรฉcouverte de la forte prรฉvalence de personnes รขgรฉes en bonne santรฉ ainsi que de centenaires sur l’รฎle d’Okinawa au Japon par les Amรฉricains aprรจs guerre. En effet, cette population prรฉsente une trรจs longue espรฉrance de vie (86 ans pour les femmes et 76 ans pour les hommes) ainsi qu’un fort taux de centenaires (34 pour 100 000 habitants soit trois fois plus que le taux franรงais). Le rรฉgime des habitants dโOkinawa est basรฉ sur un prรฉcepte traditionnel recommandant de terminer les repas avant satiรฉtรฉ et se compose de nombreux macro- et micro-nutriments de grande qualitรฉs, issus des produits de la mer (fruits de mer, riches en acides gras polyinsaturรฉs et algues) et de vรฉgรฉtaux riches en vitamines et polyphรฉnols [61], Lโobservation de cette population a probablement provoquรฉ un regain d’intรฉrรชt pour l’รฉtude des effets de la restriction calorique. De plus cette longรฉvitรฉ est accompagnรฉe par une faible prรฉvalence des pathologies de type diabรจte ou cardiopathies et les habitants รขgรฉs restent performants physiquement et mentalement plus longtemps [62]. De mรชme, l’observation de la faible prรฉvalence de cardiopathies chez les Esquimaux Groenlandais, dont le rรฉgime est riche en graisses de poissons et de mammifรจres marins, correspond ร une des premiรจres รฉtudes sur les effets des acides gras polyinsaturรฉs de type n-3 (AGPI n-3)
[63]. L’expansion des travaux dans ce domaine, dรฉbutรฉe dans les annรฉes 1990 a รฉgalement mis en avant le rรดle majeur des acides gras et plus particuliรจrement celui des AGPI n-3 dans le dรฉveloppement et le fonctionnement optimal du cerveau [64]. Ainsi lโimpact de modifications alimentaires ร la fois quantitatives et qualitatives sur la plasticitรฉ comportementale est particuliรจrement intรฉressant ร รฉtudier car il peut affecter directement le cerveau.
Restriction calorique
Comme nous l’avons vu prรฉcรฉdemment, la premiรจre รฉtude sur la restriction calorique a รฉtรฉ mise enย place en 1935 chez le rat [60]. Cette รฉtude montre une augmentation de la longรฉvitรฉ chez des rats restreints ร 40% ร partir du sevrage par rapport ร ceux maintenus avec une alimentation ad-libitum. Depuis, les recherches sur le sujet sont florissantes. La restriction calorique est dรฉfinie comme une diminution de la quantitรฉ alimentaire disponible sans malnutrition. C’est-ร -dire que la proportion relative des nutriments prรฉsents dans l’alimentation est conservรฉe lors de la baisse de l’apport calorique. Cette dรฉfinition a entrainรฉ la mise en place de nombreux protocoles permettant d’obtenir une variation de l’apport alimentaire sans malnutrition. Le protocole le plus utilisรฉ correspond ร une diminution de l’apport global d’un certain pourcentage (gรฉnรฉralement entre 30 et 60%) avec la nourriture disponible jusqu’ร รฉpuisement de la ration. Un protocole alternatif consiste ร restreindre l’accรจs ร la nourriture dans le temps. Cette restriction correspond ร une alternance de pรฉriodes de jeรปne et de pรฉriodes d’alimentation normale permettant une diminution globale de l’apport calorique. Outre les variations dans la quantitรฉ, les รฉtudes font รฉgalement varier la durรฉe de restriction qui peut durer de quelques jours ร la durรฉe de la vie de l’individu. La restriction calorique ร court terme a รฉtรฉ trรจs peu รฉtudiรฉe. La majoritรฉ des รฉtudes porte sur ses effets physiologiques et comportementaux ร long terme. Ces derniรจres, menรฉes sur de nombreuses espรจces, nous permettent cependant de comprendre ce phรฉnomรจne et seront รฉgalement dรฉveloppรฉes dans les paragraphes suivants.
Effets physiologiques et cellulaires de la RC
Du fait de l’effet de la restriction calorique sur la longรฉvitรฉ des organismes qui y รฉtaient soumis, de nombreuses รฉquipes de recherche se sont intรฉressรฉes aux mรฉcanismes physiologiques sous-jacents. Chez la levure, la rรฉduction du pourcentage de glucose de 2% ร 0,5% dans le substrat entraine un changement des voies mรฉtaboliques, conduisant les levures utilisant la fermentation ร utiliser la respiration mitochondriale [65]. Cette utilisation prรฉfรฉrentielle conduit ร l’activation d’une protรฉine (Sir2, Sillent mating type Information Regulation two protein) de la famille des sirtuines, famille associรฉe ร des modifications de longรฉvitรฉ dans diffรฉrentes รฉtudes. Cette mรชme famille des sirtuines, lorsqu’elle est surexprimรฉe, conduit ร une augmentation de la longรฉvitรฉ chez des vers nรฉmatodes caenorhabditis elegans [66], augmentation de la longรฉvitรฉ que l’on retrouve รฉgalement lorsque cette espรจce est soumise ร une restriction calorique [67].
Chez les rongeurs, de nombreuses รฉtudes se sont รฉgalement intรฉressรฉes aux sirtuines. Parmi les sept sirtuines prรฉsentent chez les mammifรจres, il a รฉtรฉ montrรฉ que l’expression de deux autres protรฉines de la famille des sirtuines (SIRT1et SIRT6) รฉtait en lien avec les effets bรฉnรฉfiques de la restriction sur la longรฉvitรฉ ร la fois chez le rat sous restriction calorique pendant au moins un an et chez des souris aprรจs 24h de jeune [68,69]. Une autre voie d’action de la restriction calorique chez les rongeurs serait la voie de l’insuline. Cette hypothรจse est actuellement supportรฉe par diffรฉrentes รฉtudes [70โ72]. La restriction calorique entrainerait une diminution de l’IGF-1 (insulin like growth factor-1) qui retarderait les effets cellulaires du vieillissement comme l’apoptose, la progression tumorale ou encore les effets mรฉtaboliques liรฉs ร l’รขge [72,73]. Cependant quelques รฉtudes montrent des effets nรฉgatifs de la restriction calorique, comme celle de Hunt et al. (2011) [74] qui montre qu’une diminution des apports ร hauteur de 40% depuis le sevrage rรฉduit les capacitรฉs de cicatrisation des rats ayant subi une coupure mais que cet effet peut รชtre rรฉduit si les rats retrouvent une alimentation normale 48h avant la blessure.
Chez les primates, les รฉtudes les plus complรจtes actuellement sont deux รฉtudes dรฉbutรฉs il y environ 30 ans ร l’institut national du vieillissement ร Baltimore et ร l’universitรฉ du Wisconsin ร Madison sur des colonies de macaques rhรฉsus soumis ou non ร une restriction de 30% sans malnutrition ร partir de leur entrรฉe dans l’รขge adulte. Bien que les rรฉsultats de ces รฉtudes sur la longรฉvitรฉ des individus diffรจrent [75], les animaux restreints des deux รฉtudes prรฉsentent des adaptations physiologiques et cellulaires telles qu’une augmentation de la sensibilitรฉ ร l’insuline [76], une diminution des dommages causรฉs par les radicaux libres [77], une diminution des rรฉactions inflammatoires [78], et un plus faible dรฉclin du systรจme immunitaire avec l’รขge [79]. Quelques effets nรฉgatifs sont รฉgalement ร noter sachant que la restriction calorique retarde la pubertรฉ chez les mรขles de cette espรจce et freine รฉgalement la croissance osseuse [80,81]. Chez le microcรจbe, on note une augmentation de la longรฉvitรฉ des individus soumis ร une restriction calorique de 30% ร partir de l’รขge adulte (donnรฉes du projet Restrikal de lโUMR CNRS-MNHN 7179 non publiรฉes). Chez l’Homme, on retrouve des effets similaires d’une restriction calorique modรฉrรฉe sur le long terme avec des pertes d’adipositรฉ, une augmentation de la sensibilitรฉ ร l’insuline, une diminution du stress oxydatif et un meilleur fonctionnement cardiovasculaire [82].
Au niveau cรฉrรฉbral, de nombreux changements physiologiques et fonctionnels ont รฉgalement รฉtรฉ observรฉs durant une restriction calorique. Par exemple, des neurones de rat nourris avec du sรฉrum de rat prรฉlevรฉ aprรจs 12h de jeรปne prรฉsentent une augmentation de leur mรฉtabolisme respiratoire [83]. De mรชme, le mรฉtabolisme du glutamate dans lโhippocampe chez le rat est augmentรฉ aprรจs une restriction calorique de 12 semaines [84]. Il a รฉgalement รฉtรฉ montrรฉ qu’une restriction calorique augmenterait la survie des neurones par une augmentation de la rรฉsistance aux rรฉsidus mรฉtaboliques chez la souris nourrie un jour sur deux pendant 6 ร 8 mois [85] ou encore par la production d’inhibiteur de l’apoptose des neurones chez le rat aprรจs 22 mois de restriction ร 40% [86]. Finalement un moindre apport calorique stimulerait la neurogenรจse et faciliterait la plasticitรฉ synaptique chez la souris [85,87] ceci pouvant รชtre liรฉ ร l’augmentation de l’expression de SIRT1 lors d’une restriction [88]. En effet, cette protรฉine joue un rรดle majeur dans des processus tels que la rรฉparation de l’ADN, la survie cellulaire, la neurogenรจse ou le remodelage de la chromatine qui permettent la sauvegarde de l’intรฉgritรฉ cรฉrรฉbrale contribuant au maintien de hautes capacitรฉs cognitives et de la plasticitรฉ synaptique [89]. Ces effets bรฉnรฉfiques peuvent mรชme aller jusqu’ร la diminution des dรฉpรดts amyloรฏdes dans le cas de souris modรจles de la maladie d’Alzheimer restreintes progressivement de 10% ร 40% sur 4 semaines puis maintenues ร 40% pendant 14 semaines [90]. Ceci n’est cependant pas vรฉrifiรฉ chez le macaque rhรฉsus, chez qui, la restriction calorique ร 30% depuis le sevrage diminue la prolifรฉration d’astrocytes et les dรฉpรดts ferriques mais pas les dรฉpรดts amyloรฏdes [91,92].
Effets de la RC sur l’horloge biologique
La restriction calorique ayant fait l’objet de nombreuses รฉtudes, le lien entre celle-ci et le fonctionnement de l’horloge biologique a lui aussi รฉtรฉ grandement รฉtudiรฉ. Koubi et al. (1991) [93] ont montrรฉ que des rats soumis ร une pรฉriode de jeรปne total (10 ร 20 jours) et gardรฉs sous des cycles lumiรจre/obscuritรฉ constants montraient une augmentation de leur activitรฉ locomotrice spontanรฉe durant la phase de lumiรจre mais la rรฉduisait lors de la phase d’obscuritรฉ suggรฉrant un effet du jeune sur le fonctionnement et la synchronisation de l’horloge biologique. Cette hypothรจse a ensuite รฉtรฉ confirmรฉe par les travaux de Caldelas et al. (2005) [94] montrant qu’une restriction calorique de 50% pendant 4 semaines et oรน la nourriture รฉtait distribuรฉe chaque jour ร la mรชme heure synchronisait l’horloge biologique centrale chez le rat par modulation de l’expression rythmique des gรจnes impliquรฉs dans le fonctionnement de l’horloge biologique. Des rรฉsultats similaires ont รฉtรฉ obtenus chez la souris oรน l’expression rythmique des gรจnes impliquรฉs dans les rythmes circadiens รฉtait รฉgalement rรฉgulรฉe par une alimentation hypocalorique de 30% infรฉrieure ร celle des individus contrรดle prรฉsentรฉe au cours de la nuit sur une durรฉe de deux mois [95]. Cet effet sur les noyaux suprachiasmatiques et les gรจnes impliquรฉs dans le fonctionnement de l’horloge biologique entrainent des modifications comportementales visibles de l’activitรฉ locomotrice spontanรฉe. Dans diffรฉrentes รฉtudes, effectuรฉes sur des mammifรจres nocturnes comme diurnes, il a รฉtรฉ montrรฉ un changement comportemental avec utilisation d’une nouvelle niche temporelle pour le nourrissage correspondant ร cette nouvelle synchronisation [39]. Cependant, mรชme si la restriction calorique semble impacter la synchronisation de l’horloge biologique centrale, une รฉtude a montrรฉ que des souris soumises ร une restriction de 60% se resynchronisaient sur un rythme lumiรจre obscuritรฉ en deux jours alors que les individus du groupe contrรดle ne se resynchronisaient que le troisiรจme jour [96]. La resynchronisation de l’horloge biologique centrale sur les rythmes de lumiรจre peut cependant รชtre perturbรฉe par la restriction calorique par altรฉration des rรฉponses ร la lumiรจre et des oscillations dans l’expression des gรจnes de l’horloge. Dans une รฉtude de Mendoza et al. (2005), des souris restreintes ร 34% pendant 3 semaines et nourries 6 heures aprรจs le dรฉbut de la phase de lumiรจre, montraient des modifications de l’expression induite par la lumiรจre des gรจnes de l’horloge dans les noyaux suprachiasmatiques [97].
En parallรจle aux restrictions classiques, certaines รฉtudes ont restreint la prรฉsentation de la nourriture temporellement. Il est communรฉment dรฉcrit que la restriction calorique entraine une faim suffisante pour que la nourriture prรฉsentรฉe soit consommรฉe rapidement aprรจs sa prรฉsentation ce qui la rend aussi restreinte dans le temps. Ainsi, aux effets de la restriction calorique sur l’horloge biologique s’ajouteraient des effets de la restriction temporelle du nourrissage (Figure 5) [39]. En effet, cette restriction temporelle de l’alimentation a รฉgalement un impact sur les oscillateurs pรฉriphรฉriques, les rythmes veille/activitรฉ ou les rythmes de tempรฉrature corporelle. Cependant dรจs que la nourriture n’est plus restreinte temporellement, la resynchronisation sur le rythmes de l’horloge centrale se fait immรฉdiatement [98].
Effets physiologiques et cellulaires des AGPI n-3
La majeure partie des รฉtudes sur les AGPI n-3 a portรฉ sur les effets de ces acides gras sur les tissus nerveux et plus particuliรจrement au niveau du cerveau. Il a ainsi รฉtรฉ dรฉmontrรฉ que ces nutriments jouaient un rรดle important dans un dรฉveloppement optimal du systรจme nerveux [64]. Par ailleurs, il a รฉtรฉ montrรฉ qu’un rรฉgime alimentaire ne comprenant pas d’ALA provoquait une diminution de la teneur en DHA dans les phospholipides des membranes cellulaires chez le rat en dรฉveloppement [114]. Cependant, cette diminution est moins importante ร l’รขge adulte oรน la quantitรฉ de DHA se maintient alors qu’elle chute dans les autres organes comme le foie [114]. De plus, cette diminution affecte diffรฉrentiellement les diffรฉrentes zones du cerveau. Par exemple chez le rat une diminution des apports en AGPI n-3 sur deux gรฉnรฉrations de femelles entraine une diminution plus importante du DHA dans les phospholipides des membranes du striatum comparรฉes ร ceux du cortex frontal [115]. Cependant cet effet est rรฉversible chez le rat comme chez la souris quand bien mรชme les animaux sont carencรฉs sur plusieurs gรฉnรฉrations [116,117]. Dans ces deux รฉtudes, les animaux dรฉficients en AGPI n-3 retrouvaient une concentration normale de ces acides gras dans le cerveau aprรจs une pรฉriode de supplรฉmentation. Ceci est en partie du ร des adaptations rendant le renouvellement des acides gras cรฉrรฉbraux plus lents en pรฉriode de diminution des apports en AGPI n-3 ou encore par la mobilisation des rรฉserves corporelles en AGPI n-3 pour รฉviter la diminution de ces derniers dans les centres nerveux [118,119]. En tant que constituant des membranes, les AGPI n-3 peuvent รฉgalement influer sur les protรฉines membranaires. Il a รฉtรฉ montrรฉ qu’une dรฉficience ou un excรจs d’AGPI n-3 pouvait moduler l’action de la pompe Na/K ATPase qui permet la restauration du potentiel de repos des neurones aprรจs stimulation [114]. Dans cette รฉtude, un rรฉgime enrichi en huile de tournesol pauvre en AGPI n-3 entrainait une diminution de 20% du fonctionnement de cette pompe chez le rat. Cette รฉtude a aussi montrรฉ une moindre activitรฉ d’autres protรฉines membranaires que l’on retrouve dans d’autres รฉtudes [120]. Une dรฉficience en AGPI n-3 pourrait รฉgalement รชtre liรฉe ร un moindre captage du glucose au niveau cรฉrรฉbral chez le rat, dรป notamment ร une diminution de la quantitรฉ de lโun des principaux transporteurs de glucose du systรจme nerveux central, le transporteur GLUT1 qui peut aller jusque 30% chez le rat [121,122]. Cependant cette diminution pourrait รฉgalement รชtre rรฉversible comme le suggรจre l’รฉtude de Pifferi et al. (2007) qui montre une surexpression de 30% de ce transporteur chez des rats supplรฉmentรฉes en AGPI n-3 [122]. Un dรฉficit รฉnergรฉtique, causรฉ par une dรฉficience en AGPI n-3, peut รฉgalement provenir d’une diminution de la production d’ATP par phosphorylation oxydative. Dans une รฉtude de Ximenes da Silva et al. (2002) il a รฉtรฉ montrรฉ qu’un rรฉgime carencรฉ en AGPI n-3 provoquait une diminution de 30% ร 50% de la concentration en DHA au niveau du cortex fronto-pariรฉtal, de l’hippocampe et du noyau suprachiasmatique provoquant une diminution de 20% ร 40% de l’activitรฉ de la cytochrome oxydase de la chaine respiratoire dans ces 3 rรฉgions cรฉrรฉbrales chez le rat [123]. Le dรฉficit d’AGPI n-3 au niveau des membranes entraine รฉgalement un changement dans le ratio AGPI n-6/ AGPI n-3. Ce changement peut avoir pour consรฉquence une moindre sensibilitรฉ des membranes ร un stimulus. C’est le cas par exemple du nourrisson prรฉmaturรฉ chez lequel un changement du ratio AGPI n-6/ AGPI n-3, provoquรฉ par l’ingestion de diffรฉrents laits expรฉrimentaux riches en AGPI n-6, a provoquรฉ une baisse de sensibilitรฉ des cellules photoreceptrices dont la membrane est, en temps normal, riche en DHA [124].
Les AGPI n-3 jouent รฉgalement un rรดle dans la prรฉservation du cerveau. Une รฉtude a montrรฉ que la supplรฉmentation en AGPI n-3 ร travers l’ingestion d’un rรฉgime au ratio AGPI n-6/ AGPI n-3 biaisรฉ en faveur de ces derniers conduisait ร une augmentation de le neurogenรจse chez le homard [125]. Chez la souris, il a รฉgalement รฉtรฉ montrรฉ qu’un rรฉgime enrichi en AGPI n-3 prรฉvenait l’inflammation dans l’hippocampe des individus supplรฉmentรฉs et prรฉservait la neurogenรจse ainsi que la plasticitรฉ synaptique de souris transgรฉniques [126]. De plus, le DHA est, comme nous l’avons vu un prรฉcurseur de molรฉcules comme la neuroprotectine D1 ayant un rรดle positif sur la survie neuronale en empรชchant, par exemple, la sรฉcrรฉtion trop importante de peptides amyloรฏdes Aฮฒ et l’expression de certains gรจnes impliquรฉs dans l’apoptose de la cellule nerveuse [127]. Finalement, les AGPI n-3 peuvent avoir un effet sur la neurotransmission dans les voies dopaminergiques, sรฉrotoninergiques et cholinergiques. Les รฉtudes se sont intรฉressรฉes ร cet effet aprรจs l’observation d’anomalies comportementales similaires chez des animaux carencรฉs en AGPI n-3 et des animaux lรฉsรฉs expรฉrimentalement dans les voies dopaminergiques. Ainsi, des รฉtudes chez le rat dรฉficient chronique en ALA ont montrรฉ une diminution de la libรฉration de dopamine basale dans le cortex frontal, une augmentation de la libรฉration de dopamine basale dans le noyau accumbens, une diminution des stocks de dopamine dans ces deux rรฉgions et une augmentation de l’activitรฉ d’une enzyme de synthรจse de dopamine dans le corps cellulaire des neurones [128โ134]. Pour le systรจme sรฉrotoninergique, il a รฉtรฉ montrรฉ une augmentation de rรฉcepteurs dans le cortex frontal ainsi qu’une diminution de la sรฉcrรฉtion de sรฉrotonine lors d’une induction pharmacologique [129,135]. Enfin, il a รฉtรฉ montrรฉ qu’une diminution de l’apport en AGPI n-3 entrainait une augmentation de la libรฉration basale d’acรฉtylcholine et une baisse de l’affinitรฉ du rรฉcepteur muscarinique ร l’acรฉtylcholine de 10% [136]. Ces effets cellulaires et physiologiques sont accompagnรฉs de nombreux effets cognitifs et comportementaux visibles, dรฉveloppรฉs dans le paragraphe suivant.
Effets cognitifs et comportementaux des AGPI n-3
Il a รฉtรฉ montrรฉ qu’une carence alimentaire sรฉvรจre en AGPI n-3 chez le rat provoque un dรฉficit de 58% de la quantitรฉ de DHA cรฉrรฉbral qui se traduit par une diminution de la mรฉmoire spatiale dans un labyrinthe de Barnes, plateforme circulaire percรฉe de 12 trous associรฉs ร des repรจres visuels extรฉrieurs, aprรจs 8 semaines de rรฉgime
[137]. Des rรฉsultats similaires ont รฉtรฉ obtenus chez la souris avec un dรฉficit de 51% de la quantitรฉ de DHA cรฉrรฉbral associรฉe ร un nombre d’erreur et un temps de test supรฉrieur dans ce mรชme labyrinthe [138]. De mรชme, pour diffรฉrents modรจles de rongeurs nourris avec un rรฉgime carencรฉ en AGPI n-3, il apparaรฎt une augmentation significative de lโanxiรฉtรฉ, en situation de stress รฉlevรฉ notamment, comme lors de tests cognitifs [139]. Cependant, cet effet pourrait รชtre inversรฉ lors dโune supplรฉmentation en DHA [140]. La carence en AGPI n-3 semble รฉgalement provoquer des perturbations des processus dโapprentissage, de mรฉmorisation et de motivation, cependant, ces effets ne sont pas observรฉs dans toutes les รฉtudes et sont encore soumis ร controverse [139]. Enfin, il semble largement admis pour la plupart des modรจles de rongeurs (rat, souris, hamster) que la carence alimentaire en AGPI n-3 sโaccompagne dโune hyperactivitรฉ, qui se traduit notamment par une augmentation significative de lโactivitรฉ locomotrice spontanรฉe [116,141]. Lโaltรฉration des performances cognitives chez lโanimal dรฉficient en AGPI n-3 a รฉtรฉ reliรฉe ร la diminution de la teneur en DHA dans les phospholipides des membranes cรฉrรฉbrales.
En effet, le DHA intervient en modulant lโactivitรฉ et lโexpression des protรฉines membranaires (rรฉcepteurs, transporteurs, pompes, canaux ioniques) ainsi que sur plusieurs รฉtapes du processus de neurotransmission [135]. De plus, des รฉtudes portant sur diffรฉrentes espรจces du rongeur au primate, montrent qu’une moindre accumulation de DHA au niveau du cerveau dans la pรฉriode de dรฉveloppement de ce dernier entrainait des dรฉficiences cognitives liรฉes ร des troubles de l’attention
[142]. Chez le microcรจbe, un rรฉgime supplรฉmentรฉ en AGPI n-3 comprenant 0,06% de l’รฉnergie totale consommรฉe en EPA et 0,3% de l’รฉnergie totale consommรฉe en DHA chez l’adulte entraine une diminution de l’anxiรฉtรฉ et une augmentation des capacitรฉs cognitives aprรจs 5 mois de traitement, qu’on ne retrouve pas chez des femelles รขgรฉes aprรจs 14 semaines de traitement [143,144]. Chez lโhumain, des รฉtudes รฉpidรฉmiologiques et cliniques ont permis de montrer que la consommation rรฉguliรจre dโAGPI n-3 pouvait avoir un effet positif sur le dรฉclin cognitif liรฉ ร lโรขge en maintenant la fluiditรฉ membranaire ainsi que le fonctionnement synaptique [145]. Enfin, de nombreuses รฉtudes renforcent l’argumentaire en faveur d’un effet bรฉnรฉfiques des AGPI n-3 sur la prรฉvalence et le dรฉveloppement de diffรฉrents maladies neurodรฉgรฉnรฉratives ou neuropsychiatriques [146โ148].
Caractรฉristiques morphologiquesย
Le microcรจbe gris est le plus gros des microcรจbes. Les individus adultes ont une taille d’environ 25 centimรจtres avec la queue. La taille de la queue est de longueur รฉquivalente ร celle du corps. Le microcรจbe pรจse entre 60 et 100 grammes suivant les saisons, les individus รฉtant plus gros en hiver. Il existe un lรฉger dimorphisme sexuel avec un poids supรฉrieur des femelles quelle que soit la saison. Le microcรจbe murin prรฉsente une fourrure grise et brune sur le dos avec un ventre plus clair. La fourrure s’รฉclaircit avec l’รขge pour devenir plus blanche.
De par son mode de vie arboricole, le microcรจbe murin possรจde des membres antรฉrieurs et postรฉrieurs puissants lui autorisant des sauts sur de longues distances. Il possรจde รฉgalement des pouces opposables et des replis cutanรฉs appelรฉs dermatoglyphes lui permettant une bonne accroche sur les branches. Le microcรจbe murin possรจde de grands yeux, reprรฉsentant 1,5 % de sa masse corporelle totale, positionnรฉs frontalement et pourvus d’un tapis choroรฏdien (le tapetum lucidum) lui permettant d’avoir un champ visuel รฉlargi de 230ยฐ ainsi qu’une vision nocturne performante. Son adaptation ร la vie nocturne est รฉgalement visible par ses grandes oreilles membraneuses prรฉsentant une importante mobilitรฉ.
Distribution spatiale et caractรฉristiques de l’habitat
L’รฎle de Madagascar s’รฉtend sur 587 041 kmยฒ ce qui en fait l’une des 5 plus grandes รฎles du monde. Elle a รฉtรฉ sรฉparรฉe de l’Afrique il y a 160 millions d’annรฉes et de l’inde il y a 80 millions d’annรฉes. De part sa gรฉographie, elle comprend un nombre important d’environnements diffรฉrents. Les cรดtes Est et Ouest sont sรฉparรฉes par un plateau central et reprรฉsentent deux zones biogรฉographiques diffรฉrentes. La cote Est comprend un couvert de forets tropicales alors que la cote Ouest est couverte de forets de feuillus tropicaux. Le Sud de l’รฎle correspond ร un environnement dรฉsertique entrecoupรฉ de portions de fortes รฉpineuses sรจches. De part sa gรฉographie, le climat de Madagascar diffรจre suivant la latitude, les reliefs, l’ocรฉan ou encore l’impact de la mousson [154,155]. La principale caractรฉristique de ce climat est la succession de deux saisons marquรฉes. L’รฎle de Madagascar se caractรฉrise par un hiver froid et sec et un รฉtรฉ chaud et humide. Suivant la partie de l’รฎle, l’hiver dure entre 4 et 10 mois. Les prรฉcipitations moyennes varient de 500 mm dans le Sud sec ร 3000 mm dans la foret humide situรฉe ร l’Est de l’รฎle. De mรชme les tempรฉratures journaliรจres varient de 26ยฐC ร 29ยฐC dans les rรฉgions humides et entre 20ยฐC et 27ยฐC dans les rรฉgions plus sรจches. Ces tempรฉratures varient รฉgalement au cours de la journรฉe avec des nuits froides ou les tempรฉratures peuvent รชtre nรฉgatives en hiver. En plus de ces saisons marquรฉes, il existe des phรฉnomรจnes climatiques exceptionnels intra-saisonniers impliquant des phรฉnomรจnes de type El-Niรฑo [156].
La zone de rรฉpartition du microcรจbe murin s’รฉtend le long de la cote Ouest de l’รฎle ainsi que quelques zones situรฉes dans la partie Sud de l’รฎle. Il exploite les arbres et les buissons du sol jusqu’ร une hauteur d’environ 10 m dans les forets secondaires voire 30m dans les forets primaires (Figure 10). Il se dรฉplace le plus souvent sur les branches et rarement au sol sur de longues distances. Il apprรฉcie particuliรจrement les feuillages denses les lianes et les branches fines oรน il peut facilement se dรฉplacer et se dissimuler. Il niche gรฉnรฉralement dans des arbres creux oรน il apporte des feuilles afin de former des nids.
Ecologie
Ressources alimentaires
Le microcรจbe est un gรฉnรฉraliste de la forรชt malgache se nourrissant de fruits, dโinsectes, de gomme ou encore de secrรฉtions dโinsectes [157โ161]. Il cherche et exploite seul sa nourriture sur un territoire d’environ 0.032 kmยฒ [159,162,163]. Cependant, son rรฉgime alimentaire varie au cours de lโannรฉe [158,161] du fait de la variation importante de la disponibilitรฉ alimentaire directement liรฉe aux variations saisonniรจres de climat (Figure 12). Les femelles ont un accรจs privilรฉgiรฉ ร la ressource alimentaire par rapport au mรขle du fait de leur taille plus importante qui les rend dominantes [164].
Organisation sociale et reproduction
L’aspect social de la vie de cette espรจce reste relativement peu รฉtudiรฉ, cependant il semblerait que l’espรจce soit organisรฉe en voisinage dispersรฉ multimรขles / multifemelles avec des groupes de sommeil [165]. Les femelles forment la base du groupe auquel s’associent un ou plusieurs mรขles dominants dont les domaines vitaux peuvent se superposer ร celui des femelles. Les mรขles dominรฉs sont contraints de rester en pรฉriphรฉrie. La proximitรฉ des individus et la superposition des domaines vitaux (Figure 12) seraient propices ร des interactions sociales stables entre les voisins [165,166]. De plus on sait que la plupart des femelles forment des groupes de sommeil stables alors que les mรขles nichent gรฉnรฉralement seuls (Figure 13) [165].
Figure 12 : Taille et superposition des domaines vitaux de diffรฉrents individus adultes des deux sexes. Les lignes reprรฉsentent les domaines vitaux de 14 mรขles. Les triangles correspondent aux centres d’activitรฉs des mรขles, les points ร ceux des femelles. Les triangles blancs correspondent aux centres d’activitรฉ des mรขles dont le domaine vital est reprรฉsentรฉ [166].
La reproduction se dรฉroule durant l’รฉtรฉ, pรฉriode favorable prรฉsentant une forte disponibilitรฉ en ressources. Le microcรจbe murin peut se reproduire durant toute sa vie. Les mรขles voient leurs testicules se dรฉvelopper ร l’approche de la saison de reproduction. Ils รฉtablissent alors une hiรฉrarchie lors d’intenses compรฉtitions. Il arrive que les mรขles visitent les sites de nidification des femelles en attendant l’ลstrus de ces derniรจres [165]. Les mรขles en meilleure condition corporelle aprรจs la saison difficile sont prรฉfรฉrentiellement choisis par les femelles qui acceptent l’accouplement. Les femelles peuvent avoir jusque 3 ลstrus durant l’รฉtรฉ qui durent chacun entre 1 et 5 jours permettant une grande variรฉtรฉ d’accouplements. Aprรจs une pรฉriode de gestation d’environ 60 jours, la femelle donne naissance ร 2 petits en moyenne dans un nid formรฉ de feuilles et proche de sources de nourriture [167]. Aprรจs deux mois, les petits sont complรจtement indรฉpendants. Les femelles restent au sein du groupe alors que les mรขles dispersent.
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Table des matiรจres
I. Introduction gรฉnรฉrale
I.A. Cerveau et comportement
I.A.1. Structure, rรดle et fonctionnement du systรจme nerveux central
I.A.2. Couts รฉnergรฉtiques et mรฉtabolisme cรฉrรฉbral
I.B. Adaptation ร l’environnement par le comportement
I.B.1. Plasticitรฉ comportementale
I.B.2. Horloge biologique et rythmes circadiens
I.B.3. Fonctions cognitives, apprentissage et mรฉmoire
I.C Modifications alimentaires
I.C.1 Restriction calorique
I.C.1.a. Effets physiologiques et cellulaires de la RC
I.C.1.b. Effets de la RC sur l’horloge biologique
I.C.1.c. Effets de la RC sur les capacitรฉs cognitives
I.C.2. Les AGPI n-3
I.C.2.a. Description et rรดles des AGPI n-3
I.D.2.b. Effets physiologiques et cellulaires des AGPI n-3
I.D.2.c. Effets cognitifs et comportementaux des AGPI n-3
I.E. Modรจle d’รฉtude : le microcรจbe gris
I.E.1. Phylogรฉnie et classification
I.E.2. Caractรฉristiques morphologiques
I.E.3. Distribution spatiale et caractรฉristiques de l’habitat
I.E.4. Ecologie
I.E.4.a. Ressources alimentaires
I.E.4.b. Organisation sociale et reproduction
I.E.4.c. Rythmes circadiens et saisonniers
I.E.4.d. Importances des capacitรฉs cognitives en nature
II. Objectif et dรฉmarche expรฉrimentale
III. Matรฉriel et mรฉthodes
III.A. Remarque รฉthique
III.B. L’Elevage de microcรจbes de Brunoy
III.C. Changements quantitatifs de l’alimentation ร court terme et plasticitรฉ comportementale
III.C.1. Protocole alimentaire
III.C.2. Etude 1 : Restriction calorique et horloge biologique comme marqueur de la plasticitรฉ comportementale innรฉe (Etude RC-Chrono)
III.C.2.a. Dรฉmarche expรฉrimentale
III.C.2.b. Mesure de l’activitรฉ locomotrice et de la tempรฉrature : Tรฉlรฉmรฉtrie
III.C.2.c. Suivi mรฉtabolique continu
III.C.2.d. Mรฉthodes statistiques
III.C.3. Etude 2 : Restriction calorique ร court terme et capacitรฉs cognitives comme marqueur de plasticitรฉ comportementale acquise (RC-Cog)
III.C.3.a. Dรฉmarche expรฉrimentale
III.C.3.b. Test de discrimination visuelle
III.C.3.c. Mesure de coordination motrice et dโendurance : Rotarodยฎ
III.C.3.d. Mesure du mรฉtabolisme basal
III.C.3.e. Mesure de la glycรฉmie
III.C.3.f. Mรฉthodes statistiques
III.D. Changement qualitatifs de l’alimentation ร long terme et plasticitรฉ comportementale acquise – Supplรฉmentation en AGPI n-3 et comportement
III.D.1. Sujets et conditions expรฉrimentales
III.D.2. Intervention alimentaire
III.D.3. Dรฉmarche expรฉrimentale
III.D.4. Test d’openfield
III.D.5. Analyse des lipides sanguins circulants
III.D.6. Mesure de la neurogenรจse
III.D.6.a. Prรฉparation des coupes et coloration
III.D.6.b. Analyse des lames
III.D.7. Mรฉthodes statistiques
I.V. Rรฉsultats
IV.A. Etude 1 : Restriction calorique et horloge biologique comme marqueur de la plasticitรฉ comportementale innรฉe (RC-Chrono)
IV.A.1. Evolution de la masse corporelle
IV.A.2. Suivi tรฉlรฉmรฉtrique
IV.A.2.a. Evolution du comportement locomoteur spontanรฉ
IV.A.2.b. Evolution de la tempรฉrature corporelle
IV.A.3. Corrรฉlations
IV.A.4. Suivi du mรฉtabolisme aรฉrobie en continu
IV.B. Etude 2 : Restriction calorique ร court terme et capacitรฉs cognitives comme marqueur de plasticitรฉ comportementale acquise (RC-Cog)
IV.B.1. Evolution de la masse corporelle
IV.B.2. Aptitudes physiques et mรฉtabolisme
IV.B.2.a. Coordination et endurance sur le test du Rotarod
IV.B.2.b. Suivi du mรฉtabolisme basal
IV.B.2.c. Suivi de la glycรฉmie ร jeun
IV.B.3. Evaluation et suivi des capacitรฉs cognitives
IV.C. Changement qualitatifs de l’alimentation ร long terme et plasticitรฉ comportementale acquise – Supplรฉmentation en AGPI n-3 et comportement
IV.C.1. Analyse des lipides sanguins circulants
IV.C.2. Tests comportementaux
IV.C.2.a. Evaluation et suivi des capacitรฉs cognitives
IV.C.2.b. Suivi des l’anxiรฉtรฉ des individus
IV.C.3. Neurogenรจse
IV.C.4. Rotarod
V. Discussion
V.A. Effets d’une restriction calorique sur la plasticitรฉ du comportement chez le microcรจbe
V.A.1. Perte de masse corporelle et intensitรฉ de la restriction
V.A.2. Etude 1 : Restriction calorique et horloge biologique comme marqueur de la plasticitรฉ comportementale innรฉe (RC-Chrono)
V.A.3. Restriction calorique ร court terme et capacitรฉs cognitives comme
marqueur de plasticitรฉ comportementale acquise (RC-Cog)
V.A.4. Perte de masse limite et perturbations du fonctionnement cรฉrรฉbral
V.B. Effets d’une supplรฉmentation en AGPI n-3 sur la plasticitรฉ comportementale acquise du microcรจbe
V.C. Capacitรฉs physiques, mรฉtabolisme et modifications alimentaires
V.D. Variation inter-individuelle, aspect motivationnel et autres biais lors des tests physiques et cognitifs
VI. Conclusion gรฉnรฉrale et Perspectives
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