Effets neurocognitifs de la stimulation magnétique transcrânienne pour le trouble obsessionnel compulsif

L’un des apports de la neuroscience est l’émergence d’une correspondance entre l’activité cérébrale et le comportement de l’individu. Cette avancée a eu des répercussions sur la perception de la maladie psychiatrique comme une pathologie neuropsychiatrique et présentant un changement de l’activité neuronale. En parallèle, certains processus cognitifs sont retrouvés déficitaires dans les pathologies, et pourraient sous-tendre la symptomatologie. La modulation des processus cognitifs, visible par un changement de l’activité cérébrale, pourrait ainsi entrainer une amélioration symptomatologique. De même, une modification de l’activité cérébrale pourrait moduler les processus cognitifs, voir la symptomatologie psychiatrique. Cette approche a pu être testée par une évolution technique permettant de moduler l’activité cérébrale : la Stimulation Magnétique Transcrânienne répétée (SMTr ou rTMS pour les anglophones).

Cette technique influence l’activité cérébrale et cela par le biais de régions proches du scalp. Efficace dans le traitement de la dépression résistante, elle présente un potentiel thérapeutique pour d’autres pathologies psychiatrique dont les corrélats neuronaux sont connus comme le Trouble Obsessionnel-Compulsif (TOC).

Le Trouble Obsessionnel Compulsif

Le TOC touche 2 à 3% de la population générale, ce qui en fait le quatrième trouble psychiatrique le plus fréquent (Kessler et al., 2005; Stein, 2002). La comparaison de cohortes de patients souffrant de TOC issus de pays différents (Etats-Unis, Canada, Porto-Rico, Allemagne, Taïwan, Corée du Sud et Nouvelle-Zélande) n’indique pas de différence quant à la prévalence, l’âge de début, les comorbidités associées ou le contenu des symptômes selon les cultures (Weissman et al., 1994 ; Pallanti, 2008). La prévalence du TOC est identique chez les hommes et les femmes dans la population adulte. Les premiers symptômes apparaissent durant l’enfance et au début de l’âge adulte. Le TOC se caractérise par la présence i) d’obsessions, qui sont des pensées intrusives persistantes et angoissantes que le patient cherche à réprimer ou ignorer, et ii) de compulsions, qui sont des comportements répétitifs moteurs ou mentaux que la personne se sent contraint d’effectuer pour réduire une angoisse. Leurs impacts sur la vie quotidienne se traduit principalement par leur caractère chronophage et par l’altération de la vie sociale et professionnelle qu’ils entrainent (APA, 2015). Concernant les comorbidités psychiatriques, 24,6% des patients souffrant de TOC présenteraient un épisode dépressif majeur en cours, 21,1% un trouble anxieux généralisé, 14,9% une agoraphobie ou trouble panique et 14,9% une phobie sociale (Taylor, 2006). L’abus ou la dépendance à l’alcool sont également retrouvés plus fréquemment chez les patients atteints de TOC que dans la population générale (Abramowitz, Taylor, & McKay, 2009).

Description clinique

La diversité des symptômes, de la répétition de séquences de lavage des mains à la vérification répétée qu’une porte est bien fermée, fait du TOC une maladie psychiatrique hétéroclite. Le TOC peut être classé selon le type de symptômes (compulsion/obsession), la thématique symptomatologique (Bloch, Landeros-Weisenberger, Rosario, Pittenger, & Leckman, 2008; Taylor, 2011), la durée et l’âge de début de la maladie (Abramowitz et al., 2009) ou par les critères de résistance aux traitements (Pallanti & Quercioli, 2006).

Classification actuelle

Le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) défini deux grands types de symptômes que sont les obsessions et les compulsions pour caractériser le trouble obsessionnel-compulsif. Au sein du DSM, il fait partie du regroupement « TOC et troubles apparentés » (Figure 1 : Critères du DSM 5 du trouble obsessionnel-compulsif (DSM 5 ; APA et al., 2015) .

Ce groupe inclut notamment la trichotillomanie, le trouble de dysmorphie corporelle, le trouble d’accumulation et le trouble d’excoriation. Il est basé sur l’intégration dans la classification de la sémiologie dimensionnelle, de la neurobiologie, de la génétique et des approches phénoménologiques (APA et al., 2015). Ainsi, la sortie récente du trouble de l’accumulation du diagnostic de TOC est expliquée par les différences en neuro-imagerie et au niveau thérapeutique de cette dimension comparé aux autres dimensions du TOC.

Les Troubles Obsessionnels-Compulsifs 

A. Présence d’obsessions, de compulsions, ou des deux:
Les obsessions sont définies selon 2 critères :
1. Pensées, pulsions ou images récurrentes et persistantes qui, à certains moments de l’affection, sont ressenties comme intrusives et inopportunes et qui entraînent une anxiété ou une détresse importante chez la plupart des sujets.
2. Le sujet fait des efforts pour ignorer ou réprimer ces pensées, pulsions ou images ou pour les neutraliser par d’autres pensées ou actions (c’est à dire en faisant une compulsion). Les compulsions sont définies selon 2 critères :
1. Comportements répétitifs (par exemple se laver les mains, ordonner, vérifier) ou actes mentaux (par exemple prier, compter, répéter des mots silencieusement) que le sujet se sent poussé à accomplir en réponse à une obsession ou selon certaines règles qui doivent être appliquées de manière inflexible.
2. Les comportements ou actes mentaux sont destinés à neutraliser ou à diminuer l’anxiété ou le sentiment de détresse, ou à empêcher un événement ou une situation redoutés ; cependant, ces comportements ou ces actes mentaux sont soit sans relation réaliste avec ce qu’ils se proposent de neutraliser ou de prévenir, soit manifestement excessifs.
B. Les obsessions ou compulsions sont à l’origine d’une perte de temps considérable (par exemple prenant plus d’une heure par jour) ou d’une détresse cliniquement significative, ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
C. Les symptômes obsessionnels-compulsifs ne sont pas imputables aux effets physiologiques d’une substance (par exemple une substance donnant lieu à abus ou un médicament) ni à une autre affection médicale.
D. La perturbation n’est pas mieux expliquée par les symptômes d’un autre trouble mental (par exemple des soucis excessifs dans l’anxiété généralisée, une préoccupation avec l’apparence dans l’obsession d’une dysmorphie corporelle, une difficulté à se débarrasser ou se séparer de possessions dans la thésaurisation pathologique (syllogomanie), le fait de s’arracher les cheveux dans la trichotillomanie, le fait de se provoquer des excoriations dans la dermatillomanie (triturage pathologique de la peau), des stéréotypies dans les mouvements stéréotypés, un comportement alimentaire ritualisé dans les troubles alimentaires, une préoccupation avec des substances ou le jeu d’argent dans les troubles liés à une substance et troubles addictifs, la préoccupation par le fait d’avoir une maladie dans la crainte excessive d’avoir une maladie, des pulsions ou des fantasmes sexuels dans les troubles paraphiliques, des impulsions dans les troubles disruptifs, du contrôle des impulsions et des conduites, des ruminations de culpabilité dans le trouble dépressif caractérisé, des préoccupations délirantes ou des pensées imposées dans le spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques, ou des schémas répétitifs de comportement comme dans le trouble du spectre de l’autisme).

Spécifier si :
– Avec bonne ou assez bonne prise de conscience ou insight : La personne reconnaît que les croyances concernant le trouble obsessionnel compulsif ne correspondent certainement ou probablement pas à la réalité ou qu’elles pourraient être vraies ou fausses.
– Avec mauvaise prise de conscience ou insight : La personne pense que les croyances concernant le trouble obsessionnel compulsif correspondent probablement à la réalité.
– Avec absence de prise de conscience ou insight / avec présence de croyances délirantes : Le sujet est complètement convaincu que les croyances concernant le trouble obsessionnel compulsif sont vraies. Spécifier si :
– En relation avec des tics : présence de tics actuellement ou dans les antécédents du sujet.

Une échelle d’évaluation clinique permet de quantifier individuellement le degré de sévérité des obsessions et des compulsions : la Yale-Brown Obsessive-Compulsive Scale (YBOCS ; Goodman, Price, Rasmussen, Mazure, Delgado, et al., 1989; Goodman, Price, Rasmussen, Mazure, Fleischmann, et al., 1989). Elle repose sur un entretien semi-structuré permettant d’évaluer le TOC au niveau qualitatif et quantitatif:

1/ l’aspect qualitatif vise à lister chacun des différents types de TOC existant (checklist),
2/ l’aspect quantitatif vise à évaluer la sévérité des composantes compulsive et obsessive au travers de cinq critères :
-l’aspect temporel (temps journalier approximatif consacré à la présence de l’obsession et/ou à la réalisation de la compulsion),
-la gêne fonctionnelle (niveau de handicap dans les activités de la vie quotidienne)
-l’angoisse (l’intensité de l’anxiété associée aux obsessions et/ou compulsions)
-la résistance (évaluation de la fréquence de confrontation aux symptômes)
-le contrôle (capacité à maitriser l’obsession ou la compulsion lors de la confrontation).

Les différents sous-types cliniques

Une partie de la Y-BOCS est consacré à établir une liste de tous les types de symptômes présent chez le patient (Figure 2). Devant le nombre élevé, il a été proposé d’en regrouper certains par thématique (Leckman et al., 1997; Mataix-Cols, 2006; Mataix-Cols, Rauch, Manzo, Jenike, & Baer, 1999 ; Figure 3).

Ainsi, quatre dimensions ont été proposées : symétrie, pensées interdites, lavages et accumulation (Michael H. Bloch et al., 2008; Taylor, 2011). Une dimension supplémentaire est proposée par la suite par Mataix-Cols et al. (Mataix-Cols, 2006; Mataix-Cols et al., 1999) et regroupe les thématiques sexuelle, religieuse, somatique et les rituels mentaux.

Cette catégorisation a permis de montrer que les patients dits « accumulateurs » ont globalement une moins bonne réponse au traitement (Abramowitz, Franklin, Schwartz, & Furr, 2003; Black et al., 1998; Mataix-Cols et al., 1999). De plus, des études de neuro-imagerie ont mis en évidence des corrélats neuronaux distincts en fonction des dimensions cliniques (Gilbert et al., 2008; Heuvel et al., 2009; Phillips et al., 2000). Ces manifestations cliniques du TOC pourraient être sous-tendues ou évoluer en parallèle d’altération de certaines fonctions cognitives, comme la capacité d’inhibition ou la mémoire de travail. De nombreux travaux se sont donc intéressés à ces processus, notamment à l’aide de tests neuropsychologiques.

Processus cognitifs et corrélats neuronaux 

Fonctions cognitives impliquées dans le TOC

La neuropsychologie est une discipline basée sur la psychologie cognitive dont le but est d’étudier les bases neuroanatomiques des processus psychologiques. Les tests neuropsychologiques ont été développés dans le but d’évaluer quantitativement de multiples composantes de la cognition telles que les fonctions attentionnelles, exécutives ou mnésiques, de façon à corréler ces indices de performance cognitive à des observations anatomiques ou fonctionnelles des régions cérébrales. Les fonctions attentionnelles sont la capacité du sujet à allouer son attention en fonction des stimuli. Les fonctions exécutives regroupent les capacités telles que l’inhibition ou la flexibilité et visent notamment à retenir ou inhiber un comportement. Les fonctions mnésiques incluent la mémoire de travail ou la mémoire à long terme et consistent à évaluer la capacité du sujet à manipuler et stocker l’information sur une courte ou longue durée. La mémoire de travail et l’inhibition étant impliquées dans la physiopathologie du TOC, nous avons centré nos études sur ces deux processus cognitifs par l’utilisation respectivement de la tâche de n-back et de la tâche dite de flanker.

La mémoire de travail 

Les tests de mémoire de travail évaluent la capacité à stocker, manipuler et intégrer l’information sur une courte durée. Elle facilite également l’intégration d’une information en mémoire à long terme. Le déficit en mémoire de travail dans le TOC est basé sur l’observation clinique : la vérification de façon compulsive serait la conséquence d’une information mal mémorisée ; renforçant le doute du patient par rapport à des actions ou des éléments de l’environnement et le pousserait à vérifier (Muller & Roberts, 2005). L’un des tests les plus connus pour évaluer la mémoire de travail est la tâche de n-back (Kirchner, 1958). Cette tâche a l’avantage de pouvoir augmenter progressivement la quantité d’informations à traiter en mémoire de travail jusqu’à observer une dégradation des performances et du temps de réponse.

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Table des matières

INTRODUCTION
CADRE THEORIQUE
1 LE TROUBLE OBSESSIONNEL COMPULSIF
1.1 Description clinique
1.1.1 Classification actuelle
1.1.2 Les différents sous-types cliniques
1.2 Processus cognitifs et corrélats neuronaux
1.2.1 Fonctions cognitives impliquées dans le TOC
1.2.1.1 La mémoire de travail
1.2.1.2 L’inhibition
1.2.2 Corrélats neuronaux de la mémoire de travail, de l’inhibition et de la détection
1.2.2.1 La mémoire de travail
1.2.2.2 L’inhibition
1.2.2.3 La detection de l’erreur
1.3 Modèles
1.3.1 Modèles comportementaux
1.3.2 Modèles cognitifs
1.3.3 Modèles neurobiologiques
1.4 Traitements
1.4.1 Première intention
1.4.2 Alternatives thérapeutiques
2 LA STIMULATION MAGNETIQUE TRANSCRANIENNE
2.1 Historique
2.2 Mode d’action de la TMS
2.2.1 Effet d’une impulsion du champ magnétique sur un axone
2.2.1.1 Rôle de la configuration spatiale du neurone
2.2.1.2 Effet du sens du courant électrique induit
2.2.1.3 Effet de l’intensité du champ magnétique
2.2.2 Effet d’une impulsion magnétique sur un ensemble de neurones
2.2.2.1 Modification de l’activité électrique spontanée par TMS
2.2.2.2 Mesurer et moduler l’effet de la TMS sur une région
2.2.2.3 La neuronavigation et l’orientation de la bobine
2.3 Stimulus interagissant avec une impulsion de TMS
2.3.1 La double impulsion de TMS (paired-pulse stimulation)
2.3.2 L’effet d’interaction entre une impulsion et un stimulus évoqué
2.3.3 La répétition des impulsions magnétiques
2.3.3.1 Les types de protocoles
2.3.3.2 Effets post-stimulation
2.3.3.3 L’effet de la rTMS observé en imagerie
2.3.3.4 Base physiologique : la dépression à long terme, la potentialisation à long terme
Conclusion
3 LA STIMULATION MAGNETIQUE TRANSCRANIENNE COMME OPTION THERAPEUTIQUE DANS LE TROUBLE OBSESSIONNEL COMPULSIF
3.1 Effet des différentes cibles de la rTMS sur les symptômes obsessionnels-compulsifs
3.1.1 Le cortex préfrontal dorsolateral
3.1.2 Le cortex cingulaire antérieur
3.1.3 L’aire motrice supplémentaire
3.1.4 Le cortex orbitofrontal
3.2 Effet de la (r)TMS sur l’excitabilité cérébrale
3.3 Effet de la rTMS sur les processus cognitifs
3.4 Effet de la rTMS sur les réseaux neuronaux
3.5 Limites et perspectives
TRAVAIL EXPERIMENTAL
4 EFFET SUR L’ACTIVITE CEREBRALE DE DEUX SEMAINES DE RTMS DU CPFDL SUR L’ACTIVITE CEREBRALE DE SUJETS SAINS : ÉTUDE EN IRMF, RANDOMISEE, EN DOUBLE AVEUGLE CONTRE PLACEBO
4.1 Résumé
4.2 Article
5 EFFET DE LA RTMS SUR L’AIRE MOTRICE SUPPLEMENTAIRE CHEZ DES PATIENTS ATTEINTS DE TOC : ÉTUDE RANDOMISEE EN DOUBLE AVEUGLE
5.1 Méthodologie
5.2 Résultats
5.3 Discussion
5.4 Limites
5.5 Conclusion
CONCLUSION

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