Caractéristiques biologiques et motrices
La paralysie cérébrale entraîne des troubles sensorimoteurs (diminution ou augmentation du tonus musculaire entraînant des déséquilibres musculaires, atteinte de la sensibilité) ayant des répercussions sur la motricité fonctionnelle de l’enfant et de l’adolescent (c’est-à-dire, une modification des amplitudes articulaires, une diminution du contrôle postural, de l’équilibre statique et dynamique notamment à la marche) (Bax et al., 2007). Spécifiquement, les personnes avec la paralysie cérébrale démontrent bien souvent une force et une puissance musculaires moindres que les personnes du même âge en santé. Un niveau de force diminué a un effet direct sur le niveau d’indépendance fonctionnelle des personnes avec la paralysie cérébrale (Ross et Engsberg, 2007). De plus, les personnes avec la paralysie cérébrale sont bien souvent moins actives que les personnes avec un développement typique et pratiquent des activités à une intensité moindre (Claassen et al., 2011). La réalisation d’une tâche motrice demande également plus d’énergie chez les personnes avec la paralysie cérébrale.
L’évolution des troubles moteurs à l’âge adulte et chez les personnes âgées ayant une paralysie cérébrale est peu documentée (Haak et al., 2009). Tandis qu’une minorité d’adultes ayant une paralysie cérébrale rapporte une amélioration de leurs capacités de marche dans le temps, la majorité rapporte un déclin de la fonction motrice concernant la mobilité, d’autant plus lorsque le niveau GMFCS est élevé (Haak et al., 2009). De plus, cette détérioration pourrait être en lien avec des troubles de l’équilibre, une augmentation de la spasticité et un manque d’entrainement physique. Des troubles associés sont fréquemment retrouvés : sensoriels (c’est-à-dire, auditifs, visuels), cardio-respiratoires (c’est-à-dire, encombrement broncho-pulmonaire, diminution de l’endurance et des volumes respiratoires), épileptiques, gastro-intestinaux, de la déglutition, urinaires, du sommeil, et des douleurs (musculaires et articulaires, liées à la spasticité et aux troubles orthopédiques). La transition de l’adolescence à l’âge adulte s’accompagne d’une diminution de l’utilisation des services de santé, et une prévalence importante de comorbidités est retrouvée à l’âge adulte (avec une augmentation des risques lorsqu’une obésité ou un niveau GMFCS élevé sont présents).
Actualisation du chapitre de livre au regard du contexte de la thèse
Capacités de contrôle postural et d’équilibre
Le contrôle postural peut être défini comme le fait de maintenir, d’atteindre (en engageant un mouvement volontaire) ou de restaurer (en réaction à une stimulation extérieure prévue ou non) un état d’équilibre dans une certaine position ou lors d’une activité (Pollock et al., 2000). En biomécanique, cet état d’équilibre correspond au maintien de la projection verticale du centre de gravité (i.e le point par lequel passe le vecteur du poids total du corps) à l’intérieur de la base de support (i.e. l’aire englobant le(s) contact(s) entre le corps et la surface de support) (Pollock et al., 2000). Les stratégies de contrôle postural peuvent être prédictives (ou anticipatoires), réactives (ou compensatoires), ou bien une combinaison des deux (Pollock et al., 2000; Winter, 1995). Ces stratégies impliquent des supports fixes (exemple : stratégie autour de l’articulation de la cheville) ou bien changeants (exemple : faire un pas) (Pollock et al., 2000). En contexte clinique, par exemple lors d’évaluations des capacités de maintien de l’équilibre, on parle d’équilibre statique lorsque l’état d’équilibre est maintenu dans une position immobile (exemple : équilibre unipodal) et d’équilibre dynamique lorsqu’il est maintenu alors que le corps est en mouvement (exemple : faire un tour sur soi-même) (Yi et al., 2012). La stabilité, c’est à dire la capacité de la personne à ne pas tomber lors d’une tâche d’équilibre en contexte clinique ou de la vie quotidienne, résulte d’une interaction complexe entre les éléments du système neuro-musculo-squelettique (Corrêa et al., 2007; Mallau et al., 2010; Pavão et al., 2013; Shumway-Cook & Woollacott, 2011; Woollacott et al., 1998). Ainsi, un trouble sensoriel, moteur ou même cognitif peut entraîner un trouble du contrôle postural (Pollock et al., 2000).
Concernant les personnes ayant une PC, le système moteur est touché et des atteintes sensorielles et/ou cognitives sont souvent associées. L’interaction entre ces différents systèmes est également atteinte, ce qui pourrait expliquer pourquoi le contrôle postural est atteint (Pavão et al., 2013; Hines Woollacott & ShumwayCook, 2005). La revue de Pavão et al., (2013) décrit les performances de contrôle postural des enfants vivant avec une PC et présente les outils d’évaluation de cette fonction ainsi que des recommandations pour cette population. Ainsi, des difficultés sont retrouvées au niveau des activations musculaires, reflétées par des modifications du déplacement du centre de pression (i.e. la résultante des forces de réaction du sol) (Hof et al., 2005) lors de tâches effectuées sur une plateforme de force (Pavão et al., 2013). Cela entraine des difficultés à réaliser des tâches fonctionnelles (exemple : la marche) dans la vie quotidienne (Pavão et al., 2013). En effet, ces enfants présentent des difficultés à coordonner l’activation de leurs muscles posturaux dans la séquence attendue, surtout lors d’activités fonctionnelles (exemple : lors d’une tâche d’atteinte manuelle) (Brogren et al., 1998; de Graaf-Peters et al., 2007; Pavão et al., 2013). Les enfants ayant une PC et marchant de manière autonome présentent souvent une plus grande amplitude de déplacement de leur centre de pression durant des tâches de contrôle postural en position debout statique, en comparaison avec des enfants ayant un développement typique (Donker et al., 2008; Pavão et al., 2013). Cependant, cela ne concerne pas tou.te.s les enfants ayant une PC, du fait de la grande hétérogénéité d’atteintes physiques et motrices que cette population peut présenter (Rose et al., 2002). Il a également été démontré que des facteurs externes sensoriels peuvent être modulés afin d’aider au contrôle postural en position debout statique chez ces enfants. En effet, l’utilisation d’un feedback visuel lors de cette tâche permettrait par exemple d’améliorer leur contrôle postural (Pavão et al., 2013; Wulf et al., 2001).
Les difficultés présentées lors de tâches de maintien de l’équilibre sont également retrouvées lors de tâches posturales anticipatoires ou compensatoires dans cette population. En effet, les enfants avec une PC de type spastique présentent des troubles de l’activation des muscles posturaux précédant l’activation des muscles volontaires lors de tâches posturales anticipatoires (Nashner et al., 1983; Pavão et al., 2013), ainsi que des mouvements du centre de pression de plus grande amplitude pouvant refléter des réponses musculaires déficitaires ou des difficultés d’adaptation sensorimotrice lors de tâches posturales compensatoires (Barela et al., 2011; Chen & Woollacott, 2007).
Concernant l’évaluation du contrôle postural et de l’équilibre chez les enfants ayant une PC, Pavão et al., (2013) précisent que beaucoup d’évaluations existantes concernent le contrôle postural statique, et que les mesures précises obtenues grâce aux outils de laboratoire (exemple : une plateforme de force) devraient être couplées à des évaluations plus fonctionnelles et plus accessibles à l’aide d’outils de mesure cliniques validés dans la population ayant une PC tels que le Pediatric Reach Test (test des limites d’amplitudes fonctionnelles) (Bartlett & Birmingham, 2003) ou encore le Berg Balance Scale (test d’équilibre statique et dynamique fonctionnel) (Franjoine et al., 2003). Les connaissances obtenues grâce aux outils de laboratoire et aux outils cliniques sur les capacités de contrôle postural et d’équilibre des enfants ayant une PC pourraient être utilisées dans le but d’offrir des programmes de rééducation visant à améliorer leur contrôle postural ainsi que leurs capacités fonctionnelles (Pavão et al., 2013).
Les difficultés de contrôle postural retrouvées dans la PC sont accompagnées de troubles cognitifs tels que les troubles des capacités attentionnelles (exemple : en situation de double-tâche impliquant d’écouter et de suivre des instructions tout en maintenant son équilibre en position debout) (Liao et al., 1997; Reilly et al., 2008; Rosenbaum et al., 2007). Ces résultats peuvent s’expliquer par des capacités attentionnelles limitées ne permettant pas d’allouer des ressources attentionnelles à une tâche de contrôle postural simultanément à une tâche cognitive (Olivier et al., 2010; Reilly et al., 2008), ou au contrôle postural déficitaire nécessitant des ressources attentionnelles importantes ne pouvant pas être utilisées de manière concomitante pour la tâche attentionnelle (Reilly et al., 2008). Ils peuvent également s’expliquer par le fait que des troubles vestibulaires peuvent entraîner des déficits cognitifs de la mémoire ou de fonctions exécutives telles que l’attention, étant donné que les informations vestibulaires jouent un rôle dans l’orientation spatiale et dans les performances à des tâches cognitives de mémoire et d’attention (Smith & Zheng, 2013).
Caractéristiques cognitives et psychosociales
Environ la moitié des personnes ayant une paralysie cérébrale présente une déficience intellectuelle. Des troubles des apprentissages et de la mémoire sont observés chez 44% des personnes avec la paralysie cérébrale. La répartition de ces troubles est de 17%, 49% et 100% pour les personnes ayant une paralysie cérébrale de type hémiplégique, paraplégique et tétraplégique, respectivement (Straub et Obrzut, 2009). Des troubles du langage (c’est-à-dire, oral et/ou écrit, expressif et/ou réceptif), visuo-perceptifs et visuo-spatiaux ainsi que des troubles des fonctions exécutives (notamment des troubles de l’attention et de l’inhibition, et un temps de réponse plus lent) peuvent également être retrouvés (Straub et Obrzut, 2009). Il est important de distinguer la déficience intellectuelle du trouble du langage, et de s’assurer de pouvoir communiquer avec la personne ayant une paralysie cérébrale d’une manière adaptée. Les enfants de 8 à 12 ans ayant une paralysie cérébrale présentent davantage de symptômes psychologiques que la population générale (25% versus 10%, respectivement), notamment dans les domaines des troubles émotionnels (c’est-à-dire, l’anxiété, la tristesse, la peur ou la colère), de l’hyperactivité et des difficultés avec les pairs (au niveau relationnel) (Uldall, 2013). La présence de déficience intellectuelle et un GMFCS de faible niveau (correspondant à des capacités fonctionnelles motrices élevées), augmenteraient les risques de présenter ces troubles psychologiques dans cette population. Les adultes ayant une paralysie cérébrale rapportent également un sentiment de solitude supérieur à la population générale (Haak et al., 2009).
La paralysie cérébrale a des répercussions sur les activités de la vie quotidienne et la participation sociale. Chez l’enfant et l’adolescent.e, cela est d’autant plus le cas lorsque le niveau GMFCS est élevé (correspondant à des capacités fonctionnelles motrices faibles) et lorsque des douleurs sont présentes (Uldall, 2013). De plus, la qualité de vie générale des enfants ayant une paralysie cérébrale est plus ou moins affectée, et diminuée par un niveau d’incapacité élevé et par la présence de complications (les plus fréquentes concernent le langage, l’alimentation et l’épilepsie) (Uldall, 2013). Une diminution de la participation aux activités physiques et sportives est retrouvée à l’adolescence, et les jeunes rapportent une expérience sociale négative comme barrière à la participation sociale. Malgré un taux de participation variable selon les pays, la participation sociale reste un défi à l’âge adulte, notamment concernant les interactions sociales et le milieu professionnel, avec des difficultés rencontrées en termes d’acceptation de la paralysie cérébrale et d’adaptation de l’environnement et du milieu de travail. Ainsi, les transitions vers l’adolescence et l’âge adulte sont des étapes sociales importantes à considérer dans cette population.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. CADRE THÉORIQUE
1. La paralysie cérébrale
1.1. Présentation générale
Définition, prévalence et critères diagnostiques
Caractéristiques biologiques et motrices
Caractéristiques cognitives et psychosociales
1.2. Rôle de l’activité physique adaptée
Des recommandations en rééducation motrice
…à l’activité physique adaptée
2. La danse
2.1. Une approche globale et plurielle
Une activité physique, cognitive et psychosociale
Une activité stimulant la plasticité cérébrale
Un ensemble d’approches plurielles
2.2. Des bienfaits multidimensionnels
Des bienfaits thérapeutiques globaux
L’importance du rythme musical
3. Intérêt de la danse pour les personnes ayant une PC
3.1. Résumé du cadre théorique
3.2. Questions scientifiques et hypothèses
II. CONTRIBUTIONS EXPÉRIMENTALES
1. Étude 1 : Quelles sont les preuves scientifiques des bienfaits
associés à la danse pour les enfants et les adultes
ayant une PC ? Une étude de la portée
1.1. Résumé et transition
2. Étude 2 : Les bienfaits d’une intervention en danse sur l’équilibre d’adolescent.e.s ayant une PC
2.1. Résumé et transition
3. Étude 3 : La synchronisation sensorimotrice et la continuation sont partiellement préservées chez les enfants ayant une PC
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
1. Synthèse des principaux résultats
2. Discussion générale et perspectives
2.1. La danse, une thérapie motrice et cognitive prometteuse pour les jeunes ayant une PC
2.2. Les habiletés rythmiques, un des éléments à prendre en compte
2.3. Des bienfaits spécifiques, en lien avec l’apprentissage moteur en danse
2.4. Les effets psychosociaux de la danse, un champ à explorer
3. Conclusion générale
CONCLUSION
Références bibliographiques
Annexes