Effets mécaniques d’expansions internes dues à la corrosion d’inclusions métalliques

Approche en énergie – Critère de Griffith

    Le taux de libération d’énergie a été introduit pour les matériaux élastiques fragiles par Griffith [139]. Il a observé que la rupture se produit dès qu’une valeur critique du taux de libération d’énergie est atteinte. Cette valeur critique est, contrairement au facteur d’intensité des contraintes décrit ci-dessus, indépendante de la géométrie du corps. Il dépend uniquement des propriétés du matériau, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un paramètre matériel. Le taux de libération d’énergie critique peut être interprété comme l’énergie nécessaire à la formation des deux surfaces de fissure. La théorie de Griffith est une approche globale de la mécanique de la rupture basée sur l’équilibre énergétique. Cette partie commence par l’étude d’un corps fissuré ayant un comportement élastique, ce qui se traduit par un mécanisme de fissuration fragile.

Mécanique de l’endommagement

     La mécanique de l’endommagement traite principalement des micro-défauts (c’est-à-dire les microfissures et les microcavités) et des effets de leurs évolutions au moyen de variables d’endommagement. La première modélisation de l’endommagement a été proposée par Kachanov [176] concernant le fluage des métaux sous sollicitation unidimensionnelle. Les modèles d’endommagement locaux décrivent la rupture des matériaux par une variable interne supplémentaire modifiant la rigidité élastique et entraînant une dissipation d’énergie interne dans le matériau. Dans le cas des matériaux quasi fragiles tels que le béton, la courbe contrainte-déformation en traction est caractérisée par une chute de la contrainte après l’atteinte du pic de la contrainte maximale. Cet adoucissement peut être expliqué par l’endommagement dû à l’initiation, la propagation et la concentration de microfissures qui réduisent la surface effective de la section résistante. Afin de modéliser la rupture de tels matériaux, les modèles d’endommagement doivent inclure l’adoucissement des contraintes (c’est-à-dire la réduction des contraintes pour un endommagement croissant). Les modèles d’endommagement locaux présentent de nombreux inconvénients lorsqu’ils sont implémentés dans des méthodes de résolution numérique telles que la méthode des éléments finis, notamment la dépendance au maillage [158, 234, 322, 339, 35]. Bazant et al [28] ont montré que la dissipation d’énergie s’approche de zéro avec le raffinement du maillage, ce qui n’est pas fondé physiquement. Pour résoudre ces problèmes de sensibilité au maillage mentionnés ci-dessus, plusieurs schémas de régularisation ont été proposés dans la littérature, tels que : (i) les modèles micro-polaires (milieu de Cosserat) [82, 197] (ii) les modèles non locaux [31, 174] (iii) les modèles avec régularisation visqueuse [109] (iv) et les modèles à gradient [273, 274]. Ces modèles régularisés introduisent une longueur caractéristique dans la discrétisation. Autrement dit, le caractère local de la déformation est perdu, et la fissure est « étalée » sur un certain domaine impliquant plusieurs éléments. Par conséquent, un maillage très fin doit être utilisé afin de résoudre le problème de la fissure.

Méthode de champ de phase

    Récemment, une nouvelle approche pour la description de la propagation des fissures a été développée. La méthode de champ de phase est devenue une approche répandue dans la modélisation de l’initiation et la propagation des fissures dans les matériaux. Cela provient de sa simplicité, elle peut en effet prédire la propagation des fissures uniquement en résolvant un système d’équations différentielles. Le système permet ainsi d’estimer simultanément la formation de la fissure et la création d’une nouvelle surface de fissure. Les bases des méthodes de champ de phase pour modéliser la propagation des fissures dans les matériaux fragiles ont été établies à la fin des années 1990, avec la formulation variationnelle de la rupture fragile par Francfort [121] et Bourdin [50]. Dans ces premiers modèles, le processus de rupture fragile quasi-statique est basé sur la minimisation de l’énergie totale, qui est une fonction de l’énergie de déformation et de la dissipation de la fissure. Aranson et al. [9] ont présenté un modèle de rupture à champ de phase pour résoudre le problème de fissuration en mode I. Karma et al. [182, 141] ont modifié la fonction de densité d’énergie de déformation d’Aranson et al. [9] pour simuler une fissure en mode III, tandis Kuhn et Muller [193] ont été les premiers à proposer le modèle de champ de phase basé sur la thermodynamique. Dans ce modèle, un champ de variable continu a été utilisé pour représenter l’état de fissuration du matériau. La densité d’énergie de déformation du système était déterminée en résolvant l’équation de divergence des contraintes et l’évolution du champ variable de la fissure était définie par une équation différentielle partielle qui minimisait l’énergie. Miehe et al. [253, 258] ont introduit un cadre algorithmique simple pour l’application de la méthode de champ de phase, ainsi qu’un critère pour traiter le contact unilatéral séparant les parties compressives et extensives de la déformation pour activer l’endommagement, tandis que le critère proposé par Amor et al. [8] utilisait plutôt une séparation en parties hydrostatiques et déviatoriques de la déformation pour traiter le contact unilatéral dans la fissure. Enfin, Borden et al. [46, 45] ont étudié l’utilisation d’une fonction d’ordre supérieur pour décrire la densité de fissure et l’évolution du paramètre de champ de phase. La méthode de champ de phase a l’avantage de pouvoir traiter des géométries de fissures arbitraires, de permettre l’initiation, la coaelescence et le branchement des fissures. Ces atouts fournissent un cadre très robuste pour la simulation de la propagation des fissures. Cependant, la méthode nécessite le choix d’un paramètre de régularisation lié à l’approximation des discontinuités. Ce paramètre définit une longueur de régularisation ℓ dans le modèle, qui doit être choisie par l’utilisateur. Amor et al. [8] et Nguyen et al. [286] ont montré qu’une relation peut être établie entre ℓ et d’autres paramètres matériau (la contrainte à la rupture, le module de Young, l’énergie de fissuration). La méthode du champ de phase a été largement développée et appliquée à de nombreux problèmes, tels que : la rupture fragile [7, 288, 380, 427], la rupture dynamique [51, 90, 218], la rupture hydraulique [105, 254, 407] , la rupture anisotrope des matériaux [43, 281], la rupture élastoplastique fragile/ductile [6, 5, 44], et la fissuration dans les modèles de microstructures basées sur l’imagerie tomographique [284, 285, 288]. Le problème de la fissuration en zone cohésive a été reformulé dans le contexte du champ de phase [394].

Modélisation des fissures dues à la corrosion dans les matériaux cimentaires

     Comme mentionné dans l’introduction, les déchets radioactifs provenant du retraitement des combustibles des réacteurs de la filière UNGG sont constitués principalement de graphite, de magnésium, et de résidus d’uranium. L’uranium provient généralement de l’entraînement du métal fixé à la gaine, qui est retiré du combustible usé avant le retraitement. La plupart des déchets de faible activité sont actuellement enrobés dans un colis de mortier contenu dans des conteneurs en acier inoxydable, prêts pour un stockage provisoire et une élimination éventuelle. Le conditionnement à long terme de ces déchets (plus de 100 ans) est un objectif essentiel de l’industrie nucléaire et, par conséquent, il est primordial de pouvoir évaluer ou même surveiller directement l’état de corrosion des colis de déchets contenant de l’uranium sur de longues périodes. Comme déjà mentionné en introduction, le conditionnement à long terme des déchets métalliques (uranium, aluminium, magnésium. . .) pose deux problèmes principaux. Tout d’abord, la production de produits de corrosion expansifs (oxyde d’uranium UO2 et hydrure d’uranium UH3 par exemple) et la production d’hydrogène gazeux posent un problème de sécurité [110, 368, 308, 340], voir les réactions (1.1) et (1.2), où H2 peut être issu de la corrosion de l’uranium et d’autres métaux réactifs dans les déchets. L’expansion du volume interne causée par la corrosion des métaux dans le colis pourrait, si la corrosion est importante, générer des contraintes internes suffisantes pour provoquer la fissuration du colis [110]. Expérimentalement, la caractérisation de la corrosion de l’uranium (et d’autres métaux) constitue un défi majeur lorsque les déchets sont enrobés dans un colis. La plupart des travaux de recherche dans la littérature traitant la corrosion de l’uranium sont focalisés sur son comportement dans des environnements non confinés [201, 301, 245, 386, 33]. Sttit et al. [369] ont utilisé des méthodes non-destructives, notamment la tomographie à rayons X, afin d’observer l’évolution des produits de corrosion d’échantillons d’uranium enrobés dans un coulis de mortier dans des conditions humides, et d’identifier les produits de corrosion. La figure 2.18 montre le développement des produits de corrosion (couleur orange) d’une barre d’uranium (couleur bleu) enrobée dans une matrice cimentaire. Le taux d’oxydation de l’uranium incorporé dans une matrice cimentaire dans des conditions humides a été observé dans [369] comme étant initialement rapide, suivi d’une diminution et d’une stabilisation vers 50 semaines à un taux correspondant au régime permanent d’échange de gaz à travers le coulis. En outre, une rupture dans le coulis a été constatée, voir la figure 2.18(iv). Des systèmes simplifiés simulant des échantillons d’une barre d’uranium cimentés ont été produits dans [308, 307], corrodés artificiellement de manière contrôlée pour entraîner une dégradation rapide des échantillons, puis analysés à l’aide d’un rayonnement synchrotron à haute énergie au Diamond Light Source (DLS) [95]. La figure 1.3 montre une vue 3D d’un cube de ciment contenant une barre d’uranium, les flèches noires indiquent les fissures générées après l’expansion d’uranium, tandis que le point bleu désigne la zone d’uranium (non-corrodé) et le point rouge la zone des produits de corrosion. Analytiquement, la solution du problème d’un cylindre à paroi épaisse soumis à une pression interne uniforme en contraintes planes a été utilisée par Bažant [27] pour modéliser la pression interne exercée par une barre d’acier (armature) corrodée sur le béton environnant. Liu et Weyers [225], Bhargava et al. [42], et Zhao et al. [434] ont établi un modèle théorique élastique pour prédire la fissuration du béton due à la corrosion de l’acier. Uddin et al. [388] ont établi un modèle basé sur la mécanique de la rupture pour déterminer la cinématique des fissures en termes de position, de type et d’orientation. Ces modèles ont été largement utilisés pour évaluer le taux critique de corrosion et prédire le temps d’initiation des fissures dans le béton environnant. Cependant, la plupart de ces modèles analytiques étaient basés sur la théorie de l’élasticité et l’effet de la résistance résiduelle du béton fissuré n’était pas pris en compte. En outre, toutes ces méthodes analytiques ont supposé que la corrosion de la barre d’armature était uniforme et donc que la pression d’expansion correspondante était uniforme. Dans certaines situations, la corrosion peut se produire de manière non uniforme (pénétration d’ions chlorure depuis l’extérieur), le processus de corrosion peut commencer dans la barre à partir de la région la plus proche de l’extrémité [408, 169, 345]. La corrosion non uniforme conduit à une distribution non uniforme des pressions d’expansion, ce qui peut avoir un effet sur la fissuration de l’enrobage en béton car les pressions les plus élevées sont concentrées dans la région extérieure du béton [169, 303]. Dans le cadre des déchets métalliques enrobés dans un colis, en raison des faibles fractions volumiques et de la forte séparation d’échelle entre les phases expansives et le colis, on considère que la corrosion est uniforme autour de l’inclusion.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1 Introduction Générale 
1.1 Contexte industriel et problématique
1.2 Organisation du manuscrit
2 Modélisation et simulation de la fissuration : État de l’art 
2.1 Introduction
2.2 Méthodes basées sur des éléments discrets
2.2.1 Modèle des éléments discrets
2.2.1.1 Forme des particules
2.2.1.2 Loi d’interaction des particules
2.2.1.3 Modélisation de la rupture
2.2.2 Lattice Element Models (LEM)
2.3 Méthodes basées sur la mécanique de la rupture dans un cadre éléments finis 
2.3.1 Mécanique élastique linéaire de la rupture
2.3.1.1 Méthode de simulation de la fissuration avec remaillage
2.3.1.2 Approche en énergie – Critère de Griffith
2.3.2 Modèle de zone cohésive
2.3.3 EXtended Finite Element Method X-FEM
2.3.4 Embedded Finite Element Method E-FEM
2.3.5 Augmented Finite Element Method A-FEM
2.4 Méthodes continues d’endommagement discrétisées par éléments finis 
2.4.1 Mécanique de l’endommagement
2.4.2 Modèle d’endommagement non-local
2.4.3 Modèle à gradient
2.4.4 Thick Level Set TLS
2.4.5 Méthode de champ de phase
2.4.5.1 Régularisation de la discontinuité liée à la présence de la fissure
2.4.5.2 Cadre variationnel régularisé de la fissure
2.5 Modélisation des fissures dues à la corrosion dans les matériaux cimentaires 
2.6 Modélisation multi-échelle de l’endommagement 
2.7 Conclusion
3 Une méthode k-means FE2 pour modéliser la fissuration à deux échelles dans le colis 
3.1 Introduction
3.2 Modèle de fissuration à l’échelle microscopique : modèle de champ de phase 
3.2.1 Problème mécanique
3.2.2 Problème du champ de phase
3.2.3 Implémentation numérique
3.3 Méthode des éléments finis au carré FE2
3.4 k-means clustering 
3.5 k-means FE2
3.5.1 Mise à jour des clusters dans les modèles avec des variables internes
3.5.2 Exemples numériques
3.5.2.1 Exemple 1 : Plaque trouée en traction uniaxiale
3.5.2.2 Exemple 2 : Poutre en flexion 3 points
3.6 Conclusion 
4 Modélisation de la fissuration de la matrice due à la corrosion d’inclusions métalliques par la méthode de champ de phase 
4.1 Introduction
4.2 Expansion due à la corrosion des phases métalliques : hypothèses
4.3 Modèle à l’échelle microscopique 
4.4 Résultats et discussion
4.4.1 Effet des conditions aux limites
4.4.2 Effet de la fraction volumique de graphite et d’uranium
4.4.3 Définition de la taille des VERs
4.4.4 Effet de l’énergie de fissuration gc
4.4.5 Effet de la densité du maillage
4.5 Modélisation des grandes déformations liées à la corrosion des inclusions métalliques 
4.5.1 Cinématique des déformations finies et modélisation mécanique
4.5.2 Lois de comportements en grandes déformations dans Cast3M / Mfront
4.5.3 Formulation du champ de phase pour les déformations finies
4.5.4 Comparaison entre les formulations linéaires et non linéaires
4.6 Conclusion
5 Application de la méthode k-means FE2 à un colis de déchets
5.1 Introduction 
5.2 Données de base
5.2.1 Descriptif du fût métallique
5.2.2 Déchets à traiter
5.2.3 Génération des microstructures hétérogènes
5.3 Comportement différé de la matrice cimentaire 
5.3.1 Retrait endogène
5.4 Application numérique 
5.4.1 Application 1 : Convergence par rapport au nombre de clusters
5.4.2 Application 2 : Endommagement lié à la corrosion d’uranium, effet de l’incorporation du graphite
5.4.3 Application 3 : Endommagement lié au retrait endogène
5.4.4 Application 4 : Endommagement lié au retrait endogène + corrosion
5.5 Conclusion 
6 Conclusion générale et perspectives 
6.1 Conclusion générale 
6.2 Perspectives
Bibliographie

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *