Effets Maître et Effets de Pairs dans l’Enseignement Supérieur

Dans la période récente l’étude des effets de pairs dans l’éducation s’est beaucoup développée. Ceci a plusieurs raisons. D’abord, si les effets de pairs sont présents, les politiques publiques d’éducation sont renforcées par un effet dit de multiplicateur social. Mais cette question est également décisive dans le débat sur la ségrégation à l’école. D’un point de vue positif, les effets de pairs sont importants pour les modèles qui expliquent la stratification et la sélection à l’école. Par exemple, les effets de pairs sont la source d’un équilibre stratifié dans le modèle d’Epple et Romano (1998), à condition que les bons étudiants valorisent plus d’être entourés de bons étudiants que ne le font les moins bons d’entre eux, une structure très spécifique. D’un point de vue normatif, mixer les classes a un impact qui dépend de manière cruciale de la forme des effets de pairs, car réorganiser les étudiants engendrerait des gagnants et des perdants. Mixer les classes peut également être désirable pour des raisons d’efficacité : il est généralement efficace de générer des groupes hétérogènes si les effets de pairs sont plus forts pour les moins bons étudiants. Comme le montrent Arnott et Rouse (1987), les décisions optimales sont très sensibles à la fonction de production d’éducation si le planificateur social doit décider simultanément l’allocation des étudiants et des ressources. Par conséquent, l’existence, l’importance et les détails de la structure des effets de pairs sont des questions décisives pour l’organisation de l’éducation.

Dans ce contexte général, l’enseignement supérieur pose des questions spécifiques. L’université est le plus souvent beaucoup plus sélective que l’éducation obligatoire : les effets de pairs expliquent-ils cette situation, et est-il efficace que les universités soient fortement stratifiées ? D’autre part, beaucoup de pays élargissent l’accès à l’enseignement supérieur : les résultats en sont-ils modifiés en raison de l’environnement des pairs ? Bien qu’il y ait une importante littérature empirique sur les effets de pairs dans l’éducation, dont une certaine partie est attentive à la forme et aux éventuels effets non-linéaires, il y a peu de travaux réalisés sur l’enseignement supérieur. Arcidiaccono et al. (2007), De Giorgi et al. (2006) et De Paola et Scoppa (2007) détectent la présence d’effets de pairs, alors que Martins et Walker (2006) n’en trouvent pas. Cependant, ces travaux ne documentent pas comment ces effets de pairs pourraient affecter différemment des étudiants d’aptitude différente. Au contraire, cette question est investiguée en détails par Levy (2003), Sacerdote (2001), Winston et Zimmerman (2004) et Zimmerman (2003) qui trouvent des effets non linéaires, mais pas d’une façon systématiquement robuste. De plus, cette série d’études est attentive aux intéractions sociales entre étudiants qui partagent la même chambre sur le campus universitaire, pas le même groupe de Travaux Dirigés, ce qui pourrait être moins pertinent pour l’organisation de l’éducation. Enfin, aucun de ces travaux ne contrôle d’un éventuel effet enseignant, ce qui pourrait être de nature à biaiser les estimations.

Contexte institutionnel et données

Nous considérons les deux premières années (L1 et L2) d’une université française publique qui compte 700 à 800 étudiants par cohorte. Les étudiants sont affectés à des groupes d’environ 30, et la totalité de l’enseignement est founie au groupe. Il n’y a pas de cours dispensés à l’ensemble de la cohorte et les groupes sont fixés pour la totalité de l’année. C’est une situation tout à fait exceptionnelle dans le système universitaire français, et c’est ce qui rend possible d’observer conjointement les effets de pairs et les effets enseignants dans l’enseignement supérieur. Chaque année, pour le L1 et le L2, nous utilisons en tant que résultats les notes d’examen final dans 7 matières : Maths, Microéconomie 1 et Microéconomie 2, Macroéconomie 1 et Macroéconomie 2, Statistiques et Informatique. Beaucoup d’enseignants enseignent la même matière dans plusieurs groupes, et occasionnellement enseignent différentes matières. Les notes dans chacune des 7 matières sont basées sur un examen général commun à tous les étudiants. Ces notes sont donc comparables entre groupes. Cependant les examens sont différents d’une année sur l’autre, de sorte que la comparaison entre les cohortes ne participe pas à l’identification. Parce que l’on accorde une seconde chance en septembre aux étudiants qui échouent, nous distinguerons parfois entre les résultats de septembre et ceux de juin. Nous considérons les années 2002 à 2006. La pratique et le statut légal de cette université est cependant spécifique et il a évolué durant cette période. En 2002, elle sélectionnait les étudiants, mais un nombre non négligeable d’entre eux réussissait à détourner le processus. En 2003, à l’inverse, les autorités administratives ont forcé l’université à recruter de manière sectorielle, ce qui a conduit cette année-là à une cohorte composée de 50% d’étudiants qui auraient été sélectionnés et de 50% d’étudiants qui ne l’auraient pas été car détenteurs d’un dossier insuffisant. Enfin, à partir de 2004, l’université sélectionne de nouveau et il est devenu extrêmement rare de pouvoir contourner la sélection. La conséquence de l’évolution de ce recrutement est impressionnante.

Dans un tel contexte, il est intéressant de réfléchir à l’impact social d’une telle politique, au moins en relation avec la composition des pairs. Existe-t-il des gains visibles pour les meilleurs ou les moins bons étudiants à avoir évolué vers une cohorte d’étudiants plus homogène et de meilleure qualité ? Il est bien connu que s’il existe des effets de pairs nonlinéaires, la composition des pairs a un impact en terme d’efficacité. Bien sûr, nous ne pouvons fournir qu’une évaluation incomplète du caractère désirable d’un point de vue social d’un tel changement dans la mesure où nous n’avons aucune information sur les résultats des étudiants hors de cette université. Nous avons collecté les données de L1 sur la période 2002-2006 ; nous ne suivons en L2 que les deux cohortes entrées en 2002 et 2003 (donc observées en 2003 et 2004). Certains étudiants ont rempli un dossier d’admission lors du processus de sélection : nous avons pour ceux-là leurs caractéristiques relatives au lycée. Nous n’en disposons pas pour ceux qui ont intégré l’université sans même avoir déposé de dossier d’admission. Le premier bloc de la Table 1.2 décrit l’échantillon brut. En 2003, la moitié des étudiants ont intégré l’université alors qu’ils n’avaient pas été sélectionnés, alors que cette proportion n’est que d’environ 2% en 2005 et 2006. Une partie des étudiants inscrits n’a pas participé aux examens en L1 (7% à 8% et presque 13% en 2003). Cette situation est beaucoup plus rare en L2. Nous excluons de l’échantillon ces non-participants, bien qu’il n’est pas évident de savoir à quel point ils n’ont pas participé aux cours et donc aux effets de pairs.

Le second bloc présente l’échantillon dit initial, c’est-à-dire l’échantillon brut duquel on a éliminé les non-participants. En L1, il y a des données manquantes sur les performances académiques au lycée pour les étudiants qui n’ont pas soumis de dossier. Il y en a 4% à 5% en début de période et seulement 1% à 2% à la fin. En L2, la performance passée est basée sur la note totale obtenue en L1 : parce qu’un certain nombre d’étudiants intègrent l’université directement en L2, cette information est manquante pour eux. Ceci représente une part importante de la cohorte : 10% à 20%. Nous sommes contraints de supprimer ces observations de l’échantillon, ce qui est de nature à générer de l’erreur dans la mesure de la qualité des groupes.

Cadre économétrique 

Le modèle

Dans cette section nous présentons comment nous modélisons les notes des étudiants. Considérons un individu i de la cohorte c, dans le groupe g. Notons yigmkc la note de l’étudiant i, avec l’enseignant k dans la matière m. Les notes dépendent essentiellement de la qualité de i, de la qualité de ses pairs dans son groupe et de son enseignant dans la matière m. Supposons que l’on observe un indice de qualité continu Ii pour chaque individu i. Nous utiliserons cet indice d’une part dans un premier modèle sous sa forme continue, et d’autre part dans un deuxième modèle sous une forme discrétisée, basée sur ses quantiles.

Tout d’abord remarquons que la qualité de l’étudiant ne dépend pas de la matière : nous supposons que les étudiants ont les mêmes capacités en Maths, Microéconomie, Macroéconomie, Statistique et Informatique. L’objectif de cette hypothèse raisonnable est d’augmenter la longueur du panel. Dans cette spécification les effets de pairs sont entièrement pris en compte par les variables de qualité moyenne. Comme Arcidiacono et al. (2007) les notes des autres étudiants du groupe ne sont pas incluses, ce qui veut dire que nous ne considérons pas d’effets endogènes (Manski, 1993), mais plutôt que nous estimons une forme réduite qui mixe les effets endogènes et exogènes.

Les effets maîtres ne dépendent pas de la cohorte c, ce qui veut dire que la qualité des enseignants est constante dans le temps. Par conséquent nous ne prenons pas en compte de potentiels effets d’expérience dans la qualité des enseignants, et donc ces effets doivent être interprétés comme une qualité moyenne sur la période observée. De plus, ils ne dépendent pas non plus de la matière m. En pratique, ceci implique que des enseignants qui sont présents dans plusieurs matières sont considérés comme des enseignants différents dans chaque matière. Cette hypothèse est faite car nous n’observons pas suffisamment de combinaisons enseignants/matières. Par conséquent nous ne pouvons pas comparer les enseignants dans des matières différentes et nous pouvons uniquement tester l’égalité de la qualité des enseignants au sein de chaque matière. Ainsi, dans ce travail, un enseignant sera dit de meilleure qualité qu’un autre si toute chose égale par ailleurs , la note moyenne de son groupe est significativement supérieure à celle de l’autre enseignant. Il doit donc être clair qu’ici, la qualité des enseignants est définie, de manière restrictive, par leur aptitude à préparer leurs étudiants aux examens courants. Enfin, nous supposons que toutes les variables explicatives sont indépendantes de νi et ǫimgkc. L’hypothèse d’indépendance entre la qualité moyenne du groupe et l’effet individuel aléatoire, cruciale pour l’identification, sera justifiée dans la section suivante sur la base de l’allocation aléatoire des étudiants dans les groupes.

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Table des matières

Introduction générale
1 Effets Maître et Effets de Pairs dans l’Enseignement Supérieur : le Cas d’une Université Française
1.1 Introduction
1.2 Contexte institutionnel et données
1.3 Cadre économétrique
1.3.1 Le modèle
1.3.2 Utiliser l’Analyse des Correspondances Multiples pour construire l’indice de qualité
1.3.3 Identification
1.4 Résultats empiriques
1.5 Conclusion
1.6 Annexe
1.6.1 Interpréter les paramètres d’effets de pairs
1.6.2 Redistribution des groupes de L1 en L2
2 L’impact de l’Imperfection d’Information sur les Choix Educatifs : une Approche Structurelle
2.1 Introduction
2.2 Un modèle d’investissement en capital humain avec information imparfaite et apprentissage bayésien
2.2.1 Structure générale
2.2.2 Spécifications des utilités instantanées
2.2.3 Déroulement du temps et ensemble d’information
2.2.4 Apprentissage bayésien
2.2.5 Equations de Bellman
2.2.6 Résolution du modèle
2.3 Identification
2.4 Estimation
2.5 Données
2.5.1 La base de données et la définition des variables
2.5.2 Statistiques descriptives
2.6 Résultats
2.6.1 Qualité de l’ajustement du modèle
2.6.2 Les paramètres et leurs interprétations
2.6.3 Analyse contrefactuelle
2.7 Conclusion
3 Introduire de l’Hétérogénéité Inobservée Dans la Mobilité des Salaires : une Approche Semi-Paramétrique
3.1 Introduction
3.2 Description des données utilisées
3.2.1 La base de données
3.2.2 Statistiques descriptives
3.3 Cadre Econométrique
3.3.1 Environnement théorique
3.3.2 Modéliser les niveaux ou les rangs ?
3.3.3 Le modèle
3.3.4 Identification et Estimation
3.4 Résultats
3.4.1 Nombre de types et ajustement du modèle
3.4.2 Dépendance d’état
3.4.3 Hétérogénéité inobservée
3.4.4 Exploitation du modèle
3.5 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie

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