Effets d’une restriction alimentaire pendant le dernier tiers de la gestation des chèvres

Dès les années 60, de nombreuses études chez les humains et les animaux ont montré l’influence de l’environnement maternel durant la gestation sur la croissance de la descendance (revue de McCance, 1962). Par la suite, des travaux chez l’humain ont fait émerger l’idée de programmation fœtale, c’est-à-dire qu’il existe un lien entre environnement maternel et notamment nutrition maternelle pendant la gestation et certaines maladies métaboliques et cardiovasculaires observées chez l’adulte (Barker et Clark, 1997; Ravelli et al., 1998; Painter et al., 2005). Lorsqu’une perturbation a lieu pendant des périodes critiques du développement telles que la vie fœtale, les processus métaboliques et physiologiques peuvent être altérés de façon permanente. On parle de programmation métabolique (Waterland et Garza, 1999; Bertram et Hanson, 2002). Dans les cohortes humaines, il a été montré que les enfants nés de femmes ayant subi la famine de l’hiver 1944 pendant leur grossesse présentaient à l’âge adulte plus de pathologies métaboliques ou cardiovasculaires (Painter et al., 2005) que les enfants de femmes n’ayant pas subi cette famine. Les conséquences de cette sous-nutrition maternelle dépendent du moment d’exposition de la mère : l’exposition en début de gestation augmenterait les risques d’obésité et de maladies cardiovasculaires ; l’exposition en milieu de gestation serait plutôt associée à des problèmes respiratoires et rénaux et celle en fin de gestation influencerait le métabolisme du glucose (Painter et al., 2005). Des observations similaires ont également été faites sur des modèles animaux (rongeurs et moutons principalement) (Symonds et al., 2009).

Le terme sous-nutrition (« undernutrition » en anglais), utilisé chez l’humain et les autres animaux, est défini comme un apport calorique insuffisant par rapport aux besoins (Shetty, 2006). Chez les animaux d’élevage, les causes de cet apport insuffisant peuvent être une réduction de la quantité et/ou de la qualité des ressources alimentaires. En régions arides et tropicales, les conditions climatiques peuvent limiter la croissance et donc la disponibilité des fourrages (Chilliard et al., 1998). En région tempérée, les conditions climatiques peuvent aussi être à l’origine d’une sous-nutition : en Ecosse, les brebis gestantes qui restent au pâturage en hiver peuvent perdre jusqu’à 85% de leur masse adipeuse sous-cutanée pendant la gestation et la lactation (Russel et al., 1968). De plus, certains éleveurs rationnent les animaux en hiver en raison des coûts alimentaires élevés liés à l’utilisation de fourrages conservés (Doreau et al., 2000). L’alimentation étant calculée en fonction du besoin moyen du lot et distribuée de façon collective, certains animaux peuvent recevoir un apport supérieur à leurs besoins et d’autres un apport insuffisant (Chilliard et al., 1998). Pour les animaux conduits en lots, une compétition sociale peut exister : les animaux de rang supérieur ont un accès prioritaire à l’auge par comparaison avec des animaux en bas de la hiérarchie sociale (Conway et al., 1996). Chez les petits ruminants, la prolificité augmente également les risques de sous-nutrition. En effet, plus le nombre de fœtus est élevé, plus le prélèvement en glucose de l’unité foetoplacentaire est forte alors que la capacité d’ingestion de la mère diminue (Mercier et Chartier, 2002). Ceci est particulièrement vrai en fin de gestation chez les ruminants laitiers, qui, de ce fait, se retrouvent en déficit énergétique (Gadoud et al., 1992). Enfin, d’autres facteurs, tels que le manque d’eau, les maladies infectieuses, le parasitisme gastro-intestinal ou un temps excessif passé à rechercher de la nourriture ont un impact négatif sur les quantités ingérées (Doreau et al., 2000).

GENERALITES SUR L’ALIMENTATION DES RUMINANTS 

Utilisation de l’énergie par les ruminants 

L’utilisation des nutriments et leur métabolisme chez les ruminants a été abordée dans l’article de revue bibliographique (partie 4, chapitre 1) et ne sera donc pas reprise ici. La partie ci-dessous présentera donc uniquement le devenir de l’énergie ingérée et de sa répartition dans les différentes fonctions (entretien, lactation, engraissement). Seule la fraction digestible de l’énergie brute ingérée sous forme d’aliments peut être utilisée par l’animal (ED, Figure 1) ce qui correspond environ aux trois-quarts de l’énergie brute (INRA, 1978). Une partie de cette énergie est perdue sous forme de méthane et d’urine dont la prise en compte permet de calculer la valeur de l’énergie métabolisable (EM). L’énergie nette (EN), exprimée en Unités Fourragères (UF) Lait (UFL), ou Viande (UFV), en France, est le produit de l’énergie métabolisable et du rendement d’utilisation (k) qui dépend de la ou des productions considérées (entretien, croissance, gestation, lactation). Les travaux d’énergétique ont essentiellement porté sur des animaux en production laitière ou à l’engraissement.

Les différents systèmes d’alimentation et les unités utilisées 

Il existe plusieurs systèmes d’alimentation des animaux de rente à travers le monde. En ce qui concerne les ruminants, certains sont basés sur l’EM contenue dans les aliments et sont utilisés au Royaume-Uni et en Suède (Vermorel et Coulon, 1998). Cependant, l’EN reste la base dans la plupart des pays (en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse et aux Etats-Unis) (Vermorel et Coulon, 1998), car un système basé sur l’énergie nette tient compte d’une valorisation différente de l’énergie métabolisable suivant la production considérée. Certaines tables concernent spécifiquement les besoins des chèvres. L’EEZ (Estacion Experimental del Zaidin, Grenade, Espagne) donne les besoins d’une race laitière en particulier, la race Murciano-Granadina. Le système américain IGR, qui détaille les besoins de races laitières, à viande, indigènes et Angora, a été intégré au système NRC (2007). Le système AFRC et l’INRA (2007) donnent les besoins pour des chèvres laitières. Ces systèmes prédisent les besoins des animaux, les valeurs des aliments et la capacité d’ingestion à partir d’expérimentations faites in vivo. Les besoins pour chaque fonction (lactation, gestation, entretien) sont calculés séparément et sont additifs. Il est difficile de déterminer la précision de ces systèmes, mais leur comparaison montre qu’une partie des différences dans les estimations provient de différences dans les coefficients de conversion de l’EM en EN (Cannas et al., 2008). Ainsi, pour la période qui nous intéresse, la gestation, les estimations des besoins, en particulier en énergie, varient fortement d’un système à l’autre (Sutton et Alderman, 2000; Cannas et al., 2008). La multitude des facteurs à prendre en compte (âge de l’animal, état corporel, nombre de fœtus, race, production laitière, conditions climatiques) et le manque de données expérimentales font que les besoins nutritionnels des chèvres gestantes restent encore mal connus.

En plus de besoins en énergie, les animaux ont des besoins en protéines. L’INRA a mis en place le système PDI (protéines digestibles dans l’intestin) qui détermine la valeur azotée de chaque aliment en terme de quantité d’acides aminés réellement absorbés dans l’intestin grêle, qu’ils soient fournis par les protéines alimentaires non dégradées dans le rumen ou par les protéines microbiennes (INRA, 1988). Le besoin en PDI est défini par les quantités de PDI à apporter par l’alimentation pour compenser les pertes ou dépenses azotées et assurer la meilleure efficacité d’utilisation de la ration, sans affecter la santé ni la reproduction (INRA, 1988). Les PDI correspondent aux protéines métabolisables (PM). Le système AFRC se base sur les recommendations de l’INRA et le système IGR exprime également les besoins protéiques en PM. Là encore, concernant les besoins en gestation, les facteurs pris en compte dans les estimations ne sont pas les mêmes pour tous les systèmes. Ainsi, comme pour les besoins en énergie, les besoins en protéines sont mal connus chez les animaux en gestation.

Sous-nutrition ou restriction alimentaire : définitions et choix des termes 

Le terme sous-nutrition (« undernutrition » en anglais), défini comme un apport calorique insuffisant (Shetty, 2006), est généralement le terme employé lorsqu’on parle de restriction alimentaire. Or, pour le fœtus, la sous-nutrition peut avoir plusieurs causes. Schröder (2003) a représenté les relations mère-utérus/placenta fœtus par un système de poupées russes (Figure 2). Il montre ainsi que la sous nutrition fœtale peut être provoquée à 5 niveaux différents :
– diminution de l’ingestion de la mère (restriction alimentaire, niveau 1)
– diminution de l’apport sanguin au placenta (embolisation ou ligature des artères utérines, niveau 2)
– diminution des transferts trans-placentaires (caronculectomie qui diminue la surface d’échange, pathologie placentaire, niveau 3)
– diminution du flux sanguin dans le cordon ombilical (compression ou torsion excessive du cordon, spasme de la veine ombilicale, niveau 4)
– diminution du flux sanguin dans un tissu précis du fœtus (ligature, compression, vasconstriction, niveau 5).

Comportement alimentaire : définitions, régulations

Le comportement alimentaire peut se définir comme « l’ensemble des actions de l’animal ayant pour finalité la recherche, le choix des aliments et leur ingestion en quantité adaptée à la satisfaction des besoins en énergie et en nutriments de l’organisme » (JeanBlain, 2002). Chez les animaux de rente élevés en bâtiment, sevrés ou non, peu de temps est consacré à la recherche et au choix des aliments. Que les animaux soient sevrés ou non, l’ingestion est divisée en repas (ou en tétées). Un repas peut être défini par des critères comme la taille, la durée et la fréquence (Nielsen, 1999). Ces critères sont à définir en fonction de l’espèce, de l’âge et du stade physiologique. Tous les épisodes d’ingestion n’entrant pas dans la définition sont considérés comme du grignotage (Heinrichs et Conrad, 1987). Nielsen (1999) a résumé le profil d’ingestion par les trois paramètres de base : nombre de repas par unité de temps (généralement 24h), durée d’un repas et quantité ingérée par repas, qui permettent de calculer trois autres critères utilisés pour décrire le comportement alimentaire : temps passé à ingérer par unité de temps, vitesse d’ingestion et quantité ingérée par unité de temps .

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
RESUME
ABSTRACT
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
LISTE DES ABBREVIATIONS
LISTE DES PUBLICATIONS
CHAPITRE 1 INTRODUCTION GENERALE
1. CONTEXTE
2. OBJECTIFS DE LA THESE
3. GENERALITES SUR L’ALIMENTATION DES RUMINANTS
3.1. Utilisation de l’énergie par les ruminants
3.2. Les différents systèmes d’alimentation et les unités utilisées
3.3. Sous-nutrition ou restriction alimentaire : définitions et choix des termes
3.4. Comportement alimentaire : définitions, régulations
4. CONSEQUENCES OF FEED RESTRICTION DURING PREGNANCY ON OFFSPRING DEVELOPMENT IN SMALL RUMINANTS
5. METHODOLOGIE GENERALE
5.1. Animaux expérimentaux
5.2. Restriction alimentaire
5.3. Suivi des chevreaux
CHAPITRE 2 RESTRICTED FEEDING OF GOATS DURING THE LAST THIRD OF GESTATION MODIFIES BOTH METABOLIC PARAMETERS AND BEHAVIOUR
CHAPITRE 3 SHORT TERM EFFECTS OF MATERNAL FEED RESTRICTION DURING PREGNANCY ON GOAT KID MORPHOLOGY, METABOLISM AND BEHAVIOR
CHAPITRE 4 EFFECTS OF MATERNAL FEED RESTRICTION DURING PREGNANCY ON FEMALE AND MALE GOAT KID MORPHOLOGY, METABOLISM AND BEHAVIOR AROUND WEANING
CHAPITRE 5 LONG-TERM CONSEQUENCES OF FEED RESTRICTION IN THE GOAT DURING LATE PREGNANCY ON MORPHOLOGY, PHYSIOLOGY AND BEHAVIOR OF FEMALE OFFSPRING
CHAPITRE 6 DISCUSSION GENERALE ET CONCLUSION
1. RESTRICTION ALIMENTAIRE PENDANT LE DERNIER TIERS DE GESTATION CHEZ LES CHEVRES
1.1. Quantifier l’intensité de la restriction
1.2. Prévenir la toxémie
1.3. Effets de la restriction alimentaire sur les chèvres gestantes
1.4. Variabilité de réponse à la restriction alimentaire
2. RESTRICTION ALIMENTAIRE PENDANT LA GESTATION ET CONSEQUENCE SUR LA PROGENITURE JUSQU’AU SEVRAGE
2.1. Méthodologie
2.2. Effets à court terme de la restriction alimentaire maternelle sur les chevreaux
3. EFFETS A LONG TERME DE LA RESTRICTION ALIMENTAIRE MATERNELLE SUR LES CHEVRETTES
4. RESTRICTION ALIMENTAIRE ET PERFORMANCES ZOOTECHNIQUES
5. MODULATION DES EFFETS DE LA RESTRICTION ALIMENTAIRE MATERNELLE SUR LA DESCENDANCE
5.1. L’environnement pré-natal
5.2. L’environnement post-natal
5.3. L’individu
6. PERSPECTIVES
6.1. Effets sur le foetus
6.2. Alimentation et comportement alimentaire
6.3. Performances zootechniques
CONCLUSIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *