Selon le droit international humanitaire, il existe deux types de conflit armé dans le monde : le conflit armé international opposant deux ou plusieurs Etats souverains et le conflit armé non international qui oppose des groupes s’affrontant à l’intérieur du territoire. Ces conflits peuvent être de cycle régulier c’est-à-dire marqué par le retour de la paix définitive ou de cycle irrégulier marqué par l’interruption pendant un temps pour recommencer plus tard mais inopinément. C’est dans ce contexte que Swanstrom et Weissmann affirment : les conflits armés sont des situations dynamiques, caractérisée par une intensité qui varie avec le temps, selon la phase du cycle de vie du conflit. La plupart des conflits armés dans le monde sont dus à des raisons économiques (contrôle de point stratégique ou ressource…), politiques (indépendantiste, coup d’Etat militaire…) et sociales (guerre civile, inter ethnique…). La durée et l’intensité de ces conflits varient selon les pays et la recherche de solution de sortie de crise dépend de la prise de conscience, de l’implication, de la motivation et la capacité des acteurs à faire face et à assumer individuellement et collectivement leurs responsabilités patriotiques, politiques et citoyennes.
De nos jours, les conflits armés font plusieurs déplacés dans le monde. Selon le rapport du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), le nombre de réfugiés et de déplacés ayant fui les multiples conflits et persécution dans le monde a atteint le niveau record de 65,3 millions en 2015 soit une hausse de 9,7% par rapport à 2014. Parmi les 65,3 millions, 21,3 millions sont des réfugiés ayant quitté leur pays, 40,8 millions sont des déplacés internes qui ont quitté leur foyer sans quitter leur pays et les 3,2 millions restant sont demandeurs d’asile dans les pays industrialisés.
Le Sénégal bien qu’étant considéré comme un pays stable et démocrate à l’échelle planétaire grâce à la bonne gestion et l’implication de ses acteurs, fait face à une rébellion qui réclame l’indépendance dans la partie Sud du pays depuis plus d’un quart de siècle. Cette rébellion s’est transformée à un conflit armé de cycle irrégulier. Le conflit armé et les migrations forment le thème central de notre mémoire intitulé : Effets du conflit armé sur les migrations dans la zone Simbandi de la commune de Simbandi Balante.
PROBLEMATIQUE
Au lendemain de la seconde guerre mondiale qui fut le conflit armé le plus meurtrier de toute l’histoire de l’humanité avec plus de 60 à 80 millions de morts et 30 millions d’européens déplacés , il y eut un flux important de migration de population. Mais l’implication des acteurs à travers des accords et la mise en place des grandes organisations internationales a permis de mettre fin à ce conflit.
En Afrique, la République Démocratique du Congo a connu l’un des plus grands conflits armés les plus meurtrier de l’histoire du continent entre 1998 et 2002. La compétition pour le contrôle des ressources minéraux, diamant et bois rare du Congo oriental avait aggravé cette crise. Ce conflit a fait près de 183 000 morts et 3,4 millions de migrants . Le rôle des acteurs fut déterminant dans l’apaisement de ce conflit avec la signature des accords de paix et la mise en place d’un gouvernement de transition le 30 juin 2003. Au Sénégal, le conflit casamançais constitue l’un des épisodes marquant de l’histoire du pays. Cette crise a débuté avec la marche dans les rues de Ziguinchor du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) qui réclamait l’indépendance de la Casamance le 26 décembre 1982. Cette marche fut réprimée dans le sang et les forces de l’ordre procédèrent à des arrestations dont celui du leader indépendantiste l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Certains manifestants fuirent dans le maquis ce qui constitua un tournant décisif dans cette crise qui dure plus de trente ans. Depuis, les protagonistes s’affrontent dans un conflit meurtrier qui a eu et continue d’avoir de grave impacts démographiques, sociaux, économiques et psychologiques sur les populations. Depuis le début du conflit jusqu’à nos jours les deux camps (gouvernement du Sénégal et les rebelles) ont déjà signé des cessez le feu et des accords de paix, mais chaque fois, la détente de l’arme est suivie d’une nouvelle escalade des hostilités entrainant ainsi de multiples et diverses conséquences :
– Plus de 1000 personnes y ont perdus la vie,
-En 2000, l’ONG Caritas recensait plus de 60000 personnes déplacées ou contraintes à l’exil. Ces déplacées se réfugiaient dans l’espace casamançais mais aussi dans les pays limitrophes plus particulièrement (la Gambie et la Guinée Bissau), et plusieurs d’entre eux n’ont toujours pas pu retourner dans leurs villages d’origine.
-plus de 250 villages ont été désertés durant le conflit .
L’ONG Handicap International a enregistré 610 victimes de mines en Casamance. Ces diverses conséquences n’ont pas épargnées la commune de Simbandi Balante particulièrement la zone Simbandi cadre d’investigation de cette présente étude : Nous notons du point de vu agricole, un abandon massif des champs, un vol récurrent des bétails. Le secteur commercial ainsi que celui du transport n’est pas aussi épargné par cette crise à travers le pillage des boutiques, le vol des motos. Ces situations sont dues à l’absence des cantonnements militaires dans certains villages et le long de la frontière avec la Guinée Bissau. Ces situations engendrent d’une part un mouvement de population. Ce phénomène fut à l’origine de la migration des populations qui quittèrent leurs villages pour aller se réfugier dans les villages sécurisés, c’est-à-dire, des villages où il y a la présence des cantonnements militaires. Ces dernières rencontrent d’énormes difficultés liées à leur insertion dans les familles d’accueils et le problème d’accès à des terres. D’autre part l’absence de soutien de l’Etat à ces dernières est aussi une tare à souligner. Enfin les échecs répétés de l’Etat dans le règlement définitif de ce conflit n’ont pas permis jusqu’à présent le retour total des migrants dans les zones de départ.
LA REVUE CRITIQUE DE LA LITTERATURE
Dans Les migrations humaines Louis DOLLOT (1970) commence par introduire le mot émigrer « Emigrer, c’est-à-dire adopter d’une maniéré temporaire ou définitif_ un pays, un climat nouveaux, n’est pas le propre de l’homme seul ». Pour marquer les relations entre l’homme et la migration, il montre d’abord les causes de la mobilité de la population en Europe. les raisons de ces migrations humaines sont dues à des causes naturelles tels que les cataclysmes (inondations, éruptions volcaniques), des causes sociales caractérisées de persécutions politiques (émigration des partisans de l’ancien régime sous la Révolution Française), et religieuses (expulsion des morisques et des juifs en Espagne lors de la reconquête) et des causes d’ordre économique (hausse des salaires dans les villes et pays neuve). Parmi ces migrations, nous pouvons retenir; les migrations saisonnières qui vont marquer les relations entre les campagnes et les villes, les migrations internes qui se déroulent à l’intérieur des régions géographiques et les migrations internationales marquées par le départ d’un pays ou d’un continent à un autre. A cela s’ajoute les migrations définitives et temporaires. Ensuite Louis DOLLOT explique que les migrations entrainent parfois des problèmes dont les déplacements constituent un vide pour les zones de départ et dans la zone d’accueil ce phénomène sera à l’origine de l’accroissement de la population. Le droit du migrant à voyager et le droit de l’Etat à filtrer le territoire vont aussi constituer des problèmes d’où l’intervention des organismes internationaux tels que l’O.N.U, l’O.I.R, l’O.I.M… dans son analyse, DOLLOT divise l’histoire de la migration en trois phases : la phase préhistorique, la phase historique et contemporaine et la phase statistique qui débute 1810- 1815. Enfin, les migrations internationales depuis 1914 appelé aussi l’ère des migrations dirigées s’explique par les deux guerres mondiales qui ont secoué le monde et dont les migrations sont dirigées vers les champs de bataille à cela s’ajoute la fuite de la population. Mais aussi, la situation concernant la fuite de la population va entrainer la création des Ministères de l’Immigration dans certains pays et l’adoption des lois et des accords internationaux sur l’immigration et la main d’œuvre.
En bref l’étude de cet ouvrage nous a permis de connaitre d’abord les causes de la migration en Europe qui sont d’ordre naturelle, économique mais aussi liées à la persécution politique et religieuse ensuite les formes et les problèmes engendrées par la migration et enfin la migration internationale au début de la première guerre mondiale avec des mouvements de population dirigées vers les zones de conflit et les zones des réfugiées.
AIDARA, Zahraou (2006) dans son mémoire intitulé La communication en Zone de Conflit Casamançaise : Cas USOFORAL, explique comment la communication est une arme de paix importante dans une zone de conflit. Son étude s’est faite dans la Communauté Rurale de Enampore située dans l’Arrondissement de Niassia, le département et la région de Ziguinchor avec une Organisation Non Gouvernementale (ONG) appelé USOFORAL qui est un mot Diola qui veut dire s’associer, être en parfaite entente. Pour cela, elle commence par identifier les différents types de conflit répertoriés dans la zone de Enampore: il s’agit d’abord des conflits de terres qui reposent sur l’allocation des rizières, des espaces de plantation et de récolte de vin de palm. D’autre part des conflits du bétail, qui pendant l’hivernage les vaches et les chèvres laissées en liberté s’attaquent aux cultures d’où les agriculteurs ripostent en s’en prenant aux vaches ou aux propriétaires ce qui engendrent des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Ensuite il y a des types de conflit entre village mais aussi lors des cérémonies traditionnelles comme par exemple : les séances de lutte, les matchs de football, lors des navétanes et aussi lors des funérailles ou des circoncisions ou chaque village veut montrer sa supériorité concernant leur savoir-faire traditionnel. Enfin AIDARA montre que les conflits actuels sont : les agressions, les tueries, les braquages qui empêchent à la population d’exploiter les ressources dont elles disposent. Après avoir cité ces types de conflits, elle indique les types de rapports que les jeunes, la population et les femmes entretiennent avec le conflit. Pour les jeunes, le conflit est à l’origine du chômage, de l’insécurité dont certains embrassent d’intégrer les rebelles et d’autres l’armée nationale. Pour les femmes le fait que leurs fils embrassent les deux camps différents qui mènent à des tueries entre eux engendre des inquiétudes chez les dernières. Mais, il y a aussi une relation entre la population et l’armée qui au début de la crise était marquée par la crainte, mais de nos jours elle se traduit par la tolérance et la confiance. Après avoir montré les types de conflits et de rapports, elle montre que la communication en zone de conflit est un moyen de gestion non violente du conflit et aussi comment le besoin de communiquer dans un conflit est un impératif dans le processus de paix en Casamance. Pour ce faire USOFORAL forme la population en les donnant des cours dont l’objectif et de renforcer la connaissance et les compétences des participants sur l’identification, l’analyse et la gestion d’un conflit (médiation) en aidant les combattants de retour à obtenir des pièces d’Etat civil, aller trouver les combattants pour les sensibiliser au retour et à l’insertion sociale. Mais aussi intégrer surtout les chefs de village, les sages et les autorités locales et religieuses.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : UN MILIEU FAVORABLE AUX ACTIVITES HUMAINES
CHAPITRE I : PRESENTATION ET FACTEURS PHYSIQUES DE LA ZONE D’ETUDE
CHAPITRE II : ETUDE DE LA POPULATION
DEUXIEME PARTIE : L’IMPACT DU CONFLIT ARME DANS LES SECTEURS D’ACTIVITES
CHAPITRE I : LE CADRE SOCIO-ECONOMIQUE
CHAPITRE II : LES CONDITIONS PARTICIPANTES A L’ACCELERATION DES EFFETS DU CONFLIT ARME SUR LES ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES
Missirah Safane
TROISIEME PARTIE : SUR LES MIGRATIONS ET INTERVENTIONS DES ACTEURS
CHAPITRE I : EFFETS DU CONFLIT ARME SUR LES MIGRATIONS
CHAPITRE II : LA MOBILISATION DES ACTEURS SUR LES EFFETS DU CONFLIT ARME
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE