Effets du comportement virtuel sur le comportement physique du consommateur

La genèse de ce travail doctoral repose sur un concept, celui de mobilité. La mobilité caractérise les modes de consommation actuelle. La technologie est portable, la nourriture est à emporter et comme le soulignait déjà Merlin (1991, p.199) deux décennies plus tôt, « la mobilité ne fait que refléter le style de vie ». En 1989, Orfeuil et Hivert prévoient que les évolutions de la mobilité spatiale vont entraîner de profonds changements :

– Une désynchronisation des déplacements et une utilisation de la voiture accrue du fait de la tertiarisation de masse ;
– Une transformation de la cellule familiale liée à la décohabitation juvénile, l’augmentation des familles monoparentales et la recherche d’un cocon familial ;
– La perte de pouvoir des institutions de masse telles que l’Église, les partis politiques, les syndicats au profit des valeurs individuelles, du respect de l’autre et de la société ;
– Une influence majeure des télécommunications sur le comportement spatial.

Ces changements ont notamment eu des répercussions sur les comportements de consommation. En 2010, l’agence CLM BBDO en partenariat avec des chercheurs et des professionnels réalise une étude baptisée Mobilife. Cette étude traite de l’évolution des comportements de consommation des consommateurs hypermobiles. Ce groupe de consommateurs passe beaucoup de temps à se déplacer. Le mode de vie des consommateurs entraîne des modifications non seulement en termes d’utilisation des infrastructures de transports, mais également en termes de comportements. Ainsi l’hypermobile utilise ses déplacements pour réaliser d’autres activités (travailler, prendre son repas, jouer). Il optimise son emploi du temps en combinant les déplacements physiques et l’utilisation de différentes technologies, mais cherche également des moments d’immobilisme à la fois physique et virtuel. Ces exemples illustrent l’intérêt d’étudier la mobilité pour aborder les évolutions des comportements de consommation auxquels sont aujourd’hui confrontés les chercheurs et les praticiens en marketing.

Plusieurs recherches mettent en évidence la complexification des parcours d’activités des consommateurs. Ces derniers mettent ainsi en place des stratégies afin d’optimiser leurs déplacements pour motifs professionnels et personnels (Dion et Michaud-Trevinal, 2004). La diffusion des Technologies de l’Information et de la Communication – TIC a joué un rôle clé dans ces changements. Elle a permis au consommateur de faire évoluer sa mobilité en combinant les déplacements physiques avec les l’utilisation de différents canaux virtuels pour organiser son emploi du temps, réaliser ses achats ou communiquer avec ses proches (Farag et al., 2007 ; Weltevreden, 2007).

L’émergence de nouveaux comportements de consommation amène à se questionner sur la frontière entre comportement de consommation physique et comportement de consommation virtuel (Helme-Guizon, 2001). Cependant, les travaux qui traitent de ces relations sont rares. Badot et Lemoine (2013) considèrent que cette rareté des recherches s’explique par une approche dichotomique du marketing qui traite séparément des comportements virtuels et physiques. Ce paradigme dichotomique, ancré aussi bien dans le monde académique que managérial, est une des raisons qui a limité les travaux traitant des relations entre comportement physique et virtuel du consommateur. En outre, la dimension spatiale des comportements de consommation est peu traitée par les recherches en marketing (Cliquet, 2003). Ces deux constats expliquent pourquoi les recherches traitant des relations entre TIC et mobilité sont relativement rares en marketing. En réponse à ces limites, Badot et Lemoine (2013) proposent de passer vers un paradigme ubiquitaire qui considère que les comportements de consommation physiques et virtuels sont complémentaires. Le consommateur ne fait pas cette distinction mais combine les canaux d’informations et d’achats physiques et virtuels selon ses besoins (Sim et Koi, 2002 ; Weltevreden, 2007).

Quels usages font les touristes de leur smartphone pour découvrir l’espace géographique d’une destination ?

L’identification des différents usages permet de retranscrire comment les consommateurs interagissent virtuellement afin d’obtenir des informations sur différents lieux de la destination (lieux d’interactions physiques).

Après avoir identifié ces différents usages, notre étude se pencher sur les causes et les conséquences de ces usages. Les travaux actuels qui traitent de l’usage des services mobiles sont encore rares et présentent plusieurs limites. Les recherches s’appuient principalement sur le modèle TAM et ses dérivées (Varnali et Toker, 2010). Ils utilisent une variable expliquée, l’intention d’usage, qui explique faiblement l’usage réel (Karahanna, Straub et Chervany, 1999). De plus, ces modèles reposent sur une approche déterministe qui considèrent l’utilisateur comme passif et ne prend pas en compte le rôle de co-creation de l’utilisateur (Baron, Patterson et Harris, 2006) dont découle l’usage. Enfin, cette approche ne permet pas de prendre en compte les facteurs contextuels d’utilisation ainsi que les expériences précédentes. En réponse à ces limites, la théorie de la diffusion des usages (Shih et Venkatesh,2004 ; Shih et al., 2013) offre un cadre théorique pertinent. Cette théorie considère que pour étudier la diffusion de technologies complexes i.e. qui propose un grand nombre de fonctionnalités, il est nécessaire d’étudier ces usages, leurs antécédents et leurs conséquences.

Quels sont les déterminants et les conséquences de ces usages ?

Cette deuxième question de recherche souhaite identifier les déterminants des usages de services mobiles ainsi que leurs effets. Cette question amène également à s’interroger sur la pertinence des services mobiles touristiques en fonction de la destination et sur les leviers qui pourraient favoriser le développement des usages. L’identification des déterminants et des conséquences de ces usages vont permettre de proposer des recommandations aux professionnels du tourisme et aux entreprises souhaitant développer des services mobiles permettant de favoriser la découverte de la destination.

Mobilité du consommateur et usages touristiques du smartphone

La question des relations entre utilisation des TIC et comportement spatial du consommateur est peu abordé par les travaux en marketing (Cliquet et Dion, 2002). Cette rareté des recherches s’explique notamment par le fait que l’analyse des comportements de consommation est basée sur une approche dichotomique. Comme le rappellent Badot et Lemoine (2013), les recherches sur le comportement de consommation analysent séparément comportement physique et comportement en ligne ou virtuel. Pour autant, les consommateurs combinent canaux physiques et virtuels sans nécessairement réaliser cette distinction. C’est d’ailleurs une des principales difficultés de l’analyse des comportements de consommation actuels, étudier les interactions qui existent entre les comportements physiques et virtuels du consommateur .

Le comportement de mobilité du consommateur, proposition d’un nouveau cadre conceptuel

Dans cette section, nous commençons par mettre en perspective l’évolution des comportements de consommation, notamment spatiaux, et le rôle des Technologies de l’Information et de la Communication — TIC dans ces transformations. Ce constat nous amène à nous interroger sur le bien-fondé de l’approche dichotomique du marketing traitant des comportements de consommation physiques d’une part, et en ligne, d’autre part.

Dans un second temps, nous nous focalisons sur les travaux en marketing spatial. Bien que ce domaine soit l’un des premiers étudié par le marketing, les travaux sur le sujet sont aujourd’hui relativement rares (Cliquet et Dion, 2002). Ainsi, si plusieurs auteurs soulignent le rôle des TIC dans la complexification du comportement spatial du consommateur, ce facteur n’est pas traité par des analyses empiriques. Afin de répondre à ces limites, nous mobilisons les travaux issus de l’économie et de la géographie spatiale qui se sont largement intéressés à l’effet des TIC sur la mobilité des consommateurs. Ces travaux arrivent à la conclusion que la complexité des relations entre TIC et mobilité ne permettent pas d’établir de relations directes, mais qu’il existe une succession d’interactions qui interviennent entre TIC et mobilité du consommateur.

Enfin, nous montrons que le concept de mobilité est rarement défini par les chercheurs et plutôt utilisé comme un synonyme de déplacement. Cependant, pour certains chercheurs la mobilité est un concept beaucoup plus riche et multidimensionnel. C’est de ce constat qu’a émergé au début des années 2000, le « Nouveau Paradigme des Mobilités », un courant pluridisciplinaire qui aborde la mobilité comme nouveau prisme d’analyse des comportements qui étudie conjointement mobilité physique et virtuelle. En nous appuyant sur cette revue de littérature multidisciplinaire, nous proposons un nouveau cadre conceptuel, le comportement de mobilité du consommateur.

Vers une évolution de l’étude des comportements de consommation physique et virtuel 

Cette première sous-section est consacrée à l’évolution du comportement du consommateur. Tout d’abord, nous abordons la dimension spatiale du comportement en nous appuyant sur les rares recherches en marketing, mais également sur d’autres travaux issus de la géographie et de l’économie spatiale. Nous faisons ainsi le constat d’une complexification des parcours quotidiens du consommateur qui n’hésite plus à combiner activités professionnelles, loisirs et consommation au cours d’une même journée. Ensuite, nous nous focalisons sur le rôle des TIC et plus particulièrement d’Internet, dans l’évolution des comportements spatiaux de consommation. Certains chercheurs au début de l’ère Internet avaient prédit la fin des points de vente physique (Rallet, 2005). Les travaux de la dernière décennie montrent que le consommateur semble ne pas effectuer de dichotomie entre comportement physique et virtuel (ou en ligne), mais qu’il utilise Internet pour la recherche d’informations ou pour palier à l’absence d’une enseigne à proximité de son lieu de vie. La revue de littérature nous amène alors à adopter une approche qui considère un unique espace géographique composé de lieux d’interactionsphysiques et virtuels.

Le comportement spatial, un indicateur des évolutions des comportements de consommation

L’étude de la littérature permet d’identifier plusieurs transformations dans la complexification des déplacements. Le trajet domicile-travail, longtemps principal motif de déplacement, ne représente aujourd’hui plus qu’une faible part des déplacements (Hivert, Orfeuil 1989 ; Benoit, Benoit 1995 ; Hubert 2009). Les itinéraires se sont complexifiés, combinent différents moyens de transport à des horaires moins réguliers (Ascher, 2005 ; Kaufmann, 2004). En effet, la souplesse accrue des emplois du temps permet d’aménager ses parcours quotidiens plus facilement (Viard, 2006, p. 124).

Viard (2006) et Monnet (2010), identifient quatre grands facteurs responsables des transformations des comportements spatiaux. Premièrement, l’entrée dans une période « postfordiste » où la flexibilité et la précarité des emplois ont provoqué une atténuation de la routine « métroboulot-dodo ». Cette souplesse des emplois du temps accrue permet ainsi d’aménager ses parcours quotidiens plus facilement. Deuxièmement, la féminisation de l’emploi et une répartition des tâches domestiques moins inégale ont favorisé les déplacements des femmes. Troisièmement, l’étalement urbain lié à l’éloignement des familles du centre-ville a étendu les limites du centre-ville qui n’ est plus clairement délimité. Pour Viard (2006, p. 123). « Il ne s’agit pas d’un retour résidentiel et culturel vers le rural d’hier, mais du triomphe d’une urbanité sans lieu ni borne. » Quatrièmement, l’explosion de la population étudiante qui est amenée au cours de son cursus, à se déplacer dans plusieurs villes.

On constate également une utilisation différente des moyens de transport selon le lieu d’habitation. Les personnes vivant en périphérie ont plus souvent recours à la voiture. Elle reste le moyen de transport privilégié, car souvent plus rapide et plus confortable, mais aussi parce que la voiture permet de fragmenter plus facilement les itinéraires (Remy, 2004). Ce questionnement du rôle de la voiture fait d’ailleurs l’objet d’un courant de recherche autour du concept « d’automobilité » (Bourdin, 2005). À l’inverse, les habitants des centres-ville privilégient l’utilisation des transports en commun, de la marche à pied et du vélo dans une moindre mesure (Bourdin, 2005).

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Table des matières

Introduction générale
Partie I REVUE DE LITTÉRATURE, MODÈLE THÉORIQUE ET HYPOTHÈSES DE RECHERCHES
Chapitre 1 Mobilité du consommateur et usages touristiques du smartphone
Section 1 Le comportement de mobilité du consommateur, proposition d’un nouveau cadre conceptuel
1.1 Vers une évolution de l’étude des comportements de consommation physique et virtuel
1.2 Mobilité et TIC, des relations encore difficiles à appréhender
1.3 La mobilité : un nouveau cadre d’analyse pour le comportement du consommateur ?
Section 2 Étudier l’utilisation du smartphone au cours d’un séjour touristique à partir du comportement de mobilité du consommateur
2.1 Le smartphone et le tourisme
2.2 De l’utilisation à l’usage
2.3 Smartphone et tourisme
Chapitre 2 Vers un modèle de diffusion des usages de services mobiles touristiques
Introduction du chapitre 2
Section 1 Les SMOORIL : cadre théorique, usages, antécédents et conséquences au cours d’un séjour touristique
1.1 L’usage du smartphone et des services mobiles en marketing
1.2 Les variables centrales du modèle, les usages de SMOORIL
1.3 Les variables explicatives de l’usage de services mobiles touristiques
1.4 Les conséquences de l’usage de services mobiles touristiques
1.5 Les modérateurs et la variable de contrôle
Section 2 Vers un modèle de diffusion des SMOORILS au cours d’un séjour touristique
2.1 L’étude exploratoire sur l’usage des services mobiles au quotidien et les usages de SMOORIL au cours d’un séjour touristique
2.2 Vers un modèle de diffusion des SMOORIL au cours d’un séjour touristique
Synthèse du chapitre 2
Partie II PRESENTATION ET DISCUSSION DES RESULTATS DE L’ETUDE EMPIRIQUE
Chapitre 3 Choix methodologiques et analyse des instruments de mesure
Section 1 Modalités de mise en œuvre du terrain de recherche
1.1 L’élaboration du questionnaire et recueil des données
1.2 Les méthodes statistiques d’analyse des données
Section 2 Développement, adaptation et analyse des principaux instruments de mesure
2.1 Mesure des usages de SMOORIL
2.2 Mesure des déterminants des usages de SMOORIL
2.3 Mesure des conséquences des usages de SMOORIL
2.4 Variable de contrôle : l’échelle de mesure de l’ubiquité de service
2.5 Mesure des variables modératrices, l’intensité et la variété d’ usages de SMOORIL et des usages quotidiens de services mobiles
Chapitre 4 Résultats et discussion
Section 1 Test des hypothèses et des propositions de recherche
1.1 Test des propositions relatives aux caractéristiques du séjour sur l’usage de SMOORIL
1.2 Test du modèle de recherche
1.3 Recherche de modérateurs pour le modèle à partir des analyses multigroupes
Section 2 Discussion
2.1 Les déterminants des usages de SMOORIL : une mesure de la mobilité potentielle virtuelle du touriste
2.2 Les conséquences des usages de SMOORIL sur l’expérience touristique, une mesure de la mobilité potentielle physique
2.3 Les conséquences des effets perçus sur l’expérience touristique sur la satisfaction avec les SMOORIL
2.4 La comparaison des usages selon la catégorie de services, une mesure de la mobilité virtuelle effective
2.5 Les modérateurs du modèle
Conclusion

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