La directive 2012/18/UE du parlement européen et du conseil du 4 juillet 2012 (directive Seveso III) dont la transposition en droit français est entre autres assurée par la loi DDADUE du 16 juillet 2013, le décret n° 2014-284 du 3 mars 2014 et l’arrêté du 26 mai 2014, impose aux exploitants industriels de prendre en compte le danger d’effet domino dans la prévention des accidents majeurs dans les sites Seveso. En France, les exigences réglementaires relatives aux effets dominos sont bien antérieures à la directive Seveso III et même à la directive Seveso II (directive 96/82/CE) où, pour la première fois un article fût spécialement dédié aux effets dominos (article 8). La nécessité d’identifier et de prévenir la propagation des accidents par effet domino remonte à 1976 avec la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées.
Toutefois, la complexité des scénarios dominos est à l’origine de l’inexistence d’une procédure commune systématique et simple pour leur appréciation. En effet, en raison des difficultés à la fois techniques et managériales rencontrées lors de l’identification et l’analyse de tels risques, plusieurs outils et mêmes valeurs de distances de sécurité sont adoptés dans chaque pays. La Normandie compte plus de 2300 installations industrielles à risques, 88 classées SEVESO dont 38 se trouvent en Seine-Maritime. Elle est la troisième région industrielle métropolitaine avec des savoir-faire particuliers concernant les secteurs des énergies, de la chimie, de la plasturgie mais aussi de l’automobile. Jusqu’à présent, cinq Grands Réseaux de Recherche – GRR donnent une image forte et lisible du potentiel scientifique et technologique de la région Haute-Normandie. Le GRR TERA – Territoire, Environnement, Risque, Agronomie a une forte interdisciplinarité, en cohérence avec les spécificités environnementales touchant le territoire régional. Le réseau MRT – Maîtrise des Risques Technologiques est l’une des composantes de ce GRR, il a pour vocation principale la prévention des accidents et la gestion de crise.
EFFETS DOMINOS ET ANALYSE DES RISQUES : MISE EN CONTEXTE
Notions de base
Définitions
Étant donné que le vocabulaire de management de risques souffre de certaines divergences, le recours au Guide ISO CEI 73 (Management du risque –Vocabulaire) et le glossaire de la circulaire du 10 mai 2010 est indispensable pour éviter toute ambiguïté. Par conséquent, certaines définitions sont indiquées dans le glossaire, les notions les plus importantes sont présentées dans les paragraphes qui suivent.
Danger : cette notion définit une propriété intrinsèque à une substance (butane, chlore,…), à un système technique (mise sous pression d’un gaz,…), à une disposition (élévation d’une charge),…, à un organisme (microbes), etc., de nature à entraîner un dommage sur un « élément vulnérable » [sont ainsi rattachées à la notion de « danger » les notions d’inflammabilité ou d’explosivité, de toxicité, de caractère infectieux, etc. inhérentes à un produit et celle d’énergie disponible (pneumatique ou potentielle) qui caractérisent le danger]. (Circulaire du 10 mai 2010).
Aléa : probabilité qu’un phénomène accidentel produise en un point donné des effets d’une intensité donnée, au cours d’une période déterminée. L’aléa est donc l’expression, pour un type d’accident donné, du couple (Probabilité d’occurrence ٔ Intensité des effets). Il est spatialisé et peut être cartographié. Cette notion est relativement récente dans le domaine des risques technologiques. En effet, elle est apparue dans les textes réglementaires qui ont suivi l’apparition de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Risque : possibilité de survenance d’un dommage résultant d’une exposition aux effets d’un phénomène dangereux. Dans le contexte propre au risque technologique, le risque est, pour un accident donné, la combinaison de la probabilité d’occurrence d’un événement redouté/final considéré (incident ou accident) et la gravité de ses conséquences sur des éléments vulnérables (Circulaire du 10 mai 2010). Les composantes principales du risque sont la probabilité, l’intensité et la vulnérabilité, leur regroupement (combinaison) permet de caractériser le risque de deux façons différentes mais équivalentes. Effectivement, lorsque le regroupement des composantes est effectué, on peut dire que le risque est la combinaison de l’aléa et de la vulnérabilité ou de la probabilité et de la gravité des dommages, et cela revient au même .
La notion d’aléa est utilisée principalement dans le cadre de la maîtrise de l’urbanisation ou de l’aménagement autour des établissements à risque, et des plans de prévention des risques technologiques. Il est indispensable de connaître l’aléa afin de supprimer ou tout au moins diminuer la vulnérabilité.
Réduction du risque : actions entreprises en vue de diminuer la probabilité, les conséquences négatives (ou dommages), associés à un risque, ou les deux (ISO/CEI Guide 73). Cela peut être réalisé au travers de chacune des trois composantes du risque, la probabilité, l’intensité et la vulnérabilité.
Vulnérabilité (ou sensibilité) : facteur de proportionnalité entre les effets auxquels est exposé un élément vulnérable (ou cible) et les dommages qu’il subit.
Élément vulnérable (cible) : personnes, biens ou composantes de l’environnement susceptibles, du fait de l’exposition au danger, de subir des dommages. Un élément vulnérable est aussi appelé « cible ». Dans le cadre de ce mémoire c’est le terme « cible » qui est employé.
Probabilité d’occurrence : au sens de l’article L. 512-1 du Code de l’environnement, la probabilité d’occurrence d’un accident est assimilée à sa fréquence d’occurrence future estimée sur l’installation considérée. Elle est en général différente de la fréquence historique et peut s’écarter, pour une installation donnée, de la probabilité d’occurrence moyenne évaluée sur un ensemble d’installations similaires. Attention aux confusions possibles :
● assimilation entre probabilité d’un accident et celle du phénomène dangereux correspondant, la première intégrant déjà la probabilité conditionnelle d’exposition des cibles. L’assimilation sous-entend que les cibles sont effectivement exposées, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment si la cinétique permet une mise à l’abri.
● probabilité d’occurrence d’un accident x sur un site donné et probabilité d’occurrence de l’accident x, en moyenne, dans l’une des N installations du même type (approche statistique) (circulaire du 10 mai 2010).
Probabilité d’occurrence d’un phénomène dangereux (Circulaire n° DPPR/SEI2/MM-05- 0316 du 7 octobre 2005) : cette probabilité est obtenue par agrégation des probabilités des scénarios conduisant à un même phénomène, ce qui correspond à la combinaison des probabilités de ces scénarios selon les règles logiques (ET/OU). Elle correspond à la probabilité d’avoir des effets d’une intensité donnée (et non des conséquences).
Sécurité-Sûreté : dans le cadre des installations classées, on parle de sécurité des installations vis-à-vis des accidents et de sûreté vis-à-vis des attaques externes volontaires (type malveillance ou attentat) des intrusions malveillantes et de la malveillance interne. Attention, en anglais, les termes utilisés sont de faux amis, inversés, puisque «safety» signifie sécurité et «security» signifie sûreté (circulaire du 10 mai 2010).
Mesure de maîtrise des risques (ou barrière de sécurité) : ensemble d’éléments techniques et/ou organisationnels nécessaires et suffisants pour assurer une fonction de sécurité. On distingue :
● les mesures de prévention qui visent à éviter ou limiter la probabilité d’un événement indésirable, en amont du phénomène dangereux ;
● les mesures de limitation qui visent à limiter l’intensité des effets d’un phénomène dangereux ;
● les mesures de protection qui visent à limiter les conséquences sur les cibles potentielles par diminution de la vulnérabilité (circulaire du 10 mai 2010).
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 EFFETS DOMINOS ET ANALYSE DES RISQUES : MISE EN CONTEXTE
1.1 Notions de base
1.1.1 Définitions
1.1.2 Installations classées & étude de dangers
1.1.3 Méthodes d’analyse des risques
1.2 Effets dominos
1.2.1 Définitions
1.2.2 Législation française : aperçu historique
1.3 Exemples d’accidents passés impliquant les effets dominos
1.3.1 Accident de Mexico, 19 novembre 1984
1.3.2 Accident de Buncefield, Royaume-Uni, 11 décembre 2005
1.4 Approches scientifiques et méthodologies existantes
1.4.1 Analyse des accidents passés
1.4.2 Approche qualitative
1.4.3 Approche quantitative
1.4.3.1 Vulnérabilité des équipements aux effets de suppression
1.4.3.2 Vulnérabilité des équipements aux effets thermiques
1.4.3.3 Vulnérabilité des équipements aux impacts de fragments
1.4.4 Outils d’aide à la décision existants
1.4.4.1 DOMIFFECT (DOMIno eFFECT), 1998
1.4.4.2 STARS Domino, 2001
1.4.4.3 Domino XL 2.0, 2002
1.4.4.4 Version domino du logiciel Aripar-GIS, 2006
1.4.4.5 DomPrevPlanning, 2007
1.5 Conclusion
CHAPITRE 2 ÉTUDE DES RISQUES DE PROPAGATION D’ACCIDENTS EN EUROPE : SEUILS POUR LES EFFETS DOMINOS ET DISTANCES DE SÉCURITÉ
2.1 Introduction
2.2 Cadre législatif et réglementaire
2.3 Définitions de l’effet domino
2.4 Seuils d’endommagement et seuils d’escalade (aggravation)
2.5 L’escalade, extension des dommages : distance de sécurité
2.6 Analyse des effets dominos
2.6.1 Royaume-Uni
2.6.2 Pologne
2.6.3 Pays-Bas
2.6.4 Allemagne
2.6.5 Belgique
2.6.6 France, Italie, Grèce et Catalogne (Espagne)
2.7 Conclusion
CHAPITRE 3 MÉTHODOLOGIE POUR LA PRÉVENTION DES ACCIDENTS À EFFETS DOMINOS
3.1 Introduction
3.2 Démarche mise en œuvre pour le développement de la méthode proposée
3.2.1 Étude du retour d’expérience
3.2.2 Analyse des méthodes et outils existants
3.2.3 Conception d’une base de connaissances
3.2.4 Choix de l’approche à adopter et des techniques à utiliser
3.2.4.1 Approche probabiliste
3.2.4.2 Méthode de l’arbre d’événements
3.3 Méthodologie
3.3.1 Phase 1 : Identification des chemins de propagation
3.3.1.1 Description de la zone industrielle étudiée
3.3.1.2 Sélection des équipements sources
3.3.1.3 Sélection et caractérisation des pertes de confinement
3.3.1.4 Définition d’un arbre d’événements pour chaque scénario Pollution de l’environnement
3.3.1.5 Calcul des effets physiques des phénomènes dangereux
3.3.1.6 Identification des cibles et appréciation de la fréquence de l’effet domino
3.3.2 Phase 2 : Identification des équipements critiques
3.3.2.1 Estimation de la criticité de chaque scénario domino
3.3.2.2 Attribution d’un facteur de danger pour chaque séquence domino
3.3.2.3 Hiérarchisation des équipements
3.4 Conclusion
CHAPITRE 4 APPLICATIONS À DES ÉTUDES DE CAS
4.1 Cas d’étude simplifié
4.1.1 Description de l’exemple d’application
4.1.2 Application de la méthode
4.1.2.1 Description de la zone industrielle étudiée
4.1.2.2 Sélection des équipements sources
4.1.2.3 Sélection et caractérisation des pertes de confinement
4.1.2.4 Affectation d’un arbre d’événements pour chaque ERC
4.1.2.5 Calcul des effets physiques générés par les phénomènes dangereux
4.1.2.6 Identification des cibles et calcul des fréquences de l’effet domino
4.1.2.7 Hiérarchisation des séquences accidentelles
4.1.3 Discussion
4.2 Application de la méthode sur le parc de réservoirs de l’entreprise X (étude d’un cas réel)
4.2.1 Description du parc de réservoir de l’entreprise X
4.2.2 Choix des équipements sources
4.2.3 Fréquences d’occurrence des accidents primaires et évaluation des probabilités d’escalade
4.2.4 Identification des scénarios dominos (chemins de propagation)
4.2.5 Hiérarchisation des séquences dominos, des équipements sources et des cibles primaires
4.3 Discussion
4.4 Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE