Effets de l’interaction entre vers de terre et matières organiques sur la disponibilité du phosphore et la production de biomasse du riz

Avec un taux de pauvreté qui s’élève à 92%, Madagascar est aujourd’hui le quatrième pays le plus pauvre du monde (Sourisseau et al. 2016). 80% de la population pauvre du pays travaillent dans les filières agricoles (Minten et al., 2003) dont le riz est la plus importante aussi bien en termes de production avec 44% de la production des cultures vivrières d’après (Ralaifenomanana, 2009), que de consommation avec une consommation annuelle par individu estimée à 118kg en milieu urbain et à 138kg en milieu rural (Raboin et al., 2013). Par conséquent, l’accroissement de la productivité agricole, principalement rizicole, est une priorité fondamentale à Madagascar.

Les paysans de la région des Hautes-terres sont parmi les principaux producteurs de riz avec 36% de la production totale malagasy (Penot, 2012) mais cela n’est pas suffisant pour subvenir aux besoins de la population locale qui ne cesse de s’accroitre de l’ordre de 3% par an (Penot et al., 2009). De la sorte, le taux de l’insécurité alimentaire est élevé : 8% sont en malnutrition chronique et 38% sont en insuffisance alimentaire. Cette stagnation de la productivité est attribuée à la faible disponibilité des terres cultivables du fait de la saturation des bas-fonds traditionnellement consacrés à la riziculture irriguée. De ce fait, l’exploitation des versants de collines appelés « tanety » pour la riziculture pluviale est devenue comme une option à explorer. En 1971, Raison écrivait déjà que : la clé du développement agricole sur les Hautes-Terres malgaches est la mise en culture des « tanety ». Cependant, ces sols de « tanety » sont principalement des sols ferrallitiques (Rabeharisoa, 2004). Ils sont caractérisés par une faible fertilité naturelle où les éléments nutritifs mobilisables par les racines des végétaux, notamment le phosphore, sont très peu disponibles.

Le phosphore (P) est présent dans les sols à la fois sous formes organiques et minérales pour former le phosphore total (P total). Les sols ferrallitiques de «tanety» des Hautes-terres de Madagascar renferment une teneur en P total élevé, pourtant, seulement 1,2 à 2% sont susceptibles d’être absorbés par les plantes (Rasoamaharo, 2008).

Toutefois, le phosphore (P) figure parmi les cinq éléments essentiels à la croissance des végétaux, soient le carbone, l’hydrogène, l’oxygène, l’azote et le phosphore (Beaudin, 2006). Il est même classé comme le premier des facteurs limitants des rendements dans les sols sous climats tropicaux (Andriamaniraka et al, 2009). Le P est surtout nécessaire à la formation des graines ; en carence de P, la récolte peut diminuer jusqu’à 50% (Baeyens et al., 1967).Rabeharisoa (2007) a  fait des études illustrant les gains importants de productivité en incluant des apports de P, même modérés, dans des systèmes agricoles à Madagascar. Ainsi, la mise en valeur des « tanety » pour des pratiques culturales implique une amélioration du processus de disponibilité du P dans les sols ferrallitiques qui les recouvrent. Pour ce faire, l’apport exogène des engrais phosphatés est une des méthodes les plus adoptées par les agriculteurs. Mais en plus du problème de leur coût, les engrais phosphatés s’avèrent fréquemment peu efficaces du fait du pouvoir fixateur élevé de ces sols ferrallitiques vis-à-vis des ions phosphates. Par ailleurs, le P de source organique persistait plus longtemps dans le sol par rapport au P des engrais minéraux et est facilement mobilisable par les organismes bénéfiques du sol (Simard, 1998). Dans ce cadre, favoriser l’abondance et l’activité des organismes du sol par apport de P sous forme organique est une piste non négligeable sur la disponibilité du P dans les terres agricoles.

GENERALITES

A Madagascar, les sols ferrallitiques couvrent les 2/3 de la superficie du pays tout en occupant la partie orientale et les Hautes-terres de l’île (Rapport sur l’état de l’environnement à Madagascar, 2012). Sur les Hautes-terres, on doit noter l’existence généralisée des sols ferrallitiques sous pseudo-steppes à Aristida sp (Bourgeat et Aubert, 1971). Cette pauvreté floristique acquiert à ces sols une carence en éléments nutritifs pour les plantes. Le phosphore (P) est souvent désigné comme un facteur clé de l’amélioration de leur fertilité (Andriamaniraka et al., 2009). Ces sols sont caractérisés par une teneur en P total élevée mais faiblement disponible pour les plantes. Pour y remédier l’inoculation des vers de terre et/ou la stimulation de leur activité par apport de matière organique au sol est une nouvelle approche récemment adoptée.

LES VERS DE TERRE

Actuellement, Madagascar compte trente-trois (33) espèces de vers de terre dont 20 exotiques et 13 endémiques. Parmi les espèces endémiques, six espèces appartenant au genre Kynotus ont été nouvellement découvertes.

Systématique et biologie 

Systématique

Toutes les espèces de vers de terre appartiennent à l’embranchement des Annélides, à la classe des Clitellata et à l’ordre des Haplotaxida (Rafindrakoto, 2012).

Règne : ANIMALIA
Embranchement : ANNELIDA
Classe : CLITELLATA
Sous-classe : OLIGOCHAETA
Ordre : HAPLOTAXIDA
Sous-ordre : LUMBRICINA .

Morphologie

Les vers de terre ont un corps mou très extensible et segmenté sous forme d’anneau (phylum des Annélides). La longueur du corps varie de quelques millimètres à 3 mètres comme certaines espèces d’Amérique du Sud et d’Australie (Razafindrakoto, 2012). Le plus souvent, la couleur du corps varie du rose au marron mais quelques espèces sont très colorées (orange ou turquoise) .

Chaque segment, sauf les deux premiers et le dernier (prostomium, péristomium et pygidium), présente quatre paires de courtes soies sur la face ventrale. Elles permettent aux vers de se déplacer. Ces trois segments dépourvus de soies ont chacun un rôle particulier : pointe sensorielle pour le protostomium, bouche pour le péristomium et anus pour le pygidium (Razafindrakoto, 2012).

Les adultes se distinguent des juvéniles par la présence d’une bague protubérante appelée « clitellum » (Vigot et Cluzeau, 2014). Sa position et le nombre de segments qu’il affecte varie suivant les genres. D’ailleurs, c’est un caractère très général des Annelides clitellates. Il est impliqué dans la reproduction avec les pores mâles et le puberculum .

Remarques :
◈ La peau des vers de terre est humidifiée par un mucus spécifique leur permettant les échanges gazeux ;
◈ A la place des yeux, ils ne possèdent que des cellules photosensibles qui leur permettent de ressentir les vibrations, le toucher et l’humidité grâce à une chaine nerveuse qui parcourt leur corps (Vigot et Cluzeau, 2014).

Cycle biologique

Tous les vers de terre sont hermaphrodites. La période de reproduction a principalement lieu au printemps et en automne. Ils viennent s’accoupler en surface où deux vers effectuent un échange de spermatozoïdes. Après cet échange, un cocon muqueux se forme au niveau du clitellum des deux vers. Le cocon contient d’abord des gamètes femelles qui sont ensuite fécondés par les gamètes mâles de l’autre ver. Quelques jours plus tard, le cocon encore appelé œuf ou zygote est déposé dans le sol sous forme d’une capsule fermée aux deux extrémités. Il faut quelques semaines à plusieurs mois, selon l’espèce, pour que les jeunes vers de terre éclosent. L’éclosion dépend également des conditions climatiques du milieu. Par exemple, le dessèchement du sol provoque la déshydratation du cocon, ce qui peut retarder le développement embryonnaire (Evans et Guild, 1948 ; Gerard, 1967, in Pelosi, 2008).

Au stade juvénile jusqu’au stade sub-adulte, il se produit chez les vers l’apparition des caractères sexuels secondaires externes comme le puberculum tuberculeux ou les pores mâles. La formation du clitellum leur confère le statut de vers adultes. Le temps de maturation varie suivant les espèces et dépend des conditions du milieu (température, humidité, nourriture).

Catégories écologiques

Selon Bouché (1971), les vers de terre se répartissent en trois groupes fonctionnels appelés « catégories écologiques » à savoir : les épigés, les endogés et les anéciques .

Ces catégories se distinguent par différents critères morphologiques (taille et pigmentation), comportementaux (alimentation, construction de galeries, mobilité) et écologiques (longévité, temps de génération, prédation, survie à la sécheresse) (Bouché, 1973).

➤ Les épigés groupent les espèces de petite taille généralement colorées en rouge sombre (Exemples : Amynthas minimus et Dichogaster saliens). Ils vivent en surface dans la litière. Ils ne sont donc visibles que dans les sols avec une couche de matière organique déposée en surface. Ils ne creusent pas de galeries. Leur alimentation est à base de matières organiques mortes (fragments de végétaux, de champignons) ; ils sont saprophages. Ils participent activement dans le fractionnement et le recyclage de la matière organique. Ces espèces vivant en surface sont sensibles à la prédation, aux variations climatiques et aux facteurs anthropiques tels que la disparition des horizons organiques par le labour et l’usage des traitements phytosanitaires.
➤ Les endogés sont des vers non pigmentés de taille moyenne (Exemple : Pontoscolex corethrurus). Ils vivent en permanence dans le sol où ils creusent des galeries temporaires horizontales et subhorizontales très ramifiées. Ils se nourrissent de sol plus ou moins riche en matière organique; ce sont des géophages. Suivant la richesse en matière organique du milieu où ils évoluent, on distingue trois sous-catégories d’endogés : polyhumiques, mésohumiques et oligohumiques. Plus les vers vivent profondément, moins le sol qu’ils consomment est riche en matière organique (Razafindrakoto, 2012). Les polyhumiques vivent dans des milieux riches en matière organique, les oligohumiques dans des milieux pauvres en matière organique et les mésohumiques dans des milieux intermédiaires. Ils contribuent à la création d’une structure grumeleuse qui joue un rôle important sur la rétention et l’infiltration de l’eau dans le sol. Ils ne remontent presque jamais à la surface, ainsi ils seraient susceptibles d’être les plus impactés par la contamination du sol.
➤ Les anéciques sont constitués par des vers pigmentés de grande taille. Ils combinent les stratégies des deux autres catégories en vivant dans l’ensemble du profil de sol, de la surface aux horizons plus profonds en creusant des galeries permanentes ou semi-permanentes verticales à sub-verticales, ouvertes en surface. Ils se nourrissent de débris organiques prélevés en surface.

En se déplaçant verticalement dans le sol, ils sont particulièrement intéressants dans le mélange de la matière organique et la matière minérale. Les grosses galeries qu’ils creusent améliorent la porosité du sol et favorisent la circulation de l’eau et de l’air.

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Table des matières

INTRODUCTION
Partie 1 : GENERALITES
I. LES VERS DE TERRE
1.1. Systématique et biologie
1.1.1. Systématique
1.1.2. Morphologie
1.1.3. Cycle biologique
1.2. Catégories écologiques
1.3. Facteurs influençant la survie des vers de terre
1.3.1. Température et humidité du sol
1.3.2. Matière organique
1.3.3. Type de sols et pH
1.4. Fonctions et services écosystémiques
1.4.1. Création des galeries
1.4.2. Production des déjections
II. LES MATIERES ORGANIQUES DU SOL
2.1. Nature des constituants organiques du sol
2.1.1. Matières organiques vivantes (MOV)
2.1.2. Matières organiques fraîches (MOF)
2.1.3. Composés organiques stabilisés ou matière organique stable (MOS)
2.2. Evolution des matières organiques fraîches dans le sol
2.2.1. Humification
2.2.2. Minéralisation
2.3. Rôles des matières organiques du sol
2.3.1. Complexe argilo-humique et la capacité d’échange cationique
2.3.2. Effets des matières organiques sur la structure et les autres qualités du sol
2.3.3. Effets des matières organiques sur les propriétés biologiques du sol
2.4. Interaction entre vers de terre et matières organiques
III. LE PHOSPHORE DANS LE SYSTEME SOL-PLANTE
3.1. Phosphore dans les sols
3.2. Cycle du phosphore à l’échelle du globe
3.3. Cycle du phosphore dans les systèmes agricoles
3.4. Rôles du phosphore dans l’agriculture
3.5. Eutrophisation, conséquence d’un excès de P dans le milieu aquatique
3.6. Bilan en P des sols ferrallitiques de « tanety » des Hautes-terres malgaches
IV. LE RIZ
4.1. Systématique et morphologie
4.2. Evolution de la croissance du riz
4.3. Système de la riziculture pluviale
4.3.1. Place de la riziculture pluviale à Madagascar
4.3.2. Avantages et inconvénients de la riziculture pluviale
Partie 2 : MATERIELS ET METHODES
I. Localisation géographique du site d’étude
II. Matériels et méthodes d’expérimentation
2.1. Elevages des vers de terre en conditions contrôlées
2.1.1. Matériels biologiques : Annelides Oligochètes (vers de terre)
2.1.2. Sites d’échantillonnage
2.1.3. Traitements des vers de terre
2.1.4. Sols
2.1.5. Site et mode de prélèvement
2.1.6. Préparations
2.1.7. Matières organiques
2.1.8. Collecte des matières organiques
2.1.9. Préparations des matières organiques
2.2. Expérimentation en microcosmes 1
2.2.1. Calcul de la quantité des matières organiques apportées dans chaque microcosme
2.2.2. Mise en place de l’expérimentation
2.2.3. Démontage des microcosmes
2.3. Travaux de laboratoire : dosage du P disponible
2.4. Test des effets de la présence des vers de terre et des matières organiques sur la croissance du riz
2.4.1. Matériel biologique : B22, une variété de riz pluvial
2.4.2. Expérimentation en microcosmes 2
III. Analyses statistiques
Partie 3 : RESULTATS
I. Analyses en phosphore disponible ou phosphore assimilable pour les plantes du sol
1.1. Phosphore disponible en présence des vers de terre
1.2. Phosphore disponible en présence des vers de terre et des matières organiques
II. Hauteur du riz
2.1. Evolution de la croissance en hauteur du riz en présence des vers de terre
2.2. Evolution de la croissance en hauteur du riz en présence des vers de terre et des matières organiques
2.2.1. Dichogaster saliens-matières organiques
2.2.2. Amynthas minimus-matières organiques
2.2.3. Amynthas corticis-matières organiques
2.2.4. Pontoscolex corethrurus-matières organiques
2.2.5. Eudrilus eugeniae-matières organiques
III. Biomasses aérienne et racinaire
3.1. Biomasses aérienne (BA) et racinaire (BR) produites par le riz en présence des vers de terre
3.2. Biomasse aérienne produite par le riz en présence des vers de terre et des matières organiques
3.3. Biomasse racinaire produite par le riz en présence des vers et des matières organiques
IV. Corrélation entre les vers de terre, les matières organiques, le sol et le riz
Partie 4 : DISCUSSIONS
CONCLUSION

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