Effets de différents régimes alimentaires et comparaison entre le conditionnement en milieu naturel et en écloserie

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Reproduction et cycle de vie

Crassostrea gigas est une espèce hermaphrodite protandre de type irrégulier alternatif, ce qui signifie qu’elle a généralement des tissus mâles fonctionnels durant la première année de reproduction, avant que ceux-ci ne cessent leur activité et soient remplacés par des tissus femelles fonctionnelles. Elle change ainsi de sexe entre chaque saison de reproduction, pendant la phase de repos sexuel, mais de façon irrégulière (Lango-Reynoso et al. 1999). La gamétogenèse et la ponte se produisent en été et dépendent de la température de l’eau, en principe lorsque celle-ci est supérieure à un seuil d’environ 18 – 20°C (Mann 1979). Pendant cette période, la demande énergétique est à son maximum (Delaporte 2005). Après émission des gamètes et libération de celles-ci directement dans le milieu, la fécondation, externe, donne naissance à des larves planctoniques dérivant avec la masse d’eau pendant environ trois semaines. A cause de la présence d’un velum, une sorte de voile cilié déployable hors de la coquille pour capturer sa nourriture, cette larve est appelée véligère. Par la suite, la larve pédivéligère se caractérise par l’apparition d’un pied, permettant sa fixation à un substrat dur et mettant ainsi fin à sa vie pélagique. La métamorphose s’achève par la résorption du velum et du pied, et par la sécrétion d’une coquille définitive. Ce stade plantigrade correspond à des huîtres de 3 cm environ également appelées naissain. Les huîtres adultes quant à elles mesurent à peu près 8 cm (Auby and Maurer 2004 ; Lejart 2009).

Anatomie

Comme tous les bivalves, l’huître est composée de deux valves formant une coquille, qui enferme un corps mou. Les deux valves, asymétriques, sont jointes par un ligament charnière et sont maintenues par le muscle adducteur postérieur. Ce muscle sert à l’ouverture et à la fermeture de la coquille, et est composé de 2 parties : un muscle strié permettant une fermeture rapide des valves, et un muscle lisse maintenant la fermeture de celles-ci. Le corps de l’animal est enveloppé dans le manteau qui délimite la cavité palléale, assure la croissance et le développement de la coquille, et contribue à la fabrication de la nacre qui en recouvre l’intérieur (Figure 1). Le système digestif est composé de la bouche, l’oesophage, l’estomac, la glande digestive, l’intestin, le rectum et l’anus. La gonade de l’huître n’est pas un organe permanent. Elle se développe autour de la glande digestive à chaque cycle de reproduction lors de la gamétogenèse active au printemps, et peut atteindre à maturité de 65 à 70% de la masse viscérale totale (Enríquez-Díaz et al. 2009). La gonade régresse ensuite après l’émission estivale des gamètes. Le coeur, situé entre la masse viscérale et le muscle, est simple et est composé d’un ventricule et de deux oreillettes. Le ventricule propulse l’hémolymphe, le fluide incolore circulant, dans les vaisseaux mais celui-ci peut également s’insinuer librement au sein de tous les tissus. Le système circulatoire de l’huître est ainsi qualifié de semi-ouvert. Le système nerveux est réduit à quelques ganglions difficilement observables. Les branchies comprennent quatre feuillets de forme lamellaire constitués de filaments ciliés, et s’étendent le long du manteau sur la partie dorsale. Elles assurent une double fonction de respiration et de nutrition. Les filaments ciliés assurent en effet une circulation de l’eau qui permet ainsi un apport en oxygène, transporté sous forme dissoute dans l’hémolymphe, des branchies vers les organes. Ces filaments permettent aussi l’acheminement des particules alimentaires des branchies vers la bouche.

Nutrition

Les huîtres sont des organismes filtreurs, microphages et suspensivores, ce qui signifie qu’elles se nourrissent de petites particules en suspension dans la colonne d’eau (organismes planctoniques et principalement algues phytoplanctoniques). La filtration de 25 à 150 litres d’eau par jour assure la capture des particules alimentaires par les branchies (Acosta 2010). Ces dernières sécrètent également un mucus permettant de piéger les particules alimentaires. Les particules de trop grande taille ou de trop faible valeur nutritive, comme les détritus, sont englobées de mucus et rejetées sous la forme de pseudo-fécès, expulsées hors de l’organisme avant même d’avoir été digérées. Les branchies participent ainsi à l’élimination de certains déchets. Les autres particules sont ensuite dirigées vers les palpes labiaux. Ceux-ci participent au tri et au guidage des particules nutritives vers le tractus digestif. Les particules pénètrent dans celui-ci par la bouche, située entre les palpes labiaux, à laquelle fait suite un court oesophage. Elles atteignent ensuite l’estomac où commence la digestion grâce à l’action du stylet cristallin, animé de mouvements de rotation et libérant des enzymes digestives. Les éléments non assimilables sont directement évacués via l’intestin et le rectum, puis débouchent sur l’anus d’où ils sont expulsés.

Système immunitaire

Présentation

Contrairement aux vertébrés chez qui il existe deux types de réponse immunitaire (la réponse immunitaire innée, non spécifique, et la réponse immunitaire acquise, spécifique), le système immunitaire des invertébrés repose principalement sur la réponse immunitaire innée. Chez les bivalves, ce système de défense est assuré essentiellement par des cellules appelées hémocytes (immunité cellulaire) et des molécules véhiculées par l’hémolymphe et les fluides extra-palléaux, tels que les peptides anti-microbiens (immunité humorale) (Chu 1988 ; Allam and Paillard 1998 ; Bachère et al. 2004 ; Schmitt et al. 2012a).
Chez l’huître, on considère en principe deux grands types d’hémocytes : les granulocytes et les hyalinocytes (Cheng 1996). Les granulocytes sont caractérisés par la présence de granules intracytoplasmiques, alors que les hyalinocytes, au cytoplasme transparent, n’en présentent pas ou peu (Figure 2).
Les hémocytes jouent un rôle dans de multiples fonctions. Ils sont par exemple impliqués dans la réparation tissulaire et coquillière, le transport et la digestion des nutriments, ou encore l’excrétion et la résorption gonadique (Sparks and Morado 1988 ; Cheng 1996 ; Donaghy et al. 2009). Mais surtout, les hémocytes peuvent s’infiltrer dans les tissus pour rejoindre les sites d’infections et assurer la défense immunitaire de l’individu. L’isolement et la destruction de l’organisme étranger s’effectuent notamment par des mécanismes de phagocytose et de production d’espèces réactives de l’oxygène (ERO) (Cheng 1981 ; Hine 1999). La phagocytose débute par la reconnaissance et l’adhésion de la particule étrangère (virus, bactéries, organismes pathogènes ou non, particules organiques ou inorganiques) par l’hémocyte. La membrane cytoplasmique de celui-ci englobe ensuite la particule, avant d’être internalisée dans le cytoplasme sous forme d’un phagosome, lequel va fusionner avec des lysosomes, organites riches en enzymes digestives, afin de former un phagolysosome. C’est à l’intérieur de cette structure que s’effectue la dégradation de la particule, par l’action des enzymes lysosomales ou des ERO (Bachère et al. 1995 ; Torreilles et al. 1996 ; Roch 1999 ; Schmitt et al. 2012b).

Production des ERO : généralités, production mitochondriale et cellulaire

Dans une cellule en situation physiologique normale, les ERO constituent des produits secondaires du métabolisme. Le taux de production d’ERO est étroitement relié à la consommation d’oxygène, et peut être proportionnel à la quantité de mitochondries dans un tissu (Storey 1996). En effet, la cytochrome c oxydase mitochondriale réduit la plupart de l’oxygène respiré en eau (voir section II), et le transfert d’électrons qui y est associé induit une réduction de l’oxygène au niveau de plusieurs autres complexes enzymatiques, générant ainsi des ERO (Nathan and Singer 1999). Ces composés, dont le terme regroupe principalement le radical oxygène •O2, l’anion superoxyde O2-, le radical hydroxyle •OH, l’oxyde nitrique •NO et la molécule de peroxyde d’hydrogène H2O2, sont toxiques pour la cellule elle-même, et doivent donc être neutralisés par des systèmes enzymatiques ou non-enzymatiques. Il a récemment été mis en évidence que, dans des hémocytes non stimulés, les mitochondries constituent la principale source d’ERO chez C. gigas (Donaghy et al. 2012).
Dans le cas de la phagocytose, l’augmentation de la production des ERO est associé à une augmentation de la consommation en oxygène par les hémocytes et fait suite à la stimulation de ceux-ci par des produits microbiens. La production des ERO débute par la réduction d’une molécule d’oxygène en anion superoxyde par la NADPH oxydase (nicotinamide adénine dinucléotide phosphate oxydase), complexe enzymatique localisé au niveau de la membrane des phagolysosomes. Par la suite, l’anion superoxyde est converti en peroxyde d’hydrogène par la SOD (superoxyde dismutase), une enzyme antioxydante, et en d’autres radicaux oxygénés pouvant eux-mêmes réagir avec d’autres composés pour former des molécules encore plus toxiques. Ainsi, en présence d’ions chlorure (Cl-), la myéloperoxydase permet la dismutation du peroxyde d’hydrogène en hypochlorite (HOCl). De même, l’oxyde nitrique, produit par l’oxyde nitrique synthase (NOS) à partir de L-arginine, peut réagir avec l’anion superoxyde et générer du peroxynitrite (ONOO-). Ces dernières espèces, formées à partir de l’azote, font partie des espèces réactives de l’azote (ERN). Les ERO et les ERN sont très instables, très réactifs et hautement microbicides, et jouent un rôle essentiel dans l’élimination des particules phagocytées (Le Grand 2010).

La mitochondrie et son rôle au sein de la cellule

Caractéristiques

Les cellules eucaryotes sont caractérisées par l’isolement de leur matériel génétique du reste du cytoplasme à l’intérieur d’une structure particulière appelé noyau. Tout comme celui-ci, les autres organites de la cellule, chacun ayant une fonction bien différenciée, sont délimités et séparés du cytoplasme par une membrane. Une telle compartimentation du cytoplasme permet une régulation du métabolisme beaucoup plus efficace que chez les organismes procaryotes. Parmi ces organites, la mitochondrie détient un rôle primordial. Elle constitue en effet le principal lieu de la production d’énergie nécessaire à l’organisme. Cette énergie se présente sous la forme de molécules d’adénosine triphosphate (ATP), qui sont indispensables à la plupart des réactions chimiques de la cellule.

Structure et organisation

Les mitochondries se présentent habituellement sous une forme cylindrique d’environ 1 à 3 µm de longueur pour 0,5 à 1 µm de diamètre, bien que leur taille et leur forme dépendent du tissu étudié (Spira Afchain 2007). De même, leur nombre au sein d’une cellule est proportionnel aux besoins énergétiques, et varie de quelques unités (une seule mitochondrie chez les animaux unicellulaires trypanosomatides (Schneider 2001)) à plusieurs milliers (dans le foie ou le muscle des mammifères par exemple). Contrairement à la plupart des autres organites comme le réticulum endoplasmique ou les lysosomes, qui sont isolés du cytoplasme par une seule membrane, la mitochondrie possède deux membranes (Figure 4). Celles-ci sont de composition très différente et délimitent un espace intermembranaire. La membrane externe est très perméable aux petits composés, tandis que la membrane interne, riche en protéines, constitue une véritable barrière que seules des molécules lipophiles peuvent franchir librement. C’est dans cette membrane interne que sont situées les enzymes responsables de la synthèse d’ATP. La membrane interne est repliée sous forme d’invaginations appelées crêtes, qui augmentent considérablement sa surface d’échange. C’est ainsi que le nombre de crêtes mitochondriales semble corrélé aux besoins énergétiques de la cellule. Une augmentation de la densité des crêtes mitochondriales est par exemple observée durant l’acclimatation au froid chez le poisson (Kilarski et al. 1996 ; St-Pierre et al. 1998 ; Guderley 2004), permettant ainsi d’augmenter la quantité d’enzymes impliquées dans la phosphorylation oxydative afin de fournir plus d’énergie aux cellules et compenser les limitations cinétiques réactionnelles associées aux basses températures. La membrane interne délimite un compartiment appelé matrice, qui contient le génome mitochondrial et constitue le lieu de processus tels que la ȕ-oxydation des lipides ou le cycle de Krebs.

La respiration cellulaire

Du point de vue biochimique, la respiration cellulaire, ayant lieu chez tous les organismes vivant en aérobiose, fait référence aux processus moléculaires par lesquels la cellule consomme de l’oxygène et produit du dioxyde de carbone afin de produire l’ATP par un processus appelé phosphorylation oxydative. Ces mécanismes impliquent une oxydation de la matière organique, qui peut se présenter sous la forme de glucose et autres sucres, d’acides gras ou d’acides aminés, ces derniers représentant chez les bivalves une importante source d’énergie (Ballantyne and Storey 1983 ; Ballantyne 2004). La première étape de la respiration cellulaire consiste en la dégradation du squelette carboné des sucres et des acides gras en acétyl-coenzyme A (acétyl-CoA). C’est sous cette forme que le substrat va pouvoir entrer dans le cycle de Krebs. Les acides aminés peuvent aussi entrer sous cette forme, mais également sous d’autres formes d’intermédiaires du cycle. C’est par exemple le cas du glutamate, pouvant lui-même venir de l’oxydation d’autres acides aminés comme la proline, et qui peut subir une désamination oxydative afin de former l’Į-cétoglutarate (Figure 5).

Le cycle de Krebs

Le cycle de Krebs, aussi appelé cycle de l’acide citrique, est la seconde étape de la respiration cellulaire. L’acétyl-CoA formé lors de la première étape y est alors oxydé. La première réaction du cycle est la condensation de l’acétyl-CoA avec l’oxaloacétate pour former le citrate. Cette réaction est catalysée par la citrate synthase, une enzyme également utilisée comme biomarqueur de la quantité de mitochondries dans les tissus (López-Lluch et al. 2006 ; Brown and Stuart 2007 ; Yin et al. 2008 ; Cayci et al. 2012). Le citrate est ensuite transformé en isocitrate, lui-même converti en Į-cétoglutarate (appelé aussi oxoglutarate). Celui-ci va donner le succinyl-CoA, puis le succinate au cours d’une réaction produisant de la guanosine triphosphate (GTP) à partir de guanosine diphosphate (GDP) et de phosphate inorganique (Pi). Le succinate va par la suite être converti en fumarate, puis en malate, et enfin en oxaloacétate, qui va pouvoir réagir avec une nouvelle molécule d’acétyl-CoA pour donner du citrate. Ainsi, à chaque tour du cycle, un groupement acétyl (deux carbones) entre sous la forme acétyl-CoA, et deux molécules de CO2 sont libérées (Figure 6).
Sur les huit étapes du processus, quatre sont des oxidations, dans lesquelles l’énergie est très efficacement conservée sous la forme de coenzymes réduites NADH et FADH2. En effet, les conversions de l’isocitrate en Į-cétoglutarate, de l’Į-cétoglutarate en succinyl-CoA, et du malate en oxaloacétate nécessitent les accepteurs d’électrons nicotinamide adénine dinucléotide (NAD+), qui se retrouvent réduits en NADH. La conversion du succinate en fumarate quant à elle s’effectue grâce à l’enzyme succinate déshydrogénase. Cette enzyme fait partie du complexe II de la chaîne respiratoire, située dans la membrane interne de la mitochondrie, et est liée par une liaison covalente à une molécule de flavine adénine dinucléotide (FAD). Lors de la conversion du succinate en fumarate, le cofacteur FAD se retrouve réduit en FADH2. Les coenzymes réduites NADH et FADH2 sont ensuite recyclées en transférant leurs électrons aux complexes de la chaîne respiratoire.

La chaîne de transfert des électrons

La troisième et dernière étape de la respiration cellulaire est l’oxydation des coenzymes réduites, conduisant à la production d’énergie par un processus appelé phosphorylation oxydative. Cette étape s’effectue au niveau de la chaîne de transfert des électrons, constituée de quatre complexes enzymatiques et se situant dans la membrane interne des mitochondries. Ces complexes sont codés par le génome nucléaire et mitochondrial, et reçoivent les électrons des coenzymes réduites NADH et FADH2. Le complexe I, la NADH déshydrogénase, reçoit les électrons provenant du NADH, tandis que le complexe II, la succinate déshydrogénase, reçoit les électrons du FADH2 acquis dans le cycle de Krebs lors de l’oxydation du succinate. Ces deux complexes transfèrent ensuite leurs électrons à l’ubiquinone (Q), qui se réduit en ubiquinol (QH2) et se réoxyde en donnant ces électrons au complexe III, le complexe cytochrome bc1, transférant lui-même les électrons au cytochrome c. Deux molécules de cytochrome c sont ainsi réduites par molécule d’ubiquinol. Le cytochrome c transfère enfin les électrons au quatrième et dernier complexe de la chaîne, la cytochrome c oxydase. Celle-ci transfère les électrons à l’oxygène moléculaire (O2), l’accepteur final, qui se trouve de ce fait réduit en eau (H2O).
Ce transfert d’électrons est possible grâce au potentiel réducteur des complexes, de plus en plus élevé au fil de la chaîne. Les électrons ont ainsi tendance à passer spontanément d’un transporteur à faible potentiel réducteur (le NADH par exemple) à un transporteur à fort potentiel réducteur comme l’oxygène. En fonction du substrat, on distingue donc deux flux d’électrons possibles le long de cette chaîne : un flux passant par le complexe I (flux I-IV) et un flux passant par le complexe II (flux II-IV) (Figure 7).
Figure 7 : La chaîne de transfert des électrons, avec la représentation du trajet des électrons (flèches bleues) à travers les quatre complexes (I, II, III et IV), l’ubiquinone (Q) et le cytochrome c (Cyt c). En flèches roses sont indiquées les pompages de protons (H+) à travers la membrane interne, et le retour de ceux-ci dans la matrice via la F0-F1 ATP-synthase induisant la synthèse d’ATP. A cause de la différence de concentration en protons de part et d’autre de la membrane interne, celle-ci devient donc chargée négativement (-) du côté de la matrice, et chargée positivement (+) du côté de l’espace intermembranaire. Adapté de Nelson and Cox (2008).

La production d’ATP

Dans la chaîne respiratoire, le transfert d’électrons décrit précédemment est couplé à un pompage de protons (H+) à travers la membrane mitochondriale interne, de la matrice à l’espace intermembranaire. Ce pompage s’effectue au niveau du complexe I (quatre H+ pompés par molécule de NADH oxydée), au niveau du complexe III (quatre H+ pompés par molécule de QH2 oxydée) et du complexe IV (deux H+ pompés par dimère de cytochrome c oxydée), soit un total de dix H+ par molécule d’eau formée pour le flux I-IV. Aucun H+ n’étant pompé au niveau du complexe II, le flux II-IV ne permet un pompage que de six H+. La membrane interne étant imperméable aux protons, ceux-ci s’accumulent dans l’espace intermembranaire, créant ainsi une différence de potentiel de part et d’autre de la membrane interne. C’est l’existence de ce potentiel membranaire mitochondrial ( ȥm) qui permet la synthèse d’ATP. En effet la F0F1-ATP synthase, une enzyme transmembranaire responsable de la majeure production de l’énergie dans la cellule, contient un pore (domaine F0) emprunté par les protons pour retourner dans la matrice (Figure 7). L’énergie produit par le passage des protons est utilisée par le domaine catalytique F1, situé du côté de la matrice, pour générer de l’ATP à partir d’adénosine diphosphate (ADP) et de Pi. Ainsi, quatre H+ sont nécessaires à la synthèse d’une molécule d’ATP, qui est ensuite transporté à l’extérieur de la mitochondrie par l’adenine nucleotide translocase (ANT), un système transmembranaire couplant l’apport d’ADP à l’export d’ATP.
Cependant, le couplage entre le transfert d’électrons et la production d’ATP n’est pas parfait. Il existe une fuite de H+ basale, dont le maintien est responsable de la consommation d’une quantité d’énergie non négligeable (entre 20 et 25% du taux métabolique standard, Brand et al. 1999). Cette fuite de H+ pourrait être dépendante de la composition lipidique de la membrane interne mitochondriale (Brookes et al. 1998) ou de l’activité de certaines enzymes comme l’ANT (Andreyev et al. 1989) et pourrait contribuer à la diminution de la production de superoxyde et d’autres ERO (Brand 2000).
La mitochondrie est la principale source intracellulaire d’ERO, notamment au niveau des complexes I et III (Nohl et al. 2005). La fuite d’électrons provenant de l’ubisemiquinone (QH•), généré lorsque l’ubiquinol transfère ces électrons au complexe III, permet le gain d’un électron par l’oxygène moléculaire, conduisant ainsi à la formation de superoxyde. Le superoxyde va lui-même générer d’autres ERO. D’abord converti en H2O2 par la SOD, il est ensuite transformé en radical •OH et va pouvoir créer des dommages cellulaires tels que l’oxydation des protéines, la peroxydation des lipides, et la dégradation de l’ADN. La force protomotrice affecte la production des ERO en altérant le statut redox de Q. Lorsque la concentration en H+ est forte dans l’espace intermembranaire, cette force est élevée et la respiration diminue, donc les électrons s’accumulent dans Q au lieu de passer la chaîne de transport d’électrons jusqu’à l’oxygène. Ceci augmente la concentration en QH• et augmente donc par conséquent le taux de production d’ERO mitochondriaux. La fuite de protons a tendance à diminuer cette force protomotrice, ce qui amène à une plus faible concentration en QH•. En parallèle, le taux de consommation d’oxygène est augmenté, ce qui diminue la tension en oxygène autour des mitochondries. Puisque la production de superoxyde est une réaction de second ordre, dépendant à la fois des concentrations en QH• et en O2, de faibles concentrations en QH• et en oxygène conduisent à de plus faibles taux de production d’ERO et apportent une protection contre les dommages oxydatifs (Brand 2000).
Le découplage peut également être inductible et s’effectuer grâce à des protéines découplantes (UCP, pour « uncoupling proteins »). Celles-ci, situées dans la membrane interne des mitochondries, forment un pore que peuvent emprunter les H+ pour retourner dans la matrice, offrant ainsi une voie alternative à l’ATP synthase. La fuite de H+ ne génère donc pas d’ATP mais permet de diminuer le potentiel membranaire. Les UCP sont moins bien caractérisées chez les invertébrés que chez les mammifères où elles ont plusieurs rôles physiologiques, mais leur présence a toutefois été mise en évidence chez l’huître (Sokolova and Sokolov 2005 ; Kern et al. 2009).

Structure et fonctions des lipides

Définition

Les lipides sont des composés biologiques définis en fonction d’une propriété physique : la solubilité. Ils présentent en effet une solubilité nulle ou faible dans l’eau mais élevée dans les solvants organiques tels que le méthanol, le chloroforme, le cyclohexane, l’éther éthylique ou l’acétone. Formés principalement de longues chaînes composées de carbone et d’hydrogène, ils peuvent également contenir d’autres éléments comme l’oxygène, le phosphore, le soufre ou l’azote. Les lipides sont des molécules biologiques ayant des structures et des fonctions diverses, pouvant par exemple être impliqués dans la défense immunitaire (cas des eicosanoïdes), la constitution de réserves énergétiques (triglycérides et esters de stérol) ou la structuration des membranes (phospholipides et stérols).

Distinction entre lipides neutres et lipides polaires

Ces deux grandes classes ont des polarités différentes et il est donc possible de les séparer d’un mélange en utilisant des solvants ou des mélanges de solvants différents. Cette propriété est utilisée par des séparations méthodologiques telles que la chromatographie en micro-colonne. Les lipides neutres et les lipides polaires sont distinguables par leur polarité, c’est-à-dire la répartition des charges négatives et positives au sein de la molécule.

Lipides neutres

Les lipides neutres sont apolaires et ont un rôle de lipides de réserves. Ils sont principalement représentés par les triglycérides et les esters de stérols, mais les diglycérides, les monoglycérides, les esters d’alcools gras (cires), les alcools gras et les acides gras libres font également partie de cette catégorie. Dans la cellule, les lipides de réserves peuvent être stockés sous forme de gouttelettes lipidiques, lesquelles peuvent occuper jusqu’à 95% du volume cellulaire dans les adipocytes (Puri and Czech 2008). Les acides gras de ces lipides neutres peuvent être utilisés pour la production d’énergie grâce au processus de la ȕ-oxidation, mais peuvent également servir de substrats à la synthèse de phospholipides (Athenstaedt and Daum 2006).

Lipides polaires

Les lipides dits « polaires », comprenant les phospholipides, les glycolipides et les sphingolipides, sont composés d’une tête polaire, hydrophile (comprenant un groupement polaire dont la nature définit la classe du lipide, un groupement phosphate et un glycérol), liée à une queue fortement apolaire, hydrophobe, constituée en général de deux acides gras (Figure 8A). Ce caractère amphiphile permet aux lipides polaires de s’agréger spontanément, de façon à mettre leurs têtes polaires en contact avec l’eau et en isoler leurs chaînes hydrophobes, conduisant ainsi à la formation de structures telles que les micelles, les liposomes ou les bicouches lorsqu’ils se trouvent en milieu aqueux (Figure 8B). Les bicouches lipidiques sont à l’origine de la formation des membranes biologiques et les lipides polaires représentent les constituants majoritaires, l’ossature, des membranes cellulaires dans lesquelles sont insérées des protéines. La structure des membranes cellulaires dépend donc à la fois des propriétés des acides gras formant la queue hydrophobe, et de la nature du groupe polaire.

Les acides gras

Structure

Les acides gras sont généralement constitués par une chaîne hydrocarbonée linéaire, possédant un groupement carboxyle (-COOH) terminal. Ils se distinguent par la longueur de leur chaîne et par le nombre et la position des doubles liaisons (insaturations) présentes. Dans ce travail, ils sont identifiés par la formule C:Xn-Y où C est le nombre de carbones, X le nombre d’insaturations et Y la position de la première double liaison, comptée à partir du méthyle (groupement –CH3) terminal. Les doubles liaisons sont supposées être de configuration cis (les deux hydrogènes H du même côté, configuration créant un coude dans la chaîne carbonée) et se succéder, en alternance avec un groupement CH2. Cependant, il existe chez les bivalves des acides gras particuliers, dits « non-methylene-interrupted » (NMI), qui se distinguent par la présence de plus d’un groupement méthyle entre chaque double liaison (Paradis and Ackman 1975) (Figure 9).
Les acides gras peuvent être classés en trois catégories en fonction du nombre d’insaturations qu’ils comportent. On distingue ainsi les acides gras saturés, ne comportant aucune insaturation (AGS) ; les acides gras mono-insaturés, ne comportant qu’une seule insaturation (AGMI) ; et les acides gras poly-insaturés, comportant plus d’une double liaison (AGPI) (Figure 9). Le nombre et la disposition des insaturations, induisant une courbure plus ou moins prononcée de la molécule, de même que la longueur de la chaine carbonée confèrent aux acides gras des propriétés physiques et chimiques différentes. Par exemple, le point de fusion augmente avec la longueur de la chaîne et diminue avec le nombre d’insaturations. Ces deux paramètres sont déterminants pour la fluidité et les propriétés physiques des membranes biologiques.

Biosynthèse

La synthèse des acides gras commence par la carboxylation de l’acétyl-CoA en malonyl-CoA, catalysée par l’acétyl-CoA carboxylase (ACC). Une molécule d’acide palmitique (C16:0) est formée par condensation d’une molécule d’acétyl-CoA et de 7 molécules de malonyl (Figure 10). Ce processus est catalysé par un complexe multi-enzymatique, l’acide gras synthétase (fatty acid synthetase, FAS), et fait intervenir des acyl carrier proteins (ACP) dont le rôle est de transporter les unités acétyl.
L’acide palmitique (C16:0) est le précurseur des autres acides gras par élongation et désaturation. L’élongation se fait dans les mitochondries par des élongases, ajoutant une paire de carbones à partir de la fonction carboxyle. Les désaturations s’effectuent quant à elles dans le réticulum endoplasmique, par des enzymes désaturases. La première double liaison est mise en place entre le 9ème et le 10ème atome de carbone, par l’action d’une 9 désaturase. Le 18:1n-9 et le 16:1n-7 peuvent être ainsi obtenus à partir du 18:0 et du 16:0 (Figure 11). Seuls les végétaux possèdent les enzymes 12 et 15 désaturases permettant la synthèse du 18:2n-6 et du 18:3n-3 à partir du 18 :1n-9. Les microalgues marines, qui constituent la nourriture de base des animaux filtreurs que sont les bivalves, peuvent en plus synthétiser l’ensemble des acides gras à longues chaînes des séries n-6 et n-3, ces derniers étant généralement prépondérants. En revanche, la majorité des espèces animales marines ne sont pas ou peu capables de bioconvertir le 18:2n-6 et le 18:3n-3 alimentaires, qu’il s’agisse des poissons (Owen et al. 1975 ; Tocher et al. 1995), des crustacés (Kanazawa et al. 1979) ou des mollusques (De Moreno et al. 1976 ; Waldock and Holland 1984). Les AGPI 20:4n-6 (acide arachidonique, ARA), 20:5n-3 (acide eicosapentaénoïque, EPA) et 22:6n-3 (acide docosahexaénoïque, DHA) sont considérés comme des acides gras essentiels pour la survie, la croissance et la reproduction des espèces marines (Trider and Castell 1980 ; Uki et al. 1986), qui doivent donc les obtenir de par leur nourriture.

Biosynthèse des glycérophospholipides

Le point de départ de cette biosynthèse est le glycerol 3-phosphate formé essentiellement par réduction du phosphohydroacétone et, à un moindre degré, par phosphorylation du glycérol (Figure 14). L’acide phosphatidique est obtenu par deux acylations successives catalysées par une glycérol phosphate acyl transférase. La chaîne en position sn-1 (c’est-à-dire greffée sur le premier carbone de la molécule de glycérol lorsque celle-ci est représentée en projection de Fischer, sn correspondant au terme stereospecific numbering) est généralement saturée et celle en sn-2 (sur le deuxième atome de carbone du glycérol) insaturée. L’acide phosphatidique (diacylglycérol 3-phosphate) est un intermédiaire commun à la synthèse des phosphoglycérides et triglycérides (TAG). Dans la synthèse des triglycérides, l’acide phosphatidique est hydrolysé pour donner du diacylglycérol (DAG). Le DAG est acylé en TAG par une diacylglycéride acyl transférase. La biosynthèse de novo de la PI commence par la formation de CDP-diacylglycérol (cytidine diphosphodiacylglycérol). Cette forme activée réagit avec l’inositol pour former la PI. La PC et la PE peuvent être synthétisées par une voie qui utilise respectivement la choline (alimentaire) et l’éthanolamine. La PS provient d’une réaction directe entre la PE ou la PC et la sérine. La PE peut être reformée par décarboxylation de la PS. La PC peut être également formée à partir de la PE par transméthylation. Les mollusques bivalves peuvent utiliser la biosynthèse de novo mais ils ne sont pas capables de décarboxyler la PS en PE (Shieh 1968). Chez eux la synthèse des glycérolipides se fait plutôt par le biais de transacylation à partir des lipides alimentaires que par biosynthèse de novo (Parker and Selivonchick 1986).
La voie de biosynthèse du CL commence également par les intermédiaires communs à la synthèse des autres phosphoglycérides. Ce n’est que l’étape finale de la synthèse du CL qui est une réaction unique. Chez les eucaryotes, elle passe par un intermédiaire, le phosphatidylglycérol, ce dernier réagissant à nouveau avec la CDP-diacylglycérol pour former le CL. La majorité des études ont montré que les enzymes catalysant ces réactions sont uniquement présentes dans la membrane interne de la mitochondrie (Daum 1985 ; Hatch and McClarty 1998) alors que toutes les autres classes de phospholipides sont totalement synthétisées dans le réticulum endoplasmique ou les microsomes (Daum 1985 ; Berger et al. 1993).

Rôle structurale des phospholipides et conformations protéiques

En fonction de leur forme, les lipides vont influencer la courbure de la membrane. La forme d’un lipide dépend de la taille relative de sa tête polaire et de la section de la zone occupée par ses chaînes d’acides gras, elle-même définie par le nombre de chaînes de même que par leur taille et leur degré d’insaturation (Figure 16). Lorsque ces tailles sont identiques, le lipide à une forme cylindrique, comme c’est le cas pour la PC. Ces lipides forment des phases lamellaires. Certains phospholipides ne possèdent qu’une seule chaîne d’acides gras, le deuxième ayant été hydrolysé par une phospholipase : les lysophospholipides. Ces lipides ont une forme conique et forment des régions membranaires ayant une courbure dite positive. A l’inverse, les lipides coniques inversés comme la PE forment des régions ayant une courbure dite négative.
Figure 16 : Influence de la forme des lipides sur les structures formées en environnement aqueux. Les lipides sylindriques (A) forment des phases lamellaires, structure des bicouches lipidiques. Les lipides coniques (B) forment des micelles ou des régions membranaires ayant une courbure positive. Les lipides coniques tronqués inversés (C) forment eux des micelles inversées ou des régions membranaires ayant une courbure négative. Tiré de Haney et al. (2010).
L’activité d’une protéine est liée à sa conformation spatiale. En fonction de leur nature, les phospholipides peuvent influencer la conformation des protéines membranaires. Comme il l’est illustré par la Figure 17, la propension de certains phospholipides à adopter une structure non-lamellaire créerait dans la membrane des pressions latérales des chaînes grasses qui stabiliseraient les protéines membranaires intrinsèques dans une orientation et une structure spatiale fonctionnelle (Giorgione et al. 1995 ; de Kruijff 1997). De même, la longueur et le degré d’insaturations des chaînes d’acides gras peuvent déterminer la structuration spatiale des protéines transmembranaires en influençant sur l’épaisseur de la bicouche lipidique, ce qui peut modifier l’exposition des sites actifs des enzymes (Zuniga et al. 1989).
Figure 17 : Influence de l’environnement lipidique sur la conformation des protéines transmembranaires. Une même protéine dans un environnement lipidique donné (A) n’a pas la même conformation spatiale dans une bicouche composée de lipides de nature différente (B). Dans le cas illustré ici, outre une épaisseur différente de la bicouche, la pression latérale exercée par les chaînes d’acides gras (représentée par les flèches) est également modifiée. Tiré de Kraffe (2003).

Relation entre composition en lipides et activités enzymatiques

Principe

L’importance du rôle structurale des acides gras membranaires dans le contrôle des activités enzymatiques est une idée qui a été développée par Hulbert et Else dans leur théorie du pacemaker membranaire (Hulbert and Else 1999), à partir du modèle de la mosaïque fluide de Singer et Nicolson (1972). La théorie du pacemaker soutient que l’insaturation globale des acides gras influence l’énergie cinétique des protéines et détermine donc la vitesse des processus membranaires (Hulbert 2007 ; Hulbert 2008). Une augmentation de la longueur des chaînes d’acides gras et une diminution de l’insaturation de celles-ci diminue la fluidité membranaire. La diminution de la fluidité membranaire est connue pour diminuer l’activité des enzymes transmembranaires et affecter la maintenance des gradients ioniques à travers les membranes (Else and Hulbert 2003 ; Munro and Blier 2012). Mais les chaînes d’acides gras ne sont pas les seules à influencer l’activité des enzymes. La modulation des classes de phospholipides dans l’environnement des protéines membranaires peut être un des mécanismes pour leur régulation (Robinson 1993 ; Stuart et al. 1998 ; Frick et al. 2010). Les deux phénomènes peuvent toutefois se produire simultanément. Par exemple, durant l’adaptation thermique des animaux poïkilothermes (animaux ne contrôlant pas leur température corporelle), des changements métaboliques induisent des modifications de la composition lipidique par des restructurations des têtes polaires des phospholipides et des modifications de l’insaturation des chaînes d’acides gras. Cette adaptation homéovisqueuse permet d’assurer le maintien des fonctions membranaires (Hazel 1995 ; Kraffe et al. 2007 ; Pernet et al. 2007a ; Pernet et al. 2007b ; Pernet et al. 2008).

Effets de la nutrition : adaptations à l’échelle cellulaire

Outre l’adaptation à la température précédemment évoquée, l’alimentation est un facteur pouvant fortement influencer la composition lipidique des membranes. Une proportion des acides gras ingérés sont intégrés aux phospholipides membranaires, et peuvent donc moduler les activités enzymatiques et les fonctions cellulaires (Senault et al. 1990 ; Leonard et al. 2001 ; Hirunpanich et al. 2007), de même que la prolifération des cellules immunitaires (Pompos and Fritsche 2002 ; Petursdottir and Hardardottir 2007). En particulier, l’effet des acides gras oméga 3 (n-3) a fait l’objet de nombreuses études chez les mammifères, dont les résultats sont parfois contradictoires. Ainsi, Lammi-Keefe et al. (1982) ne signalent aucun effet sur la production de superoxydes dans des granulocytes humains suite à un apport important en EPA, alors que les leukocytes de rats alimentés avec une nourriture riche en EPA et en DHA montrent une diminution de cette production de superoxydes (Carbonell et al. 1997).
Chez les bivalves, on sait aujourd’hui que l’alimentation influence également beaucoup la composition lipidique des tissus, comme l’ont montré un certain nombre d’études réalisées précédemment à Brest (Delaunay et al. 1993 ; Soudant et al. 1996a ; Soudant et al. 1996c ; Delaporte et al. 2003 ; Delaporte et al. 2005 ; Delaporte et al. 2006 ; Delaporte et al. 2007 ; González-Araya et al. 2011). Cependant, peu d’études ont mis en relation cette observation avec une modification d’activité cellulaire et/ou subcellulaire. Les travaux de Delaporte (2003) avaient toutefois mis en évidence un lien entre l’alimentation des huîtres et l’activité oxydante dans leurs hémocytes.

Effets de la nutrition : adaptations à l’échelle subcellulaire

Au niveau subcellulaire, les résultats sont également parfois divergents. Dans des expérimentations de nutrition, Astorg et Chevalier (1991), Lemieux et al. (2008) et Khairallah et al. (2012) n’observent pas de différence d’activité mitochondriale chez le rat malgré d’importants changements dans la composition lipidique des mitochondries, contrairement aux études de Divakaran et Venkataraman (1977), de Yamaoka et al. (1988), et de Barzanti et al. (1994). Dans ces dernières études, les modifications de composition en acides gras dans les mitochondries isolées de foie ou de coeur de rats sont associées à des modifications de phosphorylation oxydative et à des changements d’activités ATPase et de la CCO. La diminution de l’activité de la CCO peut s’expliquer par une modification de composition en acides gras du CL (Yamaoka et al. 1988). Dans la membrane interne de mitochondries, le CL est spécifiquement associé à la CCO et aux autres enzymes de la chaîne respiratoire (Eble et al. 1990 ; Haines and Dencher 2002). Des modifications dans la quantité ou l’intégrité de ce lipide, ou dans la nature de ses chaînes d’acides gras, sont corrélées à des changements d’activité de ces enzymes (Goormaghtigh et al. 1982 ; Robinson 1993 ; Paradies et al. 1997 ; Musatov 2006).
Les expériences de nutrition menées chez le poisson montrent également un fort impact de la composition en acides gras de la nourriture sur la composition lipidique des mitochondries (Guderley et al. 2008 ; Martin et al. 2012). Cependant, seules de mineures modifications d’activité mitochondriale globale (consommation d’oxygène) ou d’activités enzymatiques isolées (complexes de la chaîne respiratoire) sont associées à ces changements de composition lipidique. D’un point de vue écologique, cette stabilité des propriétés fonctionnelles mitochondriales avaient été supposées par les auteurs comme pouvant représenter une adaptation à la nourriture disponible, dont la composition en lipides peut varier en fonction des saisons mais également en fonction de la répartition spatiale. En maintenant leurs fonctions mitochondriales par des modifications régulées de composition en acides gras des phospholipides, les truites préserveraient ainsi leur capacité métabolique contre la variabilité d’acides gras disponibles dans le milieu (Martin et al. 2012).

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Table des matières

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
I. BIOLOGIE ET PHYSIOLOGIE DE L’HUITRE CRASSOSTREA GIGAS
I.1 – Origine et intérêt du modèle
I.2 – Reproduction et cycle de vie
I.3 – Anatomie
I.4 – Nutrition
I.5 – Système immunitaire
I.5.1 – Présentation
I.5.2 – Production des ERO : généralités, production mitochondriale et cellulaire
II. LA MITOCHONDRIE ET SON ROLE AU SEIN DE LA CELLULE
II.1 – Caractéristiques
II.2 – Structure et organisation
II.3 – La respiration cellulaire
II.3.1 – Le cycle de Krebs
II.3.2 – La chaîne de transfert des électrons
II.3.3 – La production d’ATP
III. STRUCTURE ET FONCTIONS DES LIPIDES
III.1 – Définition
III.2 – Distinction entre lipides neutres et lipides polaires
III.2.1 – Lipides neutres
III.2.2 – Lipides polaires
III.3 – Les acides gras
III.3.1 – Structure
III.3.2 – Biosynthèse
III.3.3 – Biosynthèse des acides gras NMI chez les bivalves
III.4 – Les phospholipides
III.4.1 – Structure et principales classes
III.4.2 – Composition dans les membranes
III.4.3 – Biosynthèse des glycérophospholipides
IV. STRUCTURE DES MEMBRANES ET ACTIVITES ENZYMATIQUES
IV.1 – Structure des membranes cellulaires
IV.2 – Rôle structurale des phospholipides et conformations protéiques
IV.3 – Relation entre composition en lipides et activités enzymatiques
IV.3.1 – Principe
IV.3.2 – Effets de la nutrition : adaptations à l’échelle cellulaire
IV.3.3 – Effets de la nutrition : adaptations à l’échelle subcellulaire
I. MATERIEL BIOLOGIQUE
II. CONDITIONNEMENT DES HUITRES
II.1 – Effets de différents régimes alimentaires et comparaison entre le conditionnement en milieu naturel et en écloserie
II.2 – Comparaison des effets de l’émersion et de l’immersion
III. ANALYSE DES PARAMETRES HEMOCYTAIRES
III.1 – Prélèvement d’hémolymphe
III.2 – Mesure des variables hémocytaires en cytométrie en flux
III.2.1 – Variables descriptives
III.2.2 – Variables fonctionnelles
III.2.2.1 – Activité oxydante
III.2.2.2 – Production mitochondriale d’anions superoxydes
III.2.2.3 – Potentiel membranaire mitochondrial
IV. ACTIVITE REPRODUCTRICE
IV.1 – Prélèvement des tissus et inclusion en paraffine
IV.2 – Coloration des coupes et montage
IV.3 – Analyse qualitative du stade de la gamétogenèse
IV.4 – Analyse quantitative de l’aire d’occupation de la gonade
V. PARAMETRES FONCTIONNELS MITOCHONDRIAUX
V.1 – Isolement des mitochondries
V.2 – Mesure de la consommation d’oxygène
V.3 – Flux maximal à travers les complexes I à IV, II à IV, et à travers le complexe IV
VI. CONCENTRATIONS EN CYTOCHROMES ET EN PROTEINES
VI.1 – Mesure de la concentration des cytochromes
VI.2 – Mesure de la concentration en protéines
VII. PRODUCTION D’ATP
VII.1 – Mises au point
VII.1.1 – Vérification des blancs de mesure
VII.1.2 – Recherche d’une consommation d’ATP
VII.1.3 – Essais de mesures après inhibition de la réaction
VII.1.4 – Mise au point d’une mesure en cinétique
VII.1.5 – Inhibition de la production d’ATP
VII.2 – Protocole
VIII. ACTIVITES ENZYMATIQUES
VIII.1 – Cytochrome c oxydase (CCO)
VIII.2 – Citrate synthase (CS)
IX. ANALYSES LIPIDIQUES
IX.1 – Extraction des lipides
IX.2 – Séparation des lipides sur microcolonnes
IX.3 – Analyses d’acides gras
IX.4 – Séparation des classes de lipides membranaires
X. ANALYSES STATISTIQUES
HEMOCYTAIRES ET MODULATION DE LA COMPOSITION LIPIDIQUE EN REPONSE A DIFFERENTS REGIMES ALIMENTAIRES CHEZ
CRASSOSTREA GIGAS
INTRODUCTION
PREMIER ARTICLE
CONCLUSION
CHAPITRE II: DIFFERENCES D’ACTIVITE MITOCHONDRIALE ENTRE DES SPECIMENS DE CRASSOSTREA GIGAS ELEVES SUR LE TERRAIN OU EN ECLOSERIE
INTRODUCTION
DEUXIEME ARTICLE
CONCLUSION
CHAPITRE III : CAPACITES FONCTIONNELLES DES MITOCHONDRIES DE CRASSOSTREA GIGAS PENDANT UN CYCLE TIDAL D’EMERSION ET D’IMMERSION
INTRODUCTION
TROISIEME ARTICLE
CONCLUSION
DISCUSSION, CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
DISCUSSION
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE

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