La forte croissance démographique a entrainé l’accroissement de la demande en produits halieutiques dont une part importante est assurée par les pêches de capture. Cette importante demande en poisson est de moins en moins satisfaite par les pêches de capture qui connaissent une diminution depuis quelques années. Pour satisfaire leurs besoins en protéines animales, les populations font de plus en plus recours à l’aquaculture comme une alternative à la pêche. Par ailleurs, l’essor de l’aquaculture dans le monde se traduit par l’utilisation croissante d’aliments composés, dont les apports protéiques et lipidiques sont fournis essentiellement par les farines et les huiles de poissons.
Face au développement de l’aquaculture et à la stagnation prévisible de la production des farines et huiles issues de la pêche des poissons pélagiques, il est nécessaire de réduire la proportion de farine et d’huile de poisson dans les aliments aquacoles. Ainsi, les alternatives à l’utilisation des produits d’origine marine dans les aliments pour poissons doivent être trouvées. Les changements dans l’alimentation aquacole ont été caractérisés par une diminution des taux de protéines et une augmentation de la teneur en lipides alimentaires afin de réduire les déchets azotés et d’améliorer les performances de croissance. Cette évolution combinée à la forte augmentation de la production aquacole a conduit à une hausse de la demande pour les huiles de poisson, alors que leur disponibilité reste limitée.
Les huiles végétales, sources de lipides alternatives à l’huile de poisson sont utilisées en plus grande quantité. Contrairement à l’huile de poisson, les huiles végétales sont moins chères et n’accumulent pas les polluants organiques persistants (POP). De plus les coûts de production peuvent être réduits dans les régimes à base d’huile végétale, ainsi que l’exposition aux contaminants pour les poissons et les consommateurs.
Les huiles végétales possèdent plusieurs propriétés permettant de les utiliser pour remplacer l’huile de poisson. Moins coûteuses et plus accessibles que l’huile de poisson, la majorité des huiles végétales sont faibles en acide gras saturés et riches en acides gras polyinsaturés de la série n-6 et ont été signalées comme étant de bonnes sources de lipides pour le tilapia. Il a été suggéré que le tilapia présente aussi une exigence pour l’acide linolénique, acides gras de la série n-3 (18:3 n-3, 20:5 n-3 ou 22:6 n-3), mais les niveaux optimaux d’exigence en n-3 de diverses espèces de tilapia n’ont pas été déterminés (Lim et al 2009). Des travaux sont encore nécessaires pour trouver les substituts les plus efficaces pour optimiser le rapport n-3/n-6 de la chair et proposer aux pisciculteurs des solutions adaptées au contexte de leurs exploitations.
PRESENTATION DE L’ESPECE
Taxonomie et morphologie
Les tilapias constituent la sous-famille des Tilapiinae, appartenant à la famille des Cichlidae, à l’ordre des Perciformes et au Sous-ordre des Labroidei. Cette famille des Cichlidae est composée de plus de 1200 espèces, originaires des eaux douces et saumâtres d’Afrique et introduites principalement en Asie, au Moyen Orient, en Amérique Centrale et Latine. La sous-famille des Tilapiinae compte plus de 70 espèces appartenant à 10 genres (Trewavas, 1983) dont principalement les genres Oreochromis, Sarotherodon (incubateurs buccaux avec soins parentaux soit exclusivement femelle ou mâle, soit mâle et femelle) et les Tilapia (pondeurs sur substrat).
On reconnaît l’espèce Oreochromis niloticus par ses rayures verticales blanches et noires sur la nageoire caudale. Le corps, généralement de coloration grisâtre, avec des bandes verticales sombres assez bien marquées sur les flancs, est recouvert d’écailles cycloïdes. La nageoire dorsale a 17 à 18 rayons durs et 12 à 14 rayons mous. La ligne latérale supérieure couvre 21 à 24 écailles et la ligne latérale inférieure couvre 14 à 18 écailles. Il possède 21 à 26 branchiospines sur le bas du premier arc branchial et 5 à 7 branchiospines en haut du premier arc branchial. O. niloticus présente un dimorphisme sexuel au niveau de la papille génitale et de la croissance. La papille génitale des mâles est allongée alors que chez les femelles, elle est courte et présente une fente transversale en son milieu: c’est l’oviducte situé entre l’anus et l’orifice urétral de long et il existe un liséré noir en bordure de la nageoire dorsale et caudale chez les mâles. La croissance dépend aussi du sexe: dès que les individus atteignent l’âge de maturité, les mâles présentent une croissance plus rapide que les femelles et atteignent une taille nettement supérieure (Lowe-McConnell, 1982). Cette caractéristique amène de nombreux pisciculteurs à opter pour la méthode monosexe mâle.
Répartition et exigence écologique
Oreochromis niloticus présente une répartition originelle strictement africaine couvrant les bassins du Nil, du Tchad, du Niger, des Volta et du Sénégal ainsi que les lacs du graben estafricain jusqu’au lac Tanganika (Philippart et Ruwet, 1982). Cette espèce a été largement répandue en Afrique hors de sa zone d’origine pour compléter le peuplement de lacs naturels ou de barrages déficients ou pauvres en espèces planctonophages ainsi que pour développer la pisciculture. Mais ces introductions ne se sont pas limitées à l’Afrique puisqu’on retrouve l’espèce (Welcomme, 1988) dans les lacs, les fleuves et les piscicultures aussi bien d’Amérique Centrale, d’Amérique du Sud, d’Amérique du Nord et d’Asie, ce qui lui vaut une distribution actuelle pan-tropicale.
Oreochromis niloticus est une espèce relativement eurytope, adaptée à de larges variations des facteurs écologiques du milieu aquatique et colonisant des milieux extrêmement variés. Espèce eurytherme avec des températures se situant entre 13,5°C et 33°C, euryhaline avec une gamme de salinités comprise entre 0,015 et 35 ppt. O. niloticus peut vivre à des profondeurs entre 0 et 5 m avec un pH compris entre 5 et 11 (Kestemont et al. 1989). Grace à son hémoglobine particulière à haute affinité pour l’oxygène dissout (0,12 ppm), cette espèce peut supporter, sur de courtes périodes, des concentrations aussi faibles que 0,1 ppm d’oxygène dissout (Mélard, 1986).
IMPORTANCE ECONOMIQUE
Production
Les tilapias constituent le deuxième groupe de poissons élevés après les carpes. La production mondiale a connu un véritable boom puisqu’en trente ans, elle a été multipliée par un facteur 15. Au cours de la dernière décennie, elle a plus que doublé, passant de 830 000 tonnes en 1990 à 3,5 millions de tonnes en 2008 (FAO, 2012). La Chine est le plus grand pays producteur de tilapia, près du tiers de la production mondiale, avec 1,1 million de tonnes en 2008 (FAO, 2012). La production africaine, destinée aux marchés nationaux, a également augmenté, avec 430 000 tonnes de tilapia d’élevage produits en 2008, soit deux fois plus qu’en 2000. L’Egypte est le premier producteur africain ce qui représente 90% du total de l’Afrique (FAO, 2012). Au Sénégal, le rendement du tilapia produit essentiellement de la pêche de capture est estimé environ 1 636 tonnes soit 473.644.000 FCFA en 2009 (DPM, 2009). L’aquaculture est à son stade embryonnaire. Toutefois, en raison de grandes potentialités disponibles associées au climat favorable, le tilapia pourrait avoir un impact majeur sur le développement aquacole au Sénégal. Les principaux pays producteurs en Amérique sont le Mexique (150.000 tonnes), le Brésil (80.000 T), la Colombie, l’Equateur, les USA (15.000 T) (FAO, 2012).
Commercialisation et marché du tilapia
Aujourd’hui, avec les progrès réalisés en matière d’élevage, de conditionnement et de transport, un marché international du tilapia s’est établi avec l’Union européenne, le Japon et les États-Unis comme principaux acheteurs. Les États-Unis, le principal importateur de tilapia, a importé en 2005, 281 000 t en équivalent poisson entier et frais d’une valeur de 374 millions de US$ (Fitzsimmons, 2006). La Chine est le plus grand pays producteur avec une croissance soutenue. L’essentiel de la production est commercialisé sur le marché national mais récemment ce pays est devenu le principal exportateur de ce produit vers les États-Unis où le tilapia compte parmi les 10 poissons les plus appréciés. Après l’apparition des filets frais de tilapia provenant des pays tropicaux, de nouveaux marchés ont vu le jour dans les restaurants haut de gamme, les dîners d’occasion «casual dining», les hypermarchés et les magasins de demi-gros. Mais pour la première fois dans la dernière décennie, les importations américaines de toutes les formes de produits de tilapia ont baissé en quantité de 10,4% en 2011 par rapport à l’année précédente, tandis que la valeur des importations a légèrement diminué de 0,5% à USD 838 millions (Globfish, 2012). L’Afrique est un des plus importants consommateurs de tilapia avec 950 000 tonnes consommées par an, tandis que l’UE ne compte que pour environ 56 000 tonnes, même s’il est probable que la demande augmente. L’augmentation de la production de produits à plus forte valeur ajoutée à base de tilapia est probable dans les pays en développement (FAO, 2012). Les investissements étrangers dans les fermes de tilapia des pays en développement vont vraisemblablement augmenter, pour des produits ciblant principalement les marchés étrangers. Les prix sont susceptibles de s’accroitre, compte tenu de l’augmentation générale des prix des denrées alimentaires et en raison également des coûts plus élevés des aliments pour animaux et du transport. Des sous-produits intéressants ont émergé comme des articles en cuir destinés à l’habillement et comme accessoires, la gélatine des peaux utilisée pour le temps de libération des médicaments dits «time-released medecine» et les ornements de fleur faits à partir des écailles séchés et colorées des poissons .
UTILISATION DES LIPIDES EN AQUACULTURE
Les lipides doivent être présents dans l’alimentation des poissons pour couvrir leurs besoins énergétiques pour la croissance et comme substrat énergétique, surtout les acides gras de la série n-3 qui sont dits acides gras essentiels, c’est-à-dire les acides gras que l’organisme ne peut pas synthétiser. Les lipides servent aussi de vecteurs lors de l’absorption intestinale des vitamines liposolubles (vitamines A, D, E, K) et des pigments caroténoïdes. La quantité de lipides à apporter pour un régime dépend de la source de matières grasses et du ratio protéine / énergie du régime. En utilisant des régimes isocaloriques à teneurs en lipides variables, De Silva et al. (1985) ont mis en évidence une épargne des protéines chez l’alevin du tilapia rouge (Oreochromis sp), qui augmentait avec l’incorporation croissante des lipides dans le régime, jusqu’à un maximum de 18 %. Dans une étude sur le tilapia, Viola et al. (1983) ont observé que la supplémentation du régime en acides gras polyinsaturés n’engendre de dépôts que dans les viscères. Des observations semblables sont rapportées par Hanley (1991) pour Oreochromis niloticus. Takeuchi et al. (1983) ont montré que chez les tilapias, le besoin en acides gras de la série n-6 (acide linoléique 18: 2n-6) est plus important. Ils évaluent ce besoin à 0,5 % du régime. Ce chiffre nous est également rapporté par Kaushik et al. (1993). Les mêmes auteurs ont par ailleurs montré que l’apport d’acides gras autres que l’acide linoléique ne stimule pas la croissance chez O. niloticus. En général, les poissons d’eau chaude ont besoins des acides gras polyinsaturés n-6 ou d’un mélange d’acides gras n-3 et n-6, tandis que les espèces d’eaux froides exigent les acides gras de la série n-3 (Webster et Lim, 2002). Les poissons ne produisent pas des acides gras n-3, mais les accumulent en consommant soit des micros-algues ou des poissons-proies qui accumulent ces acides gras n3, avec une grande quantité d’antioxydants sous forme d’iodure et de sélénium, à partir des micros algues. Ces antioxydants sont en mesure de protéger les lipides polyinsaturés fragiles de la peroxydation (Lim et al. 2009). Les huiles végétales riches en acides gras de la série n-6 et / ou n-3, telles que l’huile de soja, l’huile de maïs, l’huile de tournesol, l’huile de canola, l’huile de palme et l’huile de lin ont été signalées être de bonnes sources de lipides pour le tilapia (Lim et al. 2009). Certaines études ont montré que la valeur nutritionnelle de l’huile de poisson est similaire à celle des huiles végétales, tandis que d’autres ont rapporté une mauvaise performance de croissance des poissons soumis à des régimes alimentaires contenant de l’huile de poisson. Les huiles végétales possèdent plusieurs propriétés permettant de les étudier pour remplacer l’huile de poisson. Des études ont montré que l’incorporation d’huiles végétales dans les aliments piscicoles, en remplacement de l’huile de poisson, n’altère pas les performances de croissance dans la mesure où les besoins en acides gras essentiels (AGE) sont couverts (Corraze et kaushik, 2009).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I: SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. PRESENTATION DE L’ESPECE
I.1.1. Taxonomie et morphologie
I.1.2. Répartition et exigence écologique
I.2. IMPORTANCE ECONOMIQUE
I.2.1. Production
I.2.2. Commercialisation et marché du tilapia
I.3. UTILISATION DES LIPIDES EN AQUACULTURE
CHAPITRE II: MATERIEL ET METHODES
II.1. MATERIEL
II.1.1. Matériel biologique
II.1.2. Matériel d’élevage
II.1.3. Matériel de fabrication des aliments
II.1.4. Matériel de mesure
II.1.5. Matériel d’analyse biochimique
Comme matériel d’analyse biochimique on a utilisé
II.2. METHODES
II.2.1. Milieu d’étude
II.2.2. Fabrication des aliments
II.2.3. Conditions d’élevage
II.2.4. Analyses biochimiques
II.2.5. Paramètres physico-chimiques
II.2.6. Paramètres de croissance
II.2.7. Analyse statistique
CHAPITRE III: RESULTATS ET DISCUSSION
III.1. RESULTATS
III.1.1. Paramètres physicochimiques
III. 1.2. Composition biochimique des aliments
III.1.3. Paramètres de croissance
III.1.4. Protéines et lipides de la chair
III.1.5. Estimation économique
III.2. DISCUSSION
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES