L’inhibiteur dépendant de la protéine Z (ZPI) est un inhibiteur physiologique de la coagulation qui inhibe les facteurs Xa (FXa) et XIa (FXIa). L’inhibition du FXa nécessite la protéine Z (PZ), un cofacteur vitamine K-dépendant, qui permet de rapprocher le ZPI du facteur Xa fixé sur les phospholipides. Chez l’Homme, la PZ circule sous forme de complexe équimolaire avec le ZPI, avec un excès de ZPI. Le rôle physiologique du complexe PZ/ZPI est actuellement mal défini, les études analysant les conséquences d’un déficit en PZ ou ZPI n’étant pas univoques. Les souris déficitaires en ZPI et PZ sont viables toutefois il a été observé une augmentation de la mortalité intra-utérine chez les souris déficitaires en ZPI. Par contre, dans des modèles expérimentaux de thrombose, une augmentation des phénomènes thrombotiques est observée chez les souris déficitaires en ZPI et PZ par rapport aux souris « sauvages ». Récemment, dans un modèle d’inflammation aigüe chez la souris, il a été établi que le ZPI est une protéine de l’inflammation, L’observation d’une augmentation du taux plasmatique de ZPI après chirurgie ou chez des sujets atteints de cancers inflammatoires a confirmé que le ZPI est aussi une protéine de l’inflammation chez l’Homme (1,2).
L’inflammation est un moyen de se défendre contre les agressions de l’organisme, et l’augmentation des protéines de la phase aiguë de l’inflammation permet le plus souvent de réduire l’agression de l’organisme (3). Nous avons donc recherché si le ZPI avait la capacité à diminuer la réponse inflammatoire, notamment en ce qui concerne la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. Comme il existe un excès de sécrétion de cytokines dans le sepsis, nous avons donc étudié dans un modèle murin si le ZPI était capable de réduire la production de cytokines en réponse à l’injection de lipopolysaccharide. De plus, dans le sepsis, l’activation des polynucléaires neutrophiles, entraîne la production de Neutrophil Extracellular Traps (NETs), qui peuvent cliver des inhibiteurs de la coagulation (comme le TFPI) contribuant ainsi aux phénomènes thrombotiques observés dans le sepsis (4). Dans une seconde partie de ce travail, nous avons donc montré que l’activité du ZPI était très vite diminuée par les NETs, en raison de différentes coupures protéolytiques, vraisemblablement dûes à l’action de l’élastase neutrophile associée aux NETs.
Enfin, dans une dernière partie de ce travail, en collaboration avec le service de réanimation du CHU de Strasbourg, nous avons étudié les variations de PZ et ZPI chez des patients atteints de choc septique. Si la PZ est diminuée au diagnostic, nous avons observé une augmentation importante de ZPI, plus importante encore que celle décrite en chirurgie ou dans les cancers, mais toutefois à un taux plus faible que celle nécessaire pour induire in vitro une diminution de la production des cytokines pro-inflammatoires.
Place du système PZ/ZPI dans la coagulation
L’hémostase et la coagulation
L’hémostase est l’ensemble des mécanismes physiologiques qui concourent à la prévention et à l’arrêt des saignements, elle est constituée par l’hémostase primaire et la coagulation plasmatique, l’étape ultime étant la fibrinolyse, qui permet la dégradation du caillot formé. S’il est classique de séparer ces trois étapes, il faut bien souligner qu’in vivo, les mécanismes sont concomitants. En présence d’une lésion vasculaire, il y a une vasoconstriction réflexe et l’activation de l’hémostase primaire, initiée par l’adhésion des plaquettes au site de lésion. Les plaquettes vont adhérer au sous-endothélium directement ou par l’intermédiaire du facteur Willebrand. L’adhésion des plaquettes est accompagnée d’un changement de forme majeur permettant l’exposition des phospholipides chargés négativement, ainsi que la formation de pseudopodes facilitant leur ancrage. Ensuite, les plaquettes vont s’activer, secréter le contenu de leurs granules et synthétiser des dérivés de l’acide arachidonique, puis s’agréger et former le clou plaquettaire. (5) Simultanément à la formation du clou plaquettaire, la coagulation plasmatique est déclenchée conduisant à la génération de thrombine permettant la formation d’un réseau de fibrine. La coagulation est une cascade d’activations enzymatiques au cours desquelles les précurseurs inactifs d’enzymes, appelés zymogènes, sont activés pour acquérir des propriétés protéolytiques ou catalytiques. Deux voies ont été identifiées : la voie du facteur tissulaire et la voie de la phase contact.
La voie du facteur tissulaire
Dans cette voie, qui correspond au mécanisme physiologique, la coagulation est initiée par l’exposition du facteur tissulaire (FT) au flux sanguin. Le FT sert de récepteur au facteur VII (FVII), qui devient actif (FVIIa) et clive le facteur X (FX) en FXa. Le Facteur VIIa peut également activer le facteur IX (antihémophilique B) en IXa, qui a la capacité d’activer le FX. Le FXa clive à son tour le facteur II (prothrombine) en FIIa appelé plus habituellement thrombine. Les premières molécules de thrombine formées vont amplifier la cascade de la coagulation, notamment en clivant le facteur V (FV) et le facteur VIII (antihémophilique A).
Cette génération de FVa et FVIIIa va aboutir à la formation de complexes enzymatiques, la tenase (constituée des facteurs antihémophiliques A et B, des phospholipides et de calcium) et la prothrombinase, constituée des FVa, FXa, phospholipides et calcium. La formation de ces complexes enzymatiques augmente d’un facteur 1000 environ la vitesse de la coagulation et permet la génération « explosive » de thrombine permettant la formation de fibrine et ainsi du thrombus fibrino-plaquettaire. La cascade de la coagulation se déroule à la surface des phospholipides, soit tissulaires, soit plaquettaires. En effet, les facteurs vitamine Kdépendants (FII, FVII, FIX et FX) localisent la coagulation à la surface des phospholipides anioniques (essentiellement la phosphatidylsérine), en se fixant sur les phospholipides par l’intermédiaire d’ions calcium. La thrombine joue ainsi un rôle majeur, car elle permet d’augmenter la quantité de phospholipides nécessaires à la coagulation, en activant les plaquettes. Elle active les cofacteurs V et VIII (rétro contrôle positif, mais elle active également le facteur XI (FXI), qui s’insère dans cette cascade d’amplification en activant le FIX (6).
La voie de la phase contact
La coagulation peut aussi être initiée par l’activation du FXII, dans la voie dite «système contact » ou « voie intrinsèque », par opposition à l’initiation par le FT dite classiquement « voie extrinsèque ». Cette initiation par le FXII activé (FXIIa) n’est pas fonctionnelle dans les conditions physiologiques, mais se produit dans des circonstances pathologiques ou lorsque le sang est en contact avec des surfaces non physiologiques. Cette voie implique trois sérine-protéases : le FXII, le FXI et la prékallikréine (PK), ainsi que le kininogène de haut poids moléculaire (KHPM) qui est un cofacteur non enzymatique.
Le FXII (ou facteur Hageman) est une molécule monocatenaire qui circule dans le plasma à une concentration de 40 µg/mL (375 nM), sa demi-vie est de 50 à 70 heures. C’est une protéine d’environ 80 kDa (7). Le FXII est activé en présence d’une surface électronégative (auto-activation) entraînant un changement de conformation, qui est stabilisée par l’ion zinc (Zn2+), ou par un clivage par la kallikréine (KALL) (hétéro-activation). L’activation du FXII en FXIIa (ou αFXIIa) conduit à la formation d’une protéine constituée d’une chaîne lourde (52 kDa) et d’une chaîne légère (28 kDa) liées par un pont disulfure. La chaîne légère porte l’activité enzymatique, qui permettra le clivage de la PK et du FXI, tandis que la chaîne lourde permet sa fixation aux surfaces électronégatives. L’αFXIIa peut encore être clivé par la KALL, conduisant au fragment β-FXIIa, qui garde son activité protéolytique envers la PK mais perd sa faculté à se lier aux surfaces électronégatives .
Régulation de la coagulation
Les facteurs de la coagulation sont présents en excès dans le sang. Sans mécanismes régulateurs, les mécanismes d’amplification et de propagation conduiraient à une coagulation généralisée de l’arbre vasculaire. Le flux sanguin permet de maintenir la cascade de la coagulation localisée au niveau de la brèche vasculaire, en effet il permet de limiter l’interaction des facteurs activés de la coagulation entre eux. Par ailleurs, la fibrine constitue un « piège à thrombine », celle-ci se retrouvant bloquée à l’intérieur des pores du caillot de fibrine.
En plus de ces mécanismes physiques, non spécifiques, trois principaux systèmes sont connus pour inhiber la coagulation : l’inhibiteur de la voie du facteur tissulaire (Tissue Factor Pathway Inhibitor ou TFPI), le système de la protéine C (PC) et l’antithrombine (AT).
Le TFPI
Le TFPI est un inhibiteur de sérine-protéase qui inhibe les phases précoces de la coagulation. Il est synthétisé majoritairement par les cellules endothéliales et 85% du TFPI de l’organisme sont liés à la surface des cellules endothéliales de la microcirculation. Il est présent dans le plasma à une concentration de 70 ng/mL (1,6 nM) et plus de 80 % du TFPI plasmatique sont associés aux lipoprotéines. Il existe deux isoformes principales de TFPI, issues d’épissages alternatifs : le TFPIα et le TFPIβ. Les deux isoformes sont retrouvées à la surface des cellules endothéliales et seul le TFPIα est localisé dans les plaquettes. Le TFPI a été identifié comme un inhibiteur du complexe FT-FVIIa, nécessitant le FXa et Ca2+. Le mécanisme d’inhibition est initié par la liaison du TFPI au FXa, puis de la formation du complexe FXa-TFPI-FTFVIIa, au sein duquel les FXa, FT et FVIIa n’ont plus d’activité (24,25).
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Table des matières
Introduction
Rappels bibliographiques
I- Place du système PZ/ZPI dans la coagulation
1) L’hémostase et la coagulation
a) La voie du facteur tissulaire
b) La voie de la phase contact
2) Régulation de la coagulation
a) Le TFPI
b) Le système de la protéine C
c) L’antithrombine
d) L’inhibition de la voie du système contact
3) Régulation de la coagulation par le système Protéine Z et ZPI
a) La Protéine Z (PZ)
b) L’inhibiteur dépendant de la protéine Z (ZPI)
Inhibition du FXa par le ZPI
Inhibition du FXIa par le ZPI
Inhibition du FIXa
c) Le complexe PZ-ZPI
Complexe équimolaire
Sites d’interaction entre la PZ et le ZPI
d) Relevance physiologique
Souris déficitaires en PZ et ZPI
II- Le système PZ et ZPI en pathologie
1) Valeurs de référence chez le sujet sain
2) Variations physiopathologiques
a) Dans les maladies hémorragiques
b) Dans la pathologie thrombo-embolique
c) Au cours de la grossesse normale ou pathologique
d) Syndrome des antiphospholipides (SAPL)
e) Inflammation
f) Dans les cancers
g) Polymorphismes/mutations et phénotypes associés
III- Interactions entre coagulation et inflammation
1) Le système immunitaire inné
2) L’immunothrombose
3) Système contact et inflammation
IV- Le sepsis
1) Epidémiologie et définitions
2) Les scores de l’ISTH et du JAAM pour l’identification d’une CIVD
3) La sécrétion de cytokines pendant le sepsis
4) Rôle des inhibiteurs physiologiques de la coagulation dans le sepsis – Modulation
pharmacologique
5) Inhibition de la voie du système contact
6) Le système PZ/ZPI et sepsis
Résultats
1ère partie : Démonstration d’un effet anti-inflammatoire du ZPI
The Protein Z-dependent protease inhibitor has an in vitro and in vivo anti-inflammatory
activity
Résultats supplémentaires
Matériels et méthodes
Résultats
Discussion et conclusion
2ème partie : Etude de l’impact des NETs sur l’activité anticoagulante du ZPI
Introduction
Matériels et méthodes
Résultats
Discussion et conclusion
3ème partie : Etude des variations du taux de PZ et ZPI au cours du choc septique
Introduction
Matériels et méthodes
Résultats
Discussion et conclusion
Discussion générale et perspectives
Bibliographie
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