Différentes types de seuils
Il existe différentes méthodes de mesure du seuil de cisaillement (des résumés sont donnés par Dzuy et al. (1983) et Liddell et al. (1996)). Parmi celles-ci, deux sont intéressent: la méthode scissométrique, et la méthode mathématique, généralement très répandue en génie civil. Il s‟avère que ces méthodes mènent à des réalités physiques très différentes. La première est pratiquée sur une suspension au repos. La mesure, effectuée sur une substance initialement structurée, correspond donc à la contrainte à fournir pour mettre la substance en mouvement ou pour obtenir la première évidence de son écoulement. Il s‟agit donc d‟un seuil de cisaillement au repos (ou appelé seuil statique par certains auteurs [Keating et al. (1989)]). La seconde méthode est effectuée sur une suspension dont la structure a été partiellement détruite, c‟est-à-dire qu‟un degré de déstructuration maximum a été atteint pour le gradient de vitesse appliqué. Le seuil est obtenu par l‟extrapolation de la courbe d‟écoulement à une valeur Ƭ0 donnée par l‟une des relations du tableau I.1 Il s‟agit alors d‟un seuil qu‟on peut qualifier de dynamique [Keating et al. (1989)]. Sa signification physique pourrait se rapporter à un arrêt ou au figeage du matériau fraîchement malaxé. Notons que les deux grandeurs n‟ont de chances d‟être égales que pour des matériaux présentant peu d‟effets temporels (thixotropie, réactivité). On peut d‟ailleurs être tenté de les comparer, même si les phénomènes physiques sont fondamentalement différents. Dzuy et al. (1985) ont montré qu‟elles peuvent présenter une certaine corrélation, ce qui est confirmé par nos résultats sur des pâtes de ciment avec et sans adjuvant et/ou additions (figure I.1).
Les seuils statiques sont généralement plus élevés que les seuils dynamiques (dans le premier cas, la structure est encore vierge de tout cisaillement), particulièrement dans le cas des suspensions ayant une forte concentration (figure I.2) [Cyr M. (1999)].
Fluides thixotropes
Outre la variation des comportements provoquée par la réactivité des constituants (par exemple, l‟hydratation des pâtes de ciment), certaines substances peuvent avoir un écoulement dont les caractéristiques dépendent du temps ou des traitements antérieurs. C‟est le cas des corps thixotropes, définis par une baisse réversible de la viscosité apparente lors d‟une sollicitation à vitesse constante au cours du temps (l‟effort nécessaire à l‟écoulement diminue). Ce phénomène, généralement caractéristique des suspensions floculées, traduit la destruction progressive de la structure au repos. Leurs rhéogrammes présentent une boucle d‟hystérésis, c‟est-à-dire que la courbe de montée en cisaillement ne coïncide pas avec celle de la descente.
Les pâtes de ciment ne sont pas des corps typiquement thixotropes puisque leur structure initiale ne se reforme jamais complètement (les courbes d‟hystérésis ne se referment pas et ne passent pas au même endroit lorsqu‟on répète l‟essai). On peut alors définir le phénomène comme étant de la fausse-thixotropie [Legrand (1971)]. Ce phénomène a une forte tendance à diminuer avec l‟utilisation de superplastifiants [Young (1982)]. La Figure I.4 représente l‟évolution du couple au cours d‟un essai rhéométrique. Pour un fluide idéal le couple est proportionnel à la vitesse de rotation. Pour un béton un effet de thixotropie est observé suite à un changement de la vitesse de rotation. Cet effet est représenté schématiquement sur la Figure I.4. La différence est due au comportement thixotropique du béton qui crée un retard dans la réponse du matériau [Roussel (2006)].
Adsorption
Les superplastifiants sont généralement introduits dans l’eau de gâchage avant le mélange avec le ciment. Au moment où les grains de ciment entrent en contact avec l’eau, les molécules du superplastifiant participent à la saturation des charges de surface au même titre que les autres ions présents en solution. Yoshioka et al., (2002) ont également étudié l‟adsorption de 04 types de superplastifiants sur les différentes phases pures. Ils ont montré qu‟une plus grande quantité de polymère s‟adsorbait sur les phases aluminates (C3A et C4AF) que sur les phases silicates (C3S et C2S). De même, l’isotherme d’adsorption d‟un PNS sur le C3A, C4AF et C2S synthétisés montre que les quantités saturées d’adsorption sur le C3A et le C4AF étaient très élevés, environ 300 mg/g, tandis que celle sur le C3S n’était que de 2 mg/g [Nawa T. et al., (1992)]. D‟autres travaux avec de l’acide salicylique ont confirmé que la quantité d’adsorption sur les différents minéraux de ciment étaient dans l’ordre de C3A>C4AF>C3S [Blank B. et al. (1963)]. La figure II.5 présente les résultats [François P. (2004)] d‟adsorption d‟un superplastifiant de type PNS sur les phases pures de ciment (C3A, C4AF et C3S) pour des rapports eau/solide de 0,5. Ces résultats montrent que le polymère s‟adsorbe préférentiellement sur les phases aluminates et peu sur les phases silicates.
Il a été constaté que la viscosité des pâtes de ciment augmente sensiblement dans le ciment ayant un faible rapport de C3S/C2S ou de C3A/C4AF, surtout lorsqu‟un superplastifiant de type PNS est employé [Blank B. et al., (1963)]. Cette étude montre que la teneur en C3A et la finesse de ciment sont les facteurs les plus influents sur le comportement rhéologiques des pâtes de ciments. Plus la teneur en C3A et la finesse de ciment sont élevées, plus l’effet de fluidification du superplastifiant diminue [Uchikawa H., (1992)]. Ces résultats ont été confirmés par Boragafio et al. (1992) en comparant les propriétés rhéologiques de trois types de ciment d’où l’effet de fluidification diminue lorsque le rapport C3A/CaSO4 augmente. De plus, l‟action des superplastifiants devient plus importante lorsque la taille des particules de ciment est inférieure à 10 μm [Hattori K. (1976)]. Cet effet sur les particules fines a également été étudié par [Nawa et al., (1992)] où la viscosité des pâtes de ciment accrue avec la fraction fine (≤ 10 nm) de ciment. Cela est dû à l’augmentation du montant de superplastifiant adsorbé lorsque la finesse du ciment augmente.
Effet sur l’hydratation du ciment
Il a été constaté que les molécules de superplastifiant dispersent non seulement des particules de ciment, mais sont impliqués dans l’hydratation, ce qui conduit à des modifications de la morphologie des hydrates. Baussant [Baussant J.B. (1990)] observait, en l’absence de superplastifiant, que l’ettringite a été trouvé bien cristallisé alors que lors de la présence de superplastifiant de type PNS, l’ettringite a été modifié selon une forme sphéroïdale. En outre, plus le poids moléculaire du PNS est élevé, plus la dimension des cristaux est petite [Baussant J.B. (1990)]. De même, la chaleur d‟hydratation initiale diminue avec la présence de PNS à faible poids moléculaire, alors que les travaux de Jolicooeur et al. (1994) prouvent que la chaleur d‟hydratation initiale n’est pas modifiée par l’addition d’un PNS ayant un poids moléculaire plus que 100 kilodalton. Des résultats de recherche ont montré que le superplastifiant de type sulphonates a la capacité à s‟intercaler dans les phases du monosulfo-aluminate AFm du ciment pur [Fernon V. (1994)]. La couche du AFm formée autour du ciment augmente la surface que doit recouvrir le superplastifiant pour disperser les grains ce qui engendre une augmentation du dosage en superplastifiant [Leroux F. et al. (2004)]. De même, des phases lamellaires intercalées par des polymères de type PC sont observables au microscope électronique à transmission, et que des distances basales de 2 à 4 nm sont mesurées par DRX, en fonction de la longueur des greffons [Plank J. et al. (2006)].
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : Notions de base sur la rhéologie
I.1 Introduction
I.2 Définitions
I.2.1 Contrainte de cisaillement Ƭ [Pa
I.2.2 Vitesse de cisaillement Ý[s-1
I.2.3 Seuil de cisaillement Ƭ0 [Pa]
I.2.4 Viscosité [Pa.s
I.2.5 Concentration volumique
I.3 Types de comportements rhéologiques
I.3.1. Courbes d‟écoulement linéaire
I.3.2. Courbes d‟écoulement non linéaire
I.3.3. Fluides thixotropes
I.3.4. Précisions sur les comportements des fluides
I.4. Conclusion
I.5. Références
CHAPITRE II : Influence des fines minérales et des adjuvants sur le comportement rhéologique des matériaux cimentaires
II.1 Introduction
II.2 Additions organiques
II.2.1. Types des superplastifiants
II.2.1.1. Lignosulfonates modifiés (LSM
II.2.1.2. Polynaphtalènes sulfonates et polymélamines sulfonates
II.2.1.3. Superplastifiants à base de carboxylates (PC)
II.2.2. Action des superplastifants sur les matériaux cimentaires
II.2.2.1. Adsorption
II.2.2.2. Effet sur l‟hydratation du ciment
II.2.2.3. Dispersion par effet stérique
II.2.3. Effets rhéologiques des superplastifiants
II.3. Influence des additions minérales
II.3.1. Types d‟additions minérales
II.3.1.1. Fillers calcaires
II.3.1.2. Laitier granulé des hauts fourneaux
II.3.1.3. Pouzzolane naturelle
II.3.1.4 Fumée de silice
II.3.1.5. Cendres volantes
II.3.2. Action d‟additions minérales sur les matériaux cimentaires
II.3.2.1 Effet Granulaire
II.3.2.2 Effet physico-chimique et microstructural
II.3.2.3 Effet chimique
II.4. Effet des additions minérales sur la rhéologie
II.4.1. Effet du type de l‟addition
II.4.2. Effet du taux de substitution
II.5. Ressuage
II.6. Références
CHAPITRE III : Caractérisation des matériaux et méthodes utilisées
III.1. Caractérisation des matériaux
III.1.1. Le ciment
III.1.2. Les fillers calcaires
III.1.3. Le sable
III.1.3.1. Les caractéristiques physiques du sable
III.1.3.2. Analyse granulométrique
III.1.4. Les additions organiques
III.2. Composition des mortiers
III.3. Démarches méthodologiques
III.3.1. Essai du mini cône
III.3.2. Essai au rhéomètre
III.4. Différentes étapes d‟un essai rhéologique
III.5. Mesure des paramètres rhéologiqueS
III.6. Essai de la résistance mécanique
III.6.1. Confection des éprouvettes prismatiques
III.6.2. Essais de compression et de traction par flexion
III.7. Essai du ressuage
III.8. Références
CHAPITRE IV : Résultats et discussions
IV.1 Introduction
IV.2. Compatibilité des superplastifiants avec les liants
IV.3. Les essais d‟étalement
IV.3.1.Combinaisons entre les fillers calcaires et les Superplastifiants SP1 et SP2
IV.3.2. Combinaisons entre la poudre de marbre et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.4. Le seuil de cisaillement
IV.4.1. Combinaisons entre les fillers calcaires et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.4.2. Combinaisons entre la poudre de marbre et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.5. La viscosité plastique
IV.5.1. Combinaisons entre les fillers calcaires et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.5.2. Combinaisons entre la poudre de marbre et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.5.3. Modèle rhéologique
IV.6. Le ressuage
IV.6.1. Combinaisons entre les fillers calcaires et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.6.2. Combinaisons entre la poudre de marbre et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.7. Les résistances
IV.7.1. Combinaisons entre les fillers calcaires et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.7.2. Combinaisons entre la poudre de marbre et les superplastifiants SP1 et SP2
IV.8. Conclusion
IV.9. Références
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
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