Effet du régime alimentaire sur la croissance et la survie d’Oreochromis niloticus

Dans le monde, la demande de poisson des consommateurs continue à grimper, en particulier dans les nations riches et développées qui, en 2004, ont importé 33 millions de tonnes de poisson. Mais les niveaux de captures de poisson à l’état sauvage sont demeurées relativement stables depuis le milieu des années 80, tournant autour des 90-93 millions de tonnes par an. Il n’y a guère de probabilités que les prises augmentent de façon significative au-delà de ces niveaux, selon la FAO. Quelque 77 pour cent du poisson consommé dans le monde vient des pays en développement.

Le Sénégal est passé d’une production de 50.000 tonnes en 1965 à 453.000 tonnes en 1997. Mais cette production a enregistré une baisse et était estimée à 395.000 tonnes en 1999. Selon l’Observatoire économique de la pêche au Sénégal (OEPS), quelque 330 000 tonnes ont été capturées pendant l’année 2000, et le secteur artisanal y a contribué à 85%. A ce rythme, l’offre ne parvient pas à suivre celle d’une demande nationale et internationale de plus en plus forte. La pratique de l’aquaculture pourrait constituer une alternative à la surexploitation des produits halieutiques. Son développement doit nécessairement passer par des études sur les performances de croissance des espèces cultivables. En effet, quelque soit le débouché visé, la recherche de performances de croissances élevées est toujours un objectif pour les éleveurs, même si ce n’est pas un objectif toujours prioritaire. Les conséquences économiques liées à un faible taux de croissance concernent tout type d’élevage. C’est dire donc que le premier critère qui intéresse les producteurs de poissons de bouche est le potentiel de croissance qui est lié à un bon indice de conversion alimentaire.

Dans cette optique de recherche d’optimisation de la production aquacole, beaucoup d’études ont montré que la croissance des poissons dans tous ses aspects, dépend intimement des facteurs environnementaux, à savoir : l’alimentation (disponibilité, type, composition, mode et fréquence de distribution), la densité de population, l’intensité lumineuse (Hecht & Pienaar, 1993 ; Baras & Jobling, 2002) entre autres. L’aliment poisson demeure un des principaux soucis des pisciculteurs du Sénégal La disponibilité des sous produits agricoles au long du fleuve Sénégal offre d’énorme perspective de développement de l’aquaculture. Compte tenu de la limitation de l’approvisionnement en farine et en huile de poissons au niveau mondial et de leur demande croissante pour une production aquacole globalement en expansion, il est crucial d’intensifier l’effort de recherche. Cette étude aura pour objectif d’identifier de nouveaux intrants et des sources de protéines et de lipides alternatives pouvant être incorporées aux aliments composés destinés aux poissons d’élevage (Naylor, 2000 ; De Silva, 2001). Dans ce domaine, il s’agit non seulement de réduire l’incorporation de farine ou d’huile de poissons dans les aliments par l’identification et l’utilisation de substituts appropriés, mais aussi de développer de nouvelles stratégies d’alimentation et des systèmes de production intégrés susceptibles de limiter les rejets (nutriments, déchets d’aliments et fèces, produits médicamenteux, etc …) issus des fermes d’élevage (Naylor, 2000 ; De Silva, 2001 ; Fernandes, 2001).

Actuellement, un des débats les plus échauffés concerne l’utilisation de farine de poisson et autres protéines d’origine animale dans l’aliment utilisé en aquaculture (Naylor, 2000 ; Foster and Hardy, 2001). Même si les farines de poissons sont utilisées pour leur contenu en protéine de haute qualité, il existe des désavantages à cette utilisation dans son coût élevé et la labilité de l’approvisionnement. Les prises de poissons sauvages sont en déclin et il y a une préoccupation croissante sur le plan environnemental (eutrophisation, pollution due à l’excès de déchets), des préoccupations éthiques liées à l’utilisation de farines pour des espèces naturellement non carnivores, et des préoccupations sociales à utiliser des farines pour l’aliment de poisson quand elles pourraient être utilisées pour l’alimentation humaine (notamment dans les régions où la sous alimentation existe). Même si les plus gros utilisateurs de farine de poissons sont les secteurs de l’élevage terrestre, et que l’aquaculture du saumon, du bar, de la dorade et des crevettes utilise des espèces qui ne le sont pas pour l’alimentation humaine, les préoccupations des consommateurs motivent à rechercher des sources de protéines végétales et des sources stables. Les biotechnologies offrent des possibilités de développement d’alternatives aux farines de poissons, notamment des protéines végétales, par l’amélioration de la production et les techniques de traitement. D’autres techniques offrent des améliorations dans la disponibilité de l’aliment.

Les protéines végétales présentent un potentiel pour résoudre le problème de la pollution par le phosphore dans la mesure où les plantes contiennent des niveaux inférieurs de phosphore à ceux trouvés dans les protéines animales. L’utilisation de protéines d’origine végétale dans l’aliment pour l’aquaculture peut aussi aider à réduire la pression exercée sur le stock naturel de poissons.

Présentation de l’espèce

Caractéristiques taxonomiques et morphologiques

Oreochromis niloticus (Linnaeus, 1758)
Embranchement : Vertébrés
Classe : Ostéichtyens
Super-ordre : Téléostéens
Ordre : Perciformes
Sous-ordre : Labroidei
Famille : Cichlidae
Genre : Oreochromis
Espèce : niloticus

Principaux synonymes : Tilapia nilotica, Sarotherodon niloticus. Du point de vue morphologique, les Tilapias se reconnaissent aisément par :
– Une tête portant une narine de chaque côté,
– Un os operculaire non épineux,
– Un corps comprimé latéralement, couvert essentiellement d’écailles cycloïdes et parfois d’écailles cténaires,
– Une longue nageoire dorsale à partie antérieure épineuse,
– Une nageoire anale avec au moins les trois premiers rayons épineux.
– Un liséré noir en bordure de la nageoire dorsale et caudale chez les mâles.

La diagnose de l’espèce O. niloticus a fait l’objet d’études précises (Trewavas, 1983) recourant à une coloration grisâtre avec poitrine et flancs rosâtres et une alternance de bandes verticales claires et noires nettement visibles notamment sur la nageoire caudale et la partie postérieure de la dorsale, un nombre élevé de branchiospines fines et longues (18 à 28 sur la partie inférieure du premier arc branchial, et 4 à 7 sur la partie supérieure), Une nageoire dorsale longue à partie épineuse (17-18 épines) et à partie postérieure molle (12-14 rayons).

Il existe un dimorphisme sexuel, apparaissant au niveau de la papille génitale, allongée chez le mâle, courte et présentant une fente transversale (oviducte) située entre l’anus et l’orifice urétral chez la femelle. Ceci permet de distinguer aisément les mâles des femelles lorsqu’ils atteignent un poids de 25-30 g et une taille de 10 à 12 cm (Mélard, 1986).

Répartitions géographiques originelles et actuelles

O. niloticus présente une répartition originelle strictement africaine couvrant les bassins du Nil, du Tchad, du Niger, des Volta, du Sénégal et du Jourdain ainsi que les lacs du graben Est-africain jusqu’au lac Tanganika (Phillipart et Ruwet, 1982). Cette espèce a été largement répandue en Afrique hors de sa zone d’origine pour compléter le peuplement des lacs naturels ou des barrages déficients ou pauvres en espèces planctonophages ainsi que pour développer la pisciculture. Ainsi Welcomme (1988) signale son introduction au Burundi et au Rwanda en 1951, à Madagascar en 1956, en République Centrafricaine et en Côte d’Ivoire en 1957, au Cameroun en 1958, en Tunisie en 1966, en Afrique du Sud en 1976 et à des dates inconnues au Zaïre et en Tanzanie. A cela on peut ajouter que l’espèce est également cultivée, hors de sa zone originelle dans des petits bassins, au Gabon (Oyem), au Ghana, au Kenya (Baobab Farm prés de Mombassa), au Nigeria (Arac, Port-Harcourt), etc Les introductions n’ont pas été limitées en Afrique seulement puisqu’ on la trouve (Welcomme,1988) dans les lacs, les fleuves et les piscicultures aussi d’Amérique centrale (Guatemala, Mexique, Nicaragua, Honduras, Costa Rica, Panama), d’Amérique de Sud (Brésil), d’Amérique du Nord (Auburn, etc…) et d’Asie (Sri Lanka, Thaïlande, Bengladesh, Vietnam, Chine, Hong Kong, Indonésie, Japon, Philippines), ce qui lui vaut une distribution pantropicale. L’espèce est cultivée dans les chaudes industrielles en zones tempérées (cas de la Belgique, 1980 ; en Allemagne, 1977 ; et en France).

Exigences écologiques

De nombreuses études de terrain et de laboratoire (Pullin et Lowe-McConnel, Pullin, 1982 ; Fishelson et Yaron, 1983 ; Plisner, 1988) ont montré qu’O. niloticus est une espèce relativement euryéce et eurytope adaptée à des larges variations de facteurs écologiques du milieu aquatique et colonisant des milieux extrêmement variés. Ainsi O. niloticus, espèce thermophile, se rencontre en milieu naturel entre 13.5 et 33°C mais l’intervalle de tolérance thermique observée en laboratoire est plus large : 7 à 41°C pendant plusieurs heures (Baladin et Hatton, 1979). Quant à la température optimale de reproduction, elle se situe entre 26 et 28°C, le minimum requis étant 22°C. L’euryhalinité d’O. niloticus est également connue car, on le rencontre dans des eaux de salinité comprise entre 0.015 et 30 pour mille. Toutefois au-delà de plus ou moins 20 pour mille, l’espèce subit un stress important qui le rend sensible à une série de maladies, réduisant sa compétitivité par rapport à d’autres espèces (T. melanotheron). De plus la reproduction serait inhibée en eau saumâtre à partir de 15 à 18 pour mille. De même la tolérance aux variations de pH est très grande puisque l’espèce se rencontre dans des eaux présentant des valeurs de pH de 5 à 11. Il survit durant plusieurs heures à des teneurs en oxygène dissous très faibles (0.1 ppm). Cette extrême tolérance vis-à-vis des conditions du milieu explique pourquoi O. niloticus a colonisé des habitats différents, (rivières rapides,lentes, lacs profonds, peu profonds, eaux très fortement et faiblement minéralisées, etc) qui correspondent à des conditions physiques et chimiques extrêmement variées. Cela en fait aussi un poisson facile à maintenir dans des bassins d’élevage (Mélard, 1986).

Régime alimentaire

Les Tilapias sont omnivores et la plupart des espèces, dont O. niloticus, se nourrissent d’algues planctoniques ou épiphytiques. Ils peuvent ingérer aussi des algues bleues, du zooplancton ainsi que des sédiments riches en bactéries et diatomées (Melard, 1986). En milieu naturel, l’espèce est essentiellement phytoplanctonophage, mais en milieu artificiel, elle est pratiquement omnivore (euryphage) valorisant divers déchets agricoles (tourteaux d’oléagineux, drèches de brasserie, etc…), tirant parti des excréments de porc ou de volailles, de déchets ménagers, acceptant facilement des aliments composés sous forme de granulés, etc… Cette capacité d’adaptation à divers aliments et déchets est phénoménale et est à la base de sa haute potentialité pour la pisciculture.

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Table des matières

INTRODUCTION
II. MATERIELS ET METHODES
2.1. PRESENTATION DE L’ESPECE
2.1.1. Caractéristiques taxonomiques et morphologiques
2.1.2. Répartitions géographiques originelles et actuelles
2.1.3. Exigences écologiques
2.1.4. Régime alimentaire
2.1.5. Croissance
2.1.6. Biologie de la reproduction
2.2. PROTOCOLE EXPERIMENTAL
2.2.1. Composition et granulation de l’aliment local
2.2.2. Distribution de l’aliment et contrôle hebdomadaire
2.3. CALCUL DES INDICES ET EXPRESSION DES RESULTATS
III.RESULTATS ET DISCUSSIONS
3.1. RESULTATS
3.1.1. Evolution de la croissance
3.1.2. La survie vs régime alimentaire
3.1.3. Aspect économique
3.2. DISCUSSIONS
3.2.1. Croissance et hétérogénéité de taille
3.2.2. Survie
CONCLUSION
V. BIBLIOGRAPHIE

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