Besoin d’augmentation de la production agricole
Gérer les ressources naturelles de manière rationnelle pour assurer une production durable, tel est le défi des producteurs dans les pays en voie de développement. Ainsi, pour atteindre le défi majeur de la révolution verte, souscrit dans le Madagascar Action Plan dont « l’objectif est de doubler la production agricole d’ici 2015 » (MAP, 2007); assurer une sécurité alimentaire durable et accroître la production agricole furent des nouvelles perspectives dans un objectif de lutte contre la pauvreté. Dans ce cadre, les stratégies de développement rural, qui ont réussi, reposent souvent sur une production agricole accrue comme étant une de ses principaux composants. La production agricole peut s’accroître de deux façons soit par l’extension des surfaces agricoles, soit par l’accroissement des rendements agricoles. Augmenter la production alimentaire durable exigera ainsi une utilisation appropriée des ressources disponibles en terre, c’est à dire: (i) intensification agricole sur les meilleures terres arables, (ii) utilisation adéquate des terres marginales et ; (iii) prévention de la dégradation des sols et restauration des sols dégradés. A Madagascar, les terrains à vocation agricole ne représentent qu’environ le 20% de la superficie du pays. Actuellement, ces terrains agricoles sont loin de satisfaire les besoins alimentaires, surtout rizicoles, du pays, du fait (i) de la saturation des bas-fonds consacrés aux rizicultures irriguées, (ii) de la diminution de la fertilité des sols et du rendement agricole, (iii) enfin de la démographie en forte extension à Madagascar invitant à réfléchir à des solutions à long terme. Aussi, comme, les sols des collines ou « tanety » représentent 65% de la surface agricole utile de Madagascar (Rabeharisoa, 2004), la mise en valeur de ces tanety fait partie des alternatives qui apporteront des solutions à cette insuffisance d’espace agricole
Nutrition phosphatée de cultures : mode de prélèvement de phosphore à l’interface sol-solution-plante
Les éléments minéraux sont prélevés par les plantes sous forme ionique, ou exceptionnellement sous forme chelatée par de très petites molécules organiques pour quelques microéléments toxiques ou non (Stengel P. et al ., 1998). Ces éléments nutritifs peuvent soit être absorbés par les racines des plantes, soit s’accumuler dans le sol, soit perdus par différents processus tels que la lixiviation, l’érosion, le ruissellement, le lessivage. La nutrition phosphatée des plantes dans un sol peut dépendre de la vitesse de renouvellement des ions phosphates de la solution du sol par des ions de la phase solide (Fardeau et al., 1991). Les racines prélèvent les ions phosphates dissous dans la solution du sol (solubilité) sous forme d’ion orthophosphate. À la quantité d’ions phosphate dissous initialement présente à l’installation de racines, s’ajoute la quantité d’ions phosphate transférés depuis le sol vers la solution (mobilité) sous l’action des différents mécanismes physiques, chimiques et biologiques existant à l’interface racine-solution-sol, puis transportés par convection et diffusion dans la solution vers les racines (Morel C. et al., 2004). Le prélèvement du phosphore dans la solution du sol par les racines des plantes crée un gradient de concentration entre la solution et les constituants du sol. Selon Bertrand R., et Gigou, 2000, 90 à 93% du phosphore prélevé doivent quitter la phase solide du sol, être désorbés, durant la phase de croissance pour assurer la nutrition phosphatée. Une fois dans la plante, l’ion phosphate va participer à l’élaboration du rendement (Frossard E. et al ., 2004). Les processus du cycle du phosphore incluent le prélèvement du P par la plante, les transformations des formes organiques du P et les réactions chimiques de fixation et d’immobilisation de cet élément dans le sol. Des échanges continus ont lieu entre les différentes formes de phosphore dans le sol.
Analyse du sol
– pH eau: Le pH a des effets indirects sur la croissance des plantes et influe sur la solubilité des nutriments et sur l’activité des organismes. Le pH eau est déterminé dans une suspension de sol avec un rapport 10 g/25 ml d’eau. Le mélange est agité pendant 30 minutes. Après un temps de repos, on effectue la mesure du pH à l’aide d’un pH-mètre électronique.
– Détermination du carbone organique par la méthode de Walkley et Black Le principe est basé sur l’oxydation à froid du carbone organique de l’échantillon du sol (1 g de sol broyé à 0,2 mm) par une solution de bichromate de potassium en excès (K2Cr2O7N) en milieu sulfurique (20ml de H2SO4 36N), suivie d’une agitation manuelle d’une minute. Après 30 mn, on a ajouté 200 ml d’eau distillée, 10 ml d’acide phosphorique concentré (H3PO4) et 5 gouttes de diphénylamine sulfonate de baryum avant la titration par le sel de Mohr (sulfate de fer et d’ammonium II : (NH4)2 Fe (SO4) 6 (H2O). L’excès du bichromate dans la réaction est dosé par une solution de sel de Mohr (réductrice), la quantité réduite est proportionnelle à la teneur en carbone organique. La matière organique est obtenue par la formule suivante : MO% = C % x 1,72.
– Le phosphore hydrosoluble : Il donne directement une image de la richesse en phosphore de la solution du sol. Pour le dosage, les ions phosphates dans la solution de sol se fait par formation d’un complexe phosphomolybdate et de vert de malachite en milieu acide. L’extraction est faite par 1g d’échantillon de sol broyé à 0,2 mm, mélangé à 10 ml d’eau distillée, ajouté de 50µl de toluène pour éviter le développement des activités microbiennes, puis agité pendant 16 heures et filtré avec des filtres millipores jetables de 0,025µm. La lecture se fait avec un spectrophotomètre à la longueur d’onde de 610nm.
– Détermination du phosphore assimilable : Deux méthodes distinctes ont été utilisées pour estimer le phosphore disponible afin de mettre en exergue une comparaison nette entre elles et d’avoir une valeur plus concrète.
**La méthode Olsen : Cette méthode est très largement utilisée dans le monde pour estimer le P dit « assimilable ». Elle consiste à extraire pendant 30mn le phosphore au moyen d’une solution de d’hydrogénocarbonate de sodium 0,5 M à pH=8,5 dont le rapport 1g d’échantillon de sol broyé à 0,2 mm pour 20ml. Un extrait limpide sera obtenu après ajout d‘un charbon actif dans une aliquote de 10ml. Le dosage colorimétrique utilisé était la méthode au bleu de Murphy et Riley mais en ajoutant 0,26 ml d’acide sulfurique (H2SO4 5N) dans chaque tube à essai avant la lecture à 882nm.
**Les résines anioniques : Cette méthode consiste à utiliser des bandes de résines échangeuses d’anions. La résine anionique est chargée positivement comme la réaction ci-après explique :
Résine-G+/Y-+ Anion-<=> Résine-G+/Anion- + Y-
Le principe de cette méthode repose sur le transfert de P présent en solution vers la surface d’une résine provoquant l’apparition d’un gradient de concentration entre la phase solide du sol et la solution et une désorption subséquente de P de la phase solide du sol (Frossard E. et al ., 2004). Elle simule donc l’action des racines du végétal par l’intermédiaire de cette résine. Les étapes du dosage peuvent se résumer comme suit :
– les bandes d’extraction de résines coupées de 31x20mm ont été soumis dans bains successifs de NaHCO3 0 ,5M d’une durée de ± 12 h ; afin de convertir les anions des résines en HCO3-;
– l’extraction proprement dite consiste à mettre 1g de sol tamisé à 0,2mm dans 30ml d’eau distillée en portant en agitation pendant 16h ; afin qu’il y aurait une échange entre HCO3- et les ions phosphates du sol. Après un temps donné d’extraction, la résine est séparée de la suspension sol/eau, transvasée dans une solution de 20 ml HCl 0,5M, puis agitée pendant 4heures. Les ions phosphates ont été dosés directement dans l’extrait HCl. La lecture se fait par la méthode au vert de malachite comme celle du P hydrosoluble mais en remplaçant l’eau distillée de la gamme d’étalon par une solution de HCl.
Evaluation du phosphore présent dans la solution du sol
Par rapport au témoin, on observe un accroissement du phosphore dissous des différentes formes d’apports, mais les proportions relatives de ces formes sont du même ordre sauf à une dose élevée à 50kgP ha-1 minéral. Néanmoins, une amélioration est déjà distinguée par rapport à la valeur généralement trouvée dans les ferralsols malgaches, qui sont généralement de l’ordre 0,005 mgP l-1 (Rabeharisoa, 2004). Cette valeur de Cp qui varie de 0 ,010 – 0,020 mg P l-1 obtenue est déjà 2 à 4 fois supérieure à la valeur minimale requise à l’influx de P dans la plante. En effet, les engrais enrichissent en phosphore les premiers centimètres du sol et notamment en phosphore de la solution du sol (Baptendier E., 1994). Par contre, comme le pH eau après le riz pluvial varie de 5,53 à 5,87, on peut prévoir à une nette augmentation de cette concentration en P de la solution du sol étant donné que le pHeau par traitement est < 6 (moyen égal à 5,7) où la marge de solubilité est encore médiocre. En effet, la plus forte solubilité du P dans les sols minéraux se situe entre les pH 6,2 et 7,0 (Parent et al, 2002). L’évolution du pHeau après le riz pluvial est détaillée en annexe 7. Cette figure montre une forte corrélation du Cp en fonction de la dose. C’est-à-dire que la concentration de la solution évolue avec la dose de P apporté. Pourtant, aucune différence significative du Cp n’est aperçue qu’à une dose élevée : cela signifie que le P apporté par les engrais solubles n’est pas sûrement resté en totalité dans la solution du sol, pour que l’effet de la dose croissante se fait sentir. Si c’était le cas, la teneur en Cp du sol aurait dû augmenter significativement en fonction de la dose de P soluble apporté ; étant donné que le TSP est un engrais soluble à 46% de P2O5. En effet, quand un engrais phosphaté hydrosoluble est appliqué au sol, il réagit rapidement avec les composantes du sol (FAO, 2004). De plus, selon Pichot, et al., 1973, le phosphore du TSP, étant sous une forme inorganique soluble, et a une forte tendance à réagir avec les constituants du sol pour former des composés relativement insolubles plus au moins inassimilables pour les plantes. Les produits résultants sont des composés phosphatés modérément solubles et du phosphore adsorbé sur les particules du sol. Par ailleurs, selon, l’étude effectuée par Fardeau J.C et al., 1991, la nutrition phosphatée des végétaux dans les sols en place ne peut être expliquée que si les ions phosphates de la solution du sol sont renouvelés 10 à 100 fois plus vite que la solution du sol dont l’eau est consommée pour assurer la transpiration. C’est donc la vitesse de renouvellement qui paraît être le facteur primordial de cette nutrition alors que l’on n’évalue que des quantités de phosphore éventuellement assimilable par utilisation des méthodes conventionnelles d’analyse de P du sol (Fardeau J.C et al., 1991) .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I. Contexte général de l’étude
1.1. Besoin d’augmentation de la production agricole
1.2. Place du riz pluvial dans l’agriculture malgache
1.3. Sols ferrallitiques et productivité agricole
II. Cadre institutionnel de l’étude
2.1. Problématique et hypothèses
2.2. Objectifs
ETAT DES CONNAISSANCES
I. Particularités des sols ferrallitiques
II. Importance du phosphore en agriculture
2.1. Rôles du phosphore sur le riz pluvial
2.2. Le phosphore dans le sol
2.3. Nutrition phosphatée de cultures : mode de prélèvement de phosphore à l’interface sol-solution-plante
2.4. Notion de disponibilité de phosphore dans le sol
2.5. Le bilan en phosphore
III. Importance des deux engrais phosphatés dans l’expérimentation
3.1. Le bat guano
3.2. Le TSP
MATERIELS ET METHODES
I. Le site expérimental
1.1. Localisation et conditions climatiques
1.2. Description de l’essai
II. Le matériel végétal
III. La conduite de l’expérimentation
IV. Modalités de prélèvements des échantillons
V. Méthodes analytiques
5.1. Analyse du sol
5.2. Méthode d’analyse chimique pour les plantes
5.3. Analyse des données
RESULTATS ET DISCUSSIONS
I. Résultats
1.1. Evolution du statut phosphaté après 3 années de cultures
1.1.1. La concentration en ions phosphatés dans la solution du sol
1.1.2. Le phosphore disponible
1.2. Réponse du riz pluvial au bat guano et au TSP
1.2.1. Le rendement en grain du riz pluvial
1.2.2. Le rendement en biomasse végétale
1.3. Les exportations de phosphore dans les cultures
1.4. Le CAU
1.5. Le bilan en phosphore pendant les 3 années de culture
1.5.1. Evolution du bilan annuel de phosphore
1.5.2. Le Bilan cumulé
II. Discussions
2.1. Effet du bat guano et du TSP sur le statut phosphaté du sol après trois saisons de culture
2.1.1. Evaluation du phosphore présent dans la solution du sol
2.1.2. Evaluation de la disponibilité du phosphore
2.2. Evaluation de la courbe de réponse du riz pluvial à l’ajout de TSP en présence ou non de bat guano
2.3. Effet des traitements sur l’évolution du bilan
2.3.1. Sur le bilan annuel
2.3.2. Sur le bilan cumulé
2.3.3. Variation du stock en P disponible en fonction du bilan cumulé
2.4. Relation entre la réponse du riz pluvial et le statut phosphaté du sol
2.5. Perspective d’application de la recherche au niveau paysannat et recommandations
CONCLUSION GENERALE
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