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La micro-circuiterie striatale
Le striatum constitue la principale structure d’entrée des ganglions de la base et joue le rôle de détecteur de coïncidence entre les afférences glutamatergiques sensorielles et motrices et les afférences dopaminergiques. Il peut être séparé en trois sous-structures chez le rongeur : le striatum dorso-median, dorso-latéral et le striatum ventral appelé aussi le NAc. Chacune de ces régions régule des mécanismes et comportements différents, la partie dorso-latérale étant préférentiellement impliquée dans la régulation motrice alors que le NAc et le striatum dorso-median sont essentiellement impliqués dans l’intégration de la récompense et les aspects motivationnels (pour revue, Kreitzer et Malenka, 2008).
Figure 4. La micro-circuiterie striatale. Les différentes régions striatales présentent une micro-circuiterie similaire avec 90/95% de SPN et le reste est composé des interneurones cholinergiques (Chol), GABAergiques à parvalbumine (fast spiking : FS) et les interneurones produisant l’oxide nitreux neuronal (interneurones nNOS). Tous ces neurones reçoivent des afférences glutamatergiques corticales mais seuls les SPN (notés MSN) projettent vers les sorties de sortie du striatum. (d’après Fino et Venance, 2011)
Toutes les régions du striatum présentent une micro-circuiterie similaire avec environ 90/95% de SPN. Les 5% de neurones restants étant les interneurones cholinergiques, les interneurones GABAergiques à parvalbumine (fast spiking : FS) et les interneurones exprimant l’oxyde nitreux neuronal (interneurones nNOS). L’ensemble de ces interneurones innerve et module l’activité globale du striatum. Les interneurones cholinergiques intègrent notamment les signaux dopaminergiques et glutamatergiques et vont ainsi permettre d’équilibrer l’activité des SPN (par l’activation de récepteurs muscariniques M1et M4). Ces interneurones cholinergiques influencent aussi les interneurones FS (via le récepteur nicotinique à l’acétylcholine) et nNOS (par les récepteurs M1 et M2), ces deux types d’interneurones modulant à leur tour l’activité des SPN par des projections GABAergiques (Figure4) (pour revue, Fino et Venance, 2011). Même s’ils sont minoritaires les interneurones, de par leur degré important d’innervation de l’ensemble des neurones striataux, influencent fortement l’activité globale du réseau des ganglions de la base. Des dérégulations de l’activité de quelques pourcents d’interneurones chonlinergiques peuvent par exemple suffire à l’établissement de pathologies neuronales et comportementales telles qu’une sensibilité accrue à la cocaïne par exemple (Sakae et al., 2015).
Les neurones striataux de projection intégrateurs des signaux dopaminergiques et glutamatergiques
Les SPN sont les neurones striataux auxquels je me suis principalement intéressé au cours de mon travail de thèse. Il s’agit de neurones GABAergiques qui ont un corps cellulaire de taille moyenne (environ 10 µm de diamètre), ainsi que des dendrites comportant une densité importante en épines : plus de 1 épine par µm (pour revue, Kreitzer, 2009).
Au niveau de la partie dorsale du striatum, les SPN reçoivent de nombreuses afférences glutamatergiques des aires corticales et thalamiques. Ces différentes afférences peuvent être distinguées grâce à leurs transporteurs vésiculaires du glutamate (VGLUT) qui différent selon les structures de projection. Les neurones corticaux projetant vers le striatum sont ceux de la couche 5 qui expriment le transporteur vésiculaire du glutamate de type 1 (VGLUT1), alors que les neurones thalamiques expriment VGLUT2. Des études en microscopie électronique ont permis de montrer que les synapses glutamatergiques se forment au niveau de la tête des épines dendritiques. Cependant, 30% des boutons thalamiques forment aussi des synapses sur l’arbre dendritique des SPN (Figure 5) (Doig et al., 2010).
Cette connectivité glutamatergique des SPN est différente dans la partie ventrale du striatum puisque, dans cette région, les SPN intègrent une « triade glutamatergique » composée du CPF, de l’hippocampe ventral (HPCv) et de l’amygdale baso-latérale (BLA) exprimant VGLUT1 (Britt et al., 2012), ainsi que les afférences VGLUT2 positives thalamiques.
La dichotomie des neurones striataux de projection et les voies directe et indirecte
Les SPN sont généralement séparés en 2 sous-catégories : les SPN-D1, exprimant le récepteur D1 à la dopamine (D1DR) et le neuropeptide substance-P qui appartiennent à la voie directe, et ceux exprimant le récepteur D2 (D2DR) ainsi que le neuropeptide enképhaline (SPN-D2) de la voie indirecte (Figure 6). Ces deux récepteurs de la dopamine sont métabotropiques à 7 domaines transmembranaires couplés à une protéine G (GPCR). D1DR étant couplé à la protéine Golf et son activation par la dopamine induit une activation de l’adénylate cyclase et donc une augmentation de la concentration intracellulaire en adénosine monophosphate cyclique (AMPc), alors que le D2DR est quant à lui couplé à Gq ce qui à l’inverse conduit à une diminution de l’AMPc (pour revue, Nishi et al., 2011; Zhuang et al., 2000). D2DR possède de plus une plus grande affinité pour la dopamine que le D1DR. La libération de dopamine aura donc des effets divergents selon que le SPN exprime le récepteur D1 ou D2. En effet dans les SPN-D1 une augmentation de la dopamine aura tendance à favoriser l’état « up », et inversement pour les SPN-D2. Il est intéressant de noter que certains neurones (environ 5% des SPN dans le striatum dorsal et 17% dans le Shell du NAc) expriment les deux types de récepteurs à la dopamine, mais leurs rôles reste encore aujourd’hui à mettre en évidence (Bertran-Gonzalez et al., 2008; pour revue, Valjent et al., 2009).
Les rôles des deux voies de projections des neurones striataux
L’une des hypothèses largement décrite dans la littérature concernant le rôle des voies directe et indirecte est que leur mise en jeu favorise la sélection d’un plan moteur et permet son ajustement fin en fonction du contexte et de l’environnement. L’activation de la voie directe permet d’initier les mouvements alors que les mouvements « parasites» néfastes sont inhibés par la mise en jeu de la voie indirecte (pour revue, Jahanshahi et al., 2015).
Ce rôle a été démontré dans une élégante expérience réalisée dans l’équipe du Dr Anatol Kreitzer qui a relié le rôle hypothétique de ces voies avec le comportement des rongeurs. En effet, à l’aide d’une expression du canal rhodopsine spécifiquement dans les SPN-D1 ou les SPN-D2, il a pu montrer que l’activation par la lumière de l’un ou l’autre de ces sous types neuronaux avait des effets opposés sur la locomotion, activateur lorsque les SPN-D1 sont activés, inhibiteur lorsque les SPN-D2 le sont (Kravitz et al., 2010).
Ces résultats doivent néanmoins être pris avec précaution, car il est maintenant bien admis que les stimulations optogénétiques, qui permettent un ciblage précis de populations neuronales, produisent des activités neuronales beaucoup plus élevées que celles observées dans des conditions physiologiques.
Des voies directe et indirecte discutables dans le NAc
Le striatum ventral, ou NAc, même s’il présente des bases anatomiques relativement similaires à la région dorsale, n’en reste pas moins très différent de par les afférences qu’il reçoit ainsi que par les régions sur lesquelles il projette.
Figure 7. Représentation schématique des afférences et projections des SPN-D1 et D2 du NAc : Le NAc reçoit des afférences glutamatergiques du cortex-préfrontal, du thalamus, de l’amygdale baso-latérale (BLA) et de l’hippocampe ventral. Les deux voies de sortie du NAc ne sont pas aussi bien ségrégées que dans la partie dorsale, en effet les neurones exprimant D1DR ou D2DR ont une voie de projection commune : le Pallidum Ventral (PV).
Depuis le milieu des années 1990, des indices sur la faible ségrégation des voies de projection des SPN-D1 et D2 du striatum ventral étaient déjà mis en évidence (Lu et al., 1997). En effet l’association du marquage rétrograde par fluorogold et de l’hybridation in situ montre que la moitié des SPN projetant vers le pallidum ventral exprime l’ARNm de la beta préprotakinine (PPTA) codant la substance-P et spécifique des neurones D1. De plus, cette même étude de Lu et al. 1998 dans l’équipe du Dr P. Kalivas, montre que 50% des SPN projetant sur le pallidum ventral expriment des ARNm spécifiques des SPN-D2 (enképhaline et D2). Ces résultats sont étonnants puisque la vision classique était que les SPN-D2 du NAc, uniquement, projetaient vers le pallidum ventral, qui lui-même projette vers les voies de sortie des ganglions de la base, ce qui constituait la voie indirecte du striatum ventral. En revanche, ces voies sont bien séparées en ce qui concerne la projection vers l’ATV puisque seuls les SPN-D1 projettent sur cette structure (Lu et al., 1997). Par la suite, Bertran-Gonzalez et al. ont montré que, dans le Shell du NAc, le nombre de neurones co-exprimant D1DR et D2DR était de 17%, contre 5% dans le reste du striatum, ajoutant un degré de complexité supplémentaire dans la ségrégation des voies (Bertran-Gonzalez et al., 2008; pour revue, Bertran-Gonzalez et al. 2010).
Ainsi, la ségrégation des voies directes et indirectes est remise en question au sein du NAc depuis plusieurs années. Cette remise en question a été fortement amplifiée par les travaux récents du groupe du Dr Peter Kalivas qui a montré que plus de la moitié des SPN-D1 projetaient effectivement vers le pallidum ventral (Smith et al., 2013), et que ces projections étaient fonctionnelles puisqu’elles contrôlaient l’activité des neurones pallidaux (Kupchik et al., 2015) (Figure7).
Malgré ces convergences évidentes des SPN-D1 et SPN-D2 au sein du striatum ventral, Kreitzer et ses collaborateurs ont observé que la stimulation optogénétique des SPN-D1 du NAc induisait un effet de renforcement positif similaire à celui que ferait une récompense, alors que la stimulation des SPN-D2 a un effet aversif. Cela montre que les deux populations de SPN jouent des rôles fondamentalement différents, même si leurs projections ne sont pas aussi ségrégées que ne le sont les SPN du striatum dorsal (Kravitz et al., 2012). Le rôle des SPN-D2 dans les aspects motivationnels fait néanmoins débat. En effet, des résultats récents indiquent que l’absence de D2DR perturbe la motivation des souris à une tâche opérante basée sur une récompense, alors que la surexpression de ce récepteur dans le NAc augmente la motivation des animaux dans cette tâche (Trifilieff et al., 2013).
Influence des drogues d’abus sur les ganglions de la base
Effet des drogues d’abus sur les deux grands types de neurones striataux
Il existe donc deux grands types de SPN et leur réponse aux drogues d’abus sont très différentes. De grandes avancées dans la compréhension des réponses neuronales des SPN-D1 et D2 ont été réalisées notamment grâce à la mise au point de souris génétiquement modifiées exprimant la eGFP (eGFP : enhanced Green Fluorescent Protein) dans ces deux sous populations (pour revue Valjent et al., 2009). L’augmentation rapide et importante de la dopamine induite par la cocaïne a pour effet global d’inhiber les SPN-D2 et activer les SPN-D1. Il a été montré dans que les récepteurs de la dopamine interagissent avec les récepteurs du glutamate, les interactions entre le récepteur D1 et les sous-unités GluN2B et GluN1 potentialisent l’entrée de calcium NMDAR-dépendante (Pascoli et al., 2011a ; Cahill et al., 2014a) alors que l’interaction D2-GluN2B à l’inverse la diminue (Liu et al., 2006). Cette entrée de calcium est responsable de l’activation de nombreuses voies de signalisation dont la voie des MAPK ERK1/2 dans les neurones D1 (Valjent et al., 2000; Bertran-Gonzalez et al., 2008). Celle-ci induit dans les SPN-D1 des altérations géniques (Cahill et al., 2014b pour revue), électrophysiologiques (Pascoli et al., 2011b) et structurales (Ren et al., 2010) essentielles aux adaptations comportementales à la cocaïne.
Figure 8. L’injection aigüe de cocaïne induit une augmentation de l’entrée de calcium dans les SPN exprimant D1DR et à l’inverse une diminution dans les SPN-D2. Les courbes représentées ici sont les tracés moyens des variation de l’intensité lumineuse du senseur calcique ( Rhod2 ) dans les SPN du striatum dorsal de souris D1-eGFP ou D2-eGFP. (d’après Luo et al., 2011).
L’imagerie calcique dans les deux sous-types de SPN a permis de démontrer in vivo l’effet divergent de la cocaïne sur l’activation neuronale à l’aide de fibres optiques implantées dans le striatum de souris DRD1-eGFP ou DRD2-eGFP. Ce dispositif a permis à Luo et ses collaborateurs de montrer que l’injection aigüe de cocaïne induit bien une augmentation du calcium intracellulaire dans les SPN-D1 et une diminution dans les D2 (Figure 8) (Luo et al., 2011). En ce sens, l’imagerie de l’activité de ERK ou de la PKA par transfert d’énergie de Förster (FRET) dans les neurones D1 et D2 in vivo montre que l’activité de ces deux kinases est augmentée par la cocaïne en aigüe dans les SPN-D1 et inhibée dans les D2 (Goto et al., 2015).
Différentes régions du striatum pour différents rôles dans les réponses aux drogues d’abus
Comme je l’ai mentionné précédemment, les différentes régions striatales présentent des fonctions relativement spécifiques. Ces fonctions peuvent être le reflet des différentes afférences glutamatergiques existant au niveau du striatum ventral et le dorsal. Ainsi, le striatum dorso-latéral reçoit majoritairement des afférences issus des cortex moteurs, ce qui explique pourquoi cette sous-région striatale joue un rôle important dans la régulation des plans moteur ainsi que dans l’exécution de tâches habituelles (pour revues, Balleine et al., 2009; Yin et Knowlton, 2006).
Le NAc se distingue par une plus grande complexité dans les afférences glutamatergiques qu’il reçoit, en effet, elles proviennent de l’HPCv, de la BLA (structures impliquées dans le stress et les émotions) et du PFC (impliqué dans les prises de décision, la planification et la salliance) (Britt et al., 2012; pour revue Jasinska et al., 2014; Stuber et al., 2011). Cette connectivité différente du striatum dorso-latéral ainsi que la perte partielle de la dichotomie des voies directes et indirectes corrèlent parfaitement avec le rôle régulateur du NAc dans les processus complexes que sont la motivation ou l’intégration de la récompense.
Néanmoins, le striatum dorsal, dans sa partie médiane régule lui aussi des phénomènes de réponses aux drogues durant les premières phases d’exposition. Les SPN de cette sous-région répondent en effet très bien aux injections aigües de cocaïne, comme le démontrent les élévations de phosphorylation de ERK notamment (Salery et al., 2016; Valjent et al., 2000). Cela peut s’expliquer par le fait que d’importantes afférences du cortex orbito-frontal et de l’ATV projettent vers cette zone, ce qui présente de grandes similitudes avec les afférences que reçoit le NAc.
De la consommation récréationnelle à l’addiction : un transfert de plasticité neuronale du striatum ventral au dorsal
L’addiction, comme nous l’avons vu précédemment, peut être considérée comme une pathologie chronique des systèmes de la récompense. Cette pathologie n’a pas lieu à la première consommation d’une drogue d’abus mais représente en quelque sorte le stade final d’une suite de perturbations progressives des circuits neuronaux de la récompense (Anthony et al., 1994).
D’un point de vue anatomique, plusieurs travaux chez le rongeur mettent en évidence un transfert progressif de la plasticité neuronale du striatum ventral dans les premières phases de l’auto-administration de drogues, vers le striatum dorsal une fois que l’entraînement a été acquis (pour revue Everitt et Robbins, 2013). Ainsi, durant la première phase, l’inhibition dopaminergique du NAc par blocage des récepteurs (Robledo et al., 1992) ou lésion de l’ATV (Roberts et Koob, 1982), abolit l’apprentissage de la tâche d’auto-administration chez le rongeur. Une fois l’animal surentrainé, ce même blocage des récepteurs dopaminergiques du NAc n’induit pas d’altération. En revanche, l’injection locale de ces antagonistes dans le striatum dorso-latéral, une structure associée aux comportements habituels (Vanderschuren et al., 2005), bloque le comportement d’auto-administration. Au cours de cette dernière phase une hypoactivité corticale est également observée, qui peut expliquer la perte de contrôle dans l’addiction (pour revue Everitt et Robbins, 2013).
Ce transfert de plasticité au sein de ces structures anatomiques illustre le passage de la consommation volontaire récompensante à la prise habituelle incontrôlée (Figure 9).
Lien entre morphologie et activité de l’épine
Les épines existent dans des formes et tailles très variées (Figure 11) et leur fonction fait l’objet de nombreuses spéculations depuis la fin du 19ème siècle et les observations de Jamon y Cajal.
La variété de formes des épines a mené Peters et Kaiserman-Abramof à créer une classification simplifiée des épines en : thin (épines longues et fines, qualifiées d’immatures), mushroom (épines plutôt courtes avec une tête de grande taille, épines matures) et stubby (épines très courtes avec une tête très peu développée) (Peters et Kaiserman-Abramof, 1970). Cette classification, même si elle est en partie correcte et est encore aujourd’hui une référence doit être considérée avec précaution. En effet, elle ne peut s’appliquer à tous les types neuronaux, des travaux de Wilson et al. de microscopie électronique montraient par exemple que les SPN ne présentaient pas ces trois formes d’épine (Wilson et al., 1983). De même, les neurones du bulbe olfactif ont des cous très longs et une tête de grande taille, ne correspondant pas non plus à ces stéréotypes (Daroles et al., 2015). La taille et la longueur des épines forment souvent un continuum, il n’existe pas forcément dans leur distribution de frontière claire permettant de séparer les épines en trois catégories (Wilson et al., 1983). Cette représentation reste néanmoins très pratique puisqu’elle permet de résumer simplement la grande variété des morphologies spinales. Les récentes avancées en imagerie neuronale ont permis de mettre en évidence que la morphologie des épines n’est pas un facteur aléatoire, mais serait en réalité le reflet de leur activité électrique.
En effet, 90 années après les hypothèses de Cajal, Harris et ses collaborateurs ont mis en évidence dans les neurones pyramidaux CA3 chez le rat, une intéressante corrélation entre la taille de la densité post-synaptique (PSD) et le volume de l’épine (Harris et Stevens, 1989). Ce résultat était un premier pas dans le lien entre morphologie et activité puisque la PSD est probablement la zone principale de l’activité de l’épine dû à sa grande concentration de récepteurs et de molécules de voies de signalisation. En parallèle de ce résultat, il a été montré que le volume de la tête de l’épine est proportionnel au nombre de vésicules arrimées à la membrane du bouton présynaptique (Schikorski et Stevens, 1999). Enfin, la taille de la PSD est elle-même corrélée avec la quantité en récepteurs AMPA de l’épine donc à la sensibilité au glutamate (Matsuzaki et al., 2001). En revanche, même si la PSD corrèle aussi avec le diamètre du cou de l’épine, cette relation n’existe, a priori, pas entre la PSD et la longueur du cou (Arellano et al., 2007). Ce paramètre semblerait être impliqué plutôt dans l’isolation de la tête de l’épine avec le reste de la dendrite, appelée aussi la compartimentation (pour revue, Adrian et al., 2014).
Le squelette de l’épine : l’actine et la densité post synaptique
L’épine est donc le premier élément intégrant la libération de glutamate du neurone présynaptique. L’efficacité de cette intégration est étroitement liée à la composition en protéines, récepteurs et à la forme de l’épine.
La morphologie particulière de l’épine est maintenue à l’aide d’un réseau dense d’actine filamenteuse (F-actine) (pour revue, Chazeau and Giannone, 2016), formant de nombreux embranchements (Figure 12), (Frotscher et al., 2014; Honkura et al., 2008; Hotulainen et Hoogenraad, 2010; MacGillavry et Hoogenraad, 2015; Shirao et González-Billault, 2013). Notons que quelques études ont pu montrer la présence dynamique de microtubules entrant et sortant de l’épine dendritique (pour revue, Hotulainen et Hoogenraad, 2010; Jaworski et al., 2009). Au niveau des points de jonction des filaments se trouvent le complexe Arp2/3 (Actin related protein 2/3) permettant de lier deux filaments avec un angle de 70°. Arp2/3 est ancré au niveau de la PSD grâce à son interaction avec les protéines de la famille Shank. Le niveau basal d’activité de Arp2/3 est trop faible pour jouer seul son rôle. Ainsi il nécessite d’être activé par les protéines du syndrôme d’Aldrich (WASP) telles que les WAVE (WASP-family verprolin-homologous protein), cette sous-famille est enrichie dans le cerveau (pour revues Campellone et Welch, 2010; Schubert et Dotti, 2007). La CaMKII (Calcium-Camodulin dependent Kinase II ) sous sa forme non phosphorylée joue elle aussi un rôle structural en se liant aux filaments du réseau d’actine et maintenant ainsi l’intégrité de la forme de l’épine en limitant les variations du cytosquelette. Lors de l’entrée de calcium dans l’épine la CaMKII se dissocie temporairement du réseau d’actine afin de permettre les remaniements structuraux (pour revue, Bosch et Hayashi, 2012; Kim et al., 2015).
Figure 12. Organisation du cytosquelette d’actine dans l’épine dendritique.. A. La tête d’épine est remplie en actine filamenteuse, visualisée en rouge. B. Exemple réprésentatif du réseau d’actine au sein de l’épine observée en microscopie électronique. C. Schéma de l’épine avec les embranchements d’actine ainsi que les microtubules dynamiques pouvant passer par le cou (d’après Hotuleinen et Hoogenraad, 2010).
L’actine filamenteuse (F-actine) est en équilibre permanent entre polymérisation et dépolymérisation (sous forme d’actine globulaire : G-actine), ce qui permet une dynamique des réseaux de filament. Cette dynamique a été montrée comme essentielle aux changements structuraux et de l’épine (Okamoto et al., 2004), ainsi qu’à la formation des nouvelles protrusions. Un des partenaires importants dans ce rôle est la formine qui permet une polymérisation du filament à partir de l’actine globulaire (Lei et al., 2016). Les protéines à activité GTPase ont été montrées comme essentielles à cet équilibre dynamique : Rho notamment (en recrutant ROCK) va déstabiliser l’actine, cette déstabilisation est aussi réalisée par la protéine Rap. A l’inverse d’autres protéines de cette famille telles que Rac activée par la kalirine (en activant la Lim Kinase ou LIMK, PAK ou bien encore WAVE-1), Cdc42 (Cell division control protein 42) ou Ras vont plutôt permettre une stabilisation du cytosquelette (pour revue, Penzes et Rafalovich, 2012). La LIMK remplit ses fonctions de stabilisateur en inhibant l’activité de la cofiline, cette dernière augmentant la dépolymérisation du réseau. L’actine va donc jouer un rôle de squelette dynamique de l’épine mais elle va aussi participer au mouvement des protéines synaptiques, ce réseau est notamment essentiel à l’internalisation des récepteurs AMPA, modifiant ainsi la force de la synapse (pour revue, Henley et al., 2011).
Figure 13. Schéma des rôles fonctionnels et structuraux majeurs de l’actine et de PSD -95 dans la synapse. La forme particulière et la dynamique de l’épine est maintenue par un réseau d’actine branchées grâce à Arp2/3. PSD95 grâce à ses domaines PDZ permet la stabilisation des récepteurs AMPA et NMDA dans la densité post synaptique, elle permet de plus l’ancrage de la neuroliguine essentiel à la connexion synaptique.
L’actine joue donc d’importants rôles dans l’activité et la forme de l’épine. La présence d’une PSD est l’autre élément essentiel à ces fonctions. Celle-ci représente un critère important dans l’évaluation de la maturité de l’épine. En effet, elle contient une très forte concentration de récepteurs du glutamate, tels que les récepteurs AMPA et NMDA, ancrés à la membrane grâce aux domaines d’interaction PDZ (pour PSD95,Dlg1,Zo-1) de la protéine d’échafaudage majeure de la densité post-synaptique : PSD-95. Ces récepteurs sont mobiles à la membrane et PSD-95 via son interaction directe entre le domaine PDZ et la sous-unité GluN2A du NMDAR et indirecte avec le AMPAR (PDZ interagit avec la protéine stargazine elle-même liée au récepteur AMPA) va limiter la mobilité des récepteurs et donc accroître leur concentration au niveau de la PSD (pour revues, Kim et Sheng, 2004; Zhu et al., 2016). Egalement grâce à ses domaines PDZ, PSD-95 rapproche les récepteurs du glutamate avec de nombreuses protéines de signalisation : tels que la kalirine 7, impliquée dans la plasticité structurale des épines (Kiraly et al., 2010; Penzes et Jones, 2008). Elle créé donc un lien essentiel dans l’intégration complète des signaux glutamatergiques, de l’activation des récepteurs jusqu’à la signalisation. PSD95 interagit de plus avec les molécules d’adhésion telles que la neuroliguine essentielle à la formation des synapses (Krueger et al., 2012)
Parmi les autres protéines d’échafaudages essentielles avec ce même domaine PDZ, il existe la famille des Shank qui joue un rôle majeur dans la PSD en promouvant la maturation spinale via son interaction avec la protéine Homer qui stabilise les mGluR à la synapse ainsi que l’actine filamenteuse, la cortactine (augmentant la polymérisation de l’actine), ou bien encore avec ABP1 (F-actin-binding protein) (pour revue Kim et Sheng, 2004). Les mutations des protéines synaptiques associées à la PSD ou l’actine sont souvent extrêmement délétères comme l’illustrent les mutations des trois gènes Shank1, Shank2 et Shank3 fortement liés chez l’humain a des troubles autistiques et des retards mentaux. En ce sens, ces mutations chez le modèle souris induisent des problèmes d’interaction sociale et de mémorisation, de plus , au niveau synaptique des défauts de maturité des synapses sont effectivement observés chez ces souris (pour revue Sala et al., 2015).
Les récepteurs glutamatergiques au cœur de l’activité de la synapse excitatrice
L’épine est donc une microstructure dont le squelette va aider au maintien des protéines essentielles à l’activité synaptique. Ces protéines sont bien évidemment les récepteurs du glutamate pouvant être séparés en 2 grands sous-types : les récepteurs métabotropiques et ionotropiques, dont les structures et mécanismes d’action diffèrent radicalement. Ces premiers sont couplés à une protéine G et comprennent 3 groupes, le groupe I (qui comprend les récepteurs mGlu1 et mGlu5), le groupe II (qui comprend les récepteurs mGlu2 et mGlu3) et le groupe III (qui comprend les récepteurs mGlu4, mGlu6, mGlu7 et mGlu8) (pour revue, Pin et al., 1999).
Les récepteurs ionotropiques, quant à eux sont de deux types, les récepteurs du AMPA/Kaïnate et ceux du NMDA. Ces deux récepteurs son composés de quatre sous-unités formant un canal ionique. Les NMDAR possèdent obligatoirement la sous-unité GluN1, s’associant aux sous-unités GluN2 (de A à D), ou GluN3 (A ou B) (pour revue, Paoletti et al., 2013). Les neurones striataux de projection expriment une quantité importante de sous-unité GluN2B, peu de GluN2A et pas de C ou D (Dunah et Standaert, 2003). Les AMPAR quant à eux sont constitués des sous-unités GluA1,2,3 ou 4 exprimés de façon ubiquitaire. Les différentes combinaisons de sous-unités modifient les caractéristiques des récepteurs. Par exemple, l’absence de la sous-unité GluA2 du AMPAR le rend perméable au calcium. (Henley et Wilkinson, 2016).
Il est intéressant de noter que certaines épines contiennent des récepteurs NMDA mais pas de récepteurs AMPA. Ces synapses sont alors dîtes silencieuses puisqu’elles n’engendreront pas d’entrée de sodium nécessaire à la dépolarisation du neurone (Kerchner et Nicoll, 2008). La fonction de ces synapses silencieuses est encore débattue. Une des théories concernant ces synapses est qu’elles pourraient servir de réserve de plasticité, c’est la théorie de la « métaplasticité » (Abraham, 2008). Ce terme désigne la capacité des synapses à changer leurs propriétés dans le but d’induire une plasticité future.
La compartimentation au sein de l’épine
La notion de compartimentation de l’épine est née suite aux travaux précurseurs de Svoboda et al. en 1996 dans lesquels ils suivirent le déplacement d’une GFP (protéine fluorescente verte) via la méthode de redistribution de fluorescence après photoblanchiment au sein des épines de tranches organotypiques d’hippocampe (Svoboda et al. 1996). D’autres études ont complété ces résultats via la photoactivation d’une GFP photoactivable dans de multiples épines unitaires et pu observer que les échanges étaient différents d’une épine à l’autre. Ainsi, il en existe même qui semblent être totalement découplées du reste de la dendrite avec le fluorochrome immobile dans l’épine (Bloodgood et Sabatini, 2005). Ainsi est né le concept de compartimentation de l’épine aujourd’hui reconnu comme une des fonctions majeures de l’épine. Cependant, les épines ne sont pas totalement isolées les unes des autres ou de la dendrite. De manière intéressante, il a été montré in vivo que PSD-95 peut se déplacer d’épines à épines d’une même dendrite (Cane et al., 2014; Gray et al., 2006).
En parallèle de ces résultats, l’arrivée de la microscopie à 2 photons appliquée aux neurosciences permit aussi d’étudier la compartimentation du calcium entre autre. Yuste et Denk ont suivi l’entrée de calcium dans les épines de neurones remplis avec un senseur calcique en tranche et ont mis en évidence des augmentations de ce second messager dans des épines unitaires (Yuste et Denk 1995). La compartimentation du calcium est tout de même à considérer avec précaution puisque celui-ci se lie aux calmodulines notamment ce qui peut modifier sa diffusion, ainsi il est difficile d’affirmer que c’est bien le calcium à l’état ionique qui est compartimenté (pour revue, Adrian et al., 2014).
Ce calcium spinal n’en reste pas moins un résultat exceptionnel puisque sa compartimentation permet de maintenir une concentration élevée et cela peut avoir de grandes implications sur l’activation de nombreuses voies de signalisation sensibles au calcium. Assez logiquement, des études ultérieures se sont intéressées à la compartimentation de certaines protéines jouant des rôles importants dans la plasticité structurale, telles que la CaMKII, Rho et Ras. Ces études ont été réalisées majoritairement à l’aide de senseurs de l’activité (par sondes FRET) de ces protéines et des versions de ces mêmes protéines couplées à un fluorophore photoactivable afin de suivre leur déplacement. Ces différentes techniques associées à la libération de glutamate par décageage en 2 photons ont permis de mettre en évidence que les protéines de signalisations présentaient des patrons de diffusions et d’activité propres. Alors que la CamKII se désactive très rapidement et reste confinée dans l’épine, Ras et Rho à l’inverse ont une activité longue et diffusent dans la dendrite. Enfin Cdc42 est un cas intermédiaire avec une activité longue mais une diffusion limitée. Ces résultats montrent que la compartimentation a des implications importantes sur la régulation des voies de signalisations essentielles à la plasticité des épines dendritiques (pour revue Adrian et al., 2014).
Les épines dendritiques peuvent changer de forme selon l’activité synaptique et cela amène à la question de l’implication de ces changements morphologiques sur la compartimentation. La microscopie photonique classique ne permettait pas de traiter cette question de façon optimale du fait de sa limitation en résolution, notamment pour l’étude du cou de l’épine. Le développement de la microscopie à super résolution, principalement le STED (déplétion par émission stimulée) à 2 photons, a permis d’étudier correctement ces changements de morphologie et leur fonctions. Initialement, l’implication de la forme de l’épine dans la compartimentation électrique de l’épine était étudiée par modélisation basée sur les images 3D reconstruites de microscopie électronique. Le groupe du Dr Valentin Nägerl ainsi que celui du Dr Bernardo Sabatini ont pu montrer la même année grâce à du STED en tranches que le découplage électrique crée par le cou de l’épine existe comme le modèle l’affirmait, mais il est relativement faible. Ces travaux mettent de plus en évidence que le cou de l’épine augmente de taille après stimulation comme le fait la tête. Cette modification a un impact sur la diffusion des protéines, en effet plus le cou sera large et plus la diffusion des protéines sera rapide (Takasaki et Sabatini, 2014; Tønnesen et al., 2014).
Ainsi, chaque épine peut être considérée comme un élément distinct de l’intégration neuronale, ce qui ajoute une grande complexité au traitement de l’information. Dans un contexte physiologique, in vivo, il a d’ailleurs été montré que certaines épines des neurones du cortex visuel s’activent préférentiellement pour une direction de mouvement des bandes sur l’écran présentées au rongeur, avec un influx calcique restreint à ces épines unitaires (Chen et al., 2013a). Tout comme l’on parle d’engramme neuronal (pour revue, Tonegawa et al., 2015), une étude récente démontre la notion d’ « engramme spinal » de la mémoire. En effet les travaux réalisés dans le groupe du Dr Kasai montrent que l’inhibition spécifique des épines activées lors d’une tâche comportementale peut effacer spécifiquement l’apprentissage de celle-ci (Hayashi-Takagi et al., 2015). Ces résultats semblent valider les hypothèses selon lesquelles les épines jouent le rôle de compartiment cellulaire microscopique de la mémoire.
Les épines sont donc des structures d’une grande complexité pouvant intégrer indépendamment ou en synergie les stimulations présynaptiques. Les stimulations focalisées de glutamate montrent, en plus de la compartimentation, que les épines sont des compartiments très dynamiques, pouvant changer de forme et même apparaître à l’échelle de la minute.
La plasticité structurale
La plasticité morphologique
Nombreuses sont les altérations neuronales en réponse à l’apprentissage ou à certaines pathologies, mais il en existe une particulière en ce sens qu’elle est en théorie une des altérations les plus durables dans le temps. Celle-ci est la plasticité structurale ou le changement de morphologie du neurone en réponse à des modifications de l’activité (Bosch et Hayashi, 2012; Bosch et al., 2014; Guegan et al., 2013; Honkura, 2004). Elle peut prendre plusieurs formes : un changement de la longueur ou du volume des épines, de la densité en épines ou bien encore de la longueur et de la complexité de l’arbre dendritique, avec une combinaison possible de ces modifications (Figure 14). Ces altérations structurales engendrent des remaniements synaptiques pouvant modifier les futures réponses du neurone à son environnement.
Figure 14. La plasticité structurale : un apprentissage, une stimulation synaptique ou bien encore des lésions cérébrales peuvent induire des modifications de morphologie neuronales diverses telles que des changements de taille ou de nombres des synapses ainsi que des altérations de l’arbre dendritique. Des combinaisons de ces formes de plasticité sont possibles.
Modification de la morphologie des épines
Une des grandes limitations dans l’étude de la plasticité structurale était de pouvoir identifier les épines activées ou nouvellement formées durant la stimulation. Néanmoins dès le début des années 1980, les études de microscopie électronique montraient déjà un rôle possible de la LTP dans les modifications morphologiques des synapses (Fifková et Anderson, 1981). Par la suite, l’arrivée de la microscopie à 2 photons dans le domaine des neurosciences permettant le suivi en temps réel des épines, ainsi que la libération de glutamate focalisée (via le « décageage » du glutamate-MNI par photolyse) devant une épine ont permis au groupe du Dr Kasai de montrer pour la première fois une augmentation de la taille de la tête de l’épine lorsque le glutamate est décagé devant celle-ci (Matsuzaki et al. 2004). Les changements de la taille de la tête d’épines sont finement régulés par l’activité synaptique avec une LTP souvent en faveur d’une augmentation de la taille de la tête et à l’inverse une LTD en faveur d’une diminution (Zhou et al., 2004).
Figure 15. Différentes signatures moléculaires de l’élargissement de la tête d’une épine dendritique. La stimulation focalisée d’une épine induisant son LTP induit une phase rapide de réorganisation de l’actine via l’entrée de cofiline suivie d’une stabilisation de cette nouvelle structure et enfin une consolidation via la synthèse de protéines de la densité post-synaptique (D’après Bosch et al 2015).
L’élargissement de la tête des épines existantes, qualifiée souvent de spine-LTP (sLTP) se déroule en plusieurs étapes avec des mécanismes moléculaires distincts. Le groupe du Dr Hayashi montre trois phases majeures dans l’augmentation de la taille de la tête d’épine en réponse à une stimulation, 1) une phase rapide de réorganisation (environ 5 minutes après la stimulation) durant laquelle l’actine se réorganise massivement suite à l’entrée de cofiline et à la dissociation de la CaMKII des filaments, le réseau devient alors labile et capable de s’étendre. 2) Puis vient la phase de stabilisation, la CaMKII se réassocie aux filaments d’actine, permettant au nouveau réseau de se stabiliser et enfin 3) une phase de consolidation, durant laquelle la PSD augmente de taille, suite à la traduction des protéines d’échafaudage la constituant, telles que la protéine Homer (Bosch et al., 2015) (Figure 15). Les changements de structure des épines semblent donc être des phénomènes séquentiels présentant de multiples phases avec chacune des signatures moléculaires propres.
La formation de nouvelles épines et mécanismes moléculaires impliqués
Les stimulations glutamatergiques ont la capacité de modifier la morphologie des épines existantes et aussi d’induire la formation des épines dendritiques (Desmond et Levy, 1986a, 1986b ; Chang et Greenough, 1984). Tout comme la modification de la tête de l’épine, la LTP semble dans de nombreuses études augmenter la densité en épines (Engert et Bonhoeffer, 1999; Maletic-Savatic et al., 1999; Medvedev et al., 2012) menant à un schéma très retrouvé dans la littérature d’une corrélation entre l’activité synaptique glutamatergique et la spinogénèse. Une étude très élégante du groupe du Dr. Sabatini montra que lorsque le glutamate est décagé à proximité de l’arbre dendritique de neurones corticaux en tranches en absence de magnésium, il induit la formation d’une épine en moins d’une minute. Cette plasticité est dépendante de la voie des MAPK/ERK. De plus, ces nouvelles épines sont rapidement fonctionnelles puisqu’elles présentent bien une entrée de calcium lorsqu’elles sont stimulées (Kwon et Sabatini, 2011). Ces résultats sont en accord avec les précédents travaux du Dr. Zito dans lesquels avaient été mis en évidence que la majorité des nouvelles épines formées dans des neurones hippocampiques présentaient des courants AMPA similaires à ceux des épines préexistantes. Néanmoins, une faible proportion de ces nouvelles synapses présentent peu de ces courants, indiquant que ces nouvelles synapses peuvent être silencieuses (Zito et al., 2010).
Ces résultats vont à l’encontre de la théorie de la formation de nouvelles épines via le modèle filopode. En effet de nombreuses études ont mis en évidence que les épines en formation, avant de devenir mature avec tout le matériel nécessaire à leur activité, passent par un stade de filopode extrêmement dynamique recherchant un partenaire présynaptique afin de devenir une épine mature. Cela fut initialement observé en cultures primaires de neurones (Ziv et Smith, 1996). Le filopode est une protrusion dendritique sans tête remplie principalement de filaments d’actine et ne présentant pas, a priori, d’activité synaptique. Lorsque celui-ci rencontre un élément présynaptique, le contact des molécules d’adhésion enclenche des voies de signalisation afin de former la tête et la PSD (Dailey et Smith, 1996; Fiala et al., 1998). Ce modèle a été maintes fois mis en évidence en imagerie en temps réel ainsi qu’en microscopie électronique, mais il ne saurait résumer à lui seul comment une nouvelle épine nait et s’intègre dans le réseau. Ce mode de formation semble être en partie lié à l’état juvénile des neurones puisqu’il est relativement important avant l’âge d’un mois chez la souris, avec environ 12% des nouvelles épines sous forme de filopode à ce stade, contre seulement 2% à l’âge adulte (Grutzendler et al., 2002 ;Dailey et Smith, 1996). Ces résultats posent la question de la fonction de la formation d’un filopode chez le jeune mammifère. La grande longueur que peut prendre un filopode (de 2 µm à 20 µm) et sa mobilité auraient pour rôle d’optimiser la recherche du contact synaptique dans un réseau en plein développement dont on sait que la formation et le raffinement des synapses sont nombreux et essentiels. Par la suite, à l’âge adulte, la formation d’épines devient un phénomène rare créé par des conditions spécifiques d’apprentissage ou de pathologies (pour revue, Caroni et al., 2012). Il devient probablement plus intéressant de limiter cette optimisation de la recherche du contact synaptique au profit d’une épine active plus rapidement. En revanche, dans le striatum ou le cortex, même à des stades précoces, certaines études ne montrent pas de formation d’épines via un passage par un stade de filopode (Kozorovitskiy et al., 2012; Kwon et Sabatini, 2011). L’hypothèse de l’âge ne peut donc pas totalement expliquer pourquoi certains neurones présentent ou non des filopodes.
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Table des matières
atières
Abréviations :
Résumé
Abstract
INTRODUCTION GENERALE
RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre I : Influences neuronales et comportementales des drogues d’abus
I-1) Les drogues d’abus et le détournement de la récompense
I-1-a) L’apprentissage régulé par la récompense
I-1-b) Le détournement de la récompense par les drogues d’abus
I-2) Effets de la cocaïne
I-2-a) Mode d’action de la cocaïne
I-2-b) Similarités de mode d’action de la cocaïne sur la libération de dopamine chez l’humain et le modèle rongeur
I-2-c) Adaptations comportementales à la cocaïne dans le modèle rongeur
Chapitre II : Les circuits neuronaux détournés par les drogues d’abus
II-1) Les ganglions de la base et ses grandes fonctions
II-1-a) Fonctions physiologiques.
II-1-b) Boucles de régulation des ganglions de la base
II-1-c) La micro-circuiterie striatale
II-1-d) Les neurones striataux de projection intégrateurs des signaux dopaminergiques et glutamatergiques
II-1-e) La dichotomie des neurones striataux de projection et les voies directe et indirecte
II-1-f) Les rôles des deux voies de projections des neurones striataux
II-1-g) Des voies directe et indirecte discutables dans le NAc
II-2) Influence des drogues d’abus sur les ganglions de la base
II-2-a) Effet des drogues d’abus sur les deux grands types de neurones striataux
II-2-b) Différentes régions du striatum pour différents rôles dans les réponses aux drogues d’abus
II-2-c) De la consommation récréationnelle à l’addiction : un transfert de plasticité neuronale du striatum ventral au dorsal .
Chapitre III : Les épines dendritiques et la plasticité structurale
III-1) La synapse
III-1-a) La synapse glutamatergique
III-1-b) Lien entre morphologie et activité de l’épine.
III-1-c) Le squelette de l’épine : l’actine et la densité post synaptique
III-1-d) Les récepteurs glutamatergiques au cœur de l’activité de la synapse excitatrice
III-1-e) La compartimentation au sein de l’épine.
III-2) La plasticité structurale
III-2-a) La plasticité morphologique
III-2-b) Modification de la morphologie des épines
III-2-c) La formation de nouvelles épines et mécanismes moléculaires impliqués
III-2-d) Les épines dendritiques à l’interface entre dynamique et stabilité
III-2-e) Mode de formation des nouvelles synapses : durant le développement et à l’âge adulte
III-2-f) La plasticité structurale adulte et son rôle dans le comportement
Chapitre IV : Plasticité des neurones striataux de projection induite par la cocaïne
IV-1) Différentes formes de plasticité neuronales des neurones striataux en réponse à la cocaïne
IV-1-a) Plasticité neuronale et adaptations comportementales par un dialogue entre les récepteurs D1 et NMDA.
IV-1-b) Altérations neuronales induites par la cocaïne : aspects électrophysiologiques
IV-1-c) Les rôles de la voie ERK dans les altérations neuronales et comportementales induites par la cocaïne
IV–2) Plasticité structurale striatale : le détournement du rôle de la neuromodulation dopaminergique par les drogues d’abus
IV-2-a) Rôle de la neuromodulation dopaminergique des signaux glutamatergiques dans la formation du réseau synaptique striatal
IV-2-b) Drogues d’abus et spinogénèse
IV-3) Plasticité structurale induite par la cocaïne
IV-3-a) Les traitements chroniques à la cocaïne induisent une formation de synapses dans le NAc
IV-3-b) Influence de la première exposition à la cocaïne sur la plasticité structurale dans certaines régions limbiques
IV-3-c) La plasticité structurale induite par la cocaïne diverge entre les SPN-D1 et D2
IV-3-d) Mécanismes moléculaires de la plasticité structurale induite par la cocaïne
OBJECTIFS ET HYPOTHESES
RESULTATS EXPERIMENTAUX
1. Article 1
1.1 Introduction article 1 :
1.2 Résultats résumés et conclusion
2. Article 2
2.1 Introduction article 2 :
2.2 Résultats résumés et conclusions
DISCUSSION ET PERSPECTIVES
I) Aspects méthodologiques
I-1) Détection des contacts pré-post synaptiques
I-2) Méthodes alternatives d’analyse des contacts synaptiques
I-3) Limites du modèle d’étude dynamique de la formation des synapses
II) Mode de formation des synapses au sein des SPN par la cocaïne
II-1) Formation de la synapse in vivo et ex vivo
II-2) Réflexions sur le mode de formation des synapses
III) ERK : une voie à multiples facettes dans la réponse aigüe à la cocaïne
III-1) Un dialogue entre ERK et la synthèse protéique
III-2) Les signatures moléculaires de la phase de pousse de maintien des nouvelles épines
III-2-a) Hypothèse du mode d’action de ERK1/2 sur la phase de pousse rapide des nouvelles épine
II-2-b) Hypothèse du mode d’action de ERK1/2 et MNK-1 sur la phase de maintien des nouvelles épines : réflexions sur les candidats synthétisés par MNK-1
II-2-c) Hypothèse du mode d’action de ERK1/2 et MNK-1 sur la synaptogénèse
IV) Le rôle des nouvelles épines formées rapidement par la cocaïne sur le comportement
V) Modèle hypothétique de plasticité structurale rapide adulte en réponse à la cocaïne
V-1) La co-stimulation du NMDAR et D1DR induit un pic d’activité de ERK responsable d’une pousse d’épines
V-2) La pousse d’épine induite par ERK1/2 présente un mode de formation non stochastique
V-3) La traduction dépendante de ERK comme point de contrôle critique pour la survie de l’épine
Références bibliographique
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