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Les résistances non hôte et hôte
Les différences et les similarités entre résistance non hôtes et hôtes ont été développées par Gillet al. (2015). La résistance non hôte des plantes est définie par le fait que tous les individus de l’espèce sont résistantsà toutes les populations de l’agent pathogène (Heath, 2000).
La résistance hôte est la capacité de la plante hôte à se défendre face à une partie des individus d’une espèce d’agent pathogène. Deux catégories de résistances hôte sont classiquement décrites chez les plantes : qualitative et quantitative.
La résistance qualitative
La résistance qualitative est définie sur la base ud phénotype : c’est une résistance tout ou rien. Elle est généralement spécifique, c’est-àdire- efficace vis-à-vis d’une partie de la population de l’agent pathogène. C’est généralementà partir de résistances qualitatives que des interactions gène pour gène sont identifiées entre l’agent pathogène et sa plante hôte (Flor, 1971 ; Dodds et Thrall, 2011). La présence d’un gène majeur de résistance (R) dans la plante et d’un gène dit d’avirulence (AVR) dans l’agent pathogène entraine une interaction dite incompatible et un phénotype de résistance dela plante. Par contre, l’absence de gène R ou de gène AVR ou des deux provoque une interaction dite compatible et la plante est alors sensible (figure 1).
La résistance qualitative est complète, avec un phénotype simple à détecter (absence de maladie), intéressante économiquement et fortement héritable (en général monogénique et dominante). Pour ces raisons, la sélection de variétés ayant ce type de résistance et le transfert de gènes R dans des variétés sensibles sont privilégiés dans les programmes d’amélioration variétale. Les exemples d’utilisation des résistances qualitatives pour contrôler les maladies des plantes sont nombreux dans différents pathosystèmes. Bien que ces résistances qualitatives soient localement et transitoirement très efficaces (McDonald et Linde, 2002a), elles présentent des limites dans la protection des cultures : elles sont peu durables dans certains pathosystèmes, surtout avec les agents pathogènes ayant un fort potentiel d’évolution, et non disponibles pour certains pathosystèmes (Poland et al., 2009).
L’expression concomitante des allèles dominants du gène de résistance (R) chez la plante et de la protéine d’avirulence (AVR) chez le pathogène entraine une interaction incompatible, et un phénotype de résistance de la plante. Toute autre combinaison allélique donne lieu à une interaction compatible (marquée par la présence des lésions) permettant ledéveloppement de la maladie. (Ballini, 2007). AVR : avirulent ; avr : virulent ; R : résistant et s : sensible.
La résistance quantitative
La résistance quantitative, ou partielle, ne permet pas de bloquer entièrement l’infection par des agents pathogènes mais elle peut provoquer une réduction de la sévérité des symptômes, de la vitesse de colonisation de la plante et de la multiplication des agents pathogènes (figure 2). Ce type de résistance entraine alors un ralentissement de l’épidémie. L’expression de la résistance quantitative est influencée par des conditions environnementales (Lannou, 2012). Elle est dans la grande majorité des cas gouvernée par plusieurs gènes dont les effets sont cumulatifs (Schiff et al., 2001). Ces gènes sont associés à des régions génomiques ou « quantitative trait loci» (QTLs), également nommées « quantitative resistance loci » (QRLs) (Young, 1996 ; St.Clair, 2010). La résistance quantitative est considérée comme ayant un large spectre d’action vis-à-vis de plusieurs isolats d’un agent pathogène. Cependant, des exemples existent de résistance quantitative qui sont efficaces vis-à-vis de plusieurs espèces de champignons pathogènes (Ellis et al., 2014). Par ailleurs, certains QTLs présentent une interaction spécifique avec certains isolats d’un même agent pathogène (Calenget al., 2004 ; Marcel et al., 2008).
A : variété L94 avec une réponse sensible, B : variété Vada ayant un niveau élevé de résistance quantitative avec une réduction du nombre d’infections et diminution du développement de l’agent pathogène et C : variété Cebada Capa montrant une résistance qualitative assurée par un gène majeur, Rph7g. Adapté de Niks et al. (2015).
La résistance quantitative n’a pas été autant utilisée volontairement en amélioration variétale que la résistance qualitative car la sélection de ce type de résistance s’avère difficile. Contrairement à la résistance qualitative qui confère seulement deux phénotypes (résistant ou sensible), l’observation phénotypique de la résistance quantitative est plus complexe et varie selon le pathosystème étudié. Les composantes de larésistance quantitative qui sont les plus mesurées sont : l’efficacité d’infection, la période de latence, le taux de production de spores, la période infectieuse, la taille des lésions et laproduction de toxines (pour certains agents pathogènes). En général, ces composantes permettentde voir l’effet de la résistance quantitative sur une étape du développement de l’agent pathogène.
Bases moléculaires de résistances des plantes
Interactions plante-agent pathogène
De nombreuses études ont contribué à la descriptiondes processus impliqués dans les interactions entre plantes et agents pathogènes. Les étapes de ces processus sont diverses et complexes (Zhang et al., 2013 ; Kushalappa et al., 2016). Globalement, la résistance est déclenchée par la reconnaissance de molécules produites par les agents pathogènes à l’aide de différents récepteurs (perception des signaux), puis ces récepteurs induisent des modifications en cascade de transducteurs de signaux qui activent les gènes de défense pour produire des métabolites et des protéines de résistance, lesquel réduisent la progression de l’agent pathogène (figure 3).
Reconnaissance des agents pathogènes
La reconnaissance des agents pathogènes par la plante est basée sur la perception de leurs molécules et conduit à deux niveaux de réponse immunitaire (Jones et Dangl, 2006). Le premier niveau concerne la reconnaissance des éliciteurs nommés «pathogen/microbe-associated molecular patterns » (PAMP/MAMP) par des récepteurs majoritairement membranaires « Pattern Recognition Receptor » (PRR). Les éliciteurs sont des molécules ou des fragments de molécules, caractéristiques des microorganismes, tels que la flagelline bactérienne ou la chitine des champignons. Boutrot et Zipfel (2017) donnent les différents types et les caractéristiques de ces éliciteurs etdes récepteurs connus actuellement. Comme ces éliciteurs sont souvent des molécules hautement conservées avec des signatures caractéristiques de classes de microorganismes, leur reconnaissance n’est pas spécifique. La réponse immunitaire induite par ce type de reconnaissance est appelée «PAMP-triggered Imminuty » (PTI) ou résistance basale. Cette dernière est onsidéréec comme difficile à contourner par les agents pathogènes. Par contre, certains agents pathogènes ont la capacité de produire des effecteurs qui suppriment la résistance basale et permettent le développement de l’infection. Le rôle, les caractéristiques et la localisation cellulaire de ces effecteurs ont été le sujet de nombreuses études (Bent et Mackey, 2007; Stergiopoulos et de Wit, 2009 ; Cesari, 2012). La reconnaissance de ces effecteurs par des protéines de résistance spécifique (R) codées par les gènes dits « majeurs » constitue le deuxième niveau du système immunitaire de la plante. Cette reconnaissance est cette fois spécifique et peut se faire de manière directe (Jia et al., 2000) ou indirecte (Van der Hoorn et Kamoun, 2008). La réponse immunitaire induite par ce type de reconnaissance est nommée «Effecteur-Triggered Immunity » (ETI) et est associée à la résistance qualitative. L’ETI peut supprimer complètement l’avancement de l’agent pathogène dans la plante. Les gènes codant pour les effecteurs reconnus par les gènes R sont nommés gènes d’avirulence.
Transduction des signaux et production des molécules de défense.
Que la reconnaissance soit spécifique ou non, elle aboutit à l’activation de différentes voies de transduction des signaux. Plusieurs voies de signalisation de la résistance ont été décrites, incluant : la production de formes réactives de l’oxygène (ROS), la modification des flux ioniques, l’activation de cascades de signalisation via des « Mitogen-Activated Protein Kinases » (MAPK), l’intervention de phytohormones et l’imp lication des facteurs de transcription (figure 3). Chaque voie de signalisation a sa spécificité pour déclencher la défense mise en place par la plante (pour revue : Kushalappa et al., 2016). Les mécanismes impliqués peuvent varier selon le mode de vie des agents pathogènes (Zhang et al., 2013). D’une manière générale, toutes ces voies de signalisation permettent la synthèse de métabolites et de protéines de résistances.
Particularités de la résistance quantitative
Très peu de données existent sur les bases moléculaires de la résistance quantitative. En 2017, selon le recensement fait par Pilet-Nayel et al., 15 gènes avec des effets partiels sous-jacents à la résistance quantitative avaient été clonés chez les plantes (tableau 1). Plusieurs fonctions possibles des gènes impliqués dans la résistance quantitative ont été proposées (pour revue : Poland et al., 2009 ; French et al., 2016). La plupart des gènes de la résistance quantitative ne sont pas des récepteurstypiques du système immunitaire de la plante et codent une large gamme de fonctions moléculaires. Par exemple, les gènes pi21 (un gène récessif),Lr34 et RKS1 codent différentes protéines (tableau 1).
Facteurs expliquant le contournement des résistances
Evolution des populations d’agent pathogène
La capacité d’un agent pathogène à s’adapter à la r ésistance des plantes dépend largement de son potentiel évolutif. La variabilitégénétique joue un rôle crucial sur l’évolution de la virulence de l’agent pathogène (McDonald et Linde 2002 a et b). La mutation, la recombinaison et la migration augmentent la variabilité soit en générant de nouvelles séquences d’ADN, en modifiant les associations des allèles existants ou en introduisant des nouveaux matériels génétiques venat d’autres populations. La dérive génétique et les effets de fondation diminuent la ariabilitév génétique des populations d’agent pathogène. La sélection, quant à elle, peut augmenter ou diminuer cette variabilité génétique selon le type de sélection. L’occurrence de contournement ou d’érosion de la résistance est expliquée par l’effet combiné de ces forces évolutives qui dépend de la structure génétique de l’agent pathogène.
Le type de résistance conditionne l’évolution de l’agent pathogène. La résistance qualitative exerce une forte pression sur les populations de l’agent pathogène et sélectionne des mutants virulents qui augmentent en fréquence entrainant le contournement de cette résistance. La résistance quantitative quant à elle est supposée maintenir des populations diversifiés de l’agent pathogène. Selon des étudesde l’évolution des populations des agents pathogènes sur des résistances quantitatives, deuxtypes de populations pourraient apparaître. Les populations dites spécialistes sont constituéesde souches qui sont mieux adaptées à la résistance quantitative et présentent une réductiondu niveau d’agressivité sur des variétés sensibles et sur d’autres variétés partiellement résistantes. Ce cas a été observé pour la rouille foliaire de blé causée parPuccinia recondita f. sp. tritici (Lehman et Shaner, 1997), pour le mildiou de la pomme de terre causée par Phytophthora infestans (Andrivon et al., 2007) et pour le mildiou de la vigne causée parPlasmopora viticola (Delmas et al., 2016). Par contre, les populations dites généralistes sont composées ed souches qui sont capables de se développer à la fois sur des variétés à résistancequantitative et sur des variétés sensibles mais dont la multiplication est réduite par rapport à des populations spécialistes. Ces populations d’agents pathogènes sont agressives sur toutes les variétés testées. L’étude faite sur la tavelure (maladie fongique) du pommier causée parVenturia inaequalis (Caffier et al., 2014) est une illustration de ces populations généraliste.
Coûts de fitness
Le concept de coût de « fitness » discuté par Leachet al. (2001) aide beaucoup à la compréhension des phénomènes de contournement de résistance. La fitness d’un agent pathogène est sa capacité combinée à infecter, à survivre et à se reproduire. Le gain et l’accumulation de virulence ou d’agressivité permettent à une souche ou une population d’attaquer des variétés résistantes, mais en mêmeempst réduisent sa compétitivité vis-à-vis d’autres populations du même agent pathogène ou desmicroorganismes lorsque la résistance correspondante est absente. Ce phénomène s’expliqueen particulier par l’accumulation de mutations dans des effecteurs et par la perte associée de fonctions importantes pour le cycle de vie de l’agent pathogène dans la plante. Pour Leptosphaeria maculans, les souches possédant des allèles avirulents produisent des lésions plus nombreuses et plus grandes par rapport aux souches possédant des allèles virulentssur des variétés de colza sensibles (sans les gènes de résistance correspondants). Ces observations en conditions expérimentales, ainsi que l’augmentation en fréquence des souches possédant des allèles avirulents sur le champ durant deux saisons, indiquent que les souches possédant des allèles virulents ont un coût de fitness (Huang et al., 2006 ; Huang et al., 2010). Des études de la dynamique des populations des agents pathogènes illustrent la réduction de fréquence des populations virulentes lorsque la variété résistante correspondante n’est plus cultivée (Jenner et al., 2002 ; de Vallavieille-pope et al., 2012). Mais, il faut noter que dans certains cas, la mutation des allèles virulents n’influence pas nécessairement la fitness des souches possédant ces allèles (Baiet al., 2000 ; Zhan et al., 2002).
Réduction de la diversité de l’hôte
La réduction de la diversité de l’hôte influence le potentiel évolutif de l’agent pathogène. En écosystèmes naturels, les populationsdes plantes sont constituées d’une grande diversité de génotypes au sein d’une même pècees et d’une grande diversité interspécifique. Cette diversité permet de limiterla capacité des populations de l’agent pathogène à survivre et à se disperser (Zhan et al., 2015). Par contre, les systèmes agricoles modernes sont généralement caractérisés par l’uniformité génétique des variétés cultivées, la mécanisation et l’intensification en intrants. Une seule espèce et une seule variété (monoculture) sont utilisées pour assurer la production, ce qui favorise les fortes épidémies et une rapide évolution des populations de pathogène virulentes (Stukenbrock et Mcdonald, 2008).
Durabilité de la résistance quantitative
Théoriquement les résistances quantitatives sont supposées plus durables que les résistances qualitatives (Parlevliet, 2002). La durabilité de la résistance quantitative est généralement expliquée par plusieurs arguments (Palloix et al., 2009 ; Mundt, 2014). Ces arguments peuvent être regroupés en deux principesLa. faible pression de selection exercée par la résistance quantitative ne permet pas l’émergence de populations de l’agent pathogène plus virulentes et l’effet combiné de différents mécanismes de résistance (à différents étapes de cycle de vie de l’agent pathogène ou tout au long du développement de la plante) nécessiterait de nombreuses mutations pour surmonte ces différentes défenses, ce qui diminue la probabilité de contournement. Cependant, des études de l’évolution des populations d’agents pathogènes confrontés à des résistances quantitatives (Andrivon et al.
2007; Montarry et al., 2012; Delmotte et al., 2014) rémettent en question cette hypothèse de durabilité de la résistance quantitative. Ces études suggèrent que des populations d’agent pathogène ont la capacité de s’adapter sur ce type de résistance. L’étude d’adaptation des populations pathogènes sur des résistances quantitatives devra être conduite au cas par cas sur un pathosystème donné et effectué à grande échelledans le temps et dans l’espace.
Gestion des résistances.
Combinaison de résistances qualitative et quantitative
La durabilité de certains gènes de résistance qualitative est influencée par le « fond » génétique dans lequel ils se trouvent. Palloix et al. (2009) ont conduit en conditions contrôlées une comparaison de la durabilité relativ des résistances qualitative et quantitative sur l’interaction entre le poivron et le virus Y de pomme de terre (PVY). Leur étude a permis de montrer que la fréquence de contournement d’une résistance gouvernée par un gène majeur est plus élevée lorsque ce gène est introgressé dans une variété avec un fond génétique sensible. Par contre, le contournement n’apparait pas quand ce même gène est introduit dans une variété ayant des résistances partielles dans son fond génétique. La suppression de l’émergence de mutants virulents dans ce dernier fond génétique résulte à la fois d’un effet de sélection directionnelle et de la nécessité pour le virus de générer plusieurs mutations. Des résultats similaires ont été obtenuspar Brun et al. (2010) sur le pathosystème colza/Leptosphaeria maculans en introduisant le gène majeur (Rlm6) dans deux variétés de Brassica napus qui se différent par leur résistance quantitative.L’expérimentation conduite montre que la combinaison de la résistance quantitative et de Rlm6 dans une variété a permis un contrôle efficace du chancre du collet du colza au moins pendant 5 ans. Par contre, le contournement de Rlm6 apparaît en troisième année lorsque ce gène est introduit dans une variété sensible. Le bénéfice de cette combinaisonde résistances qualitative et quantitative peut avoir impliqué la réduction de la concentratio de l’inoculum dans l’air car la résistance quantitative limite le nombre de pseudothecia formé, et Rlm6 réduit le nombre de lésions. Brun et al. (2010) suggèrent aussi que la résistance quantitative n’affecte pas la composition et la fréquence des alléles virulent et avirulent ansd les populations de L. maculans. Cette conclusion est déduite de l’observation de la fréquence relative des alléles avirulent et virulent des souches collectées sur les résidus decette variété qui n’a pas changé durant les cinq ans d’expérience. Ces cas d’études soutiennentque la stratégie de combinaison de génes de résistance qualitative et quantitative améliorela durabilité de la résistance et le moyen de contrôle des maladies des plantes.
Rotation de gènes de résistance dans le temps
Les stratégies de rotation de gènes de résistance ualitativeq visent à stopper l’augmentation en fréquence des populations virulentes. La rotation de gènes de résistance peut être efficace si la fréquence des populationsvirulentes diminue dès que la variété avec le gène de résistance correspondant n’est plus cultivée, c’est-à-dire si ces populations sont moins compétitives sur la nouvelle variété. Par contre cette stratégie de rotation de gènes n’est pas efficace, et est donc risquée, dans le cas où les populations virulentes ont la capacité de se maintenir même en absence du gène de résistance correspondant. Une augmentation rapide en fréquence d’autres populations virulentes sur le nouveau gène utilisé peut se produire aussi. Le coût de fitness lié au contournement des résistances (Leach et al., 2001) peut permettre d’expliquer le maintien ou non des populations virulentes et devrait être pris en compte pour élaborer une stratégie de rotation desgènes de résistance.
Pyramidage de gènes de résistance
Les gènes de résistance spécifique sont faciles à étecterd et à utiliser en sélection. L’accumulation dans une variété de plusieurs gènesde résistance caractérisés (pyramidage) est utilisée pour améliorer l’efficacité et la durabilité de ces gènes de résistance. L’augmentation d’efficacité des combinaisons de gènes est basée sur l’élargissement du spectre de résistance et l’augmentation de la durabilité sur la nécessité pour les agents pathogènes de passer par plusieurs étapes de mutation pour pouvoir contourner les différentes résistances. La probabilité qu’un agent pathogène ubisse plusieurs mutations pour surmonter les gènes de résistance pyramidés est faible (Mcdonald et Linde, 2002 b ; Mundt, 2014). Cependant, des souches qui portent des combinaisons de virulences existent. C’est le cas de la souche Ug99 de Puccinia graminis f. sp. tritici, détectée en Uganda en 1998, qui possède une combinaison de virulences vis-à-vis de nombreux gènes de résistance du blé (Singhet al., 2015), dans une situation où des populations virulentes vis-à-vis de chaque gène de résistance existent. Les modèles de comparaison de déploiements de résistances indiquent que le pyramidage de gènes ne constitue pas la meilleure solution pour assurer la durabilité des résistances par rapport à l’utilisation de chaque gène dans l’espace (Djidjou-Demasse et al., 2017 ; Lof et van der Werf, 2017).
Le cumul de plusieurs QTL de résistance (QRL) semble être une stratégie intéressante pour la sélection de résistances efficaces et potentiellement durables surtout si ces QRLs ont des modes d’action complémentaires (Pilet-Nayel et al., 2017). Laloi (2016) a étudié la combinaison dans un même génotype de plusieurs facteurs de résistance (QRLs T1, F11 et F17) dans le pathosystème pommier/Venturia inaequalis. Les résultats obtenus montrent que le pyramidage des 3 QRLs apporte une meilleure résistance vis-à-vis des souches testées par rapport à un seul QRL. Cette étude a permis également de mettre en évidence que les QRLs étudiés agissent différemment sur l’agent pathogène.L’action du QRL T1 se manifeste dès la pénétration du champignon alors que l’effet cumulédes QRLs F11 et F17 s’observe plus tardivement, mais avant la production de spores.
L’agent pathogène : Magnaporthe oryzae
L’agent pathogène responsable de la pyriculariose du riz a été référencé sous plusieurs noms dans la littérature. Des études ont essayé declarifier le choix du nom utilisé pour ce champignon filamenteux ascomycète (Rossmann et al., 1990 ; Couch and Kohn 2002 ; Zhang et al., 2016). Pyricularia oryzae Cavara (la forme asexuée ou anamorphe) et Magnaporthe oryzae Couch et Kohn (la forme sexuée ou téléomorphe) sontles noms les plus largement utilisés pour cet agent pathogène. Aujourd’hui, larecommandation est d’utiliser en priorité Pyricularia oryzae mais son synonyme Magnaporthe oryzae peut être utilisé (Zhanget al., 2016). Dans ce manuscrit, Magnaporthe oryzae sera le nom employé. M. oryzae est un champignon haploïde, hémibiotrophe et hétérothallique. Ce champignon est classé comme ayant un fort potentiel d’adaptation (Mcdonald et Linde, 2002 b). L’espèce M. oryzae comprend différents groupes génétiques capables d’infecter plus ou moins spécifiquement d’autres céréales comme le blé, l’orge, l’éleusine,les sétaires. Le génome deM. oryzae a été séquencé entièrement pour la première fois en 2005àpartir d’une souche pathogène sur le riz (Dean et al., 2005). Aujourd’hui, les génomes de plusieurs centaines de souches ont été séquencés (Chiapelloet al., 2015 ; Gladieux et al., 2018 b).
Cycle de vie du champignon
Au champ, le cycle de vie de M. oryzae est assuré principalement par la forme asexuée de l’agent pathogène. Le processus d’infection de M. oryzae sur les organes du riz est l’un des plus étudiés chez les champignons phytopathogènes. La compréhension de chaque étape de l’infection à partir de l’attachement des conidies sur la surface des organes du riz jusqu’à la libération de nouvelles conidies ne cesse de s’améliorer (Xu et Hamer, 1996 ; Kankanala et al., 2007 ; Ribot et al., 2008 ; Giraldo et al., 2013 ; Zhou et al., 2014 ; Ryder et Talbot, 2015 ; Yan et Talbot, 2016), notamment grâce au suivi, par des techniques comme l’imagerie par fluorescence, des cellules vivantes de l’agent pathogène et de l’hôte durant l’infection (Jones et al., 2016 ; Martin-urdiroz et al., 2016 ; Jenkinson et al., 2017). Le processus d’infection est représenté en figure 5. Les conidies sont transportées par l’air et se déposent sur le riz. La pointe de la conidie se fixe à l’aide d’un mucilage sur les surfaces hydrophobes, comme la cuticule foliaire (étape 1). Ensuite, en présence d’eau libre, la germination de la conidie se produit avec allongement du tube germinatif (étape 2) qui va former une nouvelle cellule spécialisée, l’appressorium (étape 3). Cet appressorium assure la pénétration du champignon à l’intérieur des tissusde la plante hôte par un hyphe de pénétration grâce à la forte pression de turgescence exercée par ce dernier (étape 4). Dans les tissus de la plante, le champignon développe un réseau d’hyphes bulbeux et colonise les cellules voisines en passant par les plasmodesmes. Ces premières phases d’infection se font de manière biotrophe. Ensuite, M. oryzae supprime les défenses de la plante et tue les cellules de celle-ci. Les hyphes continuent à coloniser les tissus vivants de la plante pour prélever des éléments nutritifs. Cette phase nécrotrophe ne débute que vers le cinquième jour, de façon concomitante avec l’apparition des premiers symptôm es (étape 5). Le cycle d’infection se termine avec la production des spores sur des lésions (étape 6) et ces nouvelles spores sont ensuite dispersées par la pluie et le vent pour infecter d’autres organes, d’autres plantes au sein de la parcelle et des parcelles voisines (infection secondaire).
Développement épidémique de la pyriculariose au champ
La pyriculariose est une maladie polycyclique. Dans les régions tropicales où le riz est cultivé en permanence, les conidies de M. oryzae présentes dans l’air sont présumées servir d’inoculum tout au long de l’année. Par contre, dans les régions tempérées et tropicales d’altitude où le riz est absent durant quelques mois, l’initiation des épidémies de la pyriculariose reste obscure. Le cycle de développement de la pyriculariose au champ est représenté en figure 6. Pendant l’intersaison où leriz n’est pas cultivé, l’agent pathogène semble survivre sous forme de mycélium sur des graines, des résidus de riz ou des hôtes secondaires (graminées ; Ou, 1985). Lorsque les conditions environnementales sont favorables c’est-à-dire que la température et l’humidité augmentent, la sporulation de l’agent pathogène a lieu, conduisant à la libération des spores. Les spores sont transportées par le vent, l’eau et les éclaboussures sur des plantes saines entrainant l’initiation de la maladie quand l’interaction est compatible entre la variétéet les populations présentes sur le champ. Plusieurs cycles d’infection se succèdent durant la saison culturale assurant la dispersion de la maladie entre les plantes d’une parcelle et des parcelles avoisinantes. Des études ont démontré que l’agent pathogène estrésentp sur les semences infectées de riz (Chadha et Gopalakrishna, 2006 ; Manandhar et al., 1998) et que M. oryzae survit sur les semences (Puri et al., 2007). De même les semences infectées jouent unrôle dans l’initiation de l’épidémie de pyriculariose au champ (Long et al., 2001 ; Guerber et TeBeest 2006 ; Faivre-Rampant et al., 2013). Par contre, il y a peu de démonstration convaincante de l’implication des résidus et des bases de tige du riz sur la survie de M. oryzae et de leur rôle dans l’initiation des épidémies de pyriculariose. L’analyse de la structure génétique et du pouvoir pathogène des populations de M. oryzae démontre que les souches attaquant le riz sont différentes de celles qui attaquent d’autres Poaceae (Yoshida et al., 2016). Pourtant, l’implication des hôtes alternatifs comme réservoir des souches de M. oryzae capables d’infecter le riz ne peut pas complètement être écarté et reste à tester dans beaucoup de zones rizicoles.
Influence des conditions environnementales et des pratiques culturales
Les conditions environnementales constituent des facteurs très importants influençant le développement des épidémies de maladies fongiques. En général, une longue période d’humectation, une humidité relative élevée, et destempératures entre 17 et 28 °C favorisent le développement de la pyriculariose (Greer et Webster, 2001). Les processus importants du cycle infectieux (sporulation, germination des conidies et infection) sont affectés par ces trois paramètres environnementaux. Ainsi, des modèles d’impact de facteurs environnementaux sur le développement de la pyriculariose ont été développés (Kim et al.,1988 ; Luo et al., 1997 ; Kaundal et al., 2006). La prévision des conditions climatiques propices au développement d’épidémies constitue alors un outilessentiel de prédiction des zones à risques pour la maladie.
Outre l’utilisation de fongicides, certains itinéraires techniques sont capables de modifier le microclimat et l’état physiologique des plantes et peuvent permettre de réduire la sévérité de la pyriculariose. L’amélioration de lanutrition de la plante influence le niveau d’attaque de la pyriculariose (Datnoff et al., 2007). L’excès d’azote dans le sol favorise cette maladie ; l’apport fractionné de cet élément est recommandé pour réduire son effet sur le développement de la pyriculariose (Kürschner et al., 1992 ; Bregaglio et al., 2017). La silice est un élément constitutif des espaces intercellulaires et des parois cellulaires des racines et des feuilles de riz. L’apport de silice dans les sols ou en application foliaire permet d’augmenter la résistance du riz à la pyriculariose, et le nombre de lésions diminue proportionnellement à la concentration de silice da ns les feuilles (Seebold et al., 2004). Ainsi, il a été observé qu’une variété sensible cultivéeur sun sol volcanique bien équilibré en éléments nutritifs est moins attaquée par la pyriculariose que sur un sol ferralitique (Sester et al., 2019). Le choix de la date de semis peut affecter aussi le développement de la pyriculariose par un phénomène d’esquive : le moment propice de l’installation de la maladie et la présence de matériel sensible sont décalés ooja(P et Katoch, 2014). La faible densité des plantes peut freiner l’épidémie en augmentant la distance entre les plantes et donc en limitant le processus de dispersion des spores. La liaison entre le stress hydrique et la sensibilité des variétés à la pyriculariose a été observée au champ(Lai et al., 1999) et au laboratoire (Bidzinski et al., 2016). Spence et al. (2014) ont testé l’effet des microorganismes échantillonnés naturellement dans la rhizosphère duriz sur le niveau d’attaque de la pyriculariose. Leurs résultats montrent que certains de ces microorganismes ont la capacité de réduire la sévérité de la pyriculariose.
Résistance du riz à la pyriculariose
L’utilisation de variétés résistantes à la pyriculariose est la meilleure stratégie pour contrôler cette maladie. Cependant, le phénomène de contournement de résistance est très fréquent pour le pathosystème riz/M. oryzae (Kiyosawa, 1982 ; Ballini et al., 2008). Il est dû à l’apparition de populations de M. oryzae virulentes c’est-à-dire capables de surmonter les résistances (Vasudevan et al., 2015). Le temps nécessaire au contournement de résistance peut varier selon le type de résistance utilisée, al structure et la diversité des populations de l’agent pathogène dans une zone rizicole. Pour comprendre ce phénomène de contournement, de nombreuses études ont été conduites sur la résistance du riz et le pouvoir pathogène de M. oryzae et sur les stratégies permettant de le retarder.
Déterminisme génétique de la résistance du riz à la pyriculariose
L’étude de la résistance à la pyriculariose chez le riz est ancienne. En conditions contrôlées en laboratoire, les études sur la résistance du riz à la pyriculariose sont nombreuses. Elles consistent à caractériser des gènes de résistance, à comprendre les fonctions pour lesquelles ils codent et les mécanismes en jeu dans le phénomène de résistance. Les méthodes utilisées ne cessent de améliorers’ comme la cartographie génétique et le clonage, la génétique d’association («genome wide association studies : GWAS »), la sélection assistée par marqueurs etc. (Liuet al., 2010 ; Ma et al., 2015 ; Tanweer et al., 2015 ; Raboin et al., 2016 ; Aglawe et al., 2017).
Actuellement, environ 100 gènes de résistance avec un effet qualitatif (dits gènes majeurs) et autour de 350 loci de résistance quantitative (QTL) à la pyriculariose ont été identifiés (Ballini et al., 2008 ; Sharma et al., 2012). Parmi les gènes majeurs, une vingtaine d’entre eux a été clonée et caractérisée en détail(Roychowdhury et al., 2012 ; Kang et al., 2016) (tableau 2). La majorité de ces gènes codentpour des protéines NBS-LRR (Nucleotide-Binding Site – Leucine Rich Repeat) à l’exception de Pid-2 qui code une Sérine/Thréonine.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I. Synthèse bibliographique et positionnement de la thèse
I.1. Les résistances des plantes aux maladies
I.1.1. Différentes formes de résistance
I.1.2. Bases moléculaires de résistances des plantes
I.2. Contournement des résistances des plantes
I.2.1. Définition et exemples
I.2.2. Facteurs expliquant le contournement des résistances
I.2.3. Durabilité de la résistance quantitative
I.3. Gestion des résistances.
I.3.1. Combinaison de résistances qualitative et quantitative
I.3.2. Rotation de gènes de résistance dans le temps
I.3.3. Pyramidage de gènes de résistance
I.3.4. Mélanges de variétés et multi-lignées
I.3.5. Déploiement de gènes de résistance à l’échelle du paysage
I.4. Description du pathosystème Oryza sativa-Magnaporthe oryzae.
I.4.1. Le riz, une plante d’intérêt agronomique majeur
I.4.2. La pyriculariose du riz
I.4.3. Résistance du riz à la pyriculariose
I.5. Positionnement de la thèse et problématique de la recherche
I.5.1. Le riz à Madagascar
I.5.2. La pyriculariose du riz à Madagascar
I.5.3. Justification de la thèse
I.5.4. Objectifs de la thèse
Chapitre II. Evolution des épidémies de pyriculariose sur le riz pluvial des Hautes Terres
II.1. Introduction
II.2. Matériels et Méthodes
II.2.1. Présentation du lieu d’étude
II.2.2. Suivis des épidémies de pyriculariose
II.3. Résultats
II.3.1. Enquêtes de groupe
II.3.2. Enquêtes individuelles
II.3.3. Evolution d’attaque et de présence de la pyriculariose
II.4. Discussion
II.5. Conclusion partielle de la partie II
Chapitre III. Effet de la résistance quantitative d’une variété de riz sur les populations de Magnaporthe oryzae
III.1. Introduction
III.2. Matériel et méthodes
III.2.1. Echantillonnage, isolement et conservation des populations de Magnaporthe oryzae
III.2.2. Analyse moléculaire des souches de Magnaporthe oryzae
III.2.3. Test phénotypique par inoculation artificielle
III.2.4. Analyse statistique
III.3. Résultats
III.3.1. Populations de Magnaporthe oryzae échantillonnées
III.3.2. Structure et diversité des populations de Magnaporthe oryzae
III.3.3. Pouvoir pathogène des souches de Magnaporthe oryzae
III.4. Discussion
III.5. Conclusion partielle de la partie III
Chapitre IV. Caractérisation des sources d’inoculum
IV.1. Survie à long terme de l’agent pathogène de la pyriculariose dans les résidus de riz infectés constituant la principale source d’inoculum primaire pour la riziculture pluviale d’altitude (Article publié)
IV.2. Importance relative des sources potentielles d’inoculum de Magnaporthe oryzae en riziculture pluviale de haute altitude à Madagascar (Article soumis)
IV.3. Le riz irrigué constitue-t-il une source d’inoculum pour le riz pluvial ?
IV.3.1. Introduction
IV.3.2. Matériels et méthodes
IV.3.3. Résultats
IV.3.4. Discussion
IV.4. Conclusion partielle de la partie IV
Chapitre V. Discussion générale
V.1. Durabilité de la résistance de Chhomrong Dhan.
V.1.1. Comment se passe l’érosion de la résistance partielle d’une variété déployée massivement dans le temps et dans l’espace ?
V.1.2. Est-ce que des populations de Magnaporthe oryzae existantes sur les Hautes Terres sont déjà adaptées à la résistance quantitative de la variété Chhomrong Dhan ?
V.1.3. Intensification en engrais azoté et efficacité de la résistance de Chhomrong Dhan
V.2. Caractérisation des sources potentielles d’inoculum en riziculture pluviale
V.3. Recommandation pour les agriculteurs pratiquant la riziculture pluviale
Conclusion générale et perspectives
Références bibliographiques
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