Processus impliqués dans la phase d’acquisition de l’apprentissage moteur
Comment l’entrainement et l’expérience mènent-ils à des changements dans nos habiletés motrices? Les processus impliqués dans la phase d’acquisition de l’apprentissage moteur peuvent être regroupés en quatre grandes catégories : l’apprentissage explicite de stratégies motrices; la correction d’erreurs de mouvement; la recherche de rétroaction positive; et la plasticité induite par la répétition de mouvements . Les prochains paragraphes aborderont ces quatre processus menant aux changements dans les habiletés motrices. Leur contribution relative en fonction de l’habileté motrice ciblée et du contexte dans lequel l’entrainement est effectué sera aussi présentée. Il est important de noter que bien que ces processus impliqués dans la phase acquisition d’apprentissages moteurs diffèrent sur certains éléments, ils dépendent tous d’un phénomène commun : la plasticité neuronale. Elle se définit comme étant une propriété intrinsèque du système nerveux central (SNC) permettant à un individu de s’adapter à la pression environnementale, aux changements physiologiques et à l’expérience grâce à des changements dynamiques dans la force des connexions entre les réseaux de neurones .
Processus impliqués dans la rétention et la généralisation de l’apprentissage moteur
Comme mentionné précédemment, l’amélioration des habiletés motrices doit perdurer dans le temps pour considérer qu’il y a eu un apprentissage moteur. Un test de rétention permet d’évaluer la stabilité temporelle de ces changements moteurs. Durant ce type d’évaluation, le participant doit effectuer à nouveau la tâche motrice à laquelle il s’est entrainé initialement, après un délai sans entrainement. Lors d’une tâche d’adaptation motrice, il est attendu que les erreurs de mouvements lors du test de rétention soient inférieures et/ou diminuent plus rapidement par rapport à la phase d’acquisition . La performance motrice lors de la phase d’acquisition n’est pas toujours prédictive de celle mesurée lors d’un test de rétention. En fait, une récente revue de la littérature a documenté l’effet de différents facteurs sur la performance motrice mesurée immédiatement après la phase d’acquisition d’un apprentissage moteur à celle mesurée après un délai d’au moins 24 heures . Dans près des deux tiers des études recensées, des résultats divergents étaient obtenus à ces deux temps de mesure. Par exemple, lors d’un entrainement à plusieurs tâches motrices simples dans un court laps de temps, le fait de regrouper l’entrainement pour chaque tâche en blocs favorise une meilleure performance durant la phase d’acquisition (Schmidt and Lee 2014a; Shea and Morgan 1979). Par contre, une organisation plus variable de l’entrainement, c’est-à-dire en alternant d’une tâche à l’autre, mène à une meilleure rétention et généralisation des habiletés motrices acquises (Schmidt and Lee 2014a; Shea and Morgan 1979).
Structures neuronales impliquées dans l’apprentissage moteur
Plusieurs structures du SNC sont impliquées lors de l’apprentissage moteur. Doyon et ses collaborateurs ont élaboré un modèle afin d’expliquer le rôle de différentes régions cérébrales au cours des phases de l’apprentissage moteur (Doyon and Benali 2005).
Selon ce modèle, deux circuits neuronaux seraient impliqués dans l’apprentissage moteur : les circuits corticostriatal et corticocérébelleux. Lors des premières phases de l’apprentissage, ces deux circuits seraient activés simultanément et interagiraient afin de permettre une acquisition optimale des habiletés motrices. Par contre, plus tard dans le processus, une spécialisation de ces deux circuits apparaitrait. À ce moment, le circuit corticostriatal serait davantage impliqué dans des tâches nécessitant la réalisation de séquences de mouvements alors que le circuit corticocérébelleux serait priorisé dans des tâches d’adaptation motrice.
Le cervelet apparait donc être une structure très importante durant les phases d’acquisition et de rétention d’adaptations motrices. Des études d’imagerie cérébrale fonctionnelle ont montré une augmentation de l’activité hémodynamique cérébelleuse durant les phases d’acquisition et de rétention de tels apprentissages.
Plasticité induite par la répétition de mouvements
La simple répétition motrice peut aussi mener à des modifications du comportement moteur de façon relativement indépendante de la rétroaction sensorielle reçue et de l’objectif de la tâche. Les études s’étant intéressées à ce type de plasticité ont montré que la répétition d’un mouvement biaise le système moteur vers l’exécution de celui-ci (Haith and Krakauer 2013; Wolpert et al., 2011). Par exemple, Verstynen et Sabes ont effectué deux expérimentations démontrant l’effet de la répétition de mouvements d’atteinte sur le comportement moteur (Verstynen and Sabes 2011). Dans ces deux expérimentations, les participants devaient exécuter des mouvements d’atteinte vers des cibles contextuelles («context target») plus ou moins dispersées. Moins la dispersion entre les cibles était grande, plus les mouvements exécutés étaient similaires (donc répétés). Dans la première expérimentation, les participants devaient aussi exécuter des mouvements vers une cible test («probe target»), se trouvant au centre de la distribution des cibles contextuelles. Ils ont montré que moins la position des cibles contextuelles était dispersée, moins la variabilité des mouvements exécutés vers la cible test était grande. Leur deuxième expérimentation était similaire, sauf qu’au lieu d’utiliser une seule cible test se trouvant au centre de la distribution des cibles contextuelles, ils ont évalué plusieurs cibles tests situées à 0°, ±30°, ±60° et ±90° par rapport à cette position.
Tâche d’adaptation locomotrice
La tâche utilisée afin d’évaluer l’apprentissage moteur consistait en une adaptation à un champ de force durant la marche. Durant toute la durée de l’expérimentation, les participants marchaient sur un tapis roulant avec une orthèse de cheville robotisée à une vitesse de 1 m/s. Cette vitesse légèrement inférieure à la vitesse de marche habituelle des participants a été ciblé afin de favoriser leur confort malgré l’appareillage expérimental. La première journée de l’expérimentation débutait avec une période de marche de base (« Baseline 1 »; 5 à 10 minutes) durant laquelle les participants marchaient alors que l’orthèse annulait activement sa propre inertie (Noel et al., 2008). Cette période de marche, durant laquelle aucun participant ne recevait de stimulation nociceptive, permettait d’établir le patron de marche de base de chaque participant. La douleur était induite, lorsque requise, immédiatement après cette première marche de base. Les participants marchaient ensuite pendant quinze à vingt minutes sans interruption. Les premières cinq à dix minutes de cette période de marche étaient une autre marche de base (« Baseline 2 »). Ensuite, un champ de force parabolique résistant la flexion dorsale des participants durant la phase d’oscillation (moment de force maximal : 4,54 ± 0,94 Nm; appliqué à 79,9 ± 3,5 % du cycle de marche; durée 150 ms (Blanchette et al., 2011) était appliqué lors de chaque foulée pendant cinq minutes (période d’adaptation). Ce champ de force a été ciblé puisqu’il a été démontré que des participants en santé pouvaient s’y adapter de façon systématique (Blanchette et al., 2011).
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Table des matières
CHAPITRE 1: INTRODUCTION
1.1 INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.2 APERÇU DE LA THÈSE
1.3 CONTRÔLE MOTEUR
1.3.1 Cadre théorique du contrôle moteur
1.3.2 Contrôle de la marche
1.3.3 Résumé de la section
1.4 L’APPRENTISSAGE MOTEUR
1.4.1 Processus impliqués dans la phase d’acquisition de l’apprentissage moteur
1.4.2 Processus impliqués dans la rétention et la généralisation de l’apprentissage moteur
1.4.3 Structures neuronales impliquées dans l’apprentissage moteur
1.4.4 L’apprentissage moteur lors de tâches impliquant la locomotion
1.4.5 Résumé de la section
1.5 LA DOULEUR
1.5.1 Phénomène de la douleur
1.5.2 La douleur expérimentale chez l’humain : avantages et inconvénients
1.5.3 Mécanismes neuronaux liés à la perception de la douleur aiguë
1.5.4 Résumé de la section
1.6 INFLUENCE DE LA DOULEUR SUR LE CONTRÔLE MOTEUR
1.6.1 Théories expliquant l’effet de la douleur sur le contrôle moteur
1.6.2 Changements moteurs avec la douleur : évaluation comportementale
1.6.3 Effet de la douleur sur les processus et structures du système nerveux central impliqués dans le contrôle et l’apprentissage moteur
1.6.4 Résumé de la section
1.7 INFLUENCE DE LA DOULEUR SUR L’APPRENTISSAGE MOTEUR
1.8 OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES
CHAPITRE 2: MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE
2.1 DEVIS EXPÉRIMENTAL
2.2 TÂCHE D’ADAPTATION LOCOMOTRICE
2.3 COLLECTE ET ANALYSE DES DONNÉES
2.4 ANALYSES STATISTIQUES
CHAPITRE 3: TONIC PAIN EXPERIENCED DURING LOCOMOTOR TRAINING IMPAIRS RETENTION DESPITE NORMAL PERFORMANCE DURING ACQUISITION
3.1 RÉSUMÉ
3.2 ABSTRACT
3.3 INTRODUCTION
3.4 MATERIAL AND METHODS
3.4.1 Paradigm selected to assess motor learning
3.4.2 Procedures
3.4.3 Data acquisition
3.4.4 Data processing and analysis
3.5 RESULTS
3.5.1 Effect of pain on baseline gait characteristics
3.5.2 Effect of pain on the acquisition and retention of motor learning
3.6 DISCUSSION
3.7 CONCLUSION
CHAPITRE 4: MOTOR PERFORMANCE IS UNAFFECTED BY TONIC CUTANEOUS PAIN WHEN EXPERIENCED DURING THE ACQUISITION AND NEXT DAY RETENTION OF LOCOMOTOR ADAPTATION
4.1 RÉSUMÉ
4.2 ABSTRACT
4.3 INTRODUCTION
4.4 METHOD
4.4.1 Experimental procedure
4.4.2 Experimental pain induction
4.4.3 Data collection
4.4.4 Data analysis
4.4.5 Statistics
4.5 RESULTS
4.5.1 Experimental pain intensity
4.5.2 Effect of pain on baseline gait parameters
4.5.3 Effect of pain on motor learning
4.6 DISCUSSION
4.7 CONCLUSION
CHAPITRE 5: EFFECT OF EXPERIMENTAL MUSCLE PAIN ON THE ACQUISITION AND RETENTION OF LOCOMOTOR ADAPTATION: DIFFERENT MOTOR STRATEGY FOR A SIMILAR PERFORMANCE
5.1 RÉSUMÉ
5.2 ABSTRACT
5.3 INTRODUCTION
5.4 METHODS
5.4.1 Experimental procedure
5.4.2 Pain protocol
5.4.3 Variables of interest
5.4.4 Data analysis
5.4.5 Statistics
5.5 RESULTS
5.5.1 Effect of muscle pain on motor learning
5.5.2 Effect of pain on baseline walking
5.6 DISCUSSION
5.7 CONCLUSION
CHAPITRE 6: DISCUSSION GÉNÉRALE
6.1 EFFET DE LA DOULEUR SUR L’AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE DES PARTICIPANTS LORS DE L’APPRENTISSAGE MOTEUR
6.1.1 Effet de la douleur sur l’amélioration de la performance lors de la phase d’acquisition de l’apprentissage moteur
6.1.2 Effet de la douleur sur la rétention de l’apprentissage moteur
6.2 EFFET DE LA DOULEUR SUR LES STRATÉGIES MOTRICES LORS DE LA PHASE D’ACQUISITION D’APPRENTISSAGE MOTEUR
6.3 IMPLICATIONS DES RÉSULTATS EN LIEN AVEC LA THÉORIE D’ADAPTATION À LA DOULEUR DE HODGES ET TUCKER
6.4 FORCES ET LIMITES DE LA THÈSE
6.5 PERSPECTIVES POUR LA RECHERCHE ET LA PRATIQUE CLINIQUE
CHAPITRE 7: CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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