Effet de la diversité de la végétation sur la macrofaune : expérimentations

Effet de la diversité de la litière sur les diplopodes

Matériel et méthode

Cette expérimentation a été menée pendant 60 jours, de mars à juin 2003, en début de saison sèche. Les diplopodes ont été nourris avec des litières contenant des feuilles d’une à trois espèces d’arbre. Ils ont été récoltés en 2 jours et font partie de l’ordre des Glomeridae. Après une semaine d’élevage, les individus juvéniles les plus vigoureux ont été sélectionnés, et répartis entre traitement de litière de manière à avoir des individus de chaque taille dans chaque traitement. Pour chaque traitement de litière, 10 individus ont été placés et nourris dans 10 boîtes de plastique translucides différentes, fermées par un couvercle percé de trous (dimensions des boîtes : 15x15x6 cm). Les individus ont été mis à jeûne pendant 7 jours avant le début de l’expérience, afin d’éliminer les éventuels biais dus à la nourriture consommée antérieurement. Dix jours après le début de l’expérimentation, les diplopodes ont été mis à jeune pour 3 jours afin d’étudier la réponse des diplopodes par rapport à cette perturbation, en fonction de la diversité de la litière qui leur était offerte. Les boîtes ont été humidifiées régulièrement de manière à maintenir une certaine humidité à l’intérieur des boîtes. Les boîtes ont été vérifiées tous les jours à 8 heures du matin. Les pelotes ont alors été comptées et enlevées des boîtes, afin de les soumettre à une analyse par la NIRS (Near Infrared Reflectance Spectroscopy).

Des litières de 3 niveaux de diversité ont été utilisées pour l’expérimentation : 1, 2 ou 3 espèces de feuilles. Les feuilles utilisées appartenaient aux espèces suivantes : Theobroma grandiflorum (Willd. ex Spreng.) K. Schum. (Cupuaçu), Bertholletia Excelsa (Castanha do para), et une espèce non identifiée appelée localement « barote ». Les feuilles ont été récoltées en forêt, sur le sol. Seules les feuilles non encore attaquées par des animaux, et ne présentant aucun champignon apparent, ont été sélectionnées. Toutes les combinaisons d’espèces ont été utilisées pour l’expérimentation, soit : A, B, C, AB, AC, BC, ABC, avec 10 répétitions par combinaison, afin de prendre en compte les éventuels biais dus à l’effet d’une plante particulière (Huston 1997). Pour chaque traitement, 10 g de feuille (biomasse sèche) ont été attribués, et répartis équitablement entre les espèces de feuille. Les nervures principales ont été enlevées au préalable. Les feuilles ont été changées 2 fois sur la durée de l’expérience. Afin d’analyser les échantillons par la méthode de la NIRS, nous avons préalablement séché à l’étuve les pelotes fécales, puis les avons tamisées à 1mm. Les pelotes ont été enfin resséchées la nuit précédant les analyses, afin d’homogénéiser l’humidité entre les différents échantillons. La NIRS permet de caractériser un échantillon en faisant un spectre qui traduit sa composition en liaisons chimiques (Joffre et al. 1992 ; Gillon & David 2001. Chaque type de liaison chimique renvoie les infrarouges dans une gamme de longueur précise, avec une intensité précise, ce qui permet l’obtention d’un spectre de réflectance à la fois qualitatif et quantitatif. Cependant pris tel quel, le spectre ne donne pas d’information sur la nature des liaisons présentes. Pour cela il faut établir la relation entre le spectre et le type de liaison cherchée en étalonnant un modèle à partir d’échantillons de composition connue.

Analyses statistiques

L’effet du niveau de diversité de la litière sur les taux de mortalité et de mue a été testé par test de χ2 entre les fréquences observées et une distribution théorique où il n’y aurait aucun effet des traitements, avec p=0,05. L’effet du niveau de diversité sur la production de structures biogéniques a été testé par ANOVA à un facteur, à mesures répétées. Les spectres NIRS ont été étudiés après discrétisation du spectre en 25 classes de longueur d’onde. Parmi celles – ci, les 7 les moins corrélées ont été utilisées pour faire une ordination par ACP.

Résultats 

Taux de survie et taux de mue

La litière n’a pas d’effet significatif sur le taux de mortalité, ni sur celui des taux de mue des diplopodes. Dans les litières avec une seule espèce de feuille, la mortalité est de 32 %, dans celle à 2 espèces de feuilles elle est de 36%, et dans les litières avec toutes les espèces (3 espèces), elle est de 40 % . L’identité des feuilles n’a pas d’effet sur le taux de mortalité et sur le taux de mue des diplopodes. Lorsque l’on considère l’effet de la feuille A indépendamment du niveau de litière respectif, le taux de mortalité est de 35%, avec la feuille B elle est de 37%, et avec la feuille C elle est de 36%.

Avec une espèce de feuille, le taux de mue est 24%, avec 2 espèces il est de 32%, avec 3 espèces, il est de 20%. Dans les litières où la feuille A est présente, le taux de mue est de 28%, dans celles avec la feuille B il est de 29%, dans celles avec la feuille C, il est de 24%, lorsque l’on considère les litières avec tous les niveaux de diversité.

Productivité en structures biogéniques (pelotes fécales) par les diplopodes

La quantité de pelotes produites par jour par individu croît pendant les 5 premiers jours, quel que soit le traitement, et la production n’est pas différente selon le niveau de diversité de la litière. La production journalière atteint jusqu’à 18 (n sp = 1 et 3) et 26 (n sp = 3) pelotes par individu par jour. La production de pelotes fécales diminue sensiblement entre le 6 et le 10ème jours, en réponse à la mise à jeûne. Elle atteint 1 crotte par jour le 10ème jour, quelque soit le niveau de diversité de la litière. Après le 10 ème jour, les productions en pelotes augmentent, suite à la remise de nourriture. Elles atteignent toutes la productivité maximale de l’expérimentation entre le 12ème ou 15ème jour, quelle que soit la diversité en feuille de la litière, et est alors de 40 à 43 pelotes par jour par individu en moyenne. Après ce pic, la productivité chute brusquement à 20 pelotes par jour par individu en moyenne le 16ème jour, quel que soit le niveau de diversité de la litière. Après le 16ème jour la productivité en pelotes fécales diminue lentement jusqu’à la fin de l’expérimentation, et vaut alors 2 à 7 pelotes par jour. Pendant cet intervalle de temps, aucune différence de productivité n’est significative entre les différents niveaux de litière. Dans l’ensemble les productivités sont très similaires entre niveau de diversité de litière jusqu’au 15ème jour, puis elles présentent des variations indépendantes.

Discussion sur l’effet de la diversité spécifique de la litière sur les diplopodes

La diversité de la litière n’a affecté aucun paramètre comportemental des diplopodes, qu’il s’agisse des taux de mortalité, de mue, ou d’activité. L’hypothèse que la diversité des ressources influence les individus même n’est donc pas supportée par ces résultats. D’autre part l’ espèce des feuilles n’a pas non plus d’effet sur les diplopodes. Ceci suggère que les diplopodes ne sont pas très sélectifs vis à vis des feuilles. Cependant, nos observations pendant l’élevage ou en milieu naturel, ainsi que la bibliographie (Dangerfield & Kaunda 1994 ; Kheirallah 1979), montrent que les diplopodes peuvent présenter des préférences pour certaines feuilles. L’absence d’effet diversité de la litière dans notre étude peut également être expliquée par le protocole expérimental. En premier lieu, nous avons comparé des litières qui ne comportaient que 1 à 3 espèces de feuilles, c’est à dire bien peu par rapport aux 15 à 30 espèces de feuilles fréquemment trouvées dans la litière au dessus de chaque bloc TSBF à Benfica. D’autre part nous n’avons pas de chiffres décrivant les propriétés chimiques de ces feuilles, ce qui ne permet pas de savoir si les feuilles représentaient un gradient d’appétence ou d’aptitude à la décomposition. Par ailleurs, il est possible que l’espèce de diplopode utilisée pour l’expérimentation ne se nourrissent que rarement sur des feuilles dans le milieu naturel. Le spectre enzymatique de cette espèce (chapitre 3.4.2 p.80), (diplopode diBlc), montre que ces diplopodes présentent peu d’activités enzymatiques de manière générale (sur les substrats testés), et que ces dernières concernent plutôt les molécules facilement dégradables, c’est à dire les feuilles peu dégradées, mais aussi par exemple les fruits ou les champignons. Nous manquons d’observations afin de trancher sur ce point. Par ailleurs, l’analyse des spectres NIRS montre très clairement que les pelotes fécales se ressemblent d’autant plus, du point de vue chimique, qu’elles ont été produites à partir de litière de richesse spécifique élevée. Cela signifie premièrement que les diplopodes ont mangé de toutes les espèces de feuilles, et deuxièmement que les diplopodes sont capables de brasser la litière et mettent en contact des matières organiques issues de feuilles d’espèces différentes. Dans le milieu naturel, de par leur action de sélection et d’ingestion, ils peuvent fractionner et mélanger des composants de lieux divers, qui n’auraient jamais été réunis sans leur action. Cette action peut revêtir une importance majeure dans les processus de dégradation de la matière organique, de par cette mise en contact d’éléments hétérogènes, qui peuvent ainsi concentrer dans l’espace toute une gamme de qualités différentes de matière organique, à l’échelle d’une structure aussi petite qu’une pelote fécale. Cette proximité peut être indispensable pour les bactéries en particulier, qui sont immobiles, et a déjà été mis en évidence dans le sol avec l’action des vers de terre (« concept de la belle au bois dormant », Brown et al. 2000). D’autre part, ce mélange peut être bénéfique pour les animaux se nourrissant des dérivées des pelotes fécales. Bien que la question soit étudiée depuis longtemps, il n’est pas encore clair si le transit digestif des feuilles au sein des diplopodes active la microflore bactérienne ou fongique de la matière organique, et sur quelle durée. Certaines études montrent une augmentation de l’activité ou de la biomasse bactérienne (Anderson & Bignell 1980 ; Hanlon 1981a ; Hanlon 1981b), une réduction de la biomasse fongique (Hanlon 1981b), alors que d’autres ne montrent pas d’effet dû à l’ingestion de la litière (Nicholson & Bocock 1966 ; Maraun & Scheu 1996). Le processus serait apparemment différent selon le climat, et l’espèce considérée. Cependant aucune expérience, à notre connaissance, n’a été entreprise afin de vérifier si le brassage de feuilles d’espèces différentes augmentait l’activité microbienne ou la vitesse de décomposition.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Synthèse bibliographique : biodiversité et échelle
1.2 Objectifs de l’étude
1.3 Facteurs étudiés
2 Matériel et méthode
2.1 Le site d’étude : Benfica, un exemple type de localité des fronts pionniers
2.2 Méthodologie
3 Etude au niveau du paysage
3.1 Dynamique du paysage
3.2 Déterminants paysagés de la macrofaune
3.3 La structure de la communauté de la macrofaune du sol selon le type d’occupation du sol
3.4 Profil écologique des espèces
3.5 Simulation de l’évolution du paysage et de la richesse spécifique de la macrofaune dans les prochaines années à venir, sous différentes hypothèses
4 Etude au niveau de la parcelle
4.1 Variabilité de la macrofaune du sol au sein des pâturages
4.2 Variabilité de la macrofaune du sol en milieu arboré
5 Effet de la diversité de la végétation sur la macrofaune : expérimentations
5.1 Effet de la diversité de la litière sur les diplopodes
5.2 Effet de la diversité végétale sur les vers de terre
6 Discussion méthodologique des résultats
6.1 Comparaison entre une modélisation par régressions multiples et par réseaux de neurones (perceptron)
6.2 Optimisation de l’effort d’échantillonnage pour avoir une bonne perception de la faune du sol en un endroit donné
6.3 Influence de la taille du quadrat d’échantillonnage sur notre perception de la communauté de la macrofaune du sol
7 Conclusion générale
7.1 Influence de la coupe de la forêt sur la macrofaune du sol, à Benfica
7.2 Les facteurs qui influencent la macrofaune du sol à Benfica
7.3 Relations entre la diversité végétale et la diversité de la macrofaune du sol
7.4 Perspectives
8 Références bibliographiques
9 Annexes

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