Une intervention chirurgicale est source d’anxiété chez 18 à 60% des enfants notamment lors de la séparation parentale et est à l’origine de trouble du comportement en post‐opératoire . Les prémédications anxiolytiques largement utilisées en pédiatrie sont remises en question dans le cadre des programmes de récupération accélérée après chirurgie (RAAC) devant un allongement de la durée de réveil et une augmentation du risque de réaction paradoxale . Actuellement des techniques non pharmacologiques de distraction se développent pour diminuer l’anxiété péri‐opératoire. Ainsi les jeux vidéo , la réalité virtuelle , la musicothérapie , entre autres sont associées à une baisse de l’anxiété préopératoire.
En 2018, un organisme caritatif a offert à notre institution trois voitures électriques qui sont utilisées de façon quotidienne chez les enfants admis pour chirurgie programmée ambulatoire. De précédentes études ont rapporté que le transport en voitures électriques ou chariots permettait de réduire l’anxiété pédiatrique . L’objectif principal de notre étude était donc de montrer l’effet sur l’anxiété préopératoire de la distraction péri‐opératoire avec l’utilisation de voiture électrique chez les enfants admis pour chirurgie ambulatoire programmée. Les objectifs secondaires étaient d’évaluer les niveaux d’anxiété, de douleur et d’agitation des enfants ; ainsi que l’anxiété parentale.
Matériels et méthodes
Le design de l’étude
Notre étude prospective, randomisée, contrôlée, sans aveugle, construite en deux bras parallèles a été conduite de septembre 2019 à septembre 2021 dans l’unité de chirurgie ambulatoire pédiatrique à l’Hôpital Nord à Marseille. La randomisation n’a pas été effectuée sur une échelle individuelle mais à partir de périodes d’inclusions. Le protocole de l’étude a été approuvé par le comité de protection des personnes, un organisme indépendant, le 6 mai 2019 (2019‐A00531‐56). Il a également été enregistré auprès de la commission nationale de l’informatique et des libertés le 20 décembre 2016 (2018172v0). Les parents ont été informés de l’enregistrement de leurs données pour la recherche clinique, en accord avec la loi et les recommandations éthiques françaises. La méthodologie de l’étude a suivi les recommandations CONSORT .
La population étudiée
Les enfants éligibles étaient âgés de deux à dix ans, pesaient moins de 35kg (poids maximal autorisé pour les voitures électriques) et étaient admis au bloc opératoire pour des chirurgies ambulatoires Oto‐rhino‐laryngologiques et ophtalmologiques. Les enfants non‐coopérants, présentant une altération cognitive ou physique empêchant l’utilisation des voitures électriques en sécurité, ou admis pour une chirurgie en urgence ont été exclus. Les enfants devaient être affiliés à un régime de sécurité social. Le consentement a été recueilli auprès de chaque parent ou de chaque représentant légal après une information éclairée sur le protocole de l’étude.
La sélection des patients était réalisée pendant la consultation d’anesthésie au moins 48h avant la chirurgie, les enfants avec leurs parents avaient donc une période minimale de réflexion pour décider de leur participation à l’étude. Dans le groupe contrôle, les enfants étaient transportés en salle d’opération avec un brancard pédiatrique ; alors que dans le groupe intervention le transport s’effectuait en voiture électrique conduite soit par l’enfant lui‐même soit par l’équipe médical avec une télécommande.
Les critères de jugement
L’objectif principal était d’évaluer l’effet de la distraction par des voitures électriques sur l’anxiété préopératoire chez les enfants admis pour chirurgie ambulatoire, comparé au transport standard en brancard. L’anxiété a été mesurée par l’échelle « modified Yale Preoperative Anxiety Score » (m‐YPAS). Ce score composé de 22 items répartis en 5 catégories : activités, comportement verbal, expression, éveil, attitude avec les parents, est compris entre 23 et 100 permettant de définir trois niveaux d’anxiété : <24 un enfant non anxieux, 24‐30 un enfant anxieux, et >30 un enfant très anxieux.
Les objectifs de jugement secondaires étaient d’évaluer l’anxiété préopératoire des enfants en comparant l’incidence des enfants non anxieux, anxieux et très anxieux avec le score de m‐ YPAS à trois moments différents (dans le service de chirurgie ambulatoire, à l’entrée du bloc opératoire et à l’arrivée en salle d’opération) ; ainsi que le profil d’anxiété des enfants avec l’échelle « Preschool Anxiety Scale Revised» (PAS‐R) et celle de leurs parents par l’échelle « State‐Trait Anxiety Inventory » (STAI) . La compliance à l’induction anesthésique a été également mesurée par l’échelle « Induction Compliance Checklist » (ICC) 16 en salle d’opération. De plus la douleur et l’agitation ont été évaluées en salle de réveil respectivement par les échelles « Face Legs Activity Cry Consolability » (FLACC) et « Paediatric Anaesthesia Emergence Delirium » (PAED) . Tous les scores et les échelles utilisées dans cette étude sont présentés dans les suppléments.
Le protocole de l’étude
Dans le but d’améliorer la compliance au protocole et d’éviter un biais de contamination, la randomisation n’a pas été construite sur un niveau individuel, mais sur des périodes d’inclusion : des semaines entières étaient consacrées à l’utilisation de voitures électriques pour l’ensemble des enfants admis en chirurgie ambulatoire et des semaines avec l’utilisation exclusive de brancards pédiatriques. Les chirurgies étaient programmées de façon indépendante par l’équipe chirurgicale en aveugle de l’utilisation ou non des voitures électriques.
Le protocole d’anesthésie était similaire dans les deux groupes excepté sur le moyen de transport entre l’entrée du bloc opératoire et la salle d’opération. Dans notre institution, les parents accompagnent leurs enfants jusqu’à l’accueil du bloc opératoire. Ensuite, les enfants sont pris en charge par l’équipe d’anesthésie et accompagnés jusqu’à la salle d’opération selon la modalité de leur groupe de randomisation. Aucune prémédication anxiolytique n’était prescrite dans aucun des deux groupes. Les modalités du jeûne préopératoire et du report d’intervention en cas d’infection des voies aériennes supérieures suivaient les recommandations en vigueur . Dans le bloc opératoire, le monitorage standard consistait en la mesure de la pression non invasive, de l’oxymétrie, et de l’électrocardiogramme. L’induction anesthésique était inhalée avec du sevoflurane et du sufentanil à 0,2 µg.kg‐1. L’anesthésie était maintenue avec le même gaz halogéné à une concentration minimum alveolaire (MAC) cible autour de 1 (± 0,2). La gestion des voies aériennes était laissée à la discrétion de l’anesthésiste en charge de l’enfant. En prévention des douleurs et nausées post‐ opératoires : du paracétamol, des anti‐inflammatoires, du droperidol ou de la dexaméthasone pouvaient être utilisés en l’absence de contre indication. Après la chirurgie, les enfants étaient transférés en SSPI (salle de surveillance post‐interventionnelle) pédiatrique où ils retrouvaient leurs parents. Ils étaient autorisés à la reprise des liquides clairs dès qu’ils en faisaient la demande après leur réveil ; puis ils étaient autorisés à sortir de l’hôpital 6h après la chirurgie si le score de sortie était ≥ 8 « post‐Anesthetic Discharge Scoring System » (PADS‐S) .
Les caractéristiques démographiques, anesthésiques et les données post‐opératoires étaient enregistrées. Le résultat des échelles et scores a été recueilli à chaque étape de l’étude par un membre de l’équipe d’anesthésie (médecin anesthésiste ou une infirmière anesthésiste diplômée d’état IADE) ayant reçu une formation spécifique avant sa participation. Le score m‐ YPAS était évalué à l’arrivée dans le service de chirurgie ambulatoire, à l’entrée du bloc opératoire, et à l’arrivée en salle d’opération. Les scores PAS‐R et STAI, quant à eux, ont été recueillis à l’arrivée dans le service d’ambulatoire. L’ICC a été réalisé juste avant l’induction anesthésique dans la salle d’opération. Les scores FLACC et PAED ont été fait au moment du réveil anesthésique en salle de réveil.
L’analyse statistique
Le calcul de la taille de l’échantillon a été basé sur l’hypothèse formulée dans l’objectif principal, en accord avec les données de précédentes études . Pour détecter une différence significative de 10 points (± 5 écarts‐types) sur le score m‐YPAS à l’arrivée en salle d’opération entre les deux groupes, avec une puissance de 90% et un risque alpha de 5%, la taille de l’échantillon devait être de 98 patients. En considérant 10% de données manquantes pour l’objectif de jugement principal, l’échantillon final devait inclure 110 patients. L’analyse statistique a été menée en intention de traiter par le logiciel SPSS (IBM, USA) avec un seuil de significativité́ fixé à 5%.
Les scores des différents questionnaires étaient calculés selon les algorithmes fournis par leurs développeurs . L’analyse descriptive des caractéristiques initiales a été présentée par groupe (âge, genre, antécédents de précédente anesthésie, utilisation d’analgésie post‐ opératoire). La moyenne des scores m‐YPAS à l’arrivée en salle d’opération (critère de jugement principal) a été comparée entre les deux groupes avec le test de Student. Les critères de jugement secondaires ont été comparés avec des tests adaptés à la nature de la variable évaluée (test du X2 ou test de Fisher pour les variables qualitatives, et les tests de Student ou Mann Whitney pour les variables quantitatives). L’évolution du score de m‐YPAS au cours du temps entre les groupes a été réalisé avec un modèle linéaire prévu pour des mesures répétées.
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Table des matières
I. Introduction
II. Matériels et méthodes
III. Résultats
IV. Discussion
V. Conclusion
VI. Bibliographie
VII. Annexes