Etude des effets des EMF in vivo
Au point de départ se trouve le rapport Wertheimer – Leeper (1979) sur les risques accrus de leucémie (2 à 3 fois) chez les jeunes enfants soumis dans leurs lieux d’habitation, à des champs magnétiques de 60 Hz plus intenses que ceux régnant normalement dans un environnement domestique (Wertheimer and Leeper 1979). Il a été suivi de nombreuses autres études épidémiologiques plus affinées (Wertheimer and Leeper 1987; Wertheimer et al. 1995) et corrélées avec des mesures précises des champs puis par des études s’attaquant directement aux problèmes des causes et des effets des rayonnements ELF sur le vivant (Pool 1990a). Un résumé des études épidémiologiques a été publié dans un éditorial de la revue Science (Stone 1992). L’effet physiologique le mieux cerné, produit par des ELF sur l’animal, est la diminution de la production nocturne de mélatonine, hormone essentielle synthétisée principalement dans la glande pinéale (John et al. 1996; Reiter 1998). La sécrétion de mélatonine est régulée par le système noradrénergique et la lumière, selon un rythme circadien déterminant un pic entre minuit et 4 h; cela quelque soit l’espèce animale, diurne ou nocturne. Si ces études se confirment, cela prouverait une action physiologique des ELF, point crucial puisque, selon Adair, aucun des effets biologiques attribués aux ELF n’est envisageable puisque il n’y a aucune base physique pour en rendre compte (Adair 2003).
Etude des effets des EMF in vitro (systèmes cellulaires et/ou moléculaires)
En ce qui concerne les effets biologiques des ELF sur les systèmes cellulaires, on peut citer plusieurs revues (Blank 1995b; Blank 1995a; Lacy-Hulbert et al. 1998). Quelques principaux résultats expérimentaux (modulation des flux calciques, de la synthèse de ARN et ADN, croissance cellulaire…) sont abordés par quelques laboratoires indépendants (Conti et al. 1983; Byus et al. 1988; Fitzsimmons et al. 1989; Lefebvre et al. 1992). Bien qu’un certain nombre d’hypothèses soient avancées, ni les mécanismes d’action ni la cible de l’interaction onde-matière (membrane, ions, ADN, ..) ne sont connus. L’activité de nombreuses enzymes semble également être modulée par des ELF. Les systèmes enzymatiques les plus étudiés sont l’ornithine-décarboxylase, enzyme nécessaire à la réplication de l’ADN ; la Na+ / ATPase, qui joue un rôle clé dans la transmission du potentiel d’action membranaire et les proteines kinases C jouant un rôle régulateur dans le cycle cellulaire (Byus et al. 1988; Fitzsimmons et al. 1989). Dès 1988, Byus et al, avaient noté que l’activité de l’ornithine-décarboxylase doublait lorsque des fibroblastes de souris (L929) en phase proliférative étaient exposés à des EMF sinusoïdaux de 50 ou 60 Hz, 1 à 100 µT pendant 4 h. Les modulations des activités de l’enzyme Na+ / ATPase ont fait l’objet d’importants travaux (Frey 1993; Lacy-Hulbert et al. 1998). Les auteurs utilisent soit des cellules entières (globules rouges) soit des préparations (Tsong et al. 1976; Blank 1992; Tsong 1992). D’après Tsong (Tsong and Astumian 1987; Tsong and Astumanian 1988; Tsong and Chang 2003), un champ pourrait directement moduler une activité enzymatique en induisant un changement conformationnel (Electroconformational Coupling model). Blank quant à lui propose une action indirecte des champs via l’accumulation d’ions à la surface de la membrane qui activeraient l’enzyme (Blank 1992; Blank 1995a)
Rappel des quelques propriétés de l’eau
L’eau a toujours été considérée comme une composante essentielle de la structure et du métabolisme de tous les êtres vivants. Son rôle biologique est dû à ses propriétés physiques et chimiques hors du commun (densité maximale à 3,98°C, tension superficielle élevée à 72,7 mN/m à 20°C, viscosité de 8,9.103 P, moment dipolaire électrique µ = 1,83 D, permittivité relative à 25°C : εr=78,3, …). De par sa nature de dipôle électrique, la molécule d’eau peut suivre l’évolution d’un champ électromagnétique. C’est ainsi que dans le cas d’un champ oscillant, elle suivra ses variations d’orientations jusqu’à une certaine fréquence limite. Son agitation, ses rotations, induites par le champ oscillant, sont alors source d’échauffement dû aux frottements avec les molécules voisines, ce phénomène est appelé pertes diélectriques. Celui-ci disparaît si la fréquence devient trop élevée. Pour l’eau, des fortes pertes diélectriques sont observées pour des fréquences comprises entre 1et 100 GHz (Angell 1982). L’organisation de l’eau sous la forme de réseau continu, par les liaisons hydrogène est à l’origine de la plupart de ses propriétés physiques. Les molécules d’eau se lient et se libèrent 1012 fois par seconde (Teixeira 1999). L’établissement d’une liaison hydrogène entre deux molécules d’eau entraîne une modification de leur polarisation qui a pour effet de rendre les deux atomes d’oxygène, le receveur et le donneur, respectivement, plus puissamment donneur et receveur qu’avant. Ils peuvent alors engendrer des liaisons plus fortes, plus courtes et plus rectilignes avec d’autres molécules d’eau (Stillinger 1980). C’est l’effet coopératif. On trouve plus particulièrement ces liaisons dans la glace et dans certaines formes d’eau organisée. Cet effet est contré par l’agitation thermique dans l’eau liquide où la liaison devient alors plus faible et plus déformable, pour une revue voir (Mentré 1995). Il pourrait cependant se former des agglomérats plus ou moins stables d’un plus ou moins grand nombre de molécules d’eau, nommées clusters. La stabilité des clusters dépend du caractère coopératif des liaisons hydrogène. Watterson parle de clusters de molécules d’eau ayant une existence moins éphémère (que 1012 s) et du même ordre de grandeur que les constituants macromoléculaires de la cellule. L’extérieur de la cellule, densément peuplé de macromolécules, ne contiendrait pas de clusters organisés parce que dans l’eau bulk, les fluctuations thermiques les déstabilisent (Watterson 1988), (Watterson 1991). La coopérativité des liaisons hydrogène joue un rôle clé dans les propriétés fondamentales de l’eau liquide, pour une revue voir (Mentré 1995). La coopérativité de l’eau liquide est prépondérante dans des conditions de saturation jusqu’à des températures de l’ordre de 230°C (Luck 1998). L’adsorption anormale de l’eau sur les surfaces illustre l’importance de ces propriétés de coopérativité. En effet la vapeur d’eau s’adsorbe en monocouche jusqu’à une valeur de saturation d’eau adsorbée, mais au-delà d’une humidité relative d’environ 50% un mécanisme d’une seconde adsorption démarre : la monocouche peut former des liaisons coopératives avec plus de molécule d’eau (Luck 1998). L’eau et la glace sont assez mauvais conducteurs électroniques. Par contre la glace est un bon conducteur de protons. Selon Maréchal, lorsqu’un proton orienté par un champ électrique arrive à l’extrémité d’une file de molécules liées par des liaisons d’hydrogène, il va se produire une cascade de transfert d’énergie (Maréchal 1989), (Klotz 1962).
Les EMF et les colloïdes
Dans de nombreuses études, l’action des EMF référencée indiquent des effets sur les systèmes colloïdaux. Les forces de Lorentz sont mises en avant pour expliquer cette action sur ces particules chargées véhiculées par un fluide en mouvement. Gamayunov a calculé que lorsque l’eau circulait à une vitesse de 2 m/s à travers un champ magnétique statique de 0,1 T, la force de Lorentz générée est suffisante pour provoquer une distorsion de la double couche électrique d’ions entourant les particules colloïdales. Cette force perpendiculaire à la direction du champ magnétique et du flux guiderait les ions de charges opposées dans des directions contraires. Ceci induirait un échange ionique entre la couche intérieure de Stern stable et la couche extérieure diffuse entraînant un état métastable, dont la durée de relaxation s’étendrait sur plusieurs jours (Gamayunov 1983).
Les EMF et l’eau
Peu de recherches montrant l’interaction des champs électromagnétiques sur de l’eau pure ont été faites. Ce constat est corrélé avec le fait que de nombreuses études théoriques mettent en avant que les propriétés chimiques de l’eau pure ne peuvent pas être modifiées par un traitement magnétique. En effet, l’idée d’un changement de la structure des molécules d’eau par un traitement magnétique a été critiquée parce que l’énergie générée par un champ magnétique est faible par rapport à celle de l’agitation thermique. Comme nous venons de le voir, l’effet de l’action des champs électromagnétiques est en général étudié sur des solutions aqueuses (ioniques et/ou colloïdales, etc…) ce qui ne permet pas d’isoler la contribution intrinsèque de l’eau. Ici nous allons présenter les quelques expériences sur l’effet des EMF sur de l’eau « pure » : La molécule d’eau étant un dipôle électrique, elle peut s’aligner dans un champ électrique. Cette caractéristique d’alignement doperait la forme normale de la glace hexagonale avec les ions hydroxydes (Fukazawaa et al. 1998). Bramwell montre l’effet d’une source électrostatique sur le mouvement d’un courant d’eau (Bramwell 1999). L’eau étant diamagnétique, elle peut léviter dans une atmosphère paramagnétique (air ou de l’oxygène pressurisé à plus de 12 atm) avec un champ magnétique d’intensité extrêmement élevée de 10 T (Ikezoe et al. 1998).
Essais et mise au point du traitement électromagnétique
Comme nous l’avons expliqué plus haut, notre objectif était centré sur les basses fréquences et les faibles intensités des champs électromagnétiques. A partir de là, une très vaste gamme de choix de traitements s’ouvrait à nous. Nous l’avons réduite en retenant exclusivement les expériences publiées dans la littérature, citées au chapitre I notamment (Blackman et al. 1985b; Blackman et al. 1985a; Blackman et al. 1991; Blackman et al. 1996), (Bassett 1985; Bassett 1989; Bassett 1993). Nous présentons ci-dessous les plages de fréquence, de modulation et d’intensité que nous avons explorées. Nous indiquons simultanément les techniques que nous avons utilisées pour les obtenir (qui ont parfois limité elles aussi les caractéristiques réalisables pour les champs) ainsi que la chambre de traitement que nous avons mise au point. Les champs électromagnétiques ont été générés par une bobine solénoïdale (de diamètre 50 mm, 80 mm de haut, fil de cuivre, 4367 tours/m, d’inductance L = 3 mH, résistance ohmique 3 Ω dans laquelle on envoie un courant alternatif modulé d’intensité efficace de 3,8×10-3 à 480 mA, permettant d’obtenir au centre de la bobine un champ magnétique efficace compris entre 18 µT et environ 2,3 mT et un champ électrique efficace de 0,06 à 7,9 mV/m. Le courant périodique est fourni par un générateur de fonction (Agilent 33120A), pouvant délivrer des signaux de différentes formes (sinusoïdale, carrée, triangulaire). Nous avons choisi la gamme de fréquences de 3 Hz à 50 kHz et exploré les différentes formes de signal. Ce courant est modulé par un dispositif électronique que nous avons mis au point pour notre étude. Il génère des fenêtres temporelles rectangulaires de largeur ajustable laissant passer ou stoppant le signal électrique périodique (cf. chapitre III). Nous avons exploré des fenêtres de 1 à 13 secondes avec des durées inégales passantes et non passantes. Le courant électrique périodique modulé est ensuite amplifié sans distorsion par un amplificateur courant (modèle 467A, Hewlett-Packard) et appliqué pendant une durée que nous avons fait varier de 15 minutes à 16 heures. Les intensités atteintes ne produisent qu’un échauffements négligeable de la bobine solénoïdale placée au centre d’une enceinte fermée (cf. chapitre III). Les travaux de Blackman mettant plus particulièrement en évidence le rôle de l’orientation du champ électromagnétique appliqué par rapport au champ magnétique statique ambiant, de l’intensité de ce dernier et des variations de température sur l’action du champ électromagnétique sur un système biologique (Blackman et al. 1985b; Blackman et al. 1985a; Blackman et al. 1991; Blackman et al. 1996), nous avons mesuré le champ magnétique statique dans notre enceinte de traitement, disposé la bobine de traitement verticalement ou horizontalement par rapport à sa direction et enregistré les variations de température dans les échantillons durant le traitement. Nous avons également effectué quelques tests avec des champs magnétiques statiques, notamment pour les expériences réalisées avec l’eau en écoulement. Nous avons utilisé des aimants permanents de 0,3 T disposés autour de l’échantillon avec pôle inversé ou pas comme dans l’étude de Gabrielli (Gabrielli et al. 2001).
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Table des matières
Introduction
I ) Contexte du sujet
I.1.) L’interaction des champs électromagnétiques (EMF) avec des systèmes biologiques
I.1.1.) Etude des effets des EMF in vivo
I.1.2.) Etude des effets des EMF in vitro (systèmes cellulaires et/ou moléculaires)
I.1.3.) Influence des différents paramètres des EMF
I.1.4.) Réflexions sur l’ensemble de ces études
I.2.) Influence des champs électromagnétiques sur les solutions aqueuses
I.2.1.) Rappel des quelques propriétés de l’eau
I.2.2.) Eau interfaciale
I.2.3.) Les EMF et les solutions salines
I.2.4.) Les EMF et l’eau
I.3.) Conclusion
I.4.) Références bibliographiques
A) PREMIERE PARTIE : premier protocole expérimental
II ) Première étape de l’étude de l’effet des EMF sur les propriétés physico-chimiques de l’eau
II.1.) Introduction
II.2.) Premier protocole de préparation des échantillons
II.2.1.) Eau pure
II.2.2.) Modèle d’eau potentiellement organisée
II.2.3.) Nature des récipients
II.3.) Essais et mise au point du traitement électromagnétique
II.4.) Premiers essais de techniques de caractérisation
II.4.1.) Modèle biologique : étude de la cinétique de fluorescence de chromatophores de bactéries pourpres dans des micelles inverses
II.4.2.) Premières expériences de caractérisation physique de l’eau exposée
II.5.) Mise en évidence de l’effet d’une pollution chimique
II.5.1.) Protocoles et techniques optiques de caractérisation
II.5.2.) Résultats et discussion
II.6.) Conclusion
II.7.) Références bibliographiques
B) DEUXIEME PARTIE : nouveau protocole expérimental
III ) Première étape d’études de l’effet des EMF sur les propriétés physico-chimiques de l’eau
III.1.) Introduction
III.2.) Matériels et méthode
III.2.1.) Réactifs
III.2.2.) Boite à gants
III.2.3.) Cages d’isolation, boites de stockage
III.2.4.) Traitement de l’eau
III.2.5.) Mesures
III.2.6.) Protocole de préparation des échantillons
III.3.) Références bibliographiques
IV ) Effet du champ électromagnétique de basse fréquence pulsé sur de l’eau purifiée, caractérisé par diffusion élastique de la lumière
IV.1.) Introduction
IV.2.) Rappel des caractéristiques des échantillons
IV.3.) Technique d’études : diffusion élastique statique et dynamique de la lumière
IV.3.1.) Diffusion statique de la lumière
IV.3.2.) Diffusion dynamique de la lumière
IV.4.) Résultats et discussion
IV.4.1.) Nucléation et stabilisation des bulles
IV.4.2.) Effets du champ électromagnétique
IV.5.) Conclusion
IV.6.) Références bibliographiques
V ) Effet du champ électromagnétique de basse fréquence pulsé sur de l’eau purifiée, caractérisé par spectroscopie de photoluminescence : rôle de l’interface bulle/eau?
V.1.) Introduction
V.2.) Rappel des caractéristiques des échantillons
V.3.) Technique d’étude : spectrophotométrie de photoluminescence
V.4.) Résultats
V.5.) Discussion
V.6.) Conclusion
V.7.) Références bibliographiques
Conclusion et perspectives
Références bibliographiques
Annexe
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