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Mesure de la ségrégation du bore aux joints de grains
L’un des objectifs de cette thèse est de quantifier expérimentalement la teneur en bore aux joints de grains austénitiques. Peu d’études expérimentales ont été menées sur la quantification de la ségrégation du bore [27] [35–38]. Il y a deux raisons principales à cela. Premièrement le bore est un élément léger dont la quantification pour des teneurs nominales généralement inférieures à 100 ppm dans les aciers nécessite une limite de détection et de quantification très basse. Sa loca-lisation dans un joint de grains, dont l’épaisseur avoisine 1 nm, nécessite également une bonne ré-solution spatiale. Aussi, peu de techniques d’analyses permettent d’approcher de telles exigences. La seconde raison est liée à la ségrégation qu’adopte le bore dans les aciers puisqu’il peut ségréger par les deux mécanismes de ségrégation à la fois. Cette coexistence complique donc l’identifica-tion expérimentale des proportions apportées par chacune d’elles et leurs possibles interactions. L’étude expérimentale de la ségrégation intergranulaire date de la fin des années 60 [39] avec l’au-toradiographie, puis dans les années 70 [40] avec l’imagerie ionique au SIMS. Voici une liste des techniques parmi les plus répandues qui permettent aujourd’hui d’étudier la ségrégation inter-granulaire, en se limitant à celles ayant permit l’étude de la ségrégation intergranulaire du bore dans un joint de grains. On sélectionnera parmi ces techniques celle qui sera la plus adaptée pour quantifier le bore aux joints de grains austénitiques.
Autoradiographie (PTA)
L’Autoradiographie, de l’anglais Particle Tracking Autoradiography (PTA), est l’une des pre-mières techniques utilisées dans l’étude de la ségrégation du bore [39] [41, 42]. Elle permet d’ob-server qualitativement la ségrégation intergranulaire à partir de la détection de particules alphaémises par des noyaux radioactifs lors d’une irradiation. Lorsque le bore contenu dans l’acier est irradié par des neutrons thermiques dans un réacteur à 140°C, également appelés neutrons lents, des particules alpha sont émises. La réaction de fission associée au bore, notée 10B(n,fi)7Li , est décrite en équation 1.16. En plaçant alors un film d’acétate de cellulose, ou encore de nitrate de cellulose, sur la surface polie d’un échantillon, il est possible de révéler chimiquement les impacts des particules alpha émises sur le film en le plongeant dans une solution révélatrice fortement alcaline. La distribution des atomes de bore est ensuite directement observable sur le film par micrographie optique (figure 1.24). 10B ¯1 n !7 Li ¯4 He(fi) (1.16)
Le bore est un excellent absorbant neutronique qui est notamment fréquemment utilisé dans les centrales nucléaires. Il doit sa qualité absorbante à la présence d’un isotope pour lequel la pro-babilité de réaction avec les neutrons est très élevée (environ 3800 barn, avec 1 barn = 10¡28m2), le bore 10 (10B). A l’état naturel le bore présente pourtant deux isotopes, le bore 10 présent à 20%, et le bore 11 (11B) présent à 80% [43] mais dont la probabilité de réaction est très faible (5 barn). L’essentiel des réactions a donc lieu avec le 10B, le désintégrant en un noyau de lithium-7 (7Li ) et un noyau d’hélium (He).
Cette technique permet donc d’observer la distribution du bore et de révéler une différence de concentration entre les joints de grains. La sensibilité à la détection de cette méthode est proche de 1 ppm [44] avec une résolution spatiale d’environ 2 „m [33], ce qui est encore bien trop élevé pour observer la distribution des atomes de bore dans un joint de grains dont l’épaisseur est inférieure à 1 nm.
Spectroscopie d’électrons Auger (AES)
La Spectroscopie d’électrons Auger, de l’anglais Auger electron spectroscopy (AES), est une tech-nique populaire pour l’étude de la ségrégation intergranulaire [45–47]. C’est une méthode d’analyse de surface qui permet, à partir de la fracture du joint de grains, de détecter et quantifier (par mesure de l’intensité des raies des éléments détectés) la ségrégation de solutés aux joints de grains sur quelques nanomètres de profondeur. Sa résolution spatiale approche les 10 nanomètres pour une sensibilité qui peut atteindre le pourcent atomique.
L’appareil est équipé d’un canon électronique pour bombarder la surface de l’échantillon et d’un détecteur permettant de collecter les électrons Auger issus des interactions de la surface de l’échantillon avec le faisceau incident. Ces électrons présentent une énergie caractéristique de l’élément dont ils sont issus et indépendante de l’énergie du faisceau primaire. Ainsi, l’analyse en énergie des électrons Auger émis permet de déterminer la nature des atomes présent à la surface de l’échantillon analysé. Les électrons Auger ayant une faible énergie, seul les électrons provenant des premières couches atomiques de surface arrivent à sortir de l’échantillon pour être détectés. Par ailleurs, plus le numéro atomique, Z, est faible, plus l’élément produira d’électrons Auger en ré-ponse aux interactions du faisceau primaire (les éléments H et He n’étant pas détectable par cette technique car ils ne possèdent pas d’électrons sur les couches électroniques supérieures n=1). Cette technique nécessite une propreté de surface irréprochable afin qu’il n’y ait pas de contami-nation.
Pour l’analyse d’un joint de grains par AES, l’échantillon est fracturé in-situ afin de faire appa-raître une zone intergranulaire. Cela peut être réalisé avec l’adjonction d’H2 qui fragilise les joints de grains. L’échantillon est généralement analysé à température ambiante sous ultravide, mais il peut être étudié sur un porte échantillon refroidit à l’azote liquide [48], ou un sur porte échantillon chauffé [49], ou encore sous hydrogène [50]. La facette de joint de grains mis à nu est ensuite bom-bardée par le faisceau incident pour déterminer les éléments composant son volume. Davantage de détails et de références sur l’AES sont disponibles dans les travaux de Hawkins et Chang [51].
Les aciers trempants au bore ne sont pas austénitiques à température ambiante. Ainsi, pour une analyse AES à température ambiante l’austénite sera transformée. Pour un acier trempant au bore sous forme martensitique, les anciens joints de grains austénitiques deviennent des joints de paquets et une multitude d’autres interfaces apparaissent (joints de lattes, blocs et paquets). Les interfaces fracturées ne correspondent pas nécessairement à des anciens joints de grains austéni-tiques. Avec cette technique, nous se sommes donc jamais certains de ce que l’on analyse : ancien joint de grains austénitiques, ou ancienne matrice austénitique.
La précipitation
La limite de solubilité du bore dans les aciers est très faible, figure 2.5. Dès lors qu’il y a un enrichissement en bore aux joints de grains par les mécanismes de ségrégation, cette limite de solubilité peut être dépassée à proximité de l’interface. Lorsque elle est atteinte, des précipités peuvent se former. Dans le cas du bore, on retrouve principalement des précipités de la forme M23(B, C)6, figure 2.6 [18]. La précipitation de borocarbures attire alors le bore hors du joint de grains ce qui annule l’effet qu’il aurait pu avoir sur la germination de la ferrite [4] [5] [20]. Des cher-cheurs ont également observés que la précipitation du bore en borocarbures, Fe23(B, C)6, pouvait être un précurseur à la formation de ferrite [19] [21]. Cependant, une des interprétations suggère que les borocarbures bloquent la germination de ferrite uniquement lorsqu’ils sont petits, mais qu’ils l’encouragent sur leur propre interface lorsqu’ils sont suffisamment grands [13]. Ainsi, la germination et la croissance des borocarbures contrôleraient en partie la germination de la fer-rite.
Le bore présente également une forte aptitude à précipiter sous forme de nitrure de bore (BN), figure 2.7. Ces précipités favoriseraient la germination de la ferrite sur leurs interfaces fortement désorientées. Ce qui est intéressant est qu’il y a toujours de l’azote, N, dans les aciers. Cette pré-cipitation est récurrente, mais il est possible de l’éviter par l’ajout de titane, Ti, qui consomme l’azote en formant des précipités TiN. On appelle cela, le bore protégé.
Les conditions d’austénitisation
Les conditions d’austénitisation influencent la transformation ferritique, notamment parce qu’elles impactent la dissolution des éventuels carbures présents initialement dans l’acier [18] mais également la taille des grains d’austénite. La ferrite germe préférentiellement aux joints de grains austénitiques. La taille des grains austénitiques influence la densité de joints de grains et donc de site de germination hétérogène. Lorsque l’on considère la surface de joint de grains austénitiques dans un échantillon, pour un même volume, plus la taille des grains est grande plus la surface de joint de grains diminue. Il y aura donc potentiellement moins de sites pour la germina-tion hétérogène, et donc un ralentissement de la cinétique de formation de la ferrite, c’est ce que l’on appelle l’effet taille de grain. La taille des grains est influencée par la température d’austéni-tisation, qui influence elle même les mécanismes de ségrégation. Il est important de noter que la taille des grains austénitiques est influencée par la température d’austénitisation, et que la tem-pérature influence les mécanismes de ségrégations. De nombreuses études ont ainsi montrées l’influence de la température d’austénitisation sur l’effet bore [2] [7] [24]. Du reste, Grinberg et al. [25] ont montré que l’ajout de bore augmente la taille des grains d’austénite, ce qui influence la dureté. Pourtant, en pratique les aciers trempants au bore présentent de plus petits grains austé-nitiques que les aciers de composition similaires sans bore. Cette différence pourrait être due à la présence d’éléments d’alliage ajoutés pour protéger le bore de l’oxygène et de l’azote, avec qui il a une très grande affinité, et qui auraient également comme propriété d’affiner la taille de grain [5] [24].
Interactions avec la ségrégation
L’effet du bore sur la germination de la ferrite, et donc sur la trempabilité, est lié à la ségréga-tion intergranulaire du bore. Par conséquent tout ce qui influence la ségrégation influence poten-tiellement l’effet bore. Comme énoncé en chapitre 1, le bore enrichit les joints de grains à travers deux types de ségrégation : la ségrégation à l’équilibre et la ségrégation hors-équilibre. Ces deux ségrégations peuvent avoir lieu en même temps. Suivant les conditions de traitement thermique appliquées, ces deux mécanismes ont des proportions différentes [26], offrant un apport différent de bore aux joints de grains. Lors d’une trempe, les conditions de départ à la trempe vont déter-miner la teneur initiale en bore au joint de grains avant la trempe. L’écart entre la température de début et de fin à la trempe va impacter le potentiel de la ségrégation hors-équilibre en déter-minant l’excès en lacunes suite à la trempe. Et la vitesse de trempe, tout comme l’ajout éventuel d’un maintien isotherme, va impacter la mobilité des espèces (bore libre, lacune et complexe) et le temps qu’auront ces espèces pour diffuser, ce qui va nécessairement agir sur la ségrégation inter-granulaire et la déségrégation. L’évolution des contributions respectives de ces deux mécanismes de ségrégation en fonction du traitement thermique est primordiale dans la compréhension et la maitrise de l’effet bore.
Les éléments d’alliage
La composition chimique peut influencer l’effet bore en jouant sur la taille des grains ou en occupant le bore sous forme de borures. Il peut également y avoir des effets de co-ségrégation, de compétition de site et/ou de synergie avec les différents éléments d’alliages qui composent l’acier. L’effet du bore est ainsi minimisé lorsque la teneur en carbone de l’acier augmente et dans certains cas il peut même avoir un effet néfaste sur la trempabilité, figure 2.8. L’une des interpréta-tions avancées est que puisque le bore agit sur la germination de la ferrite, son effet n’est marqué que lorsque la transformation de l’austénite en ferrite est prépondérante. Dans la mesure où l’aug-mentation de la teneur en carbone dans l’acier modifie les gammes de transformations, cela réduit l’apport de la transformation de l’austénite en ferrite jusqu’à la faire disparaitre (voir diagramme d’équilibre Fer-Cémentite, figure 1.1 chapitre 1). La teneur critique en carbone à partir de laquelle le bore commence à produire un effet néfaste sur la trempabilité est dépendante de la compo-sition de base de l’acier. Dans la pratique il a été observé que plus l’alliage possédait d’éléments d’alliage plus cette teneur critique était basse [2].
Pakrasi et al. [5] montrent que l’aluminium, ajouté afin de désoxyder l’acier en formant des oxydes d’aluminium, influence l’effet du bore sur la trempabilité en formant des nitrures d’alu-minium à l’état solide. Lors d’une austénitisation à basse température, les nitrures d’aluminium sont stables et agissent comme catalyseurs à la germination de la ferrite sur leur interface ce qui masque l’effet du bore sur la trempabilité. A haute température les nitrures se dissolvent, ce qui ne joue plus sur la trempabilité.
Il existe donc une multitude de paramètres et de mécanismes qui influencent la cinétique de transformation des aciers, et peuvent accentuer ou atténuer l’effet du bore. C’est pourquoi il est essentiel de comprendre le comportement du bore, en tenant compte de tous ces facteurs, et d’identifier les effets potentiels de couplage entre eux. L’efficacité du bore sur trempabilité des aciers s’obtient au moyen d’un pilotage très précis et réfléchi du procédé de mise en œuvre. Il ne peut exister de recette générale permettant de garantir un effet bore pour l’ensemble des nuances d’acier. Aussi, pour mettre au point cette étude avons nous réfléchi à une préparation minutieuse des échantillons étudiés.
Le traitement thermique
Bien avant d’étudier les joints de grains austénitiques et leur teneur en bore à l’échelle nano-métrique, il faut déterminer un traitement thermique pour lequel la présence de bore créer un ralentissement de la germination de la ferrite. Expérimentalement, cet effet peut être mis en évi-dence en comparant les cinétiques de transformation de l’austénite en ferrite pour une coulée témoin sans bore et une coulée au bore. L’étude dilatométrique d’un acier permet de suivre une telle cinétique de transformations en mesurant la dilatation inhérente aux changements de phases qu’il subit. Ce type de matériel permet également d’appliquer des traitements thermiques homo-gènes et reproductibles. Cette technique constitue alors un outil idéal pour mettre en évidence un effet bore lorsqu’il y en a un. Des essais ont été réalisés pour déterminer les conditions à appliquer afin d’observer un effet bore dans l’acier de l’étude.
Nuances étudiées
L’étude qui a été menée ici s’est focalisée sur un acier trempant pour lequel l’effet du bore sur la trempabilité devrait apparaître distinctement. Les deux alliages Ascometal étudiées sont nommées Réf et Réf+B, où l’alliage Réf se veut la copie sans bore de l’alliage Réf+B. La composition des aciers est présentée en tableaux 2.1 et 2.2, respectivement pour les alliages Réf+B et Réf. Le Ni, Cu, Mo et V sont présent en quantités inférieures à 0,25% et identiques entre les deux alliages.
La Dilatométrie
Les traitements thermiques sont appliqués sur des éprouvettes cylindriques pleines de dia-mètre 3 mm et de longueur 12 mm dans un dilatomètre horizontal DIL805A de la société Bähr au centre de recherche CREAS de l’entreprise Ascometal, figure 2.9. La chauffe des échantillons est as-surée par un système de chauffage à induction dans une enceinte en téflon, et leur refroidissement par projection de gaz (azote ou hélium). Afin de limiter l’oxydation au cours du traitement ther-mique, les essais sont réalisés sous vide secondaire. Durant l’essai, les variations de températures sont relevées par un thermocouple de type S (platine/platine et rhodium) soudé sur le milieu d’un échantillon nettoyé et dégraissé. Les variations volumiques sont relevées horizontalement avec une précision de 0,1 &m.
Les caractérisations microstructurales par métallographie sont réalisées sur le sens longitudi-nal des éprouvettes cylindriques après enrobage et polissage. La phase ferritique et le composé perlitique sont révélés par attaque au Nital 2% puis observés par microscopie optique. La position des anciens joints de grains austénitiques dans la matrice martensitique est révélée par attaque Béchet-Beaujard, solution à base d’acide picrique additionnée de teepol.
En dilatométrie, il est possible de présenter les résultats sous forme de courbes qui permettent le suivi de transformations de phases résultant de conditions de refroidissement ou de chauffage données, de déterminer les températures de formations de ces phases, leur coefficient de dilata-tion thermique, ou encore étudier les cinétiques de dilatations de ces transformations de phases. Aussi, parmi les données issues d’un tel essai, l’étude des dilatations en fonction de la tempéc) Cinétique de dilatation d’un échantillon sur le palier de transformation ferritique d) traitement ther-mique appliqué pour obtenir la cinétique de transformation en c)
rature renseigne sur les transformations s’étant opérées au cours du traitement thermique. Par exemple, la transformation de l’austénite en ferrite engendre une variation de volume de l’ordre du pourcent [27] lors du passage d’un réseau CFC à un réseau CC. D’après les paramètres de mailles extraits du travail de Onink et al. [28] pour du fer pur, la transformation d’un cristal d’austénite en ferrite, engendre une variation de volume de 0,4% lors du changement de structure CFC ! CC. Alors que le changement de structure cristalline au cours de la transformation de l’austénite en martensite engendre une variation de volume pouvant atteindre plusieurs pourcents. D’après les données tirées des travaux de Roberts [29] pour l’alliage Fe-0,3C, la transformation d’un cristal d’austénite en martensite engendre un gain de volume de 4,8% lors du changement de structure CFC ! TC.
Le traitement thermique est déterminé en fonction des gammes de températures données pour lesquelles on sait que la nuance au bore peut être austénitisée, puis transformée en ferrite. Le traitement thermique présenté en figure 2.10(d) a été étudié par dilatométrie. Il consiste en une austénitisation à 1000°C pendant 5 minutes, suivie d’un refroidissement à 50°C/s jusqu’à 600°C, température à laquelle un traitement isotherme est effectué jusqu’à transformation totale de l’aus-ténite.
Le traitement thermique
Dans l’exemple présenté en figure 2.10(a) deux discontinuités dans la dilatation de l’échan-tillon apparaissent ce qui traduit deux types de transformations (cerclées en jaune). La première discontinuité lors du chauffage traduit la transformation de l’état initial de l’échantillon en aus-ténite. La seconde discontinuité à lieu après un premier refroidissement et lors d’un maintien en température. Après confirmation par observation microstructurale, cette discontinuité traduit la transformation de l’austénite en ferrite et perlite. Dans le second exemple en figure 2.10(b), il y a toujours deux discontinuités, la première étant toujours celle de la transformation austénitique, et la seconde étant cette fois celle d’une transformation de l’austénite en martensite. Ce type de courbe permet de sortir les températures de début et fin de transformation (pointillés gris), mais également les coefficients de dilatation thermique des phases en présence (pente des asymptotes tracées en rouges, ici celui de l’austénite et celui de la ferrite). La température de début de trans-formation martensitique, Ms, observée pour l’alliage au bore est d’environ 310°C.
Pour étudier plus en détails une transformation il faut réaliser une étude de la cinétique de dilatation de l’échantillon, elle permet d’approcher les cinétiques de transformations qui ont pu se produire au cours du traitement thermique. La figure 2.10(c) est un exemple de cinétique com-plète de transformation de l’austénite en ferrite et perlite sur un palier de transformation à 600°C dans l’acier trempant au bore de l’étude. Dans cette figure la courbe a été normalisée, c’est-à-dire que la transformation de l’austénite en ferrite était complète à environ 3500 secondes. L’étude des cinétiques de transformation permet ici de comparer les transformations de l’austénite en ferrite et perlite dans l’acier trempants au bore et son pendant sans bore. Si la présence de bore influence la germination de la ferrite, le début de la cinétique de transformation de l’austénite en ferrite (qui correspond à la phase de germination) est ralentie, voire retardée, par rapport à un alliage à la composition identique mais ne contenant pas de bore. La suite de la cinétique de transformation se rapporte d’avantage à la croissance des germes ainsi qu’à la formation éventuelle de perlite. Ainsi, l’effet bore peut être mis en évidence par les premiers temps de la cinétique de transforma-tion.
Cinétiques de transformation
Une étude métallographique réalisée sur les alliages au bore et sans bore a mis en évidence une forte disparité dans la taille de grains austénitique de départ (non présentée ici). Cet écart influence la cinétique de transformation de l’austénite en ferrite qui est relevée par dilatométrie, c’est l’effet taille de grains. Comme expliqué dans la partie précédente sous-section 2.1.3, en pré-sence de gros grains la surface de joints de grains disponible pour la germination de la ferrite est plus faible que pour de petits grains. Ainsi l’alliage présentant les plus petits grains (qui dans notre cas était l’alliage sans bore) devrait avoir une cinétique de transformation plus rapide. Du point de vue de la cinétique de transformation la présence de ces gros grains austénitiques dans l’alliage au bore va alors dans le même sens que l’effet du bore : les deux provoquent un ralentissement de la cinétique par rapport à l’alliage témoin sans bore à plus petits grains austénitiques. Il est alors impossible de décorréler l’effet bore de l’effet taille de grains sur les cinétiques de transformation de l’austénite.
Pour écarter l’influence de la taille de grains austénitique de départ, les deux alliages sont ho-mogénéisés pendant 48h à 1250°C. Les deux nuances étudiées sont désormais nommées RéfH et RéfH+B, où le H indique que l’alliage a été homogénéisé avant l’étude dilatométrique. La taille des grains austénitiques est désormais en moyenne identique entre les deux alliages, avec un peu moins de 30 &m en moyenne (la taille de grains moyenne est calculée en 3D à partir de mesures manuelles 2D sur les micrographies optiques, selon la formule D = 1,55 , avec NS le nombre de NS grains par unité de surface sur le plan de la micrographie [18]). La microstructure à l’issue de cette homogénéisation est présentée en figure 2.11. Le traitement thermique présenté en figure 2.10(d) est appliqué aux deux alliages homogénéisées pour une transformation complète de l’austénite en ferrite. Les cinétiques de transformations sont présentées en figure 2.12.
La figure 2.12 met en évidence un retard et un ralentissement de la cinétique de transformation lorsque l’alliage contient du bore. Comme il n’y a pas de différence de taille de grains moyenne, ce temps d’incubation peut raisonnablement être attribué à la présence de bore dans l’acier.
Ainsi, un maintien à 600°C permet d’observer un effet du bore marqué entre l’alliage témoin et l’acier trempant au bore de l’étude. Des essais complémentaires ont été menés avec une tempéra-ture d’austénitisation plus élevée : 1150°C pendant 3 minutes, suivi d’un refroidissement à 50°C/s jusqu’à 600°C où un maintien est effectué jusqu’à transformation totale de l’austénite. L’augmen-tation de la température d’austénitisation augmente la taille des grains austénitiques, ce qui di-minue la surface de joint de grains disponible pour la germination hétérogène de la ferrite. La ci-nétique de transformation devrait donc être ralentie pour une température d’austénitisation plus élevée. L’augmentation de la température d’austénitisation augmente l’écart entre la température de départ à la trempe (désormais de 1150°C au lieu de 1000°C) et de fin de trempe (conservée à 600°C), ce qui augmente l’excès de lacunes à la suite de la trempe par rapport au précédent traitement thermique (trempe de 1000°C à 600°C). L’effet de la ségrégation hors-équilibre devrait être plus marqué. Cela apporterait donc d’avantage de bore aux joints de grains avec comme effet po-tentiel d’augmenter l’effet bore (cf. première partie du chapitre). Les cinétiques de transformation issues de ce traitement thermique sont comparées aux cinétiques précédentes, obtenues pour une austénitisation à 1000°C suivie d’un maintien à 600°C, figure 2.13. Les cinétiques de transforma-tion sont ralenties lorsque la température d’austénitisation est augmentée (pour l’alliage avec et sans bore), ce qui est lié à un effet de la taille des grains austénitiques. Le début des cinétiques de transformations est ralenti en présence de bore dans l’alliage quelle que soit la température d’austénitisation, 1000°C ou 1150°C. Il y a donc un effet du bore sur la germination de la ferrite pour les deux températures d’austénitisation testées. Néanmoins, dans le cas d’une austénitisa-tion à 1150°C, le début de la cinétique de transformation est ralentie en présence de bore, puis elle accélère jusqu’à être plus rapide que la cinétique de transformation de la nuance sans bore. L’étude des microstructures de ces deux échantillons (après transformation totale de l’austénite), figures 2.14, montre que les deux échantillons présentent une microstructure ferrito-perlitique, et que l’alliage sans bore présente d’avantage de ferrite que l’alliage au bore. L’accélération de la ci-nétique de transformation de l’austénite se rapporte donc certainement à la formation de perlite dans l’alliage au bore. Une austénitisation à 1000°C permet d’observer un effet du bore plus mar-qué sur la germination de la ferrite, c’est donc la température d’austénitisation que nous avons choisie pour les essais.
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Table des matières
Introduction
1 Contexte de l’étude : transformations de phase et ségrégation intergranulaire, le cas du bore
1.1 Les transformations de phase de l’austénite
1.1.1 Transformations en conditions d’équilibre
1.1.2 Transformations en conditions hors-équilibre
1.2 La ségrégation intergranulaire, le cas du bore dans les aciers
1.2.1 La ségrégation à l’équilibre
1.2.2 La ségrégation hors-équilibre
1.2.3 Contribution des deux mécanismes de ségrégation aux joints de grains
1.2.4 Mesure de la ségrégation du bore aux joints de grains
1.3 Conclusion
1.4 Références
2 Effet bore, le choix du traitement thermique
2.1 Facteurs influençant la cinétique de transformation des aciers
2.1.1 L’effet du bore
2.1.2 La précipitation
2.1.3 Les conditions d’austénitisation
2.1.4 Interactions avec la ségrégation
2.1.5 Les éléments d’alliage
2.2 Le traitement thermique
2.2.1 Nuances étudiées
2.2.2 La Dilatométrie
2.2.3 Cinétiques de transformation
2.3 Conclusion
2.4 Références
3 La modélisation : un nouveau modèle mixte de ségrégation
3.1 Développement d’un modèle mixte intégrant ségrégation d’équilibre et hors-équilibre
3.1.1 Le modèle numérique
3.1.2 Évolution temporelle des profils de concentration
3.2 Prédictions du modèle mixte de ségrégations
3.2.1 Analyse des simulations et prédictions
3.2.2 Effet de la taille de grains
3.2.3 Étude numérique de la ségrégation hors-équilibre
3.3 Conclusion
3.4 Références
4 Moyens de caractérisation et protocole expérimental
4.1 Moyens de caractérisation
4.1.1 Microscopie électronique à balayage – les électrons rétrodiffusés et la technique EBSD
4.1.2 La reconstruction cristallographique par le code MERENGUE2
4.1.3 La diffraction de Kikuchi en transmission (TKD)
4.1.4 Spectrométrie ionique au NanoSIMS
4.1.5 Tomographie Atomique (APT)
4.2 Étude de la ségrégation intergranulaire à l’échelle atomique : procédure de préparation des échantillons
4.2.1 Dispositifs et paramètres expérimentaux utilisés
4.2.2 Protocole d’analyse
4.3 Conclusion
4.4 Références
5 Résultats
5.1 Cinétique de ségrégation intergranulaire du bore
5.1.1 Données expérimentales
5.1.2 Discussion
5.2 Confrontation qualitative au modèle
5.2.1 Données issues du modèle numérique
5.2.2 Discussion
5.3 Conclusion
5.4 Références
Conclusion générale
A Correction du profil fraction atomique I
Références
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