EFFECTS OF DECIDUOUS ENCROACHMENT IN SPRUCE PLANT A TI ONS OF THE EASTERN BOREAL FOREST
Problématique :
Au Québec, de 130 à 160 millions de plants sont annuellement mis en terre sur des superficies totalisant en moyenne 72 000 ha (Parent, 20 10). De celles-ci, 70 % sont reboisées en épinette blanche ou en épinette noire. Dans ces plantations, l’espèce à reboiser est choisie en fonction des caractéristiques du site (Barbier et al., 2008) et peu modifier de façon importante la composition et la dynamique forestière. Ainsi, lors de l’établissement de ces plantations, la disponibilité de la lumière et des nutriments favorisent l’arrivée d’espèces opportunistes, tels les feuillus de lumière, les arbustes et les plantes herbacées. Ces espèces ont le potentiel de réduire la croissance des semis (Balandier et al., 2006). Les j eunes plantations sont donc soumises à un aménagement intensif visant le retrait de la végétation compétitrice (Wagner et al. , 1999; Biring et al., 2003) souvent en ayant recours à des phytocides. Or, au Québec, l’abandon de l’utilisation de phytocides adopté en 2001 dans le cadre de la stratégie de protection des forêts a complexifié la gestion de cette compétition (Roy et al., 2003). Ainsi, depuis 2001, la végétation compétitrice est principalement gérée par des traitements mécaniques tels le dégagement et les éclaircies, ce qui en limite le contrôle.
De plus en plus, on considère le maintien ou l’augmentation de la diversité à l’échelle de la plantation par l’utilisation d’une variété d’espèces plantées. Selon Brockerhoff et al. (2008), le rôle des plantations dans la conservation de la biodiversité peut être amélioré si les plantations sont aménagées de manière à ce qu’elles contribuent à la conservation de la biodiversité à travers tout le paysage, plutôt que de se concentrer sur les valeurs de la plantation elle-même. Dernièrement, des études ont démontré 1′ effet positif de la complémentarité et de la diversité fonctionnel sur la productivité forestière (Potvin et Gotelli, 2008; Paquette et Messier, 2011). Des plantations mixtes, bien planifiées pourraient émuler le développement structurel naturel des peuplements, tout en rendant les plantations moins vulnérables aux perturbations naturelles (Jactel et Brockerhoff, 2007). De plus, des plantations mixtes complémentaires pourraient être plus productives que des monocultures, en permettant une meilleure utilisation des ressources (Erskine et al., 2006). Les modèles théoriques prédisent qu’une plus grande diversité de plantes mène à une plus grande diversité fonctionnelle et ainsi à une meilleure productivité primaire (Tilman et al., 1996; Hector et al., 1999; Balvanera et al., 2006; Paquette et Messier, 2011). Toutefois, l’aménagement mixte est peu pratiqué et les plantations monospécifiques sont encore largement la norme.
Les avantages reliés à la présence de feuillus en forêts résineuses sont nombreux. Parmi ceux-ci figurent l’augmentation de la stabilité au vent (Lugo, 1997), l’ augmentation de la productivité du site dans le temps (Man et Lieffers, 1999; Caspersen et Pacala, 2001) ainsi qu’une meilleure résilience et résistance du peuplement face aux épidémies d’insectes (Su et al., 1996). Certains feuillus fournissent une structure bénéfique aux arbres plantés par la formation d’ombre, la protection contre les variations de température et la diminution de compétition par les plantes herbacées (Groot et Carlson, 1996; Holmgren et al. , 1997). De plus, les feuillus et les épinettes présentent différents modes d’utilisation des ressources édaphiques et de tolérance à l’ombre qui limitent leurs interactions compétitives et leur permettent de coexister. Ainsi, bien que la présence de feuillus puisse nuire à la productivité de bois marchand résineux, il y a lieu de se questionner sur les conditions où cette présence pourrait être favorable ams1 que sur les mécanismes impliqués dans ces interactions de compétition ou de facilitation.
Plusieurs études ont démontré que les peuplements mixtes ont une productivité plus élevée que les monocultures autant en forêt tropicale (Khanna, 1997; Menalled et al., 1998) qu’en forêt boréale (Man et Lieffers, 1999; Legare et al., 2004; Man et al., 2005; Sainte-Marie, 2009). Cependant, d’autres études ont démontré l’effet contraire (Jobidon, 2000). Ainsi, la présence de feuillus dans les plantations résineuses peut avoir des effets négatifs et positifs, en limitant ou facilitant la croissance (Callaway et Walker, 1997). Or, les processus de compétition ne sont jamais constants dans le temps et dans l’espace et les mécanismes physiologiques et physiques impliqués dans la compétition ne sont pas bien documentés. Des connaissances sur la base écophysiologique des interactions entre les arbres plantés et la végétation voisine sont donc nécessaires pour comprendre, prédire et mieux manipuler la végétation compétitrice et les processus successionnels forestiers (Fotelli et al., 2001).
Les interactions entre les feuillus et les épinettes, notamment entre l’épinette et le tremble en forêt boréale naturelle, ont principalement été étudié pour des peuplements juvéniles ou des peuplements surannés (Jobidon et Charette, 1997; Thiffault et al., 2003; Légaré et al., 2005). Parallèlement, les études effectuées en plantations résineuses se sont surtout intéressées à la compétition à la phase d’établissement des plantations et à l’échelle du peuplement. Or, peu d’études ont évalué l’effet de la présence des feuillus, arbustifs et arborescents, à plus long terme au moment où la canopée commence à se refermer, stade associé à une forte compétition, et aucune ne l’a fait à l’échelle de l’arbre (Simard et Vyse, 2006).
Les interactions compétitives peuvent varier selon les espèces présentes, leur âge, leur taille et leur densité. Tous ces éléments doivent être considérés à l’ échelle de l’individu puisque c’est à cette échelle qu’ils sont observables. D’ailleurs, de récentes études ont démontré l’importance d’utiliser des modèles à l’échelle de l’arbre plutôt qu’à l’échelle du peuplement, car ils sont plus adéquats lorsqu’il s’agit de processus écologiques et d’interactions complexes (Gratzer et al., 2004). L’approche du Neighborhood Competition Index (NCI) est l’un de ces modèles spatialement explicites qui permettent de quantifier les effets des interactions de croissance à fine échelle plutôt que de mesurer leur effet cumulatif à l’échelle du peuplement (Canham et al., 2004; Coates et al., 2009). L’utilisation de ce modèle permet d’explorer les processus écologiques régissant les interactions entre espèces.
L’objectif principal de cette étude est donc de qualifier et quantifier les interactions compétitives des espèces feuillues sur l’épinette noire (Picea mariana) et l’épinette blanche (Picea glauca) issues de plantations âgées de 15 et 30 ans en mesurant leur effet sur la croissance.
État des connaissances:
Interactions compétitives en plantations résineuses
Toutes les plantes nécessitent de la lumière, de l’eau et des nutriments. La demande combinée de chaque individu pour une ressource peut excéder la disponibilité immédiate menant à une diminution de la survie, de la croissance et de la reproduction. Cette interaction inhibitrice entre individus est la compétition (Begon et al., 1996 ). La compétition survient lorsque les individus prospectent pour le même volume d’ espace d’exploitation des ressources, aérien et souterrain, au même moment et son importance dépend de la disponibilité des ressources. L’habileté à compétitionner est donc reliée à 1 ‘efficacité avec laquelle les espèces obtiennent et utilisent les ressources ou à leurs capacités de s’adapter et survtvre lorsque les ressources sont limitantes (Goldberg et al., 1990; Balandier et al., 2006).
Dans les plantations résineuses, l’importance et l’intensité de la compétition varient grandement selon l’espèce plantée (Mitchell et al., 1999), la taille des semis (Thiffault et al., 2003), la composition de la végétation (Wagner et al., 1996; Miller et al., 2003) ainsi que les caractéristiques du site (Powers et Reynolds, 1999; Thiffault et al., 2003). Balandier et al. (2006) comptent 5 principaux groupes d’espèces susceptibles d’entrer en compétition avec les arbres plantés : les plantes herbacées, les graminées, les arbustes bas, les arbustes hauts et les arbres de la canopée. Chaque groupe d’espèces démontre des mécanismes de compétition communs (Balan dier et al., 2006). Les plantes herbacées, les arbustes bas ainsi que les graminées sont de forts compétiteurs pour l’eau et les nutriments (Sands et Nambiar, 1984; Mitchell et al. , 1999; Fotelli et al., 2001; Robinson et al. , 2001) alors que les arbustes hauts et les arbres compétitionnent principalement pour la lumière (Jobidon, 2000).
Dans les écosystèmes forestiers, la disponibilité en eau et en nutriments montre une grande variabilité spatio-temporelle à laquelle les plantes doivent s ‘ajuster (Stark, 1994). La disponibilité en eau est un facteur qui régule les interactions compétitives (Fotelli et al., 2001). Les espèces colonisatrices de l’horizon supérieur du sol (herbacées) vont souvent assécher progressivement les couches plus profondes du sol par un retrait quasi complet de l’eau pouvant ainsi diminuer sa disponibilité aux espèces dont l’enracinement est plus profond (Balandier et al., 2006). La lumière est un autre facteur qui régule les interactions compétitives. Lors de l’ établissement de la plantation, les essences de début de succession, tels le peuplier faux-tremble et le bouleau à papier, vont rapidement coloniser 1 ‘espace perturbé. Leur croissance rapide crée de l’ombrage aux arbres plantés dans leur sous-étage entraînant en une diminution de croissance lorsque cet ombrage est trop important.
Outre la nature des compétiteurs, la densité est un facteur déterminant dans les interactions compétitives. L’effet de la compétition sur un individu augmente avec le niveau d’encombrement des individus dans un espace donné (Townsend et al., 2008). Ainsi, certains effets compétitifs dépendent de la densité (Townsend et al., 2008).
Compétition symétrique et asymétrique:
Les interactions compétitives entre les plantes mettent en Jeux leurs parties aériennes et souterraines. Les racines se disputent l’eau et les nutriments alors que les parties aériennes compétitionnent pour la lumière et l’espace (Ricklefs et Miller, 2005). Lorsque les espèces entrent en compétition, les parties aériennes et souterraines sont susceptibles d ‘être affectées différemment. La compétition symétrique se réfère aux cas où les ressources sont partagées également ou proportionnellement à la taille des individus en compétition (Ricklefs et Miller, 2005). Chaque individu retire du sol les éléments nutritifs nécessaires à sa croissance proportionnellement à sa taille, mais crée ainsi une zone d’appauvrissement. Lorsque les zones d’appauvrissements des individus se chevauchent, les deux plantes souffriront d’une diminution de croissance. C’est donc la position des plantes par rapport aux autres qui détermine l’intensité de cette compétition.
La compétition asymétrique entre les individus est définie comme une interaction compétitive dans laquelle les plus grands individus ont un avantage disproportionné (par rapport à leur taille ou leur masse) sur les petits individus. Cette asymétrie conduit à la suppression de la croissance des plus petits individus et ainsi à accentuer les différences de taille relative entre les compétiteurs (Weiner, 1990).
Par ailleurs, une espèce peut être très affectée par la présence d ‘une autre alors que certaines espèces ne l’affectent pas (Boivin et al., 2010). De plus, une espèce peut ne pas être affectée par une autre, mais cette autre peut être fortement affectée par sa présence. Par exemple, dans les peuplements surannés (90 ans), le peuplier faux-tremble serait un faible compétiteur pour 1 ‘épinette alors que 1’ épinette est un fort compétiteur pour le peuplier et pour les individus de son espèce (Sainte-Marie, 2009). De même, Boivin et al. (2010) ont démontré que dans des peuplements âgés de 8 et 15 ans, l’effet compétiteur d’une espèce varie selon l’espèce qui subit la compétition. Cette étude a aussi démontré que les voisins de la même espèce sont souvent les plus forts compétiteurs.
La force de l’interaction compétitive peut aussi varier en fonction de l’âge des individus. Simard et al. (2004) ont observé que la variation de croissance dans les peuplements âgés de 25 et 50 ans est en grande partie expliquée par les interactions compétitives contrairement à ce qui a été observé dans les peuplements plus j eunes. La compétition par les feuillus serait ainsi plus intense dans les jeunes peuplements alors que les conifères sont de plus forts compétiteurs dans les peuplements matures (Simard et al. , 2004).
Interactions positives dans les peuplements forestiers :
Les interactions positives peuvent j ouer un rôle important dans la dynamique végétale d’une communauté (Callaway, 1995). Conformément aux théories écologiques, il y a deux principes de base concernant les interactions entre espèces qui pourraient entraîner en une meilleure productivité des peuplements mixtes comparativement à des monocultures de mêmes espèces, soit la facilitation et la complémentarité par la différenciation (Vandermeer, 1992; Loreau et al., 2001 ; Potvin et Gotelli, 2008).
La facilitation
Une relation de facilitation se produit lorsqu’une espèce affecte positivement le fitness (la croissance, la survie et la reproduction) d’une autre (Callaway et Walker, 1997). Une plante peut en affecter une autre positivement par divers mécanismes directs telles l’amélioration des conditions environnementales, la modification de la disponibilité des ressources, ou indirectes telles 1′ éviction d’un compétiteur et une protection contre les herbivores (Callaway, 1995).
Plusieurs mécanismes de facilitation sont reconnus entre les feuillus et les conifères (Su et al. , 1996; Lugo, 1997; Man et Lieffers, 1999; Caspersen et Pacala, 2001; Legare et al. , 2005). Le tremble joue un rôle important dans le cycle des nutriments de la forêt boréale où la décomposition de la litière et le cycle des nutriments sont lents (Paré et Cleve, 1993). Ces processus peuvent être améliorés en raison de 1 ‘habileté du tremble à prélever les nutriments des horizons profonds du sol et à les ramener en surface par sa litière de feuilles et ses racines. En accélérant la décomposition de la matière organique, le tremble réduit l’épaisseur de la couverture morte ce qui favorise la croissance des arbres (Legare et al., 2005). La composante feuillue dans les peuplements mélangés peut aussi agir à titre «d’arbre-abris ». Ceuxci peuvent améliorer les conditions environnementales, augmenter 1 ‘humidité de 1’ air, prévenir les fluctuations extrêmes de températures, améliorer les propriétés du sol par l’accumulation de nutriments et de matières organiques, diminuer les risques de gel tardifs des bourgeons terminaux et réduire les risques d’attaque d’insectes (Holmgren et al., 1997).
La ségrégation des niches et la complémentarité:
Les espèces diffèrent dans leur habileté à utiliser la lumière soit par leur capacité d’interception de la lumière soit par leur efficacité à la métaboliser. Par exemple, les essences tolérantes à l’ombre ont un niveau de compensation et de saturation de la photosynthèse plus bas, mais une meilleure efficacité d’utilisation de la lumière que les espèces intolérantes à l’ombre (Boardman, 1977). De plus, les essences tolérantes ont une meilleure habileté à fixer le carbone (C) dans des conditions lumineuses faibles par des rajustements physiques et morphologiques. Les espèces diffèrent aussi par leur structure racinaire et la profondeur à laquelle elles exploitent le sol. Par conséquent, les espèces diffèrent dans leur utilisation et leur besoin en ressources souterraines. Cette stratification racinaire différentielle se retrouve notamment chez certains feuillus et conifères. La ségrégation physique des niches écologiques est observable chez l’épinette et certains feuillus, dont le tremble, relativement à 1 ‘utilisation de la lumière, des ressources du sol et de leur phénologie (Man et Lieffers, 1999).
L’épinette nmre et l’épinette blanche, des essences tolérantes à 1 ‘ombre, atteignent généralement une hauteur de cime moindre que celle du peuplier fauxtremble, une essence intolérante à l’ombre. En général, la canopée de peuplier transmet plus de lumière que celle de l’ épinette blanche, spécialement en début et en fin de développement du peuplement (Constabel et Lieffers, 1996). Le peuplier fauxtremble utilise plus efficacement la lumière directe alors que l’épinette capte efficacement la lumière diffuse (Perala, 1990; Kelty, 1992). Par exemple, l’ épinette blanche n’a pas besoin de la pleine lumière pour saturer son système photosynthétique et peut ainsi utiliser la lumière transmise à travers une canopée de peupliers faux-trembles (Man et Lieffers, 1997). En effet, quoique la presque pleine lumière soit nécessaire pour une croissance en diamètre maximal, l’ épinette blanche peut atteindre une hauteur maximale avec 40% à 60% de la pleine lumière (Lieffers et Stadt, 1994 ).
Parallèlement, le système racinaire de l’épinette noire et de l’épinette blanche est superficiel comparativement à celui du peuplier faux-tremble (Strong et Roi, 1983; Gale et Grigal, 1987). Par exemple, les racines latérales de l’épinette blanche sont concentrées dans 1 ‘horizon organique du sol tandis que celles du peuplier fauxtremble sont concentrées dans le sol minéral (Strong et Roi, 1983). Les radicelles de l’épinette blanche se retrouvent jusqu’ à 50 cm de profondeur alors que celles des trembles peuvent aller jusqu’à 150 cm (Strong et Roi, 1983). En peuplement mixte, ces différences sont reconnues pour s’accentuer (Rothe et Binkley, 2001; Jose et al., 2006). En plus de cette séparation physique de la canopée et du système racinaire, les espèces de peupliers et les espèces d’épinettes montrent des différences temporelles dans l’utilisation de la lumière. L’épinette noire conserve son feuillage toute l’année lui permettant d ‘amorcer sa photosynthèse plus tôt alors que le peuplier faux-tremble renouvelle son feuillage chaque année, retardant sa photosynthèse au printemps (Constabel et Lieffers, 1996).
Cette différenciation qu’ont certains feuillus et conifères leur permet de diminuer le degré de compétition interspécifique et ainsi de coexister. De surcroît, ces différentiations peuvent être complémentaires. La complémentarité se produit lorsque deux ou plusieurs espèces occupant un même milieu font une utilisation différente des ressources et, ainsi, exercent peu de compétition interspécifique. Cette complémentarité est possible grâce à l’utilisation différentielle des ressources aériennes (lumière) et/ou des ressources souterraines (eau, nutriments) et/ou temporelles. En mélange, les espèces utiliseront plus efficacement les ressources du milieu que les mêmes espèces individuellement pour une même surface (V andermeer, 1992). Ainsi, une canopée composée d’arbres intolérants à l’ombre, telle peuplier faux-tremble, dans l’étage dominant et des arbres tolérants à l’ombre, telles l’épinette noire ou 1 ‘épinette blanche, en sous-étage est susceptible d’utiliser une plus grande proportion de la lumière disponible comparativement à une monoculture (Kelty, 1992).
Une utilisation plus efficace des ressources pourrait résulter de la présence de feuillus dans des plantations résineuses. Elle pourrait résulter de la stratification racinaire (Strong et Roi, 1983; Gale et Grigal, 1987; Rothe et Binkley, 2001) ou de différences relativement à leur tolérance à l’ombre, taux de croissance, forme (Menalled et al., 1998), demande en nutriments (Kelty, 1992), composition chimique de la litière et à leur habileté à fixer le carbone (Caspersen et Pacala, 2001 ). Des peuplements mixtes, où l’on retrouvait du tremble dans la canopée et de l’épinette blanche en sous-étage, ont montré une meilleure productivité que les mêmes espèces en peuplements purs (Kabzems et al. , 2007). Le tremble utiliserait des nutriments que les racines superficielles de l’épinette ne peuvent atteindre. Le tremble agirait ainsi comme une « pompe nutritive » en rendant les nutriments, prélevés en profondeurs, disponibles en surface par la décomposition de sa litière. Par ailleurs, certaines études ont aussi suggéré la possibilité d’un effet neutre de peuplier faux-tremble sur la croissance de l’épinette noire. Par exemple, Légaré et al. (2005) ont observé que le volume d’ épinette noire reste stable avec l’augmentation du volume de peuplier dans le peuplement tandis que Sainte-Marie et al. (2009) ont observé que 30% de peuplier dans ces peuplements ne réduit pas le volume total d’épinette. Or, ces études ont été effectuées dans des peuplements matures et cette relation pourrait varier dans des peuplements plus j eunes.
Effets des espèces sur la disponibilité en eau du sol
L’eau du sol est essentielle à la croissance des plantes. Outre les précipitations, sa disponibilité, son accumulation et sa circulation dans le sol dépendent de la texture et de la structure du sol (Pachepsky et Rawls, 2003). Alors que la texture se réfère aux particules minérales de sol, la structure se réfère plutôt à leur mode d’arrangement en agrégats. Les agrégats sont une combinaison de particules minérales et de matières organiques (Brais et al., 1996). Les agrégats résultent d’un ensemble de processus pédologiques impliquant les racines et l’activité microbienne, les cycles de gel et de dégel ainsi que l’humidification et l’assèchement du sol (Kay, 1998). Les incidences de la structure du sol sont considérables en sol argileux puisque les particules fines d’argile ont tendance à retenir l’eau en excès engendrant des conditions asphyxiantes pour les racines. Une structure du sol bien développée permettra alors de corriger cet effet défavorable en améliorant l’aération (Brais et al., 1996; Franzluebbers, 2002). La structure du sol peut ainsi affecter la croissance des plantes par son influence sur la distribution des racines et leur capacité à absorber l’eau (Pardo et al., 2000).
EFFECTS OF DECIDUOUS ENCROACHMENT IN SPRUCE PLANTATIONS OF THE EASTERN BOREAL FOREST :
Bien que plusieurs études se soient intéressées aux interactions entre les feuillus et les épinettes lors de 1 ‘établissement des plantations, peu d’études ont évalué cellesci dans les peuplements d’âge intermédiaire. Dans cette étude, nous utilisons une analyse spatialement dépendante reposant sur un indice de compétition du voisinage afin de qualifier et quantifier les interactions feuillus-épinettes dans des plantations d’épinettes noires (Picea mariana (Mill) B.S.P.) ou d’épinettes blanches (Picea glauca (Moench) Voss) âgées de 15 à 30 ans. Le modèle considère les effets de densité, de distance, d’espèce et de taille du voisinage sur la croissance à l’ échelle de l’arbre. Deuxièmement, l’ étude vérifie l’hypothèse selon laquelle la composante feuillue augmente la disponibilité en eau par son impact sur la rétention en eau du sol, diminuant le stress hydrique des plants.
Une analyse de compétition a été effectuée sur la croissance radiale de 378 arbres-cibles distribués sur 126 placettes. Le modèle utilisé partitionne la compétition aérienne et souterraine en effet d’ombrage et de densité. Le rapport isotopique de 13C/12C du bois des arbres-cibles a été analysé afin d’évaluer le stress hydrique des plants en fonction de la rétention en eau du sol et la végétation.
Le meilleur modèle pour l’épinette noire inclut un effet de taille et d’espèce alors que l’ effet d’ ombrage est faible. Les plus forts compétiteurs sont les feuillus arborescents par leur effet de densité. Pour 1 ‘épinette blanche, le modèle inclut un effet d’ombrage et de densité dépendant de l’espèce où les plus forts compétiteurs sont les conspécifiques alors que feuillus sont de faibles compétiteurs. Dans les deux cas, les plus petits individus sont plus sensibles à la compétition et l’effet compétitif des feuillus arbustifs est négligeable. En fait, ceux-ci diminuent le stress hydrique des plants en augmentant la capacité de rétention en eau du sol. Dans l’ensemble, nos résultats démontrent que la proximité d’essences feuillues, arborescentes et arbustives, en plantations d’épinette peut être à la fois compétitive et facilitante. L’étude identifie des situations dans lesquelles la présence de feuillus présente un risque sérieux pour la croissance des plants et celles où leur présence est neutre sinon bénéfique.
CONCLUSION GÉNÉRALE:
Cette étude avait pour objectif global de déterminer les effets de la proximité des essences feuillues, arborescentes et arbustives, sur la croissance et le stress hydrique d’épinettes noires et d’épinettes blanches issues de plantations de 15 à 30 ans. Pour ce faire, nous avons quantifié les interactions compétitives entre les feuillus et les épinettes à L’ aide d’un modèle à 1′ échelle de 1′ arbre. Puis, nous avons déterminé l’effet de la présence des feuillus sur le stress hydrique des plants à l’aide d’analyses de pistes.
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Table des matières
CHAPITRE 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 Problématique
1.2 État des connaissances
1.2.1 Interactions compétitives en plantations résineuses
1.2.2 Compétition symétrique et asymétrique
1.2.3 Interactions positives dans les peuplements forestiers
1.2.4 La facilitation
1.2.5 La ségrégation des niches et la complémentarité
1.2.6 Effets des espèces sur la disponibilité en eau du sol
1.2.7 Effets indirects des espèces compétitrices sur le stress hydrique des plants
1.2.8 Modélisation des interactions et indices de compétition
1.3 Objectifs de l’étude et hypothèses de travail
1.4 Approche méthodologique .
1. 5 Retombées du projet
CHAPITRE II EFFECTS OF DECIDUOUS ENCROACHMENT IN SPRUCE PLANT A TI ONS OF THE EASTERN BOREAL FOREST
2.1 Résumé
2.2 Abstract
2.3 Introduction
2.4 Methods
2.4.1 Study area and sites
2.4.2 Field methods
2.4.3 Laboratory analyses
2.4.4 Carbon isotope analysis
2.4. 5 Soil sample analysis
2.4.6 Data analyses
2. 5 Results
2.5.1 Plantation characteristics
2.5.2 Species size effect
2.5.3 Neighbors’ crowding effect
2.5.4 Neighbors’ shading effect
2.5.5 Relationship between deciduous species and tree moisture stress
2.6 Discussion
2.6.1 Crowding versus shading effects on target tree growth .
2.6.2 Inter-specifie versus intra-specific competition
2.6.3 Crowding competition from large deciduous trees
2.6.4 Tree water status improves with deciduous and high-shrubs abundance
2.6.5 Understory vegetation effect on spruce moisture stress
2.6.6 Management implications
2.7 Conclusion
CHAPITRE III CONCLUSION GÉNÉRALE
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