La protection des enfants est une notion que connaissait déjà le Droit positif moderne malgache bien avant qu’elle ne soit affirmée comme étant un droit fondamental de l’enfant dans la CIDE . Cette protection, tant civile que pénale, était, alors, fondée sur la minorité de l’enfant. En matière civile, l’enfant s’entendait comme toute personne qui n’a pas encore atteint la majorité civile fixée à 21ans . La protection consistait à protéger l’enfant de la crédulité des adultes majeurs, d’où le régime générale de l’incapacité d’exercice des mineurs qui devaient se faire assister dans tous les actes qui les concernaient. D’autre part, le législateur organisait la protection de l’enfant mineur autour de la tutelle exercée par le père, ou à défaut par la mère ou encore, lorsque les parents sont divorcés ou décédés, par la personne qui, selon la loi ou les coutumes, exerce l’autorité sur lui. En matière pénale, l’ordonnance 62-038 sur la protection de l’enfance innove par l’institution de la justice pour mineur à Madagascar. Mais cette protection s’avère être insuffisante, l’ordonnance ne règle la situation des enfants en danger que par un seul article . Elle ne prévoyait pas le cas des enfants victimes de maltraitance.
Un vent de changement international est apporté par la CIDE : la reconnaissance de l’enfant entant que véritable sujet de droit devant bénéficier d’une protection particulière fondée sur une autre préoccupation à savoir la vulnérabilité même de l’enfant « en raison d son manque de maturité physique et intellectuelle » . Ratifiée par Madagascar en 1991, la CIDE incorpore le Droit positif malgache et fait obligation à l’Etat de mettre sa législation en conformité avec cette norme supra légale. En effet, si dans les années 60, l’ordonnance 62- 038 était un texte innovateur , elle est devenue désuète et non conforme par rapport à la CIDE. Son caractère discriminatoire était flagrant car elle traite, en grande partie, de la protection des mineurs délinquants et ne mettait pas en exergue la protection des enfants en danger tant moral que matériel. Ceux-ci ne faisaient l’objet que de l’article 3 de l’ordonnance.
Evolution de la Protection de l’enfant
Avant la mise en conformité de la législation nationale avec la CIDE, la protection de l’enfant avait une toute autre finalité : protéger l’enfant mineur. C’est une protection fondée sur une « image négative » de l’enfant. L’enfant est considéré comme un incapable manipulable et plus facilement influencé par les adultes et son environnement. Il s’agissait donc, d’une protection embryonnaire sous l’ancienne législation (§1), avant que la loi de 2007 n’intervienne et vienne renforcer le Droit positif applicable en matière de protection de l’enfant (§2).
Protection embryonnaire sous l’ancienne législation
La protection était embryonnaire dans la mesure où elle se reposait seulement sur la conception traditionnelle de l’enfant d’une part (A), et d’autre part, elle consistait dans la protection de la minorité et non de l’enfant en tant que tel (B).
A. Conception traditionnelle de l’enfant
La protection fondée sur la conception traditionnelle de l’enfant est une arme à double tranchante. En effet, si l’enfant occupait une place privilégiée au sein de la famille et de la société (1), cette position se retournait, en réalité, contre lui. C’est le concept de l’enfant « otage »(2).
1. Place privilégiée
Etymologiquement, quelques expressions malgaches traduisent ceux que sont les enfants aux yeux de leurs parents. Le Menakynyaina signifie littéralement l’essence de la vie.
L’enfant est le centre de la vie de ses parents. Le Sombin’nyaina, silakynyaina ou encore vahatrin’nyainasignifient que l’enfant est uneparcelle de la vie. Il est un fragment de leur existence. Le père et la mère vivent pour et à travers leur enfant. Tout cela établit la croyance bien ancrée des Malgaches de survivre en leurs enfants. Ils éparpillent leurs propres vies dans leurs enfants. C’est ce qui justifie leur amour profond pour ces deniers. Les jeunes mariés sont salués par le tsodranondrazana : « maroafara, maroadimby » suivi du sacré «miterahafitolahyfitovavy » . En effet, pour les Malgaches, la descendance est sacrée. La raison principale du mariage est le désir d’une progéniture pour continuer le taranaka. Ces expressions montrent aussi par la même occasion qu’il n’y avait aucune distinction entre filles ou garçons, du moins, du point de vue de la joie que les parents ressentent lors de la naissance. Un proverbe dit : « ho arahin-jazalahy, ho arahin-jazavavy » . La naissance de l’enfant était toujours accueillie avec la plus grande joie. L’important c’était d’avoir cette fameuse continuation de la personne des parents dans les enfants.
D’autre part, une nombreuse progéniture forçait l’admiration et le respect de tous. L’influence d’une mère au sein de la famille était proportionnée au nombre de ses rejetons . Il leur importait peu qu’il s’agisse tous de garçons ou toutes des filles. D’ailleurs, le père insatisfait de la composition de sa progéniture pouvait toujours prendre une nouvelle femme pour essayer d’avoir un garçon ou une fille, mais cela ne changeait en rien le statut des enfants de la première union. En effet quelle que soit son origine : naturelle, légitime ou adultérin l’enfant représente une force nouvelle dans la famille et sa venue est toujours accueillie avec joie . Cette phrase en dit long sur la conception traditionnelle malgache de l’enfant. La société traditionnelle malgache est, ici, située aux périodes bien avant la venue des étrangers ou du moins lorsque ceux-ci n’influençaient pas encore la société mais se contentait alors d’observer ce nouveau monde . La progéniture est si désirée par les Malgaches que tout est mis en œuvre pour sa venue. La protection de l’enfant commençait dès avant la naissance. La femme enceinte était rayonnante d’orgueil car c’est l’événement le plus heureux qui puisse lui arriver. Ses vœux ont exhaussés. La future mère est alors entourée de soins, de tendresse et d’égards sans nombre, de la part de sa famille mais aussi de la part de toute la communauté. Tout cela pour qu’elle puisse mettre au monde le « petit être tant souhaité » dans les meilleures conditions. Différentes rites et usages coutumiers devaient être observés pour protéger l’enfant à travers la mère à différent stade, de la grossesse à la délivrance .
Concept de l’enfant otage
La société traditionnelle malgache est fortement organisée et hiérarchisée . Elle est dominée par les Anciens, les loholona, les zokiolona, ou encore lesolo-bequi, eux-mêmes, reçoivent des instructions des Razana. Ils sont les dépositaires de la sagesse des ancêtres. Ils ont une influence et une autorité considérable sur la jeune génération car ils sont chargés de lui transmettre cette sagesse. Le respect dû à l’enfance n’existait pas. Dès leur plus jeune âge, les enfants sont fixés sur le rôle qu’ils auront à jouer plus tard dans la famille comme dans la société . L’enfant devait respect au Rayaman-dReny c’est-à-dire à ses parents mais aussi à tous ses ainés et tous les membres de la famille élargie. Il devait se conformer à leur opinion. Il devait prononcer les paroles convenablement et faire preuve de savoir vivre traditionnel à leurs égards. De plus, si l’enfant est accueilli dans la joie, quelques soient son origine et son sexe, il existe néanmoins des distinctions quant à l’éducation des filles et des garçons mais aussi de la manière dont ils sont traités par la société.
D’une manière générale, l’éducation traditionnelle se faisait dans le cadre de la famille. Elle visait à entretenir les liens qui unissaient chaque membre de la famille à l’enfant et à inculquer l’amour de la terre ancestrale à celui-ci. La famille était investie d’une véritable fonction affective et pédagogique. L’éducation était plus poussée pour les garçons que pour les filles. Cette différence de traitement est si bien ancrée dans notre culture qu’elle existe jusqu’à nos jours. En effet, les garçons étaient destinés à perpétuer la lignée familiale et bénéficiait très tôt du respect des personnes âgées. Cette tâche incombait plus particulièrement à l’ainé des garçons. Le rang de la naissance comptait beaucoup. L’ainé bénéficiait de droit d’ainesse sacré qui lui conférait des droits considérables,notamment en matière successorale. Mais cela ne se faisait pas sans contre partie. En effet, l’ainé devait assurer la protection des plus jeunes et être le substitut des parents en leur absence. Il était donc sujet à une plus forte frustration et pression car il était responsable de ce qui pouvait arriver à ses cadets en l’absence de leur père et mère. Les garçons sont initiés aux rites et aux coutumes. Ils s’imprégnaient de l’expérience des ancêtres.
B. Protection fondée sur la minorité
Sous l’ancienne législation, l’enfant devait obéissance à son père, Chef suprême de la famille. Tant qu’il ne désobéissait pas à celui-ci, il n’avait rien à craindre. Il était soumis à la puissance paternelle . D’autre part, le « zazatsyampytaona », lui, était soumis à un régime particulier de responsabilité pénale instituée par l’ordonnance 62-038 du 19 septembre 1962 dont l’article 3 prévoyait une protection spéciale pour les enfants en danger .
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Table des matières
Introduction générale
Première partie : LA PROTECTION DE L’ENFANT DANS LE DROIT POSITIF MALGACHE
Chapitre 1 : CONTEXTUALISATION
Section 1 : Evolution de la Protection de l’enfant
Section 2: Etat des lieux de la Protection de l’enfant
Chapitre 2 : LA PRATIQUE JUDICIAIRE MALGACHE
Section 1 : Dualité du système de protection
Section 2 : Mode opérationnel du système de protection
Deuxième partie : L’ESQUISSE D’UNE REFORME DE LA PROTECTION DES ENFANTS
Chapitre 1 : ANALYSE DE L’EFFICACITE DU SYSTEME DE PROTECTION
Section 1 : Impact global de la loi
Section 2 : Refondement du droit des mineurs
Chapitre 2 : DIFFICULTES PRATIQUES D’APPLICATION DE LA LOI
Section 1 : Défaillance organisationnelle du système
Section 2 : Facteurs de déperdition intrinsèque
Conclusion générale
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABREVIATIONS
ANNEXES