Contexte socio-scientifique et objectifs du MOOC-TEAM
Vers une utilisation raisonnée des substances chimiques
A l’échelle globale, des pollutions des différents milieux (atmosphère, eaux et sols) par des éléments métalliques persistants (plomb, cadmium, mercure, arsenic, etc.) sont observées avec des conséquences environnementales et sanitaires. Réduire l’exposition humaine aux polluants métalliques, présents en particulier dans les zones (péri)urbaines très anthropisées et densément peuplées, est donc un enjeu crucial en termes de santé publique (Dumat et al., 2016 & 2019). Cependant, les mécanismes « biogéochimiques » impliqués dans les transferts et impacts (éco)toxiques des polluants sont complexes et les scénarios d’exposition des populations (qui impliquent des enquêtes de terrain auprès des acteurs) souvent incomplètement renseignés (Mombo et al., 2016 ; Goix et al., 2016). Dans ce contexte, la gestion durable des substances chimiques potentiellement (éco)toxiques, en termes « d’éviter, réduire et réparer les impacts », implique une approche scientifique interdisciplinaire et volontairement accessible au plus grand nombre, afin de favoriser une montée en compétence de l’espace public sur ce thème (Suraud, 2013). Le règlement européen REACH (règlement n°1907/2006) est d’ailleurs entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques en Europe. Toutes les substances chimiques y compris les substances naturelles comme les métaux sont concernées. Il s’agit de recenser, évaluer et contrôler les substances chimiques fabriquées, importées, mises sur le marché européen sur tout leur cycle de vie. L’Europe souhaite disposer des moyens juridiques et techniques pour garantir à tous un haut niveau de protection contre les risques liés aux substances chimiques. Dans un contexte de renforcement des controverses sociotechniques engendrées par les changements globaux, mettant en jeu des décisions politiques et des choix économiques, l’évolution des métiers et des genres professionnels est pleinement d’actualité. Selon Gibert (2019), en développant des dispositions à s’engager dans des projets, en s’inscrivant dans un enseignement socio-scientifique qui ne communique pas que des résultats établis, évitant ainsi « l’addiction à la pensée dogmatique » (Coquidé, 2018), l’élève va développer une pensée propre et sa capacité à prendre du recul sur des informations.
Enjeux et défis de la médiation scientifique
La transition écologique peut-être définie par le passage du modèle actuel de production et de consommation à un modèle plus écologique et durable à travers des changements de pratiques dans différents secteurs de la société (Carrère, Dumat & Zélem, 2019). En France, elle est devenue une priorité de l’Etat en 2013 avec la création du Conseil National de la transition écologique. La stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (SNTEDD) a été définie en 2015 par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie ; puis en 2017, un ministère de la transition écologique a été créé. Parmi les objectifs de la SNTEDD, deux axes importants sont à noter : (1) Éduquer, former et sensibiliser pour la transition écologique et le développement durable ; (2) Mobiliser les acteurs à toutes les échelles. Dans ce contexte, donner des clés de compréhension pour des phénomènes environnementaux du quotidien (comme la qualité des denrées alimentaires ou de l’eau consommées) des citoyens apparaît crucial en termes de démocratie, d’inclusion et de réduction des inégalités écologique.
Par ailleurs, en France, le travail des chercheurs et enseignants-chercheurs est mal connu de la société civile (L’Etudiant, 2014), et cela engendre un manque de reconnaissance (réduction des moyens alloués). Les chercheurs entrent alors dans une compétition trop souvent contre-productive et chronophage, pour obtenir des financements (ACFAS, 2016), surtout dans des domaines tels l’environnement ou la géologie, jugés secondaires pour l’économie du pays (MENESR, 2015). Les publications et actions se multiplient cependant pour réaffirmer les rôles des Universités et l’altérité ressort comme un enjeu majeur pour les établissements d’enseignement supérieur (Villiot-Leclercq et al., 2017 ; Dumat et al., 2017 ; Bourdié, 2008).
L’altérité, un enjeu majeur pour les établissements d’enseignement supérieur
La gestion durable des substances chimiques est un sujet qui se prête particulièrement bien au développement de ressources pédagogiques accessibles à tous, sachant que 12 millions de Français sont en situation de handicap (20% de la population totale). La loi française du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances a donc permis à tous les acteurs d’intégrer les personnes en situation de handicap de la meilleure façon possible à tous les secteurs de l’entreprise. Le sentiment d’exclusion est en effet un sentiment particulièrement douloureux selon Eisenberger et al. (2003) ou Desrumaux et al. (2019). C’est pourquoi, il y a une volonté ministérielle et une obligation réglementaire (Loi n° 2005-102) d’inclusion des étudiants en situation de handicap à l’Université (CPU, 2012, Moreau et al., 2013 ; Dumat et al., 2017 ; Amadieu & Tricot, 2015 et Education inclusive). Le handicap est une source d’innovation technologique et sociale (Initiatives : Social cup ; Fab Life ; Handiversité, 2016). Villiot-Leclercq et al. (2017) présentent un plaidoyer sur l’altérité comme enjeu majeur pour les établissements d’enseignement supérieur. Selon ces auteurs, les acteurs de l’enseignement supérieur ont une responsabilité à assumer (par les discours et les actes) sur la façon dont chacun (étudiants, enseignants, instances gouvernantes) aborde l’expérience du rapport à l’Autre. Les grandes questions à creuser par les enseignantschercheurs des universités en France concernent en particulier : (i) la collaboration (coconception, co-évaluation…) et les approches pédagogiques favorisant cette posture ; (ii) la personnalisation des dispositifs d’enseignement et de l’adaptabilité des parcours. C’est dans ce contexte que le projet EIFFELa : « Expérience Innovante sur FUN pour des Formations en Ligne Acessibles » soutenu par l’ANR-IDEFI a pour objectif de promouvoir une expérience utilisateur enrichie sur les MOOCs grâce à des technologies innovantes pour l’application des normes du Référentiel Général d’Accessibilité pour les Administrations (RGAA) publiées en 2010. En 2019 une nouvelle version du référentiel est publiée, il change de nom et devient le Référentiel général d’Amélioration de l’Accessibilité. En application du RGAA, toutes les situations de handicap sont prises en compte et ceci grâce aux potentialités et à l’agilité du numérique : malvoyance et cécité (contraste, couleurs, mise en place de l’audiodescription ou description, etc.), malentendance et surdité (mise en place des sous-titres et transcription de texte), handicaps moteurs (accessibilité des boutons, chemin avec la souris, etc.) et handicaps cognitifs (supports visuels, ancrage mémoriel, etc.). Ces aspects d’accessibilité numérique sont développés par l’entreprise Koena experte en inclusion par le numérique. Le MOOC-TEAM particulièrement original en termes d’accessibilité pour les sourds/malentendants et pour son contenu scientifique, a été intégré dans le projet EIFFELa qui s’appuie sur un panel d’innovations pédagogiques numériques afin de rédiger un guide de bonnes pratiques pour la création de supports totalement accessibles. Les sourds ont en effet encore aujourd’hui des difficultés importantes pour s’informer et se former, et la LSF n’est que rarement utilisée dans l’éducation nationale et les médias. En conséquence, sur les réseaux sociaux les initiatives associatives se multiplient démontrant la soif de culture et la motivation évidente des personnes sourdes: ateliers (art, astronomie, cuisine, informatique, zéro déchets, etc…), journalisme (COP21 LSF, Fusillade à Paris, Média’Pi), petites informations (L’info, c’est clair), etc. Selon Leroy (2010 & 2012), un sourd signant apprend le français comme une langue étrangère et ne peut donc avoir le même niveau linguistique qu’une personne dont la langue maternelle est le français. Cependant, le nombre d’écoles bilingues reste largement insuffisant pour permettre à tous les sourds d’avoir accès à une éducation du même niveau que celle des entendants (Leroy, 2010 & 2012 ; Perini, 2007). En 2019, il existe en France une formation universitaire bilingue : la licence de traduction – médiation en LSF à l’université Jean Jaurès de Toulouse. L’accès aux études supérieures est en conséquence très difficile pour les sourds ; ceci constitue d’ailleurs une infraction réglementaire à la Loi de 2005. De plus, le budget des universités ne permet qu’une finance partielle de l’interprétation des cours en LSF pour chaque étudiant sourd. Une étude non exhaustive réalisée en 2016 par l’association EtudiantS’31 (cf lien : Vidéo EtudiantS’31) conclue qu’en moyenne 25% du budget pour l’interprétation LSF est fourni par l’établissement d’études supérieures. Les pourcentages de cours interprétés varient entre 24 et 80 %. Pour les plus hauts pourcentages, le budget a été complémenté (participation personnelle, entreprise) ou négocié avec les établissements supérieurs. Cette situation fragilise les personnes malentendantes : 41% d’entre-elles ont des difficultés avec l’écrit et la lecture (dont 35% de sourds signants), et 11,6% sont au chômage (INPES 2011/2012; Perini, 2007). Dans ce contexte, notre équipe s’est donc posé la question: comment assurer l’accessibilité des cours pour les différents étudiants ? La création de ressources pédagogiques numériques accessibles apparait comme un moyen efficient pour assurer une diffusion large et adaptée des connaissances, et illustrer de façon pédagogique les transferts de métaux dans l’environnement. De plus, une fois la ressource pédagogique numérique créée, elle peut évoluer et servir de base pour la création d’une nouvelle ressource répondant aux besoins spécifiques des apprenants : sous-titrages, traductions, etc. (Saucian et al., 2017). Le numérique offre ainsi une opportunité de créer du lien entre différentes communautés (entendants, sourds, etc.) qui peuvent co-construire et co-utiliser des ressources pédagogiques sur des bases d’excellence équitable et solidaire. Des expériences avec des bébés entendants « Parler avec les mains » ont d’ailleurs mis en évidence que la LSF facilitait aussi la communication des petits et leur apprentissage ensuite du langage oral (Le Monde, 2016). La loi du 11 février 2005 comme celle du 8 juillet 2013, en engageant le système éducatif français à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction portent en elles beaucoup d’espoir. Ces lois sont aussi un levier de transformation des pratiques enseignantes. Depuis 2008, le questionnement des chercheurs de l’Observatoire des pratiques sur le handicap : recherche et intervention scolaire (OPHRIS) porte « sur les contradictions et sur les petits pas du quotidien qui permettent malgré les obstacles, de faire avancer cette idée d’un élève et d’un enseignant, comme – autrement capables – » (Assude & Perez, 2014 ; Benoit, Assude & Perez, 2017). Dans la classe, la question des pratiques enseignantes dites « inclusives » (Suau, 2016) demande de relever des défis dont celui de passer d’un contrat social d’assistance individuelle à un contrat de construction de l’enseignement et de l’apprentissage (Pelgrims, 2016). Dans un contexte européen et international de crise économique et de reconfiguration de l’utilité des certifications, la professionnalisation de l’enseignement supérieur apparaît aujourd’hui comme une question majeure (Reverdy, 2014). Or, la notion de professionnalisation dans l’enseignement supérieur est polysémique et complexe (Postiaux & Romainville, 2011). « Elle interroge en effet les rapports entre les universités et les entreprises ainsi que l’articulation entre formation générale et professionnelle, entre formation et accès à l’emploi. Elle soulève également des interrogations théoriques, par exemple sur la façon dont s’acquièrent et s’articulent savoirs pratiques et théoriques, compétences techniques et générales. Elle génère enfin de multiples questions pratiques concernant la place de la formation professionnelle dans l’enseignement supérieur, son dosage, son moment et ses modalités (alternance, stages, travaux personnels ?). » (Rose, 2008). Or, le taux de chômage des personnes handicapées (18 %) est deux fois supérieur à la moyenne nationale (JO Sénat du 11/01/2018). La différenciation est une pratique pédagogique visant à organiser et à prendre en charge dans le même temps dans la classe l’avancement de chaque élève, ce qui en fait un « enseignement axé sur les besoins des élèves » (Feyfant, 2016). Les textes internationaux évoquent l’idée plus large d’« éducation inclusive », déplaçant le problème individuel d’inclusion de chaque enfant dans un système éducatif à un problème collectif de modification de ce système pour que l’ensemble des enfants bénéficie d’une éducation de qualité, quels que soient leurs besoins (Reverdy, 2017). L’UNESCO (2017) définit ainsi l’inclusion par « un processus qui aide à dépasser les barrières limitant la présence, la participation et la réussite des apprenants » et l’éducation inclusive par « un processus de renforcement de la capacité d’un système éducatif donné à s’adresser à tous les apprenants ». « L’accessibilité se doit de tenir compte du contexte et du système dans lequel la compensation par le numérique se développe. […] Si la compensation s’attache plus volontiers aux procédures d’attribution et à l’usage des outils numériques, l’accessibilité s’oriente très clairement vers un processus d’appropriation pour répondre aux besoins particuliers et à l’activité des personnes. Il s’agit ici de la distinction que l’on peut faire entre approche centrée sur l’individu et approche centrée sur le système. » (Benoit & Feuilladieux, 2017). Felder (2018) encourage à appréhender l’éducation inclusive non par ses seuls aspects techniques (mesures compensatoires notamment pour assurer le minimum éducatif) mais comme un projet éthique à construire pour une société inclusive. « Une des tâches de l’éducation inclusive devrait être de permettre la reconnaissance des individus de plusieurs manières, non seulement en termes de respect ou de droits, mais aussi en développant des amitiés solides, des relations de confiance entre les partenaires pour rendre possible l’estime de ces individus. ». Allenbach et al. (2016) appellent donc à des espaces de confrontation de pratiques entre acteurs et actrices concerné.e.s et de négociation de leurs rôles, pour dépasser les tensions et paradoxes qui les empêchent souvent de collaborer mais qui sont inhérents aux pratiques de pédagogie inclusive.
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME