Par sa biodiversité, Madagascar conquiert le monde entier. En effet, il abrite des espèces faunistiques et floristiques atteignant un taux d’endémisme élevé, près de 90% avec environ 9000 sur 12 000 espèces de plantes supérieures, 77 sur 105 espèces de mammifères, 103 sur 253 espèces d’oiseaux, 274 sur 300 espèces de reptiles et 176 sur 178 espèces d’amphibiens (Conservation International, 2010). Depuis 1970, le monde a pris conscience de la dégradation des équilibres naturels se manifestant par l’appauvrissement de la biodiversité, le gaspillage des ressources naturelles, la dégradation des écosystèmes, les désastres écologiques … Afin de protéger et gérer l’environnement, de nombreuses stratégies comme les actions et les politiques ont été conçues et élaborées. Cependant, les chercheurs et les acteurs sont convaincus que le système éducatif s’avère être une contribution sine qua none pour faire face aux problématiques environnementales et relever ces grands défis environnementaux, ce qui est le fondement même de l’Education Environnementale (EE). L’Education relative à l’Environnement (ErE) nait et se définit comme étant « Une forme d’éducation dont les thèmes abordés sont relatifs aux problèmes de l’environnement. Elle est aussi concernée par les problèmes d’utilisation et de gestion des ressources. » (Giordan et Souchon, 1992).
L’ErE consiste à aider les individus ou groupes d’individus ; à prendre conscience de l’Environnement global et des problèmes annexes et à s’y montrer sensibles ; à acquérir une compréhension essentielle de l’Environnement global et des problèmes qui s’y rattachent ; à acquérir le sens des valeurs sociales, le sentiment profond d’intérêt pour l’Environnement et la volonté clairement ressentie, de contribuer par les actes à sa protection et à son amélioration ; à acquérir les savoir-faire nécessaires à la solution des problèmes environnementaux ; à procéder à une évaluation des mesures et programme de formation touchant à l’Environnement, en fonction de facteurs d’ordre écologique, politique, économique, social, esthétique et éducatif ; et enfin à se rendre compte de leur responsabilité et la nécessité d’agir sans tarder sur le plan de l’Environnement si les dispositions requises doivent être prises pour résoudre les problèmes qui se posent (Conférence de Tbilissi,1977).
ETAT DE L’ART
Des actions directes sur l’environnement sont primordiales pour que le changement de comportement soit efficient en terme de conservation de l’environnement. De par l’approche « model school » adopté par WWF Madagascar depuis 2010 qui se base sur l’Education pour le Développement Durable (EDD), ce travail s’axe sur l’éducation de jeunes élèves au sein des établissements scolaires, afin que ces derniers puissent avoir la capacité de prendre des décisions qui tiennent en compte les impacts de leurs décisions sur la vie des autres et sur les générations futures. En ce sens, cela consiste à éduquer les jeunes à devenir des citoyens solidaires, fiers d’être Malagasy, respectant les richesses naturelles et les valeurs culturelles de Madagascar, ayant le sens du bien commun, responsables et aptes à agir individuellement et collectivement pour le changement et la transformation de leur milieu dans la recherche du bien‐être et d’une qualité de vie meilleure pour toutes les générations (Magazine Vintsy n°73, 2014).
Le concept de l’EDD répond à la fois aux besoins en termes d’éducation aux savoirs, au savoir-faire lié à la protection de l’environnement et au savoir-être basé sur les valeurs et les attitudes. D’ailleurs, L’EDD est un moyen d’améliorer la qualité de l’éducation de base, de réorienter les programmes pédagogiques existants et de renforcer les activités de sensibilisation (Magazine Vintsy n°73, 2014). Par conséquent, à travers le processus EDD, les apprenants acquièrent : les connaissances fondamentales permettant le développement normal, les valeurs et les savoir-être pour devenir des citoyens modèles et les compétences nécessaires permettant de former des citoyens actifs et responsables sur le plan socio économique et culturel. Grace à cette démarche, les élèves peuvent évoluer dans un environnement social, culturel et économique dynamique. Les actions conduites au niveau de l’établissement scolaire se doivent alors de répondre au besoin d’amélioration des conditions de vie des élèves, à l’acquisition des compétences pour la vie et également à donner du sens à leur éducation afin de garantir l’adhésion de la communauté scolaire et assurer la durabilité des acquis. (Magazine Vintsy n°73, 2014).
Théorie des valeurs universelles
Les valeurs reflètent ce qui semble important dans la vie. Chaque individu accorde divers degrés d’importance divers aux valeurs (par exemple : la réussite, la sécurité, la bienveillance). Une valeur particulière peut être très importante pour une personne et sans importance pour une autre. La théorie des valeurs, de Schwartz en 1987 (WEB 1, 2019), adopte une conception des valeurs qui leur attribue six caractéristiques principales :
● Les valeurs sont des croyances associées de manière indissociable aux affects. Quand les valeurs sont « activées », elles se combinent aux sentiments. Les personnes pour qui l’indépendance est une valeur importante sont en état d’alerte si leur indépendance est menacée, désespérées quand elles ne parviennent pas à la préserver, et heureuses quand elles peuvent l’exercer.
● Les valeurs ont trait à des objectifs désirables qui motivent l’action. Les personnes pour qui l’ordre social, la justice et la bienfaisance sont des valeurs importantes sont motivées pour poursuivre ces objectifs.
● Les valeurs transcendent les actions et les situations spécifiques. L’obéissance et l’honnêteté, par exemple, sont des valeurs qui peuvent être pertinentes au travail ou à l’école, dans la pratique d’un sport, dans les affaires, en politique, au sein de la famille, avec les amis ou les étrangers. Cette caractéristique permet de distinguer les valeurs de concepts plus restreints comme les normes ou les attitudes qui s’apparentent généralement à des actions, des objets ou des situations particulières.
● Les valeurs servent d’étalon ou de critères. Les valeurs guident la sélection ou l’évaluation des actions, des politiques, des personnes et des événements. Ainsi, s’y réfèrent la décision de ce qui est bon ou mauvais, justifié ou illégitime, de ce qui vaut la peine d’être fait ou de ce qui doit être évité en fonction des conséquences possibles. Mais l’impact des valeurs sur les décisions de tous les jours est rarement conscient. Les valeurs deviennent conscientes quand les actions ou les jugements envisagés entrent en conflits avec les différentes valeurs estimées.
● Les valeurs sont classées par ordre d’importance les unes par rapport aux autres. Les valeurs d’une personne peuvent être classées par ordre de priorité, et cette hiérarchie est caractéristique de cette personne. Accorde-t-elle plus d’importance à la réussite ou à la justice, à la nouveauté ou à la tradition ? Le fait que les valeurs soient hiérarchisées chez un individu permet aussi de les distinguer des normes et des attitudes.
● L’importance relative de multiples valeurs guide l’action. Toute attitude, tout comportement implique nécessairement plus d’une valeur. Par exemple, aller à la messe peut exprimer et promouvoir des valeurs comme la tradition, la conformité et la sécurité, au détriment des valeurs d’hédonisme ou de stimulation. L’arbitrage entre des valeurs pertinentes et rivales est ce qui guide les attitudes et les comportements. Les valeurs contribuent à l’action dans la mesure où elles sont pertinentes dans le contexte (donc susceptibles d’être activées) et importantes pour celui qui agit.
Education aux valeurs liée à l’environnement
Goffin (1993) a choisi quatre valeurs majeures : la Solidarité, la Tolérance, l’Autonomie et la Responsabilité (valeur STAR). Le choix de ces valeurs a été dicté par le respect de la vie, le respect de soi, le respect d’autrui, le respect des générations futures, le respect de la nature.
✦ La solidarité : comme valeur environnementale, la solidarité découle d’une reconnaissance et d’un constat. La reconnaissance est celle du droit fondamental que possède tout homme et tout peuple à des conditions d’environnement de qualité suffisante pour assurer au moins sa santé et son bien-être. Le constat est celui de l’interdépendance accrue, aujourd’hui, entre les collectivités humaines, quelle que soit la partie du monde où elles se situent. Mettre en œuvre la solidarité, c’est s’efforcer de répondre aux besoins du présent, mais sans compromettre l’existence des générations futures. C’est une solidarité avec les générations futures.
✦ La tolérance : elle signifie la reconnaissance de la diversité des individus, des sociétés, des cultures. Non seulement la diversité doit être reconnue, mais elle doit être valorisée. La valorisation des différences entraîne le désir de complémentarité, elle engendre la coopération et l’échange et débouche par conséquent sur un enrichissement mutuel. La tolérance ne se réfère donc pas seulement à un principe passif de simple reconnaissance, mais aussi et surtout à un principe actif de coopération dans l’égalité.
✦ L’autonomie : cette valeur est liée au caractère contingent de l’environnement, relatif aux contextes écologiques et culturels spécifiques de chaque terroir et variant dans le temps selon une dynamique propre. Elle concerne la capacité des individus et des groupes sociaux à comprendre leur environnement et à exercer une action sur lui. Comme le contexte de chaque terroir est spécifique, il convient de laisser se développer des solutions adaptées aux problèmes vécus localement, grâce à des technologies et à des institutions appropriées aux réalités locales. Les populations concernées sont les acteurs de leur développement, elles se doivent de choisir les objectifs et les moyens, et de prendre les décisions subséquentes.
✦ La responsabilité qui suppose l’existence des trois valeurs précédentes. Elle répond au caractère normatif du rapport à l’environnement, en impliquant un jugement de valeur intrinsèque. Elle porte sur le rapport à autrui, auquel on ne peut nuire. Elle porte aussi sur le rapport aux générations futures, par le maintien du patrimoine naturel à leur usage. Elle porte enfin sur le rapport à la nature, par le respect de la vie, la nôtre et celle des écosystèmes.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : GENERALITES
CHAPITRE 1 : ETAT DE L’ART
CHAPITRE 2 : CONCEPTS DE BASE
I.2.1. Culture
I.2.2. Education
I.2.3. Valeur
I.2.4. Attitude et comportement
CHAPITRE 3 : REVUE DES DIFFERENTES THEORIES
I.3.1. Théorie des valeurs universelles
I.3.1.1. Caractéristiques
I.3.1.2. Valeurs de bases
I.3.1.3. Structure des relations entre les valeurs
I.3.2. Education aux valeurs liée à l’environnement
I.3.3. Stratégies d’éducation aux valeurs
I.3.4. Processus du changement
I.3.5. Démarche du changement de comportement
I.3.6. Lien entre action et développement d’attitudes et de comportements
PARTIE II : METHODOLOGIE DE TRAVAIL
CHAPITRE 1 : PRESENTATION DE L’ETUDE
II.1.1. Problématique
II.1.2. Hypothèses
II.1.3. Objectifs de la recherche
II.1.4. Intérêt de l’étude
CHAPITRE 2 : MILIEU D’ETUDE
II.2.1. Le Parc National Tsingy de Bemaraha
II.2.1.1. Localisation
II.2.1.2. Situation géologique, faunistique et floristique
II.2.1.3. Tsingy de Bemaraha : un patrimoine mondial de l’UNESCO
II.2.1.4. Le CEG Bekopaka
CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE
II.3.1. Travaux et recherches bibliographiques sur les valeurs
II.3.2. Identification des besoins et des lacunes par rapport aux valeurs
II.3.2.1. Population cible
II.3.2.2. Analyse quantitative : réalisation d’enquête
II.3.2.3. Focus group
II.3.2.4. Entretien bilatéral
II.3.2.5. Observation directe de la situation au niveau de l’établissement scolaire et des communautés
II.3.3. Formation, renforcement de capacités et plan d’action
PARTIE III : RESULTATS ET INTERPRETATIONS
CHAPITRE 1 : ANALYSE DES BESOINS DES ELEVES/DES ENSEIGNANTS PAR RAPPORT AUX VALEURS AUPRES DE L’ETABLISSEMENT SCOLAIRE
III.1.1. Résultats et interprétations des enquêtes auprès des élèves
III.1.1.1. Sexe
III.1.1.2. Age
III.1.1.3. Origine
III.1.1.4. Frères et sœurs
III.1.1.5. Milieu de vie
III.1.1.6. Durée du trajet en partant de la maison vers l’école
III.1.1.7. Matière préférée et détestée en classe
III.1.1.7.a. Matière détestée
III.1.1.7.b. Matière préférée
III.1.1.8. Activités durant les temps libres
III.1.1.9. Carrière envisagée
III.1.1.10. Travail des parents
III.1.2. Résultats et interprétations des enquêtes auprès des enseignants
III.1.2.1. Généralités et notion sur le Tsingy
III.1.2.1.a. Connaissance du Tsingy
III.1.2.1.b. Compréhension du Tsingy
III.1.2.1.c. Visite du Tsingy
III.1.2.2. Pédagogie générale
III.1.2.3. Technique et style d’enseignement
III.1.2.4. Fréquence et objectif des suivis
III.1.1. Résultats et interprétations des enquêtes auprès des parents
III.1.3. Synthèse des valeurs manquantes identifiées auprès des enfants, des enseignants et des parents
CHAPITRE 2 : FORMATION, RENFORCEMENT DE CAPACITES ET PLAN D’ACTION
III.2.1. Objectifs généraux du module de formation
III.2.2. Objectifs spécifiques
III.2.3. Durée
III.2.4. Méthode pédagogique
III.2.5. Activités d’apprentissage
III.2.5.1 Activités intramuros
III.2.5.2 Activités extra muros
III.2.6. Evaluation des apprentissages de la formation
III.2.7. Matériel pédagogique
III.2.8. Planification de la formation
III.2.8.1. Evaluation de la formation
III.2.9. Résultats des acquis durant la formation
III.2.10. Plan d’action environnemental adoptée par les enseignants et les élèves pour l’année scolaire 2018-2019
PARTIE IV : DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS
CHAPITRE 1 : VERIFICATION DES HYPOTHESES
IV.1.1. Nécessité de la recherche bibliographique
IV.1.2. Nécessité d’identification des besoins en valeurs
IV.1.3 Plan de renforcement de capacités et plan d’action
CHAPITRE 2 : RECOMMANDATIONS STRATEGIQUES
IV.2.1. Sur le plan renforcement de capacités
IV.2.2. Sur la méthodologie adoptée
CHAPITRE 3 : PERSPECTIVES
CONCLUSION