Résultats de l’échantillonnage
La liste fournie par le rectorat de la Guadeloupe nommait 84 établissements (collèges et lycées généraux ou technologiques). Les établissements nommés différemment ont été considérés individuellement même s’ils étaient sous la responsabilité d’un même chef d’établissement. Douze de ces établissements ont été exclus car hors Guadeloupe « continentale ». Un établissement a été exclu car ouvert après la date de début de l’étude. Soixante et onze établissements ont donc été visités. À deux reprises, deux établissements étaient regroupés en un groupe scolaire et géraient de façon commune leur politique d’éducation à la santé. Soixante-neuf questionnaires ont donc été complétés entre novembre 2013 et mars 2014.
Mise en œuvre du dispositif
86% des établissements comprenant un niveau collège et 68% des établissements comprenant un niveau lycée avaient mis en place des séances d’éducation à la sexualité. Les séances d’éducation à la sexualité avaient le plus souvent été proposées aux élèves en 4e, 3e et 2nde (tableau 4). Parmi les établissements participant, et quand ces niveaux étaient présents dans les établissements considérés, 63,8% avaient proposé au moins une séance dans leurs classes de 4e , 54,8% dans leurs classes de 3e , et 60% dans leurs classes de 2e . Seuls 27,5% des établissements avaient proposé au moins une séance dans leurs classes de 6e et 5e , 36,7% dans leurs classes de 1re et 24,1% dans leurs classes de terminale. Quand elles avaient été organisées, la participation à ces séances était obligatoire dans 94,5% des établissements, et avaient touché le plus souvent toutes les classes du niveau concerné. Quand il était présent, l’infirmier de l’éducation nationale était le premier impliqué dans l’organisation de ces séances (98,1% des cas), suivi des conseillers principaux d’éducation (21,4% des cas), des assistants de service social (18% des cas), et des enseignants de science de la vie et de la terre (10,7% des cas). L’infirmier de l’éducation nationale était également le premier impliqué dans l’animation de ces séances (100% des cas), suivi des assistants de service social (24% des cas), et des enseignants de science de la vie et de la terre (10,7% des cas). Dans 53,8% des cas, s’il était présent, l’infirmier était seul à organiser ces séances, et dans 15,4% des cas, il était le seul à les animer. Dans 75% des cas, des intervenants extérieurs à l’établissement avaient participé à l’animation de ces séances. Il s’agissait en particulier de l’organisme de planning familial « maternité consciente » (69% des établissements concernés) et d’équipes dépendant du centre de coordination régionale de lutte contre le VIH (COReVIH) (30,9% des établissements concernés). De nombreuses structures institutionnelles ou associatives étaient intervenues de façon plus ponctuelle. Parmi les établissements participant, 3,5% à 13,3% avaient proposé trois séances ou plus d’éducation à la sexualité à au moins un niveau scolaire. Dans 18,8% des établissements, aucune séance d’éducation à la sexualité n’avait été proposée aux élèves. À noter que 27,3% des établissements scolarisant des élèves en situation de handicap (ULIS) proposaient des séances d’éducation adaptées à ces élèves. Il en était de même pour 53,3% des établissements accueillant des élèves présentant des difficultés d’apprentissage graves et durables (SEGPA). Parmi les établissements organisant des séances d’éducation à la sexualité, 48,2% ont déclaré n’avoir mené aucun diagnostic éducatif préalable (tableau 5). Quand ce diagnostic avaitété mené, l’indicateur le plus fréquemment utilisé était le nombre de grossesses chez les élèves scolarisées (58,6% des cas). Ils étaient néanmoins 63,6% à procéder à des évaluations intermédiaires (sur le nombre de participants, l’atteinte des objectifs éducatifs et la satisfaction parmi les élèves), et 73,2% à programmer un bilan des actions en fin d’année. Un distributeur de préservatifs en état de fonctionnement était présent dans 17,9% des lycées (tableau 6). La contraception d’urgence était accessible dans 78,3% des établissements interrogés. Des dépliants informatifs sur la prévention des grossesses précoces ou des IST étaient disponibles dans 89,9% des établissements, des espaces d’affichage public dans 66,7% des établissements. Des dépliants informatifs étaient disponibles hors de l’infirmerie dans 27,5% des établissements. Des espaces d’affichage étaient en place hors de l’infirmerie dans 26,1% des établissements. Des actions ponctuelles de prévention des IST avaient été menées dans 63,8% des établissements, presque exclusivement à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida. Seuls 14,5% des établissements avaient mené des actions ponctuelles de prévention des grossesses précoces. Des actions destinées aux parents d’élèves avaient été menées dans 11,6% des établissements. Les parents d’élèves avaient participé à l’organisation ou à l’animation d’actions ponctuelles dans 4,4% des établissements.
Obstacles au dispositif
Nous avons regroupé les obstacles au dispositif mentionnés par les chefs d’établissement et les coordonnateurs des projets d’éducation à la santé en quatre thèmes (tableau 12). Le tabou sexuel, parfois renforcé par le dogme religieux était un thème fréquemment mentionné par les chefs d’établissement et les coordonnateurs des projets d’éducation à la santé. Il était un motif de réticence ou d’opposition au dispositif d’information et de prévention en matière de sexualité de la part des parents d’élèves fréquemment mentionné par les chefs d’établissement, et de la part des personnels de l’établissement fréquemment mentionné par coordonnateurs de projets d’éducation à la santé. Le tabou sexuel était associé à la crainte du caractère incitatif de l’information donnée aux élèves, mentionné par les chefs d’établissement et les coordonnateurs de projets d’éducation à la santé dans 12 des 69 établissements, pour leur compte ou attribué aux personnels des établissements ou aux parents d’élèves. Cette crainte était associée au déni de l’existence d’une sexualité chez les élèves et à la crainte de « mettre les enfants dans le vice ». Le désir de grossesse chez les élèves, conscient ou non, a été fréquemment cité. Il a été le plus souvent attribué à une recherche de valorisation sociale par la parentalité, et à une recherche d’autonomie financière par l’aide sociale. Il a été également rapporté à un modèle social de parentalité précoce et une acceptation générale des grossesses des élèvespar leur famille. Des obstacles d’ordre sociétal ont été relevés. Les répondants opposaient au discours proposé dans les démarches de prévention un modèle de sexualité diffusé par les médias proposant une sexualité banalisée, de consommation et de performance. Ce modèle étant la référence unique des élèves si la sexualité n’est pas abordée en famille. Le champ limité de l’institution, ne permettant pas de protéger les élèves en dehors de l’espace et du temps scolaire, était également perçu comme un obstacle à l’efficacité du dispositif, en particulier en direction des élèves les plus exposés par des difficultés sociales, familiales et économiques majeures. La survenue fréquente des grossesses entre les cycles scolaires était également fréquemment citée. Enfin des caractéristiques bio-psycho-sociales des élèves ont été mentionnées comme limitant l’efficacité du dispositif. Il s’agit de reproduction de comportement par curiosité ou par recherche de popularité sans considération d’estime de soi ou dans un rapport au corps défaillant par jeunesse ou immaturité, ou de recherche volontaire de prise de risque et de transgression par rejet de l’institution, chez des élèves ayant une activité sexuelle de plus en plus précoce.
CONCLUSION
L’éducation à la sexualité dispensée à l’École répond à des enjeux de santé publique et contribue à la construction individuelle et sociale des élèves. Elle constitue un dispositif défini par des objectifs règlementaires,dont la mise en œuvre n’était pas évaluée en Guadeloupe. Cette étude,observationnelle transversale de type écologique, portant sur 71 établissements scolaires du second degré en Guadeloupe, est la première évaluation externe du dispositif d’éducation à la sexualité en milieu scolaire en Guadeloupe. Elle identifie les modalités de sa mise en œuvreet quantifie l’atteinte de ses objectifs. Le dispositif d’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires de Guadeloupe reposait sur l’implication des chefs d’établissement et l’action des infirmiers de l’Éducation Nationale. Un tiers des établissements parvenait à des scores d’effectivité et de cohérence conformes aux objectifs réglementairement ou légalement fixés. Les trois séances annuelles règlementaires d’éducation à la sexualité étaientpartiellement mises en place, mais dans une proportion supérieure à celle observée en France Métropolitaine. Le déploiement du dispositif rencontrait des freins liés à des difficultés d’organisation, particulièrement dans le secteur privé dépourvu d’infirmier. Des réticences et des oppositions relevant des représentations associées à l’éducation sexuelle constituaient également des obstacles à sa mise en œuvre. Cette étude permet d’élaborer des propositions d’interventions en réponse aux difficultés rencontrées.Impliquer de l’ensemble des personnels et les parents d’élèves, renforcer la présence médico-sociale dans les établissements et systématiser l’évaluation des politiques des établissements semblent particulièrement nécessaire. Nous proposons également des pistes d’interventions supplémentaires pour développer la capacité des établissements à mettre en place les séances d’éducation à la sexualité, par l’implication des enseignants à leur animation, et par la rationalisation de l’offre de partenaires extérieurs contribuant à leur mise en œuvre. Au-delà de ces propositions d’interventions, la question du paradigme dans lequel est conçue l’éducation sexuelle en Guadeloupe, qui sous-tend les réticences et les oppositions rencontrées par les établissements scolaires dans la mise en œuvre de leur programme, mérite d’être posée. Tenir compte des représentations de l’éducation sexuelles chez les adultes guadeloupéens nous semble indispensable à l’élaboration de programmes à la fois acceptables par le public, et susceptibles de contribuer à l’efficacité de l’éducation à la sexualité dispensée dans les établissements scolaires.
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Table des matières
INTRODUCTION
METHODES
RESULTATS
Résultats de l’échantillonnage
Analyse descriptive
Caractéristiques d’établissement.
Implication et formation des personnels des établissements
Mise en œuvre du dispositif
Score de conformité et de cohérence
Analyse des facteurs associés aux faibles scores de conformité et de cohérence
Analyse bi-variée
Analyse multivariée
Exploration des faiblesses et des obstacles
Faiblesses du dispositif
Obstacles au dispositif
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Liste des tableaux et figures
ANNEXE : Questionnaire de l’étude
Serment d’Hippocrate
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