Écritures a mi-chemin entre mémoires et autobiographie

Écritures à mi-chemin entre Mémoires et autobiographie

Pour expliciter les termes se rapportant au titre de notre premier chapitre on n’est tenté d’apporter des définitions à ces concepts. Avancer un sens précis à ces termes aiderait à mieux comprendre ces concepts souvent objet de controverse. D’abord le terme Mémoires au sens étymologique est formé à partir du nom commun latin «memoria » qui signifie mémoire.

Le mémoire est une relation manuscrite ou imprimée qui rappelle la vie, les évènements auxquels est associée une personne. En particulier, au pluriel avec une majuscule dans cette acception et dans le titre d’une œuvre, les Mémoires sont une œuvre littéraire, que fait une personne à partir d’évènements historiques ou privés auxquels elle a participé ou dont elle a été le témoin  .

L’accent est mis sur le contexte historique de la vie de l’auteur et sur ses actes plus que sur l’histoire de sa personnalité et sa vie intérieure. Les Mémoires relèvent à la fois de l’histoire et de l’historiographie.

Dans les Mémoires, l’auteur narre sa vie mais en orientant son récit sur des faits historiques auxquels il a assisté en qualité de témoin ou pris part en tant qu’acteur. Ils permettent donc à celui qui les compose de mêler vie privée et vie publique mais en donnant plus de relief à la seconde. L’écrivain emploie ce procédé pour donner son propre témoignage et éclairage sur une période historique déterminée et bien souvent, profiter de l’occasion pour rappeler son action et privilégier son point de vue.

L’une des meilleures définitions du genre est celle de Damien Zanone :

« Les Mémoires […] brouillent des frontières qui avaient l’air bien établies. Entre écriture et oralité, entre histoire et littérature, entre le moi et le monde. On ne saisit les Mémoires que dans un “entre-deux” entre deux genres ou deux attitudes. Ils ne se laissent pas  localiser dans un espace qui ne serait qu’à eux: ils sont au “carrefour des genres en prose » .

Les Mémoires sont un genre qui côtoie l’autobiographie, l’histoire et le journal intime. Ils touchent à l’histoire collective et à l’histoire individuelle. Ils sont constitués de notes prises sur le vif, de documents historiques (extraits de journaux, témoignages, correspondance, etc.), La différence entre l’autobiographie et les Mémoires peut se percevoir dans la nature des faits racontés : dans le premier cas, le récit est centré sur la vie privée de l’auteur ; dans le second sur son époque. L’autobiographie plus intime, plus psychologique et moins historique se présente, la plupart du temps, sous la forme romanesque. Étymologiquement le mot est formé de trois racines grecques autos (soi-même), bios (vie) et graphein (écriture). Le récit est centré sur l’auteur. Comme l’indique le mot, il raconte sa propre vie : tout est focalisé sur lui, ce qu’il a vécu, ce qu’il pensait, ses sentiments, ses impressions l’évolution de son existence. Il se raconte lui-même, il est le personnage qui centralise toute l’histoire.

La conception classique de l’autobiographie «a me ipso de me ipso» : être soi-même l’auteur du texte dont on n’est soi-même le sujet/objet ou, plus littéralement, être en matière d’écriture à l’origine de ce dont on n’est l’objet […]  Dans ce sens, l’autobiographie se distingue nettement des Mémoires qui mettent l’accent sur les événements extérieurs. Elle présente des traits bien précis que Philippe Lejeune, spécialiste français du genre, présente dans Le pacte autobiographique. Il propose cette définition rigoureuse :

« Récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité ». La rétrospection distingue bien ici  l’autobiographie du journal intime, « l’accent sur sa vie individuelle » .

Au regard de ces définitions, il faut noter que même si le genre autobiographique confère une place à l’histoire de la société, des évènements politiques et historiques dans la narration, il n’empêche que « l’objet du discours » reste constamment l’existence de l’auteur. Certes dans la société, mais toujours comme vie individuelle et particulière. Ainsi, dans le récit rétrospectif le discours peut inclure des autoportraits, des parties de journal intime. Le sujet individuel, peut être accompagné d’une histoire sociale et politique. Il n’en demeure pas moins que selon Philippe Lejeune « Pour qu’il y ait autobiographie, il faut qu’il y ait identité de l’auteur, du narrateur et du personnage » .

L’autobiographe est doté d’une identité complète, immuable. « Une identité est, ou n’est pas. Il n’y a pas de degré possible, et tout doute entraîne une conclusion négative » . Cette identité « authentique » est certifiée par l’emploi d’un « je » qui établit l’équation suivante : auteur = narrateur = personnage principal. En somme, nous avons essayé d’apporter quelques éclaircissements pour mieux s’approprier ces concepts souvent objet de controverse. En effet, les définitions du mot Mémoires nous ont permis de voir que ce dernier est proche de l’autobiographie au point de se confondre avec elle. Ce que les critiques du genre ont révélé tout en traçant la ligne de démarcation.

Mémoires en action

La marque du style mémorialiste

Au dix-septième siècle, le genre a véritablement commencé son evolution. Mettre sa vie au grand jour, l’a transformé en objet d’art, de nombreux auteurs l’ont fait depuis cette époque. Le désir mémorialiste prend le plus souvent son départ à l’âge adulte. En effet, on remarque cet enthousiasme lorsque la plus grande partie de la vie a été vécue, qu’elle a pris une destination qui vraisemblablement ne se modifiera pas qu’un homme ou une femme peut être tenté par l’écriture de ses mémoires. Ce choix du genre permet la fois à l’auteur de révéler son histoire, mais également de donner un sens à son existence de manière symbolique. À la lecture des œuvres du corpus nous ne pouvons qu’être frappés par la vocation de mémorialiste que manifestent Amadou Hampâté Ba et Simone de Beauvoir.

L’égalité auteur-narrateur-personnage principal est un principe majeur de l’autobiographie proposé par Philippe Lejeune. Selon lui, le fait que l’ouvrage de Simone de Beauvoir, comporte le terme « Mémoires » ne justifie pas son appartenance au genre des Mémoires étant donné la confusion qui existait entre ce terme et celui d’autobiographie. Il l’inscrit dans son répertoire des auteurs d’autobiographie De plus, pour d’autres théoriciens, l’œuvre de Simone de Beauvoir appartient, sans aucun doute, au genre autobiographique. Philippe Lejeune. Damien Zanone abondant dans le même sens que lui note :

« Il n’empêche que les Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir correspondent exactement à notre conception du genre autobiographique » .

Toutefois, selon Jean-Louis Jeannelle, Mémoires d’une jeune fille rangée, appartient pleinement au genre mémorialiste. Il situe cette écrivaine dans la grande lignée des plus grands auteurs de Mémoires, tels Charles de Gaulle et André Malraux. Pour lui, le fait que la narration de l’existence individuelle de Simone de Beauvoir occupe une grande place dans ses œuvres n’empêche pas quelles appartiennent à la tradition des Mémoires, tant la vie publique occupe elle aussi une place prépondérante. Jean Louis Jeannelle ne s’appuie pas sur la définition de Philippe Lejeune pour justifier cela. Il propose sa propre définition :

[…] les Mémoires […] sont le récit d’une vie dans sa condition historique : un individu y témoigne de son parcours d’homme emporté dans le cours des évènements, à la fois acteur et témoin, porteur d’une histoire qui donne sens au passé. L’autobiographie rend compte de ce qui distingue un sujet, c’est à dire d’une identité telle qu’elle s’est peu à peu construite dans un contexte familial et social donné. Les Mémoires attestent une vie dans sa dimension publique et collective : trajectoire dont on construit la cohérence générale( origines, formation, engagement, tournants) regard porté sur une période historique circonscrite( guerre, crise nationale, génération), peinture d’une action, politique, militante ou professionnelle, ayant conduit son auteur à se tenir au cœur des conflits d’une époque donnée. » .

Les œuvres du corpus semblent adhérer, en partie, à cette conception. Puisque dans chacune d’elles, le statut de l’auteur (considéré comme acteur et témoin) est visible. C’est pourquoi, à l’entame de son roman, Simone de Beauvoir suggère malgré son caractère juvénile, son rôle dans l’une des plus sombres périodes de la France. L’évocation de la guerre de 1914-1918 donne au texte une dimension publique et collective. L’auteure observe et agit non pas individuellement mais dans un cadre plus élargi. Le récit, de ce point de vue, transcende le « moi », le « je » de l’autobiographe qui centralise tout sur sa propre personne.

La dimension sociale, l’histoire publique et générale caractéristique du style mémorialiste est mise en relief dans Mémoires d’une jeune fille rangée. En évoquant la guerre, on remarque que le personnage de Simone de Beauvoir est « absorbé » par l’histoire du collectif qu’elle veut à tout prix servir. L’évocation du conflit est un moyen assez convaincant de donner une preuve de son implication dans le cours des événements qu’elle se donne pour tâche de restituer. Elle note par exemple :’

« En septembre, à la Grillére, j’appris à remplir mes devoirs de Française […] nous apportions aux blessés des tartines de fromage et de pâté […] j’embrassai la cause du Bien avec emportement. […] j’avais tout de suite fait preuve d’un patriotisme exemplaire en piétinant un poupon de celluloïd made in Germany qui d’ailleurs appartenait à ma sœur […] je plantai des drapeaux alliés dans tous les vases. Je jouai au vaillant zouave, à l’enfant héroïque. Les adultes récompensèrent ma servilité « Simone est terriblement Chauvine ».

Dans Oui mon commandant! L’auteur se met derrière le monde qu’il se donne pour tâche de décrire, laissant peu de place à l’expression délibérée d’une perception subjective. Il choisit d’être ici une sorte de relais historique et culturel permettant avant tout une meilleure L’histoire de sa récolte des traditions orales présentée au colloque de mai 1985, renseigne d’emblée qu’en fait il n’a jamais cessé, depuis sa petite enfance, de recueillir les traditions orales.

« Ayant eu la chance de naitre et de vivre dans un milieu qui était une sorte de grande école permanente pour tout ce qui touchait à l’histoire et aux traditions africaines. Toutefois je n’ai commencé à prendre systématiquement des notes par écrits qua partir de 1921, lorsque j’ai effectué mon long voyage pour rejoindre ma première affectation administrative à Ouagadougou, en Haute Volta ». 

Il subdivise l’histoire de cette récolte, qui s’est étendue sur la plus grande partie de sa vie, en trois périodes : d’es son plus tendre enfance jusqu’en 1921 où il joue un rôle d’enregistreur et de graveur des récits et des contes qui résonnent chaque soir dans la cour familiale : récits historiques concernant l’empire du Macina ( transmis surtout par sa branche paternelle), la vie d’EL hadji Omar, de ses fils et son neveu le roi Tidiane Tall ( transmis par la branche maternelle) mais aussi les grands contes initiatiques peuls ( Kaidara , l’éclat de la grande étoile, Petit Bodiel ) qu’il recueille d’es cette époque de la bouche des grands « maitres de la parole ». Ses récits d’adolescence commence d’es 1921, lorsque le jeune Hampâté Ba quitte son Mali natal pour la haute Volta, qualifié par l’administration coloniale « d’écrivain temporaire a titre essentiellement précaire et révocable »

« Je revêts mon costume des grands jours, prends mes pièces justificatives et sors de la pirogue pour me rendre à la résidence du commandant de cercle […] jeune intellectuel et tout nouveau fonctionnaire, je n’ai pas de tenue spéciale prévue par le règlement mais, en tant que noir civilisé et bon imitateur, je me dois de m’habiller à la manière de nos civilisateurs ».

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÉRE PARTIE : ÉCRITURES A MI-CHEMIN ENTRE MÉMOIRES ET AUTOBIOGRAPHIE
Chapitre 1. Mémoires en action
1.1 La marque du style mémorialiste
Chapitre 2. L’empreinte autobiographique
2.1 .Le récit autobiographique
DEUXIEME PARTIE : L`ÉCRITURE AUTOBIOBIOGRAPHIQUE, UN PILIER DE LA QUETE IDENTITAIRE
Chapitre 3. Les pactes de l’écriture
3.1 Raconter pour se faire connaître
3.2 Se dire à travers les autres
Chapitre 4. La quête par l’adoption d’un itinéraire
4.1 La transcendance des frontières par le gout du voyage
4.2 L’élargissement du cercle d’influence
TROISIEME PARTIE : UNE DISTINCTION GÉOGRAPHIQUE PORTEUSE DUNE NUANCE DANS LA DEMARCHE
Chapitre 5. État des champs littéraires Africain et Européen
5.1. Le Champ Littéraire Africain
5.2 Le Champ Littéraire Européen
Chapitre 6. Des milieux socioculturels qui s’opposent
6.1 L’identité en milieu africain
6.2 Simone de Beauvoir ou l’empreinte d’un moi Européen
CONCLUSION

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