La peinture inédite de la jeune fille engagée
Le personnage de la jeune fille est très prisé par les romancières. Dans la trame narrative, la jeune fille, suscite un grand intérêt ; elle nous est présentée sous différents aspects. Elle est le plus souvent l’héroïne d’une quête la mettant sur les traces d’un objet-valeur ou d’un manque qu’elle doit combler. Cela peut-être, par exemple, une éducation qu’elle aurait souhaité recevoir, un savoir qu’elle aurait voulu détenir, une amélioration matérielle ou tout simplement le désir d’être reconnue par une société à laquelle elle s’identifie mais qui la rejette pour plusieurs raisons. Mariama Ndoye et Sokhna Benga, à travers les personnages de la jeune fille, essayent de palier aux manquements qui perturbent la vie de Sabel et de Soukey. Effectivement, dans Bayo, la mélodie du temps,39 Sabel le personnage principal, est mise en marge de la société du fait qu’elle est née en dehors du mariage. Car elle est le fruit d’un amour interdit entre deux jeunes personnes dont le mariage n’était pas accepté par les parents. Mariama Ndoye, pour sa part, décrit Soukey, le personnage éponyme de son œuvre, comme une jeune fille qui, ayant quitté son village natal après la mort de sa mère pour rejoindre sa famille adoptive en ville sera confrontée à plusieurs obstacles. L’objectif commun à ses deux personnages demeure le respect et la réhabilitation sociale afin de rendre leurs mères respectives, Ken40 et Yaye Siga,41 fières là où elles sont c’est-à-dire aux cieux. Avec ces personnages en lutte perpétuelle pour la réhabilitation sociale, les romancières Mariama Ndoye et Sokhna Benga mettent en scène des jeunes filles aux trajectoires singulières. Ces jeunes filles présentes sur la scène sont différentes de celles que nous avions l’habitude de voir dans les récits négro-africains, grâce notamment aux portraits idéalisant des personnages féminins ainsi qu’à leurs actes et propos. Dorénavant, dans la fiction africaine, la jeune fille insouciante et passive, qui ne songeait qu’à se faire belle en se parant de beaux vêtements, en mettant de somptueux bijoux pour se rendre attirante et trouver par là un potentiel époux, laisse la place à une nouvelle figure plus entreprenante. Nous avons un nouveau personnage qui s’assume en tant que femme ayant des droits et des devoirs dans la société dans laquelle la narratrice la fait évoluer. En effet, l’héroïne que l’on retrouvait dans les romans des années 60 qui faisait tout pour ressembler aux dames blanches et trouver un époux de race blanche comme Nini42 d’Abdoulaye Sadji, ou encore celle qui, comme Maimouna43 du même auteur, avait pour seul souci de rejoindre sa sœur Rihanna dans la capitale pour y vivre un conte de fée, ces types de personnages féminins ne sont plus d’actualité. Cette jeune fille qui, à l’image de Maréme, dans Karim, roman sénégalais ne rêvait que du grand « sabar» durant lequel elle espérait rencontrer le prince charmant qui l’honorerait devant ses paires, meurt pour laisser renaitre un autre type de jeune fille dans le roman féminin. Cependant les personnages de la jeune fille présents dans la fiction narrative de nos deux écrivaines se différencient à plus d’un titre. Les auteures peuvent les laisser intervenir directement dans le récit comme ce fut le cas de Sakou, après le suicide de sa meilleure camarade de classe. Cette dernière se donna la mort parce que ses parents l’avaient forcée à se marier avec un cousin qu’elle ne connaissait pas. Et pour couronner le tout elle tomba enceinte des œuvres d’un autre. Sakou nous livre dans un langage cru sa vision de la vie. Elle exprime sa pensée comme suit : « Quel jongleur de ces centaines de milliers de hasards qui jonchent nos existences, font et défont nos destins, qui les tissent, les entrecroisent, les déchirent parfois par un souverain caprice ! Pourquoi ces grossesses indésirées, ou profondément désirées mais auxquelles il faut renoncer car la nature les refuse ou que les normes et convenances sociales s’y opposent ? Des porteuses de vie sont exposées au regard lourd de reproches d’une infirmière distribuant à la ronde pilules contraceptives ou préservatifs ; à l’inspection révulsante d’un gynécologue fixant un point invisible dans l’espace en violant et farfouillant d’une main impersonnelle leur intimité. Tout cela, je le sais pour l’avoir vécu à travers le témoignage de femmes écorchées par la vie, et je le ressens intimement. Tout serait tellement beau si l’on n’avait que ce que l’on a demandé humblement, si les haines viscérales, les désillusions amères, les mauvaises rencontres, les intimités, les amours contrariés, les rapports viciés n’existaient pas»! A travers la voix de la jeune fille, la narratrice fait un plaidoyer pour les femmes qui tombent enceinte sans être mariées que la société juge et maltraite. C’est avec un sentiment de haine et de frustration que la jeune fille exprime son mécontentement face aux maux de la société. Aussi, Sokhna Benga et Mariama Ndoye dépeignent des jeunes filles qui prennent leur vie en main et n’acceptent plus d’être des faire-valoir pour les hommes. Elles sont loin de ces personnages féminins incapables de réfléchir ou de mener leur vie sans être guidés par une autorité masculine. Sur le plan intellectuel et sur bien d’autres domaines, elles parviennent à damer le pion aux hommes et aux femmes soumises. Cela est illustré par la description brève mais élogieuse que Sokhna Benga fait de Poupette49 par la voix de sa mère Sabel qui dit : «Ndeye Ami dite Poupette, vingt ans, est en deuxième année de médecine. Malgré son air farfelu, elle sort toujours major de sa classe er rafle tous les premiers prix et cela depuis le primaire». Benga montre une jeune fille douée, très intelligente qui ne se laisse jamais devancer par les hommes. Elle se fait un point d’honneur de réussir dans son travail et dans ses études. En effet, dans Bayo, la mélodie du temps, des travailleuses et responsables comme Poupette ou Codou52 évoluent sans complexe aux côtés de jeunes garçons désinvoltes à l’image de Daouda, le fils cadet de l’héroïne Sabel ou encore son grand frère Rone, un individu en manque de repères, sans objectif fixe dans la vie. C’est avec regret d’ailleurs que l’auteure met fin à la vie de la jeune fille qui ne s’assume pas en tant que responsable et sort, de ce fait, du lot des jeunes filles qui se singularisent par leur exemplarité. C’est ce que nous avons avec Madam la fille cadette de Sabel, personnage très solitaire qui, ne s’assumant pas en tant que jeune fille responsable et indépendante, sombre dans la toxicomanie sous l’influence de son petit-ami. Elle meurt tragiquement d’une overdose. Ce qui peut être considéré comme une incitation pour les jeunes filles à s’assumer, à se prendre en charge, à s’aimer telles qu’elles sont. Le choix et la description des enfants de l’héroïne laissent apparaitre une volonté de vouloir idéaliser les jeunes filles de la part de la narratrice. Ce sont de nouveaux portraits qui révèlent comme le remarque Odile Cazenave dans Femmes rebelles. Naissance d’un nouveau roman africain au féminin : « des voix de femmes diverses, présentant la femme africaine vue de l’intérieur». La narratrice donne à ses personnages féminins la possibilité de dire ce qu’elles pensent, ce qui permet de les voir sous un jour nouveau.
L’image de la mère responsable
La mère garde une place centrale dans l’imaginaire collectif africain que la représentation littéraire, s’accordant avec les exigences sociales, tente de restituer. Elle apparait sous différents aspects dans les récits romanesques. Son rôle qui est transversal couvre plusieurs domaines de la vie sociétale. La mère était d’une importance capitale dans la société traditionnelle parce qu’elle pérennisait la parole patriarcale et servait de support pour le respect de la tradition pour les enfants. C’est la raison pour laquelle, la société traditionnelle n’accordait de l’importance à la femme que du moment où elle mettait un enfant au monde. Dans les sociétés modernes que dépeignent les romancières, le regard porté sur la femme change positivement dès qu’elle donne naissance à des enfants. Mariama Ndoye en donne un exemple dans Soukey, où la narratrice nous apprend, parlant de la manière dont les patriarches de son village voyaient la femme : « Les sages de son village affirmaient, avec l’infaillibilité d’une expérience séculaire, qu’une femme au lendemain de ses noces n’est pas encore une épouse. Elle est sur le pied de guerre et, à la moindre remontrance, menace de retourner chez ses parents. Elle se tient debout. Lorsqu’elle est mère d’un enfant, elle change de posture en mettant un genou en terre, signe d’une confiante croissante ; lorsqu’elle a deux enfants, ses deux genoux touchent le sol ; quand survint le troisième enfant, ses fesses, à leur tour, sont à même la glèbe, elle croise les jambes sous elle, confortablement. Dès lors, si son mari tarde à se réveiller, elle le houspille :’’Père de mes enfants, lève-toi donc et va chercher la pitance familiale’’. Alors seulement on possède une véritable épouse qui demeurera ancrée au foyer contre vents et marées et dont les enfants seront bénis». Ce passage montre la manière dont l’homme perçoit la femme et l’importance accordée à l’enfantement qui est un signe de féminité. Cette fonction procréatrice confère à la femme une importance vitale et lui permet progressivement de s’enraciner dans son foyer. Le rôle primordial de la femme est donc de donner la vie, même si en tant que mère, elle arbore plusieurs casquettes et remplit pleinement différentes fonctions. Dans Le roman féminin en Afrique de l’ouest, Adrien Huannou soutient à ce propos que : « Le paradoxe, c’est que tout en affirmant que la femme est inférieure à l’homme, tout en la reléguant dans les domaines considérés comme secondaires, on confie à l’épouse la mission la plus importante, la plus délicate, l’éducation des enfants, et on se plait à exalter la grandeur de son rôle d’éducatrice». Selon Huannou, au-delà d’élever ses enfants afin qu’ils deviennent des individus moralement capables d’intégrer la société, la femme forme des citoyens appelés à servir la communauté. Ce qui montre que son rôle dépasse le cadre familial et s’étend au groupe tout entier. Si dans la société traditionnelle la fonction de la génitrice était de pérenniser la parole du patriarche en faisant en sorte que les rejetons la respectent. Dans les sociétés mises en fiction par les écrivaines africaines, on a des femmes très responsables qui s’assument en tant que procréatrices. Comme le déclare Sabel, le personnage principal de Bayo, la mélodie du temps : « Cette vie est celle d’une femme qui n’a pas accepté et qui n’accepte plus que l’Absurde prenne le pas sur elle. Celle d’une mère qui n’a pas voulu et qui ne veut pas que sa descendance soit victime d’une situation qu’elle n’a pas demandé à vivre. Personne n’a demandé à naitre. Personne…». Sokhna Benga, à travers le discours de Sabel, donne une nouvelle perception de la mère. Elle ne règle plus son existence sur celle de son époux. Dorénavant, elle prend des engagements personnels pour le bien-être de ses enfants et clame la responsabilité des parents qui ont des devoirs envers leurs enfants. Selon Sabel « personne n’a demandé à naitre » donc le nourrisson n’est nullement responsable de sa venue au monde. C’est la génitrice qui doit rendre la vie de son bambin agréable, quelles que soient les conditions dans lesquelles il naît. Même si, son époux lui fait des reproches comme par exemple : « on n’éduque pas ses enfants à coup de marchés » elle a sa façon d’éduquer ses enfants. De sa fonction d’éducatrice, elle doit faire un sacerdoce comme le pense Tante Kiné, qui, dans Soukey, se pose cette question : « Le vœu de toute génitrice n’est-il pas de couver ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants»? Parce que le vœu de toute femme qui donne la vie ou à qui on confie un enfant est de prendre soin de ce dernier. De Soukey à Yaye Siga, en passant par Tante Kiné, Sabel, Yaye Daba et Ken, les mères restent préoccupées par la sécurité, le bonheur, le bien-être et la bonne éducation de leur marmaille. Mais il faut remarquer qu’elles diffèrent de celles que nous avions l’habitude de voir dans le roman africain. Les nouveaux personnages féminins que l’on retrouve dans les récits les plus récents se comportent en mère et en femme. Elles assurent leur rôle de génitrice tout en prenant conscience de leur condition de femme. Elles réclament leur reconnaissance au sein de la société et l’obtiennent tant bien que mal au prix de nombreux sacrifices.
La stérilité : une dénégation de la féminité
Dans presque toutes les sociétés, on accorde une grande importance à la capacité de procréation de la femme. Ce qui fait que la stérilité est devenue un problème féminin que les écrivaines ne manquent pas de décrier dans leurs œuvres. La stérilité est un fait qui ne touche que les personnages féminins. Parce que la plupart des écrivaines négro-africaines ne parlent du corps féminin que pour traduire la souffrance des femmes. Comme le remarque Cazenave qui explique à cet effet qu’: «Essentiellement le corps a fonctionné dans un premier temps comme signe de la souffrance psychologique des femmes». C’est pourquoi dans de nombreuses œuvres féminines, nous retrouvons le thème de la stérilité. Même si elle ne constitue pas une partie tout entière dans leurs œuvres, les écrivaines usent de quelques lignes et de leur plume pour faire une place à ce thème. En effet, la stérilité est la source d’une perpétuelle angoisse chez la femme. Nous relevons ce thème chez Benga, Ndoye et chez d’autres auteures. A chaque fois, qu’elles le peuvent, elles s’offusquent du traitement fait à la femme stérile. Etre stérile dans la société africaine est une source de problème comme le montre Maryse Condé dans son essai intitulé : La parole des femmes : Essai sur les romancières des Antilles de langue française dans lequel elle soutient que : « Aux Antilles comme en Afrique ou en Europe jusqu’à une date récente, la femme se valorise presqu’exclusivement par la fonction maternelle. Toute une littérature exalte l’enfantement, l’allaitement, magnifie l’attachement de la mère à son petit. Depuis l’enfance, la fillette est préparée à l’époque où à son tour, elle mettra au monde « les fruits de son sein », la stérilité n’est jamais envisagée, mais considérée comme la pire des maux». Ce qui laisse entendre que la femme est perçue à peu près de la même manière dans toutes les sociétés. Nous retrouvons la fonction maternelle dans toute la littérature mondiale. On ne pense jamais à une possible stérilité chez la femme. La société soutient toujours que dans un couple s’il y a un problème de procréation c’est la femme qui est la seule responsable. La femme doit perpétuer la lignée à laquelle elle s’est liée, par les liens sacrés du mariage. Dans certaines œuvres féminines, on assiste à la mise en scène de la stérilité. Des membres de la famille tiennent ouvertement des propos blessants à l’endroit de la femme stérile. Même si le mari reste compréhensif comme en attestent les propos de Sabel qui déclare à cet effet : « Jamais Kader, les années de mariage passées, ne m’avait reproché d’être ‘’improductive’’». D’autres le sont moins comme Mamadou le conjoint de Juletane dans le roman éponyme. Celle-ci nous livre l’avis de son époux comme suit : « Il m’avoua qu’une des raisons pour laquelle il n’avait pas voulu répudier sa première femme était la crainte que je ne puisse pas lui donner des enfants. Avoir des enfants était le plus grand bonheur pour lui dans le cadre du mariage ». Celui-ci est l’exemple du mari pas très compréhensif qui vient conforter les autres membres de la famille qui font ressentir ce manque à la femme. La narratrice dans Bayo, la mélodie du temps, nous en donne une illustration : « Bien sur des vipères comme Tante Soukeyna avaient longtemps pris plaisir à parler de ma tare avec dédain. Elles parlaient de mes « presque dix ans sans fruit ». Elles se demandaient, à haute voix, ce que Kader « qui était bien passé par là où il devait », pouvait bien faire avec une « chatte sans lait ». Ah ! J’entends encore les sarcasmes de Tante Soukeyna pourtant définitivement éteints. Ces railleries blessantes m’avaient poussé, à l’époque, à toujours chercher un prétexte pour ne pas assister aux cérémonies familiales. Le fait que j’étais tenaillée par un désir lancinant d’avoir un enfant n’arrangeait rien». Les procédés stylistiques comme le sarcasme ou l’allégorie utilisés dans cette citation, montrent la souffrance de la femme stérile dans le roman. Cette attitude de la femme vis-à-vis d’une autre femme, nous permet de donner raison à Calixthe Beyala quand elle demande : « Avez-vous constaté que la femme peut être la première meurtrière de la femme». Tante Soukeyna au lieu de soutenir sa nièce dans ces moments pénibles, se moque d’elle devant tout le monde. Elle ne cherche qu’à lui causer du tort. Alors, nous pouvons en déduire que, la société est très peu compréhensive face à la stérilité. C’est ce qui fait que dans les villages, la planification familiale est quasiment inexistante. Les femmes ne se souciaient pas des problèmes que pouvaient engendrer les grossesses rapprochées. Puisque leur destin de femme s’accomplissait dans la maternité. C’est ce qui fait dire à la narratrice de Mariama Ndoye que « Soukey n’avait connu que des femmes avec des ‘’ribambelles’’ d’enfants».
L’analphabétisme : le personnage féminin considéré comme responsable de sa situation
La femme analphabète vit une situation très difficile dans le roman féminin. En effet, nous savons qu’en Afrique, en ce qui concerne l’instruction, la priorité est accordée au garçon. La réticence de voir les filles fréquentées l’école est passée par là. Dans sa situation d’analphabète, la jeune fille qui est une victime, devient l’objet d’une stigmatisation. Elle est considérée comme une aveugle devant les remous et les trépidations de la société. Quelques-uns la méprisent alors que d’autres l’isolent à cause de ses origines rurales ou de son comportement peu citadin. C’est ainsi qu’ un des jeunes hommes du « grand place » se moque de Soukey en ces termes : « Elle descend fraichement de sa brousse celle-là, tu as vu sa révérence, c’est tout juste si elle ne nous appelle pas ‘’oncles vénérés’’». La moquerie de ce jeune homme montre que la jeune fille fait preuve d’une bonne éducation reçue et laisse voir par ses gestes qu’elle n’a pas été scolarisée. Elle reçoit des propos désobligeants de la part de quelques-uns. Les écrivaines usent du thème de l’analphabétisme pour critiquer le comportement de certaines personnes. De plus, la jeune fille analphabète, dans le roman africain, est une proie facile pour les hommes malintentionnés. Naïve, elle ne sent pas le danger qui la guette. C’est seulement après coup et devant la gravité des faits qu’elle prend conscience de ce qui lui est arrivé. N’ayant pas été à l’école et n’ayant pas reçu d’éducation sexuelle, Soukey comme beaucoup de jeunes filles, fut victime de sa naïveté. Elle se laisse berner par son amoureux et fait face, seule, à une grossesse dont elle ne savait que faire. Lorsque Bakar l’accusa de vouloir le piéger, elle déversa toute sa bile sur son compagnon et répondit en ces termes : « Hélas ! gémit Soukey, pour acquérir de la sagesse, il faut avoir pâti de l’inexpérience. Ecoutemoi, homme de rien ! Regarde-moi bien ! De quoi ai-je l’air ? T’ai-je suivi au premier claquement de doigts ? M’as-tu trouvée vide comme un puits communal ? Tu m’aurais même offert les yeux de ta mère si je te l’avais demandé et c’est toi maintenant qui me parles de ‘’pié ‘’quoi ? De piège ? Quel mot horrible ? Est-il piège plus sournois et meurtrier que l’amour qui vous livre pieds et poings liés à l’homme de bien, au malotru, au Blanc, au Noir, au croyant, au damné, indifféremment pour une issue inexorable. Si piège il y a, c’est moi qui suis tombée dedans. Tu m’as droguée puis violée». Soukey avait une confiance aveugle en Bakar, et celui-ci n’a rien trouvé de mieux que de se servir d’elle. Devant les encouragements de ses amis, il s’est montré lâche en abusant de la confiance de la jeune fille et de sa personne. Malgré son désarroi et sa frustration, Soukey ne manque pas de dire ce qu’elle a sur le cœur par le biais de la métaphore « vide comme un puits communal » qui lui permet d’exprimer son indignation. Elle s’offusque devant le refus de son amoureux. Les points d’interrogation répétés montrent qu’elle se sent perdue. Son analphabétisme lui cause des torts comme beaucoup de jeunes filles dans le roman africain c’est le cas de Maimouna du roman éponyme du roman d’Abdoulaye Sadji. Elle aussi, installée en ville chez sa sœur Rihanna, crut pouvoir dompter le monde. Malheureusement, elle tomba sous le charme d’un jeune homme malintentionné qui abusa de sa confiance. Elle rentra chez sa mère avec une grossesse et une maladie. Elle fut réinsérée dans le tissu social, mais elle portera les stigmates de sa mésaventure en ville durant le reste de ses jours. C’est dire que l’analphabétisme est un facteur bloquant pour les jeunes filles et les femmes présentes dans les romans africains. C’est un problème que les romancières ne manquent pas de poser dans leurs œuvres. Estimant que les femmes méritent un meilleur sort, elles laissent entendre qu’il est impératif que les filles aillent à l’école. Leur engagement se perçoit à travers la mise en scène de jeunes filles placées dans des situations catastrophiques. En plus de l’analphabétisme, les écrivaines accordent une place importante aux rapports complexes qui sous-tendent la vie du couple.
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Table des matières
INTRODUCTION
1ère partie : La représentation symbolique des personnages féminins dans Bayo, la mélodie du temps et dans Soukey
1-1/ Le traitement prototypique des personnages féminins à travers des procédés littéraires
1-1-1/ La peinture inédite de la jeune fille
1-1-2/ L’épouse éveillée ou la résurrection de la figure féminine dans le roman africain
1-1-3/ L’image de la mère responsable
1-2/ Des statuts sociaux problématiques
1-2-1/ La jeune fille mère- célibataire : un être marginalisé
1-2-2/ La stérilité : une dénégation de la féminité
2eme partie : Une écriture de l’engagement féministe
2-1/ La mise en scène de la situation désastreuse de la femme
2-1-1/ L’analphabétisme : le personnage féminin responsable de sa situation
2-1-2/ Le traitement littéraire des rapports complexes entre conjoints dans le roman féminin
2-1-3/ La polygamie : un problème féminin
2-2/ De nouvelles figures féminines
2-2-1/ La double perception de la femme émancipée
2-2-2/ La femme, une héroïne littéraire de la cause sociale
2-2-3/ La figure de la femme leader ou entrepreneure
3eme partie : Féminisme et subversions scripturaires
3-1/ Parole de femme et écriture : des mots pour dire les maux de la femme
3-1-1/ La polyphonie narrative dans le roman féminin
3-1-2/ L’écriture et la structure du récit chez nos deux romancières
3-1-3/ Le mélange des genres
3-1-4/ La tonalité dramatique dans le roman féminin
3-2/ L’homogénéité problématique du discours féministe
3-2-1/ Le féminisme un discours pluriel
3-2-2/ Des préoccupations littéraires différentes chez les féministes
3-2-3/ L’impact du lieu de production et de parution dans les œuvres féminines africaines
CONCLUSION
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