Ecoulement méridien dans les turbomachines axiales et hélicocentrifuges

Equations particulières pour les turbomachines

    D’une manière générale, les écoulements dans les turbomachines sont tridimensionnels, instationnaires, visqueux, turbulents et compressibles. Parmi les approches simplificatrices, on trouve l’hypothèse d’Euler supposant un nombre infini d’aubages. Cette hypothèse est équivalente à l’hypothèse de symétrie axiale de l’écoulement à condition d’être accompagnée d’un champ de forces d’aubages équivalent. Depuis longtemps, les concepteurs ont traité l’écoulement tridimensionnel complexe dans les machines comme la superposition d’un certain nombre d’écoulements bidimensionnels. La première formalisation de cette idée a été proposée par Wu en 1952 [i]. Ceci a permis une démarche simplifiée du tracé des pales ou des techniques de sélection de profils. Wu a démontré qu’en combinant les différentes composantes des équations dynamiques qui régissent l’écoulement, on peut obtenir des systèmes d’équations pour les deux types de surfaces définies en figure I.3. Cette décomposition est à l’origine de deux types d’ écoulements : l’écoulement « méridien » et l’écoulement « aube à aube ». C’est ainsi que ces deux types des surfaces S1 et S2 sont appelées, respectivement, surfaces aube à aube et surfaces méridiennes. On peut définir un nombre arbitraire de surfaces de chaque type, mais les méthodes les plus utilisées considèrent une seule surface méridienne moyenne. Cette simplification équivaut à négliger les différences induites par la proximité des pales sur les surfaces aube à aube (figure I.4). Néanmoins, la méthode proposée par Hirsch et Warzee [xxv] prend en compte ces différences par les moyennes azimutales des équations dynamiques.

Solutions tridimensionnelles

   La simulation numérique des écoulements (en anglais CFD, pour Computational Fluid Dynamics) a stimulé une approche unifiée allant de l’analyse à la conception des turbomachines. La pratique de traiter les turbines hydrauliques et à vapeur, pompes, et compresseurs à gaz et d’autres turbomachines séparément a laissé sa place à une approche plus intégrée. Ces développements sont facilités par un dénominateur commun: les équations qui les régissent sont les mêmes pour toutes les turbomachines, avec en plus des équations de comportement supplémentaires utilisées pour manipuler les cas spéciaux (par exemple, écoulements biphasiques). Les conditions aux limites rencontrées dans les turbomachines sont parmi les plus complexes concernant le domaine de la simulation numérique des écoulements. L’apparition de la simulation numérique des écoulements dans les années 70 a fourni une impulsion importante pour résoudre les équations d’Euler et de Navier-Stokes régissant écoulements externes et internes. Le progrès principal a été ultérieurement accompli dans le développement des techniques numériques, de la génération de maillage, de la modélisation de la turbulence, de l’application des conditions aux limites, pré et post-traitement des donnés et de l’architecture des ordinateurs. La plupart des techniques utilisées pour la résolution des équations de Navier-Stokes peuvent être classées en différences finies, surfaces ou volumes finis, éléments finis et méthodes spectrales. Seulement les deux premières techniques sont largement répandues dans le domaine des turbomachines. Les techniques de calcul numérique fournissent une méthode efficace pour l’analyse et la conception de turbomachines. L’utilisation de la CFD par les constructeurs de turbomachines a augmenté sensiblement pendant la décennie passée, ayant pour résultat un cycle de développement plus court de leurs produits. Combinée avec des mesures, la CFD fournit un outil complémentaire pour la simulation, la conception, l’optimisation et, d’une manière primordiale, l’analyse des écoulements tridimensionnels complexes jusqu’ici inaccessibles à l’ingénieur. Dans beaucoup de cas, la simulation numérique des écoulements fournit le seul moyen pour accéder aux informations détaillées du champ étudié, car les essais réels des turbomachines, avec des mesures détaillées dans les canaux tournants sont difficiles, coûteux et, dans beaucoup de cas, impossibles. Les éléments essentiels pour une résolution précise et efficace de l’écoulement peuvent être résumés comme suit:
1. Équations régissant l’écoulement, y compris les équations de transport de turbulence (avec validation des approximations faites)
2. Application des conditions aux limites appropriées
3. Résolution et orthogonalité adéquate du maillage
4. Modélisation de la turbulence
5. Technique numérique ; dissipation artificielle optimale, discrétisation précise, bon historigramme de convergence et évaluation appropriée
6. Développement efficace du code et des algorithmes, y compris la vectorisation
7. Architecture de l’ordinateur, y compris le traitement parallèle
8. Évaluation des techniques de calcul par étalonnage et validation expérimentale
Les techniques de calcul largement répandues dans la pratique en matière de turbomachines peuvent être classifiées comme suit:
1. Solveurs non visqueux (Euler) pour écoulements bidimensionnels
2. Techniques quasi-tridimensionnelles
3. Calcul de couches limites y compris les techniques intégrales de quantité de mouvement
4. Techniques de Navier-Stokes parabolisées / space marching
5. Solutions d’Euler et de Navier-Stokes complètes pour des écoulements compressibles et incompressibles Adler (1980) [xlii], McNally et Sockol (1981) [xliii], et Lakshminarayana (1991) [xliv] ont présenté des articles de synthèse de ces méthodes de calcul pour les écoulements en turbomachines. Lakshminarayana (1986) [xlv] a passé en revue les modèles de turbulence adaptés. Les sujets concernant la transition en général et l’application aux turbomachines en particulier, ont été résumés par Narasimha (1985) [xlvi] et Mayle (1991) [xlvii], respectivement. Bien que la modélisation de la transition soit importante pour la simulation de l’écoulement, l’état actuel des connaissances sur ce sujet est insuffisant pour réaliser une bonne prévision de la transition pour les turbines, les compresseurs et les pompes. Dans le domaine du projet des turbomachines, les équations de Navier-Stokes sont employées dans les étapes finales de la conception pour contrôler les problèmes éventuels (par exemple, séparation laminaire et turbulente, zones de gradient de pression adverse, localisation d’ondes de choc, jeux radiaux et autres pertes) ; ils ont aussi commencé à trouver une place intéressante dans les premières étapes de la conception.

Théorie des disques actuateurs

   La théorie des disques actuateurs fournit un moyen simple pour améliorer l’analyse issue de l’équilibre radial en permettant un développement progressif du profil de vitesse axiale à travers la machine ou la grille d’aubes comme illustré sur la figure I.12. La méthode a été exhaustivement documentée par Hawthorne et Horlock (1962) [liii], Marble (1964) [liv], Lewis et Hill (1971) [lv], Horlock (1977) [lvi] et (1978) [lvii]. On présentera ici la théorie des disques actuateurs linéaires due Hawthorne et Horlock, car elle sera d’une grande utilité au moment de l’imposition des conditions aux limites présentées dans le chapitre III. Dans ce modèle mathématique, la grille d’aubes est substituée par un plan de discontinuité nommé disque actuateur (figures I.12 et I.13). Les changements de pression qui se produisent en traversant les pales sont supposés comme étant concentrés dans ce plan, de même que pour la déflexion de l’écoulement. Ces modèles peuvent êtres classés en deux grandes familles :
1. Théories linéaires : Les perturbations occasionnées par les pales sont supposées faibles. Hawthorne et Horlock ont développé un modèle pour l’écoulement incompressible de forme cylindrique. Lewis et Hill (1971) [lv] ont étudié les effets dus à l’empilement tangentiel des pales. Des synthèses ont été publiées par Marble (1964) [liv] et Horlock (1977) [lvi].
2. Théories non linéaires : L’analyse théorique de l’écoulement en turbomachines,présentant de larges perturbations, a été réalisée par Oates (1972) [lviii] et Marble (1964) [liv].

Equations moyennées en azimut

   En raison des grandes difficultés rencontrées dans la résolution des équations du mouvement, de l’énergie et d’état, plusieurs simplifications ont été proposées pour la résolution de l’écoulement méridien. L’une des techniques les plus rapides consiste à résoudre, pour un écoulement « moyen en azimut  » (propriétés moyennes en θ ), les équations d’une façon globale. Dans cette technique, les équations du mouvement sont ramenées à une moyenne dans le plan aube à aube éliminant les termes en ∂ / ∂θ . L’élimination de cette variable indépendante simplifie considérablement les équations. L’une des premières approches est due à Smith (1966) [lii], qui a adopté cette technique des moyennes pour développer une forme approximative de l’équation de l’équilibre radial. Les extensions successives de ce concept sont dues à Horlock et Marsh (1971) [lix], à Hirsch et Warzee (1976) [xxv] (1979) [lx], Sehra et Kerrebrock (1981) [lxi], Jennions et Stow (1985, 1986) [lxii], Adamczyk (1985) [lxiii], et Hirsch et Dring (1987) [lxiv]. Dans la pratique, il y a trois techniques pour moyenner les équations de l’écoulement en turbomachines. Elles peuvent être classées comme suit:
• Moyenne algébrique. Elle est similaire à la moyenne de Reynolds utilisée pour l’équation de Navier-Stokes avec turbulence.
• Moyenne pondérée en densité ( ρ). Elle est similaire à la moyenne de Favre utilisée pour l’équation de Navier-Stokes avec turbulence.
• Moyenne pondérée en masse ( ρVz): Cette approche introduit le facteur de blocage dû à l’épaisseur des pales aussi bien qu’aux couches visqueuses (couches limites et sillages des pales) sur la zone d’écoulement, elle est utilisée dans le processus de conception. Les deux premières moyennes présentent des corrélations ou des termes d’interaction liés à l’asymétrie dans la direction tangentielle. Dans le dernier cas, les termes sont issus de la moyenne temporelle, alors que dans le premier cas, les termes de corrélation apparaissent en raison de la moyenne spatiale aube à aube. Le concept est illustré en figure I.15. Le champ d’écoulement peut être divisé en une série de surfaces aube à aube (S1) et une surface méridienne (S2). Les techniques quasi-tridimensionnelles, utilisant les équations moyennées en azimut, impliquent la résolution de l’équation de l’équilibre radial moyennée en azimut sur une surface S2 moyenne et la solution exacte des équations tangentielles et axiales de quantité de mouvement sur plusieurs surfaces aube à aube S1. Dans ce qui suit, on décrira l’approche originale de Hirsch et Warzee (1976) [xxv]. La machine à un nombre de pales Na qui présentent un angle d’empilement azimutal ε (r,z). La différence angulaire entre les surfaces intrados et extrados forment l’un des canaux d’écoulement et θ e −θ i est une fonction de r et z.

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Table des matières

Liste des figures
Liste des symboles
Introduction générale
Chapitre I – Modélisation des écoulements internes en turbomachines
I Introduction
I.1 Projet des turbomachines
I.2 Equations générales de base
I.2.1 Equation de continuité et équation dynamique (Navier-Stokes)
I.2.2 Equations sous forme conservative
I.2.3 Equations simplifiées de mouvement
I.2.3.1 Equations d’Euler
I.2.3.2 Equations de l’écoulement incompressible
I.2.3.3 Équations liées à l’écoulement potentiel
I.2.3.4 Équations en termes de fonction de courant
I.3 Equations particulières pour les turbomachines
I.3.1 Solutions axisymétriques
I-3.2 Equations dans le repère relatif
I-3.3 Solutions quasi-tridimensionnelles
I.3.4 Ecoulement aube à aube
I-3.5 Solutions tridimensionnelles
I-3.6 Solutions unidimensionnelles
I.3.6.1 Equations d’Euler pour les turbomachines
I.3.6.2 Equilibre radial simplifié
I.3.6.3 Théorie des disques actuateurs
I.3.7 Equations moyennées en azimut
Chapitre II – Modélisation retenue pour l’écoulement méridien
II Introduction 
II.1 Equations de base
II.2 Forces d’aubage dans le cas d’un nombre infini d’aubages
II.3 Calcul aube à aube simplifié
Chapitre III – Modélisation simplifiée pour les machines axiales
III Introduction 
III.1 Equations simplifiées
III.2 Discrétisation du domaine
III.3 Conditions aux limites et de frontières
III.4 Résolution des équations
III.5 Validation
III.5.1 Validation dans le cadre d’écoulements irrotationnels
III.5.2 Influence du positionnement des conditions aux limites
III.5.3 Validation pour différents types de vortex
III.5.4 Validation à partir de la théorie du disque actuateur
III.5.5 Validations à partir de machines réelles
III.5.5.1 Pompe axiale N3 en vortex libre
III.5.3 Pompe axiale N5
III.5.3 Ventilateur H-2
Chapitre IV – Solution numérique du problème par la méthode des éléments finis
IV.1 Equation elliptique
Chapitre V – Applications sur des machines mixtes 
V Introduction 
V.1 Roue NS32
V.2 Roue VM51
VI – Conclusions générales et perspectives 
VII – Références Bibliographiques

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