Ecoulement et transfert colloïdal dans des matrices hétérogènes et stratifiées

L’urbanisation se traduit par une imperméabilisation croissante des sols limitant l’infiltration des eaux de pluie et conduisant à une augmentation et une accélération du ruissellement provoquant ainsi une saturation des réseaux d’assainissement. La prise en charge des eaux pluviales s’attache de plus en plus à réduire le flux et diminuer la pollution en promouvant des techniques dites « alternatives » visant à ralentir, stocker ou infiltrer les eaux pluviales (Youssef et al. 1990). Ces techniques permettent de maîtriser les eaux pluviales au plus près de leur source et le plus en amont possible, en redonnant aux surfaces de ruissellement un rôle régulateur basé sur la rétention et l’infiltration des eaux de pluie. Les techniques d’infiltration des eaux pluviales se développent partout dans le monde. Ce développement amène beaucoup de chercheurs à se préoccuper des risques de contamination des sols et des nappes. En effet, les eaux pluviales peuvent véhiculer des quantités élevées de polluants organiques (hydrocarbures, pesticides) et inorganiques (métaux lourds) (Grommaire-Mertz, 1998).

De plus, les sols et les remblais urbains servant de support aux bassins d’infiltration sont souvent constitués de matériaux divers de granulométrie et porométrie hétérogènes. Afin d’augmenter la capacité épuratrice des bassins d’infiltration, des strates artificielles constituées de géomatériaux sont mises en place en leur fond pour drainer et filtrer les eaux pluviales (Chocat et al., 1999). Ces matériaux géosynthétiques permettent de séparer les différents géomateriaux, de drainer et de filtrer les eaux pluviales. L’introduction d’un géotextile en fond de bassin d’infiltration peut influencer de manière significative le transfert des contaminants sous forme dissoute (Lassabatere et al, 2004). De même, un piégeage des polluants particulaires est souvent observé dans les géotextiles.

Les polluants présents dans les eaux pluviales (métaux lourds, composés organiques, …) sont en grande partie associés à la fraction particulaire grossière facilement décantable dans les bassins d’infiltration (Sansalone et Buchberger, 1997). Mais les polluants sont également présents sous forme dissoute ou particulaire colloïdale dans les eaux pluviales, les colloïdes étant des particules de taille comprise entre 1 nm et 10 µm (Mills et al. 1991). Les colloïdes se caractérisent, en raison de leur petite taille et de leur réactivité de surface, par une mobilité souvent égale voire supérieure à celle des solutés et par leur capacité importante d’adsorption de polluants (McCarthy et Zachara, 1989). Des études récentes ont commencé à s’intéresser à la fraction colloïdale des métaux lourds (Grout et al., 1999; Tucillo et al., 2005), mais le transfert des colloïdes dans les ouvrages d’infiltration demeure encore mal connu (Durin et al.2007). La compréhension du comportement de transfert de ces composés est un vrai défi lors de la conception des ouvrages d’infiltration : solutés et colloïdes peuvent en effet migrer sur de grandes distances et contaminer le sol et la nappe phréatique. L’hétérogénéité physique des sols constituant un bassin d’infiltration peut modifier l’écoulement et le transfert colloïdal dans les ouvrages d’infiltration. L’influence des géotextiles sur l’efficacité des ouvrages d’infiltration à retenir les contaminants sous forme colloïdale n’a pas été étudiée dans la littérature. La compréhension des mécanismes impliqués dans le devenir des polluants en forme colloïdale au cours de leur transfert permet pourtant d’évaluer l’impact à long terme de ces substances, de prévoir les risques de pollution et de concevoir des techniques de dépollution.

La contribution apportée ici à cette problématique passe cependant par une diminution de l’échelle d’observation. Cette concession est en effet nécessaire afin de travailler dans des conditions contrôlées permettant d’identifier de manière précise les mécanismes mis en jeu. L’étude porte sur des milieux poreux modèles et a été réalisée à l’échelle de colonnes de laboratoire. L’écoulement a été étudié par des méthodes classiques d’injection d’un traceur de l’eau. Le transfert des polluants est simulé par une suspension de particules de latex (colloïde modèle) d’un diamètre de 1 µm et de concentration de 200 mg.L-1.

Milieu poreux, lieu d’écoulement

Le milieu poreux est l’ensemble des grains solides ou des agrégats autour desquels existent des espaces vides appelés pores, pouvant être interconnectés ou non. D’un point de vue physique, un milieu poreux se distingue par trois caractéristiques : la texture, la structure et la porosité. La texture du milieu poreux est une notion purement quantitative qui permet de distinguer les milieux sur la base d’une répartition des grains solides en fonction de leur géométrie (volume et forme), indépendamment de la nature et de la composition de ces minéraux (Duchaufour, 1995). Cette répartition selon des classes de dimensions prédéfinies conduit à la notion de granulométrie. L’arrangement spatial des différents constituants de la phase solide et les liaisons entre ces constituants déterminent la structure du milieu poreux (Soil Science Society of America, 1997). La structure du sol permet, entre autre, de décrire l’organisation des pores, c’est-à-dire leur continuité et leur connectivité.

L’espace du milieu poreux non occupé par la phase solide (volume occupé par les phases gazeuse et liquide) constitue l’espace poral du milieu. C’est à travers ces vides que s’opèrent les processus d’écoulement. La porosité ne doit pas être jugée seulement en fonction de son volume ou de sa répartition, mais en tenant compte de la continuité des vides. Ainsi, on différencie les pores du milieu poreux selon leur degré d’ouverture et leur degré de connexion. On distingue les pores fermés, les pores ouverts en cul de sac (non communiquant à une extrémité) et les pores complètement communicants.

Distribution des pores du milieu en fonction de la taille

A l’échelle microscopique, l’écoulement dans chaque espace particulier de la porosité d’un sol est lié à la taille et à la géométrie de cet espace. Cela conduit à une relation complexe entre la géométrie et les caractéristiques de l’écoulement à l’échelle macroscopique, d’où la classification des pores selon leurs tailles. Il existe plusieurs classifications de pores dans la littérature. Ainsi, Kluté (1986) prend en compte une classification en fonction des tailles de pores : la microporosité correspond aux vides dont les dimensions sont inférieures à 0,2 µm. L’eau y est fortement soumise à une attraction moléculaire de Van der Waals. Les zones microporeuses représentent l’espace des pores où les gaz ne circulent pas. La mésoporosité correspond aux vides dont les dimensions sont comprises entre 0,2 et 2000 µm. La macroporosité correspond aux vides dont les dimensions sont supérieures à 2000 µm. Pour un sol non saturé en eau, les macropores sont en partie disponibles pour la circulation d’un flux gazeux. Luxmore (1981) suggère également de distinguer trois classes de pores : les micro-, méso-, et macropores, correspondant à des processus et des gammes de succion différents pour la vidange (tableau 1-1). La différence majeure entre macropores et mésopores réside pour cet auteur dans le fait qu’il faut une mise en charge au niveau de la surface pour qu’il y ait un écoulement dans un macropore, alors qu’elle n’est pas nécessaire pour qu’il y ait un écoulement gravitaire dans un mésopore.

Hétérogénéité physique du milieu poreux : milieu à double porosité

Bien que l’hétérogénéité concerne de nombreux paramètres physiques des milieux géologiques, nous nous intéressons ici plus particulièrement à l’hétérogénéité liée à la porosité des milieux poreux. Ces hétérogénéités peuvent prendre différentes formes : porosité interne d’agrégats (sols agrégats), fractures dans le milieu poreux etc. Les milieux présentant ces hétérogénéités sont appelés milieux à double porosité. Le concept de milieu à double porosité fut introduit par Barenblatt en 1960 dans le contexte de la modélisation des réservoirs pétroliers fracturés. Un milieu poreux est dit à double porosité lorsqu’il comprend deux systèmes poreux de caractéristiques très différentes (tailles de pore, perméabilités, porosités…). On suppose que le milieu peut être séparé en deux systèmes poreux différents, chacun d’entre eux étant considéré comme un système homogène avec des propriétés hydrauliques et de transport de solutés spécifiques. Le système à double porosité est considéré comme une superposition de ces deux systèmes sur le même volume (Dykhuizen, 1987). Les deux systèmes poreux agissent réciproquement en échangeant eau et solutés en fonction de la pression et des gradients de concentration. Macroscopiquement, le milieu poreux est donc caractérisé en chaque point (en temps et en espace) par deux vitesses d’écoulement, deux pressions, deux teneurs en eau et deux concentrations différentes de solutés (Gerke and Van Genutchen, 1993).

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Table des matières

INTRODUCTION
1 Revue de la littérature
1.1 Milieu poreux, lieu d’écoulement
1.1.1 Variables caractéristiques du milieu poreux : masse volumique sèche apparente, porosité
1.1.2 Distribution des pores du milieu en fonction de la taille
1.1.3 Hétérogénéité physique du milieu poreux : milieu à double porosité
1.1.4 Ecoulement dans un milieu poreux
1.1.4.1 Etats énergétiques de l’eau dans les sols et principes physiques fondamentaux
1.1.4.2 Principe 1 : flux d’eau induits par les gradients de hauteur hydraulique
1.1.4.3 Principe 2 : conservation de la masse
1.1.4.4 Ecoulement en milieu poreux continu
1.1.4.5 Ecoulement en milieu poreux hétérogène
1.1.5 Caractérisation de l’écoulement à l’aide des traceurs
1.1.6 Transport en milieu poreux
1.1.6.1 Processus de l’écoulement
1.1.6.2 Modélisation du transport de solutés
1.1.7 Ecoulement en milieu poreux hétérogène en présence d’un géotextile
1.2 Le transfert colloïdal
1.2.1 Propriétés et interactions colloïdales
1.2.1.1 Colloïdes : définition, origine et source
1.2.1.2 Interactions colloïdales
1.2.1.3 Charge de surface et double couche électrochimique
1.2.1.4 Modèle physique électrostatique résultant des forces colloïdales
1.2.2 Transport colloïdal
1.2.2.1 Mouvement brownien
1.2.2.2 Force hydrodynamique s’exerçant sur une sphère en mouvement
1.2.2.3 Effet de gravité
1.2.3 Mécanismes influençant le transport colloïdal
1.2.3.1 Rétention des particules et mécanismes de collision
1.2.3.2 Chromatographie hydrodynamique et effet d’exclusion
1.2.4 Approche macroscopique du transport colloïdal
1.2.4.1 Théorie de la filtration
1.2.4.2 Equation de transport convection/dispersion/interaction
1.2.5 Investigation du transport colloïdal en laboratoire
1.2.5.1 Expérimentation en colonnes de laboratoire avec colloïdes
1.2.5.2 Paramètres modifiant le transport des colloïdes : revue bibliographique
1.3 Synthèse des données bibliographiques
1.3.1 Ecoulement et transport de solutés
1.3.2 Transfert colloïdal
2 Méthodologie
2.1 Caractérisation des matériaux et des solutions utilisés lors des essais en laboratoire .
2.1.1 Définition des milieux poreux
2.1.1.1 Milieu poreux à simple porosité : le sable d’Hostun
2.1.1.2 Milieu granulaire
2.1.2 Caractéristiques de la strate utilisée et des macropores artificiels
2.1.2.1 Le géotextile : élément de stratification des milieux poreux
2.1.2.2 Le macropore artificiel
2.1.3 Solutions utilisées
2.1.3.1 Solution neutre
2.1.3.2 Solution de traçage
2.1.3.3 Suspension colloïdale des particules de latex
2.2 Essais en colonnes de laboratoire
2.2.1 Construction des colonnes
2.2.2 Configuration et mise en place des systèmes étudiés
2.2.3 Saturation des colonnes
2.2.4 Dispositifs expérimentaux pour les essais en colonnes
2.2.4.1 Détermination du volume d’eau V0 dans les colonnes
2.2.4.2 Détermination de la longueur équivalente du lit poreux
2.2.5 Injection de solutés et colloïdes : obtention des courbes d’élution
2.2.5.1 Débits d’injection
2.3 Caractérisation de l’écoulement
2.3.1 Analyse des courbes d’élution par la méthode des moments
2.4 Caractérisation du transfert colloïdal
3 Ecoulement et transport de solutés
3.1 Introduction
3.2 Modélisation du transfert de solutés et détermination des paramètres hydrodispersifs
3.3 Ecoulement dans le milieu sableux
3.3.1 Caractéristiques physiques et hydriques des colonnes de sable en conditions saturées
3.3.2 Elution du traceur en conditions saturées
3.3.3 Influence de la vitesse de l’écoulement sur l’élution du traceur
3.3.4 Détermination de paramètres hydrodispersifs du milieu sableux par la modélisation (MIM) en conditions saturées
3.3.4.1 Résultats de modélisation
3.3.5 Caractéristiques physiques des colonnes de sable en conditions non saturées
3.3.6 Elution du traceur en conditions non saturées
3.3.7 Influence de la vitesse d’écoulement sur l’élution du traceur
3.3.8 Modélisation du transport de solutés en conditions non saturées
3.3.9 Synthèse et discussion sur l’écoulement en milieu sableux
3.3.9.1 Un écoulement dépendant de la porosité du milieu et des conditions hydriques
3.3.9.2 Le rôle du géotextile sur l’écoulement et le transport de solutés
3.3.9.3 Effet de la vitesse d’écoulement
3.4 Ecoulement dans le milieu granulaire
3.4.1 Conditions saturées
3.4.1.1 Caractéristiques physiques et hydriques des colonnes
3.4.1.2 Elution du traceur en conditions saturées
3.4.1.3 Détermination de paramètres hydrodispersifs du milieu granulaire par la modélisation (MIM) en conditions saturées
3.4.2 Conditions non saturées
3.4.2.1 Caractéristiques physiques et hydriques des colonnes
3.4.2.2 Elution du traceur en conditions non saturées en milieu granulaire
3.4.2.3 Détermination des paramètres hydrodispersifs du milieu granulaire par la modélisation (MIM) en conditions non saturées
3.4.3 Discussion sur l’écoulement en milieu granulaire
3.4.3.1 Effet des conditions hydriques
3.4.3.2 L’effet du géotextile
3.5 Conclusion
4 Modélisation de l’écoulement
4.1 Principes de modélisation
4.1.1 Le code HYDRUS-2D
4.1.1.1 Caractéristiques générales du code HYDRUS-2D
4.1.1.2 Simulation numérique avec HYDRUS –2D
4.1.2 Modélisation préliminaire de l’écoulement et du transport de solutés dans le sable seul (T)
4.1.3 Modélisation de la colonne avec macropore (M)
4.2 Un modèle conceptuel de l’écoulement et du transfert de solutés en présence d’un macropore
4.2.1 Détermination de la zone de l’écoulement préférentiel EP par la modélisation
4.2.2 Modélisation du transfert de solutés : étude de sensibilité
4.2.3 Ajustement final des élutions expérimentales et discussion
4.2.4 Simulation numérique des expériences en présence du géotextile
4.2.4.1 Effet des caractéristiques hydrodynamiques du géotextile sur l’écoulement et le transfert de solutés
4.2.5 Modification de la zone d’écoulement préférentiel par l’introduction du géotextile
4.2.5.1 Etude de sensibilité
4.2.6 Conclusion
CONCLUSION

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