La structure d’une communauté des Reptiles est fortement influencée par l’hétérogénéité de l’environnement (Pough et al., 1998). A chaque type d’habitat correspond une communauté herpétofaunique plus ou moins déterminée, bien que les amphibiens et les reptiles malgaches fréquentent une grande variété de biotopes (Blommers-Schlösser & Blanc, 1991). La question qui se pose est du genre : « Est-ce que les espèces constituant cette communauté biologique présentent-elles aussi des traits morphologiques définis, leur permettant de mieux exploiter un milieu écologique particulier, sans qu’il y ait une exclusion compétitive?». Autrement dit, est-ce qu’à partir des traits morphologiques on pourrait en déduire l’aspect écologique ? L’étude de la variation morphologique et l’adaptation au milieu écologique constitue en effet un point central de l’évolution biologique (Hopkins & Tolley, 2011).
Les traits morphologiques comme la longueur des membres ou du nombre de lamelles sous digitales, généralement utilisés comme caractères diagnostiques des espèces chez les reptiles, représentent également une forme d’adaptation pour l’utilisation des divers habitats (Raynaud et al., 1989). Effectivement, la relation entre la morphologie et l’écologie d’une espèce est un fait bien connu chez les différents groupes taxinomiques, comme les poissons (Motta et al., 1995; Langerhans et al., 2003), les amphibiens (Lehtinen, 2005 ; Pabijan et al., 2012), les reptiles (Moermond, 1979; Losos, 1990; Vanhooydonck & Van damme, 1999) et les chauves souris (Weyeneth et al., 2010; Goodman, 2011 ; Ramasindrazana et al., 2011). Cette adaptation permet ainsi à chaque espèce d’occuper une niche écologique distincte et d’assurer une fonction bien définie comme la locomotion arboricole chez les caméléons (Bickel & Losos, 2002; Fischer et al., 2010). La différenciation constatée au niveau des caractères morphologiques joue par conséquent un rôle fondamental dans la structuration et dans l’organisation de la communauté animale, telle que la structure spatiale. Le cas de stratification des perchoirs chez les caméléons (Losos et al., 1993; Hopkins & Tolley, 2011) est un exemple typique. L’adaptation écomorphologique concerne en effet l’ensemble des caractéristiques morphologiques qui permettent à une espèce de se maintenir, de survivre et de continuer à se reproduire dans un milieu donné. Ces caractéristiques peuvent être aussi d’ordre anatomique, physiologique ou comportemental (Andrews, 1982; Bauwens et al., 1995, Huey et al., 2003).
Des modifications adaptatives liées à la compétition ou à d’autres causes peuvent influencer la structure des communautés et la diversité écologique, mettant ainsi en exergue la coévolution des traits morphologiques et l’écologie (Bock & Von Wahlert, 1965 ; Winkler, 1988 ; Bock, 1990; Witte et al., 1990). Cette situation reflète en effet la manière dont les organismes agissent pour s’adapter à leur environnement (Kaliontzopoulou et al., 2010). Les distinctions morphologiques et fonctionnelles peuvent être aussi liées à l’exploitation des ressources disponibles (Measey et al., 2011). En effet, le paradigme écomorphologique, peut servir de cadre dans différents domaines de recherches, qui voudraient mettre en évidence la performance dans la réalisation d’une fonction à travers le lien entre la morphologie et l’écologie (Arnold, 1983). Les lézards sont depuis longtemps pris comme organismes modèles pour mener ce genre d’étude (Pianka, 1986 ; Losos, 2009).
La faune herpétologique malgache présente une grande diversité aussi bien au niveau des espèces qu’au niveau des milieux écologiques fréquentés (Raselimanana, 2008). Malheureusement, très peu d’études ont été menées pour explorer la relation fonctionnelle et adaptative entre les communautés biologiques et leur milieu naturel. Ce domaine est cependant d’une importance capitale dans la compréhension de l’évolution biologique et de la connaissance des exigences écologique et biologique des espèces. Par conséquent, c’est un aspect crucial dans la mise en œuvre d’un plan de gestion ou de conservation des communautés biologiques.
PRESENTATION GENERALE DES SCINCIDES MALGACHES
Caractères généraux
Les scinques sont des lézards de petite taille en général, avec une longueur variant de 3 à 20 cm pour la « tête + corps » (Andreone & Greer, 2002 ; Miralles et al., 2011a). Ce sont des reptiles tétrapodes et pentadactyles en général, mais les espèces composant le groupe présentent une importante variation et adaptation suivant les mœurs et les types d’habitat fréquentés (Andreone & Greer, 2002; Raselimanana & Rakotomalala, 2003; Crottini et al., 2009 ; Miralles et al., 2011a). Certaines espèces ont des membres bien développés (Glaw & Vences, 2007), alors que d’autres en connaissent une régression ou même une disparition totale (Brygoo, 1985 ; Andreone & Greer, 2002 ; Crottini et al., 2009). Parallèlement à cette réduction des membres, le corps peut subir une certaine élongation (Brygoo, 1985 ; Raselimanana & Rakotomalala, 2003), donnant ainsi à l’animal un aspect vermiforme (Miralles et al., 2012). Ce sont des lézards à écailles qui s’imbriquent entre elles. La tête est de forme conique et peu distincte du cou, couverte par des plaques écailleuses juxtaposées et présentant à l’extrémité une rostre dure et pointue chez les espèces fouisseuses (Miralles et al., 2011b). L’œil est protégé par une fenêtre membraneuse transparente, rattachée à la paupière inférieure qui est mobile. Les pattes, courtes, trapues et robustes ne soulèvent que très peu le corps du sol. Ces membres peuvent cependant assurer différentes fonctions suivant les mœurs de l’animal pour : creuser, courir, nager et même pour grimper (Leroy, 1976, Obst et al., 1988 ; Miralles et al., 2011b). La disparition des membres peut affecter soit la partie antérieure soit la postérieure ou les deux à la fois (Köhler et al., 2009 ; Miralles et al., 2012). La perte ou la réduction des membres est accompagnée d’un changement du mode de déplacement vers la reptation et l’adoption d’une mode de vie souterraine ou fouisseuse (Raselimanana & Rakotomalala, 2003 ; Miralles et al., 2011b ; Miralles et al., 2012).
Ce sont des reptiles essentiellement diurnes, mais certains sont très actifs au crépuscule ou la nuit (Leroy, 1976 ; Pough et al., 1998). La majorité des espèces sont ovipares, mais des cas de viviparité sont également connues à Madagascar (Raxworthy & Nussbaum, 1993 ; Glaw & Vences, 2007). Le régime alimentaire est principalement à base d’insectes ou de larves (Miralles et al., 2011a).
Position systématique
Les scincidés malgaches sont représentés par sept genres endémiques, plus deux autres que la Grande île partage avec les îles de l’Océan indien. Ces genres endémiques appartiennent à la sous famille des Scincinae et sont composés d’Amphiglossus, Androngo, Madascincus, Paracontias, Pseudoacontias, Pygomeles, Sirenoscincus et de Voeltzkowia. La classification du groupe est en pleine évolution, et reste souvent controversée (Andreone & Greer, 2002 ; Whiting et al., 2003, 2004; Schmitz et al., 2005). Nous adoptons dans la présente étude la classification de Glaw & Vences, 2007 :
Règne : ANIMAL
Embranchement : VERTEBRES
Sous embranchement : GNATHOSTOMES
Super classe : TETRAPODES
Classe : REPTILES
Sous classe : DIAPSIDES
Super ordre : LEPIDOSAURIENS
Ordre : SQAMATES
Sous ordre : SAURIENS
Famille : SCINCIDAE (Gray, 1825)
Sous famille : SCINCINAE (Greer, 1970) .
Il y a neuf genres (Glaw & Vences, 2007) et plus de 80 espèces connues à Madagascar (Miralles et al., 2011c). Pour la présente étude, seuls, trois genres à savoir :
❖ Genre : Amphiglossus (Duméril & Bibron, 1839)
❖ Genre : Androngo (Brygoo, 1982)
❖ Genre : Pygomeles (Grandidier, 1867) .
Choix du groupe
Les scincidés constituent un groupe très important puisqu’ il renferme à lui seul plus de 4000 espèces contemporaines (Pough et al., 1998 ; Zug et al., 2001). Ils sont présents sur tous les continents , en particulier dans les zones tropicales et subtropicales (Zug et al., 2001). Cette large répartition montre leur grande capacité d’adaptation écologique, physiologique et comportementale. On les trouve aussi bien sous des climats chauds que froids, dans des milieux arides ou aquatiques ainsi qu’à des altitudes variées. Le mode de vie des membres du groupe montre également une grande diversité.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. PRESENTATION GENERALE DES SCINCIDES MALGACHES
I.1 Caractères généraux
I.2 Position systématique
I.3 Choix du groupe
I.4 Choix et présentation des espèces étudiées
II. METHODOLOGIE
II.1 Spécimens étudiés
II.2 Identifications et mensuration des caractères
II.2.1 Caractères méristiques
II.2.2 Caractères morphométriques
II.3 Traitement et analyse des données
II.3.1 Données morphométriques
II.3.2 Données méristiques
III. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III.1 Mesure de la corpulence générale
III.1.1 Analyse des paramètres généraux du corps
III.1.2 Analyse des rapports de mesures sur la Taille
III.2 Autres données morphométriques
III.2.1 Analyse des moyennes des facteurs de mesure différentiels selon les espèces
III.2.2 Analyse des composantes principales
III.2.3 Analyse des variations des caractères anatomiques : ANCOVA
III.3 Comptage des écailles
III.3.1 Analyse des écailles corporelles
III.3.2 Analyse des écailles digitales
III.3.3 Analyse des composantes principales
III.3.4 Analyse de la variation du nombre d’écailles : Test de Kruskal-Wallis
IV. DISCUSSION
IV.1 Complexe écomorphologique
IV.2 Critères et usages morphologiques relatifs aux mœurs
IV.2.1 Corpulence générale
IV.2.2 Mensuration des autres appendices corporelles
VI.3 Etude des écailles
CONCLUSION et RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES