Les maladies infectieuses d’origines alimentaires en France, état de l’art et réglementation actuelle pour les produits laitiers
Les aliments destinés à la consommation humaine peuvent être à la fois de simples vecteurs de micro-organismes, mais aussi des milieux favorables au développement des bactéries. Ce développement peut avoir des conséquences redoutables par leur incidence sur la santé des consommateurs et par les pertes alimentaires occasionnées (Bourgeois et al., 1996). Des techniques ancestrales, toujours utilisées, dont les principes reposent soit sur la destruction de micro-organismes (par exemple la chaleur), soit sur l’inhibition de croissance (par exemple, par acidification ou par réduction de la teneur en eau) permettent de limiter à la fois l’altération des aliments et la croissance des micro-organismes pathogènes. Aujourd’hui, l’évolution des pratiques d’élevage, les nouveaux procédés de fabrication, de distribution et de commercialisation ainsi que les nouveaux produits font apparaître de nouveaux dangers pour le consommateur (Cerf et al., 2006).
Etat des lieux
Selon le rapport de l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) publiée en 2004 sur la morbidité et la mortalité dues aux maladies infectieuses d’origine alimentaire dans les années 1990, en France : « plus de 200 maladies infectieuses, bactériennes, virales et parasitaires ou toxiques sont transmises par l’alimentation. Les maladies infectieuses d’origine alimentaire se manifestent le plus souvent par une symptomatologie digestive mais également par des syndromes sévères et parfois mortels tels que la méningo-encéphalite à Listeria monocytogenes ou le syndrome hémolytique et urémique (SHU) consécutif à une infection par Escherichia coli producteur de shigatoxine (STEC). » (Vaillant et al., 2004).
Dans ce rapport, les agents pathogènes pris en compte ont été estimés être à l’origine de 238 836 à 269 085 cas de toxi-infections d’origine alimentaire par an, durant les années 90 (Tableau I.1). Parmi ceux-ci, les infections bactériennes étaient responsables dans la majorité des cas de décès (84 à 94% des 228 à 691 cas pour l’ensemble des agents pathogènes). Les salmonelles, qui représentaient la cause la plus fréquente d’infections bactériennes, étaient aussi la première cause de décès (92 à 535 cas estimés). Les listérioses apparaissaient comme la deuxième cause de décès (78 cas) alors qu’elles n’étaient que la septième cause d’infections bactériennes d’origine alimentaire (304 cas estimés). Le taux de létalité estimé pour les listérioses était donc considérable, de 20 à 30%. Ainsi, bien que le nombre de cas soit faible, la létalité élevée due aux listérioses et à leur potentiel épidémique font de leur surveillance et de leur contrôle dans les industries agro-alimentaires des objectifs prioritaires.
En France, la surveillance des listérioses chez l’homme était assurée depuis 1990 par le Centre National de Référence des Listeria (CNR, Institut Pasteur, Paris) et depuis 1998, par le CNR et la déclaration obligatoire (DO). L’évolution des listérioses (décès, favorable ou incertaine) est recueillie au moment de la déclaration. Pour les formes materno-foetales, sont considérées comme décès toutes les évolutions défavorables de la grossesse (avortement, mort in utero, décès post-natal). Ces décès surviennent le plus souvent rapidement après le diagnostic et notés lors de la déclaration. La létalité rapportée pour ces formes est donc proche de la réalité. Par contre, pour les formes non materno-foetales, le décès peut survenir à distance du diagnostic et ne pas être déclaré. La létalité rapportée pour ces formes est donc sous-estimée. A partir de 1998, pour un même système mixte de surveillance, une diminution de l’incidence des listérioses est notable, surtout entre les années 2000 et 2001. Grâce aux efforts conjugués des producteurs, des pouvoirs publics et des autorités sanitaires, l’incidence des listérioses, qui était supérieure à celle des autres pays industrialisés, est passée au même niveau que des pays qui appliquent la tolérance zéro Listeria dans les aliments comme les USA. Elle est inférieure à l’incidence de plusieurs pays européens, notamment les pays scandinaves (Goulet et al., 2005).
Les listérioses se manifestent principalement sous forme de cas sporadiques auxquels viennent se superposer des épidémies, c’est à dire des groupements temporels d’au moins 2 cas de listériose dus à des souches de L. monocytogenes ayant les mêmes caractéristiques (rapport de l’AFSSA, anonyme, 2000c). L’existence de plusieurs malades infectés par la même souche de L. monocytogenes suggère qu’ils ont été contaminés par le même aliment ou une source commune.
Réglementation relative à l’hygiène des produits laitiers
La nouvelle réglementation européenne relative à l’hygiène des aliments et à l’alimentation animale ou « paquet hygiène » est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. Elle s’appuie sur 6 textes communautaires fondateurs : les règlements n°178/2002, n°183/2005, relatifs à l’hygiène des aliments pour animaux, n°852/2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires, n°853/2004 qui fixe les règles spécifiques aux denrées alimentaires, n°882/2004 relatifs aux contrôles officiels et n°854/2004 qui fixe les règles spécifiques d’organisation des contrôles officiels. Le «paquet hygiène » a pour objectif de refondre, harmoniser et simplifier les dispositions qui étaient dispersées dans 18 directives communautaires. Parmi ces nouveaux règlements, le règlement n°2073/2005 de la commission du 15 novembre 2005, paru le 22 décembre 2005 concerne les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires. Ses annexes détaillent les critères relatifs aux produits laitiers concernant L. monocytogenes, mais aussi Salmonella, les staphylocoques à coagulase positive et Escherichia coli. Tous les critères concernant les fromages sont détaillés sur le Tableau I.4. Pour L. monocytogenes,, même si des différences de risques entre les aliments existent (produits laitiers, produits carnés, végétaux, produits de la mer), le législateur distingue uniquement les denrées qui permettent ou non le développement de la bactérie. L’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), dans son avis 2003-SA-0362 du 9 mars 2005, a établi cette classification basée surl’appréciation des capacités de croissance de L. monocytogenes dans les aliments par des tests de croissance et la prise en compte des caractéristiques physico-chimiques des aliments. Pour les aliments qui permettent le développement de L. monocytogenes, un seuil de 100 UFC/g (Unité Formant Colonie) a été fixé pour un produit mis sur le marché pendant la durée de conservation, à la condition que le fabricant prouve que le produit ne dépassera pas ce seuil. Cette condition peut être démontrée par la microbiologie prévisionnelle ainsi que par des tests de croissance et de vieillissement.
Physiopathologie et formes cliniques des listérioses
Etapes de l’infection et pouvoir pathogène
La porte d’entrée est le plus souvent digestive à la suite de l’absorption d’aliments contaminés. Le lieu de pénétration dans la muqueuse digestive est encore mal connu. Les bactéries sont retrouvées dans les plaques de Peyer (système immunitaire) où elles se multiplient. Cette phase est asymptomatique et peut durer de un jour à plusieurs semaines. La dissémination s’effectue ensuite par voie lymphatique vers les ganglions lymphatiques régionaux, puis vers la circulation sanguine. Ce sont les monocytes infectés qui véhiculent les bactéries et les relarguent dans la circulation où elles sont phagocytées par les macrophages de la rate et les cellules de Küppfer (macrophages) du foie. Listeria se multiplie alors dans les hépatocytes, ce qui entraîne une réponse inflammatoire intense avec formation de granulomes. Listeria infecte ensuite le système nerveux central par voie hématogène, en franchissant la barrière hémato-encéphalique. Elle se développe en surface du cerveau, provoquant une méningite bactérienne purulente, associée à des signes d’encéphalite. L’infection peut aussi toucher d’autres organes, notamment les poumons, l’utérus et l’unité foeto-placentaire (rapport de l’AFSSA, anonyme, 2000c) .
Le pouvoir pathogène de Listeria monocytogenes dépend donc de sa capacité à pénétrer et se multiplier dans les cellules immunitaires, principalement les cellules phagocytaires. Elle échappe ainsi aux mécanismes de défense de l’hôte et peut être disséminée dans l’organisme. Le caractère intracellulaire de Listeria est donc la base de son mécanisme de défense : après la phagocytose, elle lyse le phagosome et passe dans le cytoplasme des macrophages. Elle passe ensuite d’une cellule à sa voisine par nucléation de filaments d’actine appelé « comète d’actine » .
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Table des matières
Introduction générale
Etude bibliographique
Chapitre 1 Les fromages et le danger Listeria
I. Les maladies infectieuses d’origine alimentaires en France, état des lieux et réglementation actuelle pour les produits d’origine laitière
1. Etat des lieux
2. Réglementation relative à l’hygiène des produits laitiers
II. Listeria monocytogenes et listériose
1. Physiopathologie et formes cliniques de la listériose
1.1 Etapes de l’infection et pouvoir pathogène
1.2 Forme cliniques
2. L. monocytogenes, un germe ubiquiste
3. Présence dans l’environnement agroalimentaire
III. Les fromages et le comportement associé de L. monocytogenes
1. Définition du fromage
2. Etapes de fabrication
3. Les différentes catégories de fromages
4. Implication des micro-organismes dans la fabrication et l’affinage
4.1 Microflore du lait
4.2 Micro-organismes intervenant dans le processus fromager
5. Le comportement de L. monocytogenes dans les différentes catégories de fromages
Chapitre 2 Désinfection chimique et agents bioactifs d’origine microbienne et laitière pour la maîtrise sanitaire du danger Listeria monocytogenes en industrie agro-alimentaire
I. La désinfection chimique et ses limites
II. Classification des interactions entre micro-organismes
III. Les différents mécanisme d’inhibition de L. monocytogenes
1. Diminution de l’adhésion de L. monocytogenes aux surfaces
2. Compétition nutritionnelle
2.1 Besoins nutritionnels de L. monocytogenes
2.2 Cas de compétition nutritionnelle décrits
2.3 Modélisation de la compétition nutritionnelle
3. Molécules inhibitrices
3.1 d’origine bactérienne
3.1-1 Acides organiques
3.1-2 Bactériocines
3.1-3 Autres molécules: peroxyde d’hydrogène et exo-polysaccharides
3.2 d’origine laitière
3.2-1 Enzymes
3.2-2 Acides gras
4. Quorum sensing
5. Utilisation de bactériophages
6. Mécanisme d’inhibition inconnu ou non démontré
Chapitre 3 Le support bois en agro-alimentaire
I. Structure et principales propriétés du bois
1. Physiologie et structure anatomique
2. Composition chimique
3. Propriétés du bois
3.1 Propriétés physiques
3.2 Propriétés mécaniques
3.3 Propriétés chimiques
II. L’utilisation du bois en agro-alimentaire
1. Historique
2. Propriétés du bois exploitées en agroalimentaire
2.1 Le bois et la production de vins et boissons alcoolisées : transmission de molécules et interactions bois-bactéries
2.2 Utilisation du bois pour la production des produits laitiers : régulation de l’humidité, ensemencement en flores technologiques, transmission de molécules
3. Législation autour du bois
3.1 Textes concernant les matériaux au contact des denrées alimentaires
3.2 Textes concernant le choix des essences
3.3 Textes concernant les produits de traitements du bois
3.4 Le « paquet hygiène »
III. Ecologie microbienne du bois
1. Substances anti-microbiennes du bois
2. Interactions des microorganismes avec le bois
2.1 Contamination naturelle du bois
2.2 Survie des micro-organismes après contamination artificielle
2.3 Nettoyabilité du bois étudiée après contamination artificielle
3. Ecologie microbienne de la surface du bois
3.1 Production de boissons alcoolisées
3.2 Produits laitiers
3.2-1 Bois et flores d’intérêt technologique
3.2-2 Bois et flores pathogènes
Bilan de l’étude bibliographique
Conclusion générale
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