L’écologie évolutive, s’étend dans le champ de deux disciplines, la biologie évolutive et l’écologie. Elle étudie à la fois les influences historiques et contemporaines sur les patrons de variabilité observés et ce à tous les niveaux, depuis l’individu jusqu’aux communautés d’espèces ou grands groupes taxinomiques. Par excellence transdisciplinaire, elle fait usage d’outils variés, associe modélisations mathématiques de problèmes biologiques et approche expérimentale et représente une approche intégrée des interactions entre les gènes, les individus, les populations et l’environnement. S’attachant à prendre en compte les contingences historiques pour tester des hypothèses adaptatives, elle vise à apporter des éléments clefs pour une meilleure compréhension de l’importance des processus à l’origine des patrons de variabilité observés à différents niveaux dans les systèmes biologiques.
La cladistique (du grec klados, branche) mettant à profit les analyses phylogénétiques pour l’appréhension de patrons écologiques, est une des facettes de l’écologie évolutive moderne. Reconstruire une histoire des relations phylogénétiques sur la base de données morphologiques, moléculaires, biochimiques, etc. permet, a posteriori, d’établir le scénario évolutif de tel ou tel aspect plus ou moins intimement lié aux taxa cibles. Quelle que soit la nature des caractères utilisés, le recours aux algorithmes phylogénétiques, qu’ils reposent sur le critère du maximum de parcimonie, du maximum de vraisemblance ou utilisent les méthodes bayésiennes, permet une appréhension raisonnée, et la plus objective possible, des relations évolutives entre lesdits taxa, indépendamment du questionnement initial. Ainsi, a posteriori, au vu des topologies retenues par ces méthodes objectives, des motifs évolutifs peuvent émerger, après un travail de mise en relation d’informations extérieures à l’arborescence avec les relations figurées par les branches à différents niveaux dans l’arbre retenu.
Ces informations peuvent être des caractères intrinsèques des taxa mêmes, tels des caractères morphologiques, des mutations sur une séquence d’ADN donnée, des traits d’histoire de vie. Dans ce cas, on établit un scénario évolutif desdits taxa. Par exemple, l’observation de l’arbre retenu avec examen des états de certains caractères morphologiques aux différents nœuds de l’arbre permet d’observer leur évolution depuis l’ancêtre commun (racine), jusqu’aux taxa étudiés (feuilles), en passant par les ancêtres communs internes (nœuds). Des informations plus indirectement liées aux taxa cibles peuvent être corrélées aux arbres obtenus, telles le type d’habitat, la localisation géographique, etc. Des corrélations entre information historique et constat écologique contemporain plus ou moins attendues se dessinent. Les taxa groupés dans un clade donné peuvent s’avérer inféodés à un type d’habitat commun, différent de celui des autres clades, et signer un fait évolutif de nature écologique particulier. Ou encore, une absence de corrélation peut être mise à jour.
La démarche se déroule en deux étapes majeures : (1) la collecte et le traitement phylogénétique des données, (2) la mise en relation des données obtenues sur la base d’une matrice rigide avec des données différentes, plus ou moins dispersées. La première étape, à visée fondamentalement objective, est gérée par des algorithmes. La seconde étape, en revanche, n’est pas automatisable, tout au moins pas complètement. Elle repose sur la capacité à mettre en lien, en réseau, des informations éparses, qu’a priori rien ne lie nécessairement, et des topologies phylogénétiques. Convergence, réversion, dérivation successive d’états multiples apparaissent grâce à l’examen de la disposition des informations disponibles en fonction des clades sur l’arborescence retenue. L’effort d’interconnexion entre les données écologiques, géographiques ou comportementales et l’histoire mise à jour par les relations de parenté permet la révélation de patrons de variabilité.
L’histoire d’associations biologiques peut être observée de cette manière, telles des associations proie-prédateur, hôte-parasite, hôte-symbiote, … Les systèmes hôte parasite en particulier constituent des modèles d’étude de l’écologie évolutive exemplaires. En effet, l’association plus ou moins étroite entre le parasite et son hôte, induisant des contraintes évolutives importantes, offre un vaste terrain pour l’étude des phénomènes adaptatifs. La conjonction de particularités intrinsèques de l’hôte comme du parasite et des caractéristiques écologiques de l’hôte (habitat, habitudes) et du parasite permet à ce système d’exploitation de durer. Ainsi Morand et Sorci (1988) ont-ils démontré, en comparant des nématodes parasites avec des nématodes libres, que, dans la plupart des cas, pour les parasites, l’évolution des traits d’histoire de vie est directement dépendante de caractéristiques de l’hôte.
Les ectoparasites en particulier offrent une diversité dans le degré d’association avec l’hôte tout à fait remarquable (spécificité d’hôte, relations avec environnement de l’hôte). Certains sont aussi intimement liés à leur hôte que la plupart des endoparasites, montrant un haut niveau de spécialisation (ex. les poux mallophages parasitant des rongeurs du genre Geomys ; Page et Hafner 1996). D’autres, moins spécifiques, manifestent des liens un peu plus lâches (ex. les puces du genre Pulex, parasitant des mammifères aussi divers que l’homme, le renard, le blaireau, le hérisson…). Les degrés de spécificité sont variables entre groupes de haut niveau taxinomique, mais aussi parfois entre espèces proches (Desdevises et al. 2002, Price et al. 2003).
Les habitudes et traits d’histoire de vie sont ainsi très divers parmi les ectoparasites, certains accomplissant toutes les étapes de leur développement directement sur l’hôte, d’autres passant certains de leurs stades sur l’hôte, les autres dans l’environnement. Les poux mallophages, ectoparasites d’oiseaux ou de mammifères, les trématodes monogènes, ectoparasites de poissons, sont des exemples d’ectoparasites au développement complet sur l’hôte. Chez la plupart des puces (Siphonaptera : Pulicidae, Ceratophyllidae), en revanche, le stade adulte demeure sur l’hôte, mais les œufs sont généralement pondus dans le milieu extérieur où les larves et nymphes se dévelopent ensuite. Les femelles adultes des puces chiques (Siphonaptera : Tungidae) pondent directement sur l’hôte, mais les œufs tombent au sol.
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Table des matières
1 Avant-propos
1.1 Ecologie évolutive et démarche cladiste
1.2 Systèmes hôtes-parasites
a – Cas des ectoparasites
b – Microprédation et faible spécificité d’hôte, en lien avec l’essaimage
c – Difficultés dans l’appréhension des associations lâches
d – Intérêt de l’étude de systèmes microprédateur aptère / macroproie
1.3 Modèles microprédateur aptère / oiseau
2 Introduction
2.1 Contexte : le genre Dermanyssus et le groupe gallinae
a – Une espèce d’importance économique dans un genre méconnu
b – Impact direct sur l’hôte
c – Distribution
2.1.c.1 Spectre d’hôte
2.1.c.2 Répartition géographique
d – Reproduction
e – Particularités de la biologie des espèces du genre Dermanyssus en lien avec les difficultés de traitement rencontrées en élevage
2.1.e.1 Variabilité du temps de génération
2.1.e.2 Etroite relation avec le microenvironnement (nid, litière)
2.2 Problématique
2.3 Objectifs
2.4 Aperçu sommaire de l’étude : un débroussaillage en deux étapes
a – Structure du texte
b – Première étape (§4) : clarification de l’identité spécifique
c – Seconde étape (§5): exploration écologique
3 Grandes lignes de la méthodologie adoptée
3.1 Matériel biologique : stratégie d’échantillonnage pour une représentation d’habitats variés
3.2 Marqueurs développés : utilisation concomitante de données morphologiques et moléculaires
3.3 Outils de la phylogénie et de la génétique des populations
4 Conclusion
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