Séparés de l’Afrique il y a 180-160 millions d’années, puis de l’Inde il y a 90 millions d’années (Mettermeier et al., 2006), Madagascar a évolué en un incroyable monde de biodiversité, avec des dizaines de milliers d’espèces qui ne se retrouvent nul par ailleurs sur la Terre. Les lémuriens, primates de la famille des prosimiens en sont l’exemple type et ne se retrouvent que sur la grande île. Bien que nul ne sache vraiment comment les premiers lémuriens sont arrivés à Madagascar, il semblerait qu’en l’absence de toute compétition avec d’autres primates, ils aient pu évoluer en une quarantaine d’espèces (Jolly, 2007). Madagascar représente donc un terrain d’expérience écologique unique et nous donne l’occasion d’apprécier la manière dont les animaux ont pu s’adapter à de nombreux mode de vie différents (Dunbar, 2002).
Néanmoins, cette diversité est soumise à divers problèmes d’origines anthropiques essentiellement, à savoir : la destruction de l’habitat naturel des espèces et le braconnage de nombreuses espèces faunistiques. Pour les lémuriens, c’est surtout la fragmentation de l’habitat qui est à l’origine de leur disparition. Les projets de conservation ont dans le but de préserver ces fragments et de rétablir leurs liens afin d’assurer la continuité de l’habitat de ces espèces dans un but d’assurer l’efficacité de la conservation des espèces cibles de conservation. Ainsi, la compréhension du comportement et de l’écologie des populations de lémuriens est indispensable dans cette optique de conservation in situ.
MILIEU D’ETUDE
SITUATION GEOGRAPHIQUE
La RS de Bezà Mahafaly actuelle se trouve dans la région Atsimo Andrefana de Madagascar. Elle est localisée à 35 km au nord-est de Betioky Sud , dans le fokontany de Mahazoarivo, commune rurale (CR) d’Ankazombalala (ex-Beavoha), district de Betioky Sud, et est située entre 23°38’60 » et 23°41’20 » de latitude Sud et 44°34’20 » de longitude Est. Les villages de Mahazoarivo et d’Analafaly se situent respectivement à environ 4 km au nord et 2 km à l’est de la réserve. Ce sont les deux principaux villages à proximité de la réserve.
La réserve appartient à l’écorégion du Sud, caractérisée par différents écosystèmes dont la forêt galerie et la forêt xérophile. Disposant d’une superficie d’environ 600 ha, elle est constituée de deux parcelles non-contigües distantes de dix kilomètres. La première parcelle est une forêt galerie avec une superficie de 80 ha. Elle longe les rives de l’affluent de Sakamena. Cette parcelle est divisée par des layons de façon à former des placettes plus ou moins carrées d’environ 100 x 100 m. Elle est située près du campement et clôturée par des rangées de fils de fer barbelés pour la protéger de la divagation accidentelle du bétail appartenant à la population riveraine. Cette parcelle abrite un nombre de groupes sociaux de Propithecus verreauxi très important. Il y a 54 groupes sociaux marqués qui ont leur domaine vital totalement ou partiellement à l’intérieur de la parcelle 1 de la réserve spéciale de Bezà Mahafaly (Ratsirarson et al., 2001). La deuxième parcelle est une forêt xérophile possédant les caractéristiques d’un bush épineux dominé par des espèces adaptées aux longues saisons sèches à savoir Alluaudia procera, les espèces microphiles dominées par Cedrelopsis grevei, et les espèces à feuilles cladodes. Cette parcelle au sud-ouest de la première parcelle a une superficie plus étendue d’environ 520 ha. Les parties Sud et Nord ont été matérialisés par des plantations de haies vives des espèces Opuntia sp. et Alluaudia procera, et balisées sur les périphéries par des bornes en pierres peintes en jaune. Le couloir forestier reliant les deux parcelles est constitué par la forêt de transition entre la forêt galerie et la forêt xérophile, dominée par les espèces Salvadora Angustifolia, Tamarindus indica, Acacia bellula, Rhigozum madagascariensis et Crateva excelsa. Cette formation est plus ou moins dégradée à cause de son utilisation intensive comme terrain de pâturage et de collecte de produits forestiers des environnants (Ratsirarson et al., 2001). Actuellement, dans le cadre d’extension de la réserve, les 3 formations forestières cités précedemment sont incluses pour former un bloc continu de forêt de 4200 ha , dans le but de freiner la fragmentation progressive des espaces forestiers aux alentours de la première et de la deuxième parcelle.
PROJET BEZA MAHAFALY
Historique et cadre institutionnel
La RS de Bezà Mahafaly fût l’œuvre de l’ESSA/forêts en collaboration avec des universités américaines (Université de Yale et Université de Washington). La gestion du site a été offerte à l’ESSA/forêts en juillet 1978 par le conseil populaire de la commune rural d’Ankazombalala, pour servir de terrain d’application aux étudiants. Les deux parcelles actuelles de la RS de Bezà Mahafaly ne furent instituées en Réserve Spéciale que le 4 juin 1986 par le décret n°86-168. Depuis 1994, grâce à l’appui financière de la fondation Liz Clairborne/Art Ortenberg, un programme de partenariat a été initié entre ESSA/Forêts, l’Université de Yale et les populations riveraines de la Réserve Spéciale. Actuellement, sa gestion est assurée par le MNP avec la collaboration étroite de l’ESSA/forêts au niveau de la recherche, d’où l’absence de volet recherche dans la RS de Bezà Mahafaly contrairement à tous les autres sites du MNP.
Objectifs du projet
L’objectif principal du projet consiste, d’une part, dans la conservation de l’écosystème et de la biodiversité unique du Sud-ouest de Madagascar tout en intégrant le développement à la conservation et, d’autre part de servir de centre de formation et de recherche pour les étudiants et les chercheurs tant nationaux qu’internationaux.
Extension de la réserve
Les deux parcelles non contigües de la RS de Bezà Mahafaly constituent le seul site de conservation de la biodiversité régionale. Cependant les formations de transition reliant les deux parcelles sont soumises à des exploitations incontrôlées et abusives des ressources forestières de la région. Ainsi, sans implication des gestionnaires de la Réserve, les deux parcelles risquent d’être entièrement fragmentés. C’est dans cette perspective, et conformément à l’engagement 7 défi n°1 du MAP que le PNM ANGAP et l’ESSA ont entamé, en 2006, les activités visant l’extension de la réserve afin d’assurer la connectivité des deux parcelles actuelles avec l’implication des communautés et des autorités locales. Le projet d’extension vise à constituer un seul bloc continu de 4200 ha.
FACTEURS DE MENACES SUR LA FORET
Divagation du bétail dans la forêt
La pression sur la forêt vient surtout de la divagation du bétail. En fait, le système d’élevage est de type extensif. Vu le type du climat de la région, la forêt est considérée par les éleveurs comme le meilleur endroit pour le pâturage, surtout pendant la saison sèche. Dans la forêt, les animaux se nourrissent des jeunes pousses, les piétinent et compromettant ainsi la régénération naturelle. Ce système d’élevage favorise la dégradation de la forêt en changeant de plus en plus la structure et la composition de la forêt (ESSA/forêt et ANGAP, 2004). Toutefois, même si la première parcelle est clôturée par des fils barbelés, elle est encore perturbée par les animaux d’élevage. C’est encore plus grave pour le cas de la parcelle 2, car celle-ci fait partie du pâturage ancestral de plusieurs villages environnants et cette considération continue jusqu’à présent.
Implantation de villages et de parc à bœuf en forêt
Les éleveurs pratiquent une semi-transhumance saisonnière (tananaomby ou tetsaomby) pour des raisons de sécurité en période sèche (Ratsirarson et al., 2001). Ils ont considérés la forêt comme un lieu de refuge des bétails contre les bandits (dahalo). Pour comble, quand le nombre de bétail devient plus important, l’éleveur s’emménage définitivement dans la forêt pour garder ses animaux et il défriche une surface importante pour s’y installer.
Collecte des produits ligneux
a) Bois de construction
Les bois de construction sont utilisés surtout pour la fabrication des maisons, des greniers, des parcs à bœuf, des clôtures et pour la confection de cercueil. Les espèces de meilleures qualité et dureté sont les plus recherchées et exploitées, notamment les espèces Cedrelopsis grevei (Katrafay) pour la construction des maisons, Albizzia tulearinsis (Mendorave) pour la confection de cercueil (Hotovoe, 2006).
b) Bois d’œuvre
Les Mahafaly pratiquent la sculpture dont les fameux « aloalo » pour décorer les tombeaux en employant l’espèce Commiphora spp. L’utilisation de cette espèce n’a pas eu des impacts graves sur la structure de la forêt. Par contre, c’est la fabrication des planches, la plus courante dans la région, qui constitue une menace importante de la forêt xérophytique de la P2. Deux espèces spécifiques de cette forêt, Alluaudia procera (Fantsiolotse) et Gyrocarpus americanus (kapaipoty) sont menacées par ce type d’activités (Rivoarivelo, 2008).
c) Bois d’outillage
Dans la plupart des cas, les outils nécessaires dans la vie quotidienne de la population locale sont fabriqués à l’aide du bois, comme les mortiers, les pilons, les manches de divers outils et même des ustensiles de cuisines, mais le choix des espèces est en fonction du type d’outils, de la qualité et de la résistance des espèces. Les espèces Cedrelopsis grevei (katrafay), Albizzia tulearinsis (Mendorave), Pourpartia coffra (Sakoa) sont les plus recherchées (Rivoarivelo, 2008).
d) Bois d’énergie
Presque toutes les espèces se trouvant dans la région sont utilisées pour bois d’énergie sauf l’espèce Terminalia fatrae (Fatra), qui est une espèce considérée comme un arbre de sorcière dans la région (Rivoarivelo, 2008). Mais, la préférence de la population s’incline vers Cedrelopsis grevei pour son pouvoir calorifique.
e) Plantes fourragères
Durant la saison sèche, les fourrages sont très insuffisants dans la région. Ceci oblige les éleveurs à procéder un apport fourrager. Ainsi, ils prélèvent des plantes fourragères, comme les espèces Tamarindus indica, Pachypodium spp, Euphorbia sp., Dicrostachys cinerea, Acacia rovumaie, et Opuntia sp. dans la forêt pour servir de compléments fourragers (Rivoarivelo, 2008). Les espèces Pachypodium spp. Et Euphorbia sp. sont menacés par cette pratique du fait que la plante est entièrement abattue parce que la partie interne du tronc est très appréciée par les bovins (Ratsirarson et al., 2001).
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I: MILIEU D’ETUDE
I. Situation géographique
II. Situation ethnographique
III. Projet Beza Mahafaly
1. Historique et cadre institutionnel
2. Objectifs du projet
3. Extension de la réserve
IV. Milieu physique
1. Climat
a) Pluviométrie
b) Température
c) Vent
2. Relief et topographie
3. Hydrographie
4. Pédologie
5. Flore et végétation
a) Forêt galerie
b) Forêt de transition
c) Fourré xérophile
6. Faune
a) Mammifères
b) Oiseaux
c) Reptiles
d) Amphibiens
e) Insectes
V. Milieu humain
1. Démographie
2. Mode de vie
3. Activités économiques
a) Agriculture
b) Élevage
4. Autres activités
VI. Facteurs de menaces sur la forêt
1. Divagation du bétail dans la forêt
2. Implantation de villages et de parc à bœuf en forêt
3. Collecte des produits ligneux
a) Bois de construction
b) Bois d’œuvre
c) Bois d’outillage
d) Bois d’énergie
e) Plantes fourragères
4. Collecte de produits non ligneux
5. Défrichement
VII. Menaces sur la faune
PARTIE II: MATERIELS ET METHODES
I. Problématique
II. Hypothèses de travail
III. Formulation des hypothèses
IV. Objectifs de l’étude
1. Objectif global
2. Objectifs spécifiques
V. Materiels d’etude
1. Généralités sur le sifaka
2. Classification
3. Statut de l’espèce
4. Morphologie
5. Reproduction
6. Ecologie
a) Distribution
b) Régime alimentaire
7. Mode de vie
VI. Matériels physiques
VII. Choix du site
VIII. Choix des groupes focaux
IX. Choix de la méthode
1. Analyses de contenus documentaires
2. Pages webographiques
3. Focal animal sampling (Altmann, 1974)
a) Avantages
b) Exigences
4. Inventaire floristique
a) Avantages
5. Enquêtes sociaux économiques
X. Réalisation des méthodes
1. Méthode focal animal sampling
2. Méthode d’inventaire floristique
XI. Variables collectés
1. Méthode focal animal sampling
a) Activité du sujet
b) Niveau d’activité
c) Distance parcourue
d) Espèce utilisée
e) Forme du support
f) Diamètre du support
g) Comportement alimentaire
h) Voisin le plus proche
i) Comportement social
j) Domaine vital
2. Inventaire floristique
XII. Analyse des données
1. Test de Chi-deux
2. Test de Kruskal-Wallis
3. Test de corrélation de rang Spearman
4. Diversité floristique
5. Richesse floristique
6. Abondance absolue (N/ha)
7. Abondance relative (N %)
XIII. Période de récolte des données
XIV. contraintes de travail
PARTIE III: RESULTATS ET INTERPRETATIONS
CONCLUSION