Madagascar connait un environnement d’une grande richesse reconnue mondialement. La Grande Ile abrite des espèces naturelles végétales et animales riches et spécifiques avec un taux d’endémisme très élevé. D’ailleurs, elle est reconnue comme étant une des zones prioritaires en matière de conservation de la diversité biologique (Primack et Ratsirarson, 2005). C’est pour cette raison que depuis des années, nombreuses organisations internationales, MBG, CI, PCI …, des organisations non gouvernementales comme l’ONG Fanamby, ONG Mahefa….. et des institutions universitaires : l’ESSA, la Faculté des sciences, l’ENS… se serrent les coudes pour trouver des solutions à long terme afin d’éradiquer les menaces et pressions qui pèsent sur ces ressources naturelles.
Les primates figurent parmi les richesses importantes de Madagascar. Ils se placent parmi les priorités en matière de conservation et dont l’Etat et tous les citoyens se doivent de protéger. En effet, dans la première édition de « Lémuriens de Madagascar » de Mittermeier et al. publié en 2014, sur la liste mondiale, après le Brésil, Madagascar est le second pays riche en diversité d’espèces de primates. Elle présente un très haut niveau d’endémisme avec ses 98 espèces (102 taxons avec les sous-espèces) toutes endémiques.
Les lémuriens de Madagascar font partie des primates ayant fort besoin de conservation dans l’immédiat. En effet, la déforestation résultant de la culture sur brûlis (Tavy), l’exploitation forestière, la collecte du bois de chauffage, la production de charbon, la destruction saisonnière par le feu des forêts sèches pour en faire des pâturages et la capture vivante de lémuriens pour en faire des animaux de compagnie sont les principales menaces affectant les lémuriens. Le résultat de l’atelier de travail de l’UICN en 2012 montre que 94% de ces derniers sont menacés d’extinction dont 24 en danger critique d’extinction, 49 en danger et 20 vulnérables (Mittermeier et al., 2014). Nul doute désormais sur les efforts qu’il faut déployer pour inverser ces chiffres très alarmants (Schwitzer et al., 2013) en vue d’atteindre l’objectif 17 du Développement Durable en 2050, «Le taux d’extinction des espèces sera stabilisé au niveau du taux naturel d’extinction » selon MEA en 2005 et ONU en 1992 (Task force développement durable, 2009).
Matériel biologique
Taxonomie de E. cinereiceps
Taxonomie
Le Lémur à collier blanc spécifique de la région sud-est de Madagascar appelé aussi Varika mena en malagasy est également dénommé Maki à fraise en français, Gray-headed Brown Lemur ou White-collared Lemur en anglais. Cette espèce présente la taxonomie suivante.
REGNE : ANIMAL
EMBRANCHEMENT : VERTEBRES
SOUS-EMBRANCHEMENT : GNATHOSTOME
CLASSE : MAMMIFERES
ORDRE : PRIMATES
FAMILLE : LEMURIDAE
GENRE: Eulemur
ESPECE: cinereiceps (Milne-Edwards and Grandidier, 1890) .
Description de l’espèce
Eulemur cinereiceps est une espèce présentant un dichromatisme sexuel permettant de différencier le mâle de la femelle.
Le mâle est facilement reconnaissable. La tête, la face et le manteau ventral sont gris pâle, le manteau dorsal de couleur brun-gris et la fourrure des joues et la barbe sont blanches ou crème et touffus. La couronne est colorée en gris foncé, le cou et les épaules sont plus clairs, la queue et les membres inférieurs légèrement plus foncés. Il y a une bande marron le long de la colonne vertébrale. La femelle est semblable à une femelle de E. collaris. Elles ont une face uniformément gris ardoise, une barbe et au-dessus du manteau de couleur brun roux et au-dessous plus clair. (S. E. Johnson, com. Pers.)
– Poids moyen et taille moyenne des adultes : les adultes pèsent environ 2 550 grammes et de longueur, de la tête-corps de 39 à 40cm, une queue de 50 à 55cm et une longueur totale entre 89 et 95cm. (Tattersall, 1982 ; Johnson et al., 2005 et Johnson et al., 2008).
– Régime alimentaire : ce sont des espèces essentiellement frugivores et elles complètent son régime avec des fleurs, des feuilles et des champignons. Mais, les fleurs constituent une part importante de son alimentation durant la saison sèche. (Johnson., 2002).
– Domaine vital : leur territoire s’étend de 1 à 100ha (Mittermeier et al., 2014).
– Activités : Cette espèce est principalement frugivore (Johnson, 2002). Elle est cathémérale, car elle est active le jour comme la nuit toute une année. Les groupes sociaux, sont généralement multimâle/multifemelle. Aucune dominance femelle n’est observée. Ce sont des lémuriens arboricoles des strates moyens et supérieurs (Mittermeier et al., 2014).
– Reproduction : les mâles et les femelles ne peuvent se reproduire qu’à l’âge adulte, c’est-à-dire, après la formation de la dentition adulte. Les mâles sont monogames (Mittermeier et al., 2006).
– Gestation : la période de gestation dure environ 120 jours et une femelle peut porter jusqu’à deux bébés (Mittermeier et al., 2010).
– Statut de conservation : Eulemur cinereiceps s’hybride avec E. rufifrons dans la partie nord de son aire de répartition représentant environ la moitié de son aire de répartition totale (Delmore et al. 2011). Elle est donc classée « en danger critique » dans la liste rouge de l’IUCN. (Mittermeier et al., 2014)
– CITES : Elle est placée dans l’annexe I du statut CITES (Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d‘Extinction).
Ecologie alimentaire de E. cinereiceps
La Grande Ile renferme nombreuses espèces de lémuriens dont E. cinereiceps. La présente étude effectuée du mois de novembre 2014 au mois de mars 2015, démontre que cette espèce est rencontrée dans la partie sud-est de Madagascar incluant la forêt dense humide de basse altitude d’Ankarabolava Angakatrika. D’une part, les résultats de la recherche mettent en exergues que le groupe de E. cinereiceps de la NAP connait un régime frugivore, en effet, la consommation des fruits a atteint 80%, soit la majorité de leur temps. D’autre part, les études de Andriamaharoa et al en 2010 montrent aussi que Eulemur cinereiceps est frugivore dans la forêt littorale d’Agnalazaha (93 %) et il en est de même pour les espèces se trouvant à Vevembe (66 %) et à Manombo (67 %) (Johnson 2002, Ralainasolo et al. 2008). Eulemur cinereiceps est donc toujours frugivore, quel que soit le type de forêts (littorale ou dense de basse altitude). Ce régime est peut-être dû aux signaux attractifs, émis par les fruits vivement colorés, qui sélectionnent et/ou attirent les animaux pollinisateurs ou disséminateurs de graines (Danchinet al. 2005), dont E. cinereiceps (Andriamaharoa H. E, 2005 et 2009 et Anne marie, 2007). Cette situation démontre l’hypothèse 1, car E. cinereiceps contribue à la régénération de la forêt en consommant les parties reproductrices représentées par les fruits.
Par opposition à ces résultats, Propithecus vereauxi vereauxi de la réserve privée de Berenty connait un régime folivore. Ces espèces ne sont pas très actives par rapport au groupe de E. cinereiceps. En effet, les feuilles sont moins riches en énergie. De ce fait, ils emploient la stratégie alimentaire : « low-cost and low energy return » ou «le moindre coût à moindre énergie gagnée » (HLADIK et al, 1980 in Rakotoarisoa, 2011) afin de réduire les activités, c’est une adaptation à la mauvaise qualité des ressources alimentaires (Norscia et al, 2006). E. cinereiceps est une espèce plus active (13,90% de déplacement) que Propithecus vereauxi vereauxi, car elle est dotée d’un régime alimentaire plus énergétique à base de fruits.
Les recherches d’Andriamaharoa et al dans la réserve d’Agnalazaha montrent que 55 espèces de plantes sont consommées par E. cinereiceps, ceci est proportionnel à la présente étude avec 54 espèces de plantes ainsi qu’à l’étude effectuée dans la réserve de Manombo (Fidimalala B. et al., 2008) avec 54 essences au total. L’espèce Pandanus microcephalus était toujours consommée par cette espèce dans les deux forêts malgré le fait qu’elles ont des formations végétales différentes (Agnalazaha : forêt littorale et Vohipaho : forêt dense humide de basse altitude). Les essences consommées par E. cinereiceps atteignent toujours les cinquantaines. En effet, ces résultats d’étude confirment la deuxième hypothèse puisqu’elle diversifie son régime alimentaire afin de minimiser les effets causés par l’exploitation forestière.
L’abondance des ressources alimentaires et des temps consacrés à l’alimentation n’étaient liés ni au climat ni à la disponibilité de la nourriture pour E. cinereiceps. D’ailleurs, le graphe de l’abondance des ressources alimentaires montre que plus la plante est très consommée, plus elle est moins abondante.
De même, pour sifaka Propithecus vereauxi vereauxi, les plantes bases alimentaires ne sont pas abondantes dans leur territoire. En effet, selon Norscia et al en 2006, le choix alimentaire de Sifaka est basé essentiellement sur la qualité des ressources alimentaires plutôt que sur leur abondance dans le territoire. Donc, les deux espèces choisissent leurs aliments en fonction de la qualité, mais pas en fonction de leur disponibilité dans leur territoire.
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Table des matières
Introduction
I Matériels et méthodes
I.1 Matériel biologique
I.1.1 Taxonomie de E. cinereiceps
I.2 Matériels de terrain
I.3 Méthodes
I.3.1 Période d’étude
I.3.2 Répartition géographique
I.3.3 Choix du groupe
I.3.4 Habituation
I.3.5 Collecte de données
I.3.5.1 Scan sampling (Altmann, 1974)
I.3.5.2 Focal sampling
I.3.5.3 Disponibilité alimentaire
I.3.6 Analyse des données
I.3.6.1 Cartographie et mesure du domaine vital
I.3.6.2 Statistique multidimensionnelle : ACM
I.3.6.3 Test de corrélation de Spearman
I.3.6.4 Test de corrélation de Pearson
I.3.6.5 Test de Kruskal Wallis
I.3.7 Cadre opératoire de la recherche
II Résultats
II.1 Caractéristiques et domaine vital du groupe
II.2 Budget d’activités du groupe de E. cinereiceps étudié
II.3 Répartition journalière des activités
II.4 Alimentation dans chaque intervalle de temps
II.5 Temps de consommation des essences
II.6 Consommation des parties des essences
II.7 Catégorisation des plantes consommées par E. cinereiceps
II.8 Disponibilité des ressources alimentaires
II.8.1 Disponibilité des parties consommées dans leur territoire
II.8.2 Abondance des ressources consommées
II.8.3 Abondance des essences consommées par catégories de développement
II.8.3.1 Hauteur de la consommation
II.8.3.2 Classification du développement des essences consommées par E. cinereiceps en fonction des intervalles de hauteur
III Discussion
III.1 Ecologie alimentaire de E. cinereiceps
III.2 Limites
III.3 Perspectives d’avenir et Recommandations
Perspectives d’avenir
Recommandations
Conclusion
Bibliographie
ANNEXES