École et mixité sociale dans les quartiers en rénovation urbaine

Dans les années 1970, près de 20 ans après leur construction, les grands ensembles d’habitat social deviennent des territoires d’exclusion des populations précarisées. Les logements et le cadre de vie y sont fortement dégradés. Des problématiques économiques, sociales et démographiques importantes se développent dans ces quartiers. En réponse à ces difficultés croissantes, dans les années 1980, la mixité sociale devient un objectif prioritaire des politiques publiques. Dispositif de la politique de la ville, le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU) est lancé en 2003 avec pour objectif de diminuer la ségrégation sociale et d’améliorer les conditions de vie dans les quartiers défavorisés par des opérations lourdes sur l’habitat. L’objectif est d’attirer des ménages de la « classe moyenne » dans ces quartiers par la diversification de l’offre en logement afin que leur présence bénéficie à la fois au développement de l’image du quartier et aux habitants. L’école, espace de la reproduction sociale, apparait alors comme une thématique à enjeu. En effet, les choix de scolarisation ont le pouvoir de cristalliser les différences entre anciens et nouveaux habitants ou, au contraire, d’encourager la mixité sociale et l’intégration des populations défavorisées dans la société.

Le quartier de La Duchère à Lyon fait partie des quartiers ciblés par le PNRU. Outre les opérations sur l’habitat, de nombreuses actions ont été menées dans le cadre du programme pour favoriser la mixité sociale à l’école. Cependant, les « nouveaux habitants », interrogés lors d’une précédente étude en 2011, se montraient en grande partie réservés dans leur rapport au quartier en général et à ses écoles en particulier. Peu avaient scolarisé leurs enfants dans les écoles publiques du quartier. Parmi ceux qui, favorables au mélange, avaient fait l’expérience des écoles du quartier, beaucoup avaient changé d’avis au profit du privé, invoquant le niveau scolaire trop bas ou le comportement des autres enfants. L’objectif de mixité et de cohésion sociale à l’école semblait encore loin. Aujourd’hui, la transformation de La Duchère s’achève. Le temps a-t-il permis aux ménages de s’approprier davantage le quartier et ses écoles ? Se montrent-ils investis pour la cause de mixité sociale ? Cette étude vise à appréhender l’évolution du rapport au quartier des « nouveaux habitants » de La Duchère entre 2011 et 2017 à travers la question de l’école.

LES OPÉRATIONS DE RENOUVELLEMENT URBAIN : QUELQUES ÉLÉMENTS DE CONTEXTE

LA POLITIQUE DE LA VILLE À L’ORIGINE DES OPÉRATIONS DE RENOUVELLEMENT URBAIN

« La politique de la ville vise à réduire les écarts de développement au sein des villes, à restaurer l’égalité républicaine dans les quartiers défavorisés et à améliorer les conditions de vie de leurs habitants » (Ministère de la cohésion des territoires, 2016). Dans cette partie, nous allons définir les grands principes de la politique de la ville et étudier l’émergence de cet outil de lutte contre les inégalités sociales par l’habitat.

LES GRANDS PRINCIPES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

La dégradation des conditions de vie dans certains quartiers a conduit progressivement l’État à mener des actions destinées à traiter les effets comme les causes de cette évolution. Ces actions sont regroupées sous le nom de « politique de la ville ». La pluridimensionnalité, l’interministérialité et le partenariat comptent parmi les grands principes de cette politique. Tout d’abord, la politique de la ville est pluridimensionnelle : elle recouvre une grande diversité d’interventions relevant à la fois de l’urbanisme et de l’aménagement urbain, de l’action sociale, de l’éducation, de la prévention de la délinquance et de la sécurité. Depuis quelques années, le développement économique, l’emploi et l’insertion professionnelle sont également devenus des priorités. La politique de la ville est également interministérielle : elle repose sur des actions menées par tous les ministères et coordonnées par des structures qui lui sont propres telles que le « Comité Interministériel des Villes (CIV » créé en 1984 et qui a pour rôle d’arrêter les orientations de la politique de la ville, de définir les programmes qui la mettent en œuvre et de répartir les moyens, notamment financiers. En outre, le « ministère de la ville » a été créé en 1990 et doté d’un budget propre en 1994 pour mettre en œuvre les procédures de la politique de la ville. Celui-ci est aujourd’hui englobé dans le ministère de la cohésion sociale. Enfin, la politique de la ville repose également sur le partenariat, notamment concernant la participation des collectivités locales et du milieu associatif qui sert de relais vers les populations concernées. En conclusion, s’il est difficile de définir précisément la politique de la ville, on peut affirmer qu’elle « peut être considérée comme une politique de lutte contre l’exclusion, conduite dans un cadre territorial, en faveur de zones urbaines où la précarité sociale est forte, menée par l’État en partenariat contractuel avec les collectivités locales » (Cour des comptes, 2002).

UNE HISTOIRE LIÉE À LA CONSTITUTION DES GRANDS ENSEMBLES D’HABITAT SOCIAL

La naissance institutionnelle de la politique de la ville date de 1990. Cependant, « ce qu’on appellera ultérieurement politique de la ville est intrinsèquement lié à l’histoire de l’urbanisme de la France de l’après-guerre et notamment, à la constitution des grands ensembles d’habitat social » (Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville, 2012). La naissance des grands ensembles date des années 1950. En effet, la reconstruction d’après-guerre doit réponde à une demande en logement très importante et pressante notamment due au baby-boom et au retour des rapatriés d’Afrique du Nord. Ainsi, à partir de 1955, de nouveaux quartiers sont construits dans des espaces périurbains, jusqu’alors inoccupés. Inspirés des préceptes de l’architecture moderne, ces quartiers, qualifiés de « grands ensembles », se veulent fonctionnels, rationnels et universels. Souvent caractérisés par des barres et des tours, les grands ensembles proposent un logement locatif social et collectif et offrent ainsi des conditions de vie décentes à moindre coût. Ils deviennent « l’habitat type des salariés des Trente Glorieuses » (Observatoire Régional de l’Intégration et de la Ville, 2012). Pourtant, dès les années 1970, les grands ensembles voient se développer des problématiques économiques, sociales et démographiques importantes. Les logements et le cadre de vie de ces quartiers sont fortement dégradés. Après le choc pétrolier de 1974, les grands ensembles sont désertés par les classes moyennes et concentrent de plus en plus d’habitants cumulant des difficultés économiques et sociales, dont les classes populaires et ouvrières, durement touchées par le chômage de masse, et les immigrés ayant bénéficié de la politique de regroupement familial. Ils deviennent ainsi des territoires d’exclusion des populations précarisées. En 1973, la Circulaire Guichard visant à lutter contre la ségrégation sociale par l’habitat interdit toute construction d’ensembles de logements de plus de 500 unités. La construction des grands ensembles est définitivement abandonnée. Le mode d’urbanisme et la logique monofonctionnelle sont remis en question. Une réflexion pour la réhabilitation et l’intégration sociale de ces quartiers à la ville est engagée.

LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Depuis le début des années 1980, la politique de la ville doit faire face à une aggravation de la crise des zones urbaines défavorisées couplée à des difficultés croissantes dans les sites où elle a en premier lieu été mise en œuvre. Ainsi, de nombreux dispositifs gravitent et se succèdent autour de la politique de la ville afin de l’adapter et de traiter le problème de la ségrégation sociale et de la dégradation des conditions de vie dans les quartiers défavorisés sous ses dimensions sociale, économique et urbaine .

Entre 1984 et 1988, l’État engage des actions pour le « Développement Social des Quartiers (DSQ) » visant à lutter contre la dégradation des conditions de vie de certains quartiers et l’exclusion des populations qui y habitent. Ces opérations concernent environ 170 quartiers et sont envisagées comme une procédure expérimentale. Ils constituent les premières composantes de la politique de la ville. Entre 1989 et 1993, ce mode de contractualisation est poursuivi, étendu à de nouveaux quartiers et adapté de sorte à constituer une action globale basée sur le développement du partenariat et impliquant les habitants. En 1993, les contrats de ville succèdent aux procédures DSQ. Il s’agit d’un acte d’engagement par lequel une ou plusieurs collectivités locales et l’État décident de mettre en œuvre conjointement un programme pluriannuel de développement social urbain. Le contrat de ville se veut global et permet une véritable articulation entre les dimensions urbaine et sociale de la politique de la ville. Il en devient d’ailleurs le principal contrat en 1998. En 1996, le pacte de relance pour la ville crée notamment les Zones Urbaines Sensibles (ZUS). Il s’agit de territoires infra-urbains définis par les pouvoirs publics pour être la cible prioritaire de la politique de la ville, en fonction des considérations locales liées aux difficultés que connaissent les habitants de ces territoires. La loi Borloo du 1er août 2003 « d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine » réoriente fondamentalement la politique de la ville. Elle préconise notamment des interventions de grande envergure sur le bâti, caractérisées par des opérations de démolition-reconstruction ou de restructuration dont l’investissement est repris en main par l’État. Dans ce but, elle lance le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU). « Quelque 30 milliards de travaux doivent être réalisés entre 2004 et 2008 pour aménager des espaces publics, créer ou réhabiliter des équipements publics, réorganiser les voiries, rénover le parc de logements publics et privés » (La Documentation française, 2010).

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Table des matières

Introduction
Partie 1 : La Duchère dans son contexte historique et réglementaire
1 Les opérations de renouvellement urbain : quelques éléments de contexte
2 L’école comme indicateur de mixité sociale
3 La Duchère, son histoire, sa transformation et ses perspectives
Partie 2 : Cadre de recherche et méthodologie
1 Conclusions de la première étude menée en 2011
2 Problématique et démarche de recherche
Partie 3 : Analyse des entretiens
1 Profil des ménages étudiés et évolution de leur rapport au quartier entre 2011 et 2017
2 Le rapport aux écoles du quartier des ménages étudiés
3 Le changement d’image progressif des écoles du quartier
Conclusion
Table des abréviations
Table des illustrations
Bibliographie
Table des matières
Annexes

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