Le sol est situé à l‘interface entre la lithosphère, l‘atmosphère, l‘hydrosphère et la biosphère. Il est le lieu de transfert et de stockage de matières transitant entre ces compartiments (Gobat et al., 2003).
Cette interface assure également de nombreuses fonctions économiques, écologiques et biologiques. Le sol est le support de nombreuses activités humaines (industrie, urbanisation etagriculture). Le sol constitue une entité vivante et dynamique, en perpétuelle évolution, pouvant être perturbée par de nombreux facteurs; parmi ces derniers, le développement des activités humaines et spécialement les activités industrielles accompagnées du rejet de nombreuses substances chimiques qui ont parfois fortement altéré la qualité des écosystèmes terrestres. Les principales problématiques associées à ces rejets sont l‘eutrophisation (apports excessifs de nutriments) et la contamination (apports de substances chimiques potentiellement toxiques). En particulier la compréhension du transfert, de l‘accumulation et du devenir des éléments traces (ET) comme les métaux et métalloïdes d‘origine anthropique dans le milieu naturel est nécessaire pour évaluer les risques pour les écosystèmes et la santé de l‘homme. En effet la connaissance de la forme physique et chimique des métaux, d‘origine naturelle ou anthropique, est primordiale pour comprendre les mécanismes de transfert dans le milieu naturel et l‘accumulation par les organismes vivants. Le développement des sociétés a en effet conduit à une utilisation extensive et intensive des ET mais également à une pollution généralisée à grande échelle. Contrairement aux composés organiques qui peuvent être ramenés à leurs éléments de base par combustion, les ET ne s‘éliminent pas; ils changent de forme chimique et sont toujours susceptibles de remobilisation dans l‘environnement par des mécanismes de transformation naturels.
Les éléments traces potentiellement toxiques (PTTE) tels que le Cuivre (Cu), le Zinc (Zn), le Chrome (Cr), le Molybdène (Mo) et l‘Arsenic (As) sont un des principaux polluants générés par les activités industrielles. Les concentrations excessives de ces éléments traces potentiellement toxiques (PTTE) dans les sols induisent des risques importants pour la santé humaine, la santé animale et végétale. Ils peuvent également causer des perturbations majeures sur les écosystèmes terrestres (Alloway, 1995; Kabata-Pendias et Pendias, 1992; Ross, 1994). En raison de la forte persistance des éléments traces potentiellement toxiques (PTTE) dans les sols contaminés, la difficulté de gestion de leur transfert, accumulation, devenir et toxicité potentielle, constituent un problème environnemental qui nécessite une solution efficace et durable.
Les éléments traces dans les sols
Définition des « éléments traces»
Les éléments traces métalliques correspondent aux 68 éléments minéraux de la croûte terrestre présentant une concentration inférieure à 0,1% et une densité supérieure à 5g/cm3 (Alloway, 1995 ; Baize, 1997). Ces éléments sont distribués dans tous les compartiments de l’environnement (e.g. le sol, les plantes et les animaux). Leurs concentrations dans les tissus vivants sont normalement très faibles. Ils peuvent être séparés en deux catégories. La première catégorie comprend les éléments à l‘état de trace essentiels à la croissance, au développement voire à la reproduction des organismes vivants aussi bien microscopiques que macroscopiques (Buffle, 1988; Tessier et Turner, 1995). La deuxième catégorie comprend les éléments métalliques toxiques, non nécessaires à la croissance des organismes vivants, tels que le cadmium, le plomb et le mercure. L‘ensemble de ces éléments peut être d‘origine naturelle mais les activités anthropiques peuvent augmenter leurs concentrations dans les écosystèmes terrestres. Cette contamination du sol n‘est pas sans effet sur ces écosystèmes. En effet elle est à l‘origine d‘un stress pour les animaux et les végétaux et entraine la diminution de la biodiversité et de la couverture végétale et entraine également un manque de nutriments et d‘eau (Freitas et al., 2004 ; Mench et al., 2004 ; Zvereva & Kozlov, 2004). Le devenir des éléments traces dans les sols dépend de leur mobilité et de leurs réactions avec les composants organiques et minéraux du sol. La quantification et la spéciation de ces éléments traces sont donc des données indispensables à l‘estimation de leur impact dans un environnement donné.
Origine et source des éléments traces dans le sol
Il y a une grande dispersion des éléments traces dans la plupart des sols du monde, les principales sources de ces éléments accumulés dans le sol étant:
L’origine naturelle: les éléments traces résultent tout d‘abord d‘un héritage direct des matériaux parentaux comme les roches ignées ou métamorphiques et les roches sédimentaires par l‘altération des minéraux primaires et secondaires comme les argiles, oxydes et carbonates (Alloway, 1995; He et al., 2005; Baize, 1997; Abou Auda et al. 2002 ; Wenzel et al. 2003 ; Baize and teracé, 2002) (Fig. 2).
L’origine anthropique: l‘homme est probablement l‘être vivant qui modifie le plus la composition des sols en éléments traces (Bourrelier et Berthelib,1998) soit à travers des activités agricoles par l’addition au sol d‘engrais, d‘amendements calcaires, de produits de traitement phytosanitaires (par exemple, sels de cuivre ou arséniate de plomb) et de boues de stations d‘épuration; soit par la diffusion aérienne de poussières et d‘aérosols provenant notamment des activités industrielles; soit par les apports massifs localisés comprenant les apports accidentels ou résultant d‘activités de longue durée sans protection contre la dispersion (fuites, lessivage, …) dans . On observe que les activité agricoles et industrielles sont les deux sources principales des éléments traces dans les sols et elles contribuent également à l‘augmentation des concentrations de ces éléments à la surface des sols (Kabata-Pendias, 2001; He et al.,2005; Sun et al., 2010; Luo et al., 2011) (Fig. 2).
Toxicité des éléments traces
Dans la nature, les éléments traces deviennent toxiques quand ils dépassent les limites d‘adsorption spécifique pour chaque espèce vivante. Plusieurs modèles ont été proposés pour la classification de la toxicité des métaux vis-à-vis des organismes vivants. Les premiers modèles géochimiques proposés pour classifier la toxicité des métaux incluent celui de Forstner et Wittimann (1981). Ce modèle classe les éléments traces en trois catégories:
1) Les éléments non critiques comprenant Na, K, Mg, Ca, Fe, Li, Rb, Sr et Al
2) Les éléments toxiques mais très insolubles ou alors très rares comme Ti, Hf, Zr, W, Nb, Ta, Re, Ga, La, Os, Rh, Ir, Ru et Ba)
3) Les éléments très toxiques et relativement répandus à savoir Be, Co, Ni, Cu, Zn, Sn, As, Se, Te, Pd, Ag, Cd, Pt, Hg, Ti, Pb, Sb et Bi. De même Morgan estime que les métaux et métalloïdes anthropiques dangereux sont le Cr, Cu, Zn, Ag, Cd, Sb, Hg, Pb (Morgan, 1990).
Les effets toxiques des éléments traces sur les organismes vivants dépendent de la forme chimique des éléments traces dans le sol. Par exemple l‘arsenic pentavalent sous forme d’arséniate est considéré comme plus fréquent et moins toxique que l’arsenic trivalent (Hingston et al., 2001). Ils dépendent également de la concentration des métaux dans le sol. Par exemple la mobilité, la disponibilité et par conséquent la toxicité des éléments traces dans un sol contaminé sont plus élevée qu‘un sol normal. Les éléments traces font partie des contaminants les plus persistants dans l‘environnement, parce que ils ne se dégradent pas contrairement aux contaminants organiques. En effet ils s’accumulent dans la chaîne alimentaire, ce qui provoque des perturbations éventuelles et des risques pour la santé humaine et l‘environnement (Ruby et al., 1999 ; Kelley et al., 2002). La protection des écosystèmes terrestres par rapport à l‘exposition aux éléments traces potentiellement toxiques passe premièrement par l‘estimation des quantités de ces éléments dans le milieu, leur flux à travers le milieu et l‘identification de leurs formes physico-chimiques pour les études éco-toxicologiques.
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Table des matières
Introduction générale
1ére partie: Synthèse bibliographique
Chapitre 1.1: Dynamique des éléments traces dans le sol
I. Les éléments traces dans les sols
I.1. Définition des « éléments traces»
I.2. Origine et source des éléments traces dans le sol
I.3. Toxicité des éléments traces
I.4. Spéciation, mobilité et biodisponibilité des éléments traces
I.4.1. La spéciation
I.4.2. Mobilité et disponibilité des éléments traces dans le sol
II. Facteurs contrôlant la mobilité/immobilité des éléments traces dans le sol
II.1. Le pH
II.2. Le potentiel redox
II.3. L‘activité biologique
II.4. La température
III. Mécanismes d‘interactions des éléments traces avec les constituants du sol
III.1. Adsorption non spécifique (physisorption)
III.2. Adsorption spécifique (chimisorption)
III.3. Précipitation et co-précipitation
III.4. Complexation
VI. Effets des composants des sols sur la spéciation des éléments traces
VI.1. Les constituants minéraux des sols
VI.1.1. Les minéraux primaires
VI.1.2. Les minéraux secondaires
VI.1.3. Les argiles
VI.1.4. Les oxydes de fer, de manganèse et d‘aluminium
VI.1.5. Les carbonates, phosphates, sulfates, sulfures et chlorures
VI.2. Les constituants organiques
VI.2. 1. Les Matières Organiques Particulaires (MOP)
VI.2. 2. Les Matières Organiques Dissoutes (MOD)
VI.2. 3. Rôle des substances humiques sur la dynamique des éléments traces dans le sol
Chapitre 1.2: Les sites contaminés en éléments traces et les différentes techniques de remédiation des sols contaminés
I.Définitions
II. Les sites contaminés en France
III. Techniques de rémédiation
III.1. Remédiation des sols contaminés en éléments traces in situ par des techniques de stabilisation
III.1.1. Remédiation des sols contaminés par des amendements minéraux
III.1.2.Rémediation des sols contaminés par des amendements organiques
III.2. Remédiation les sols contaminés par les plantes (phytoremediation)
III.2.1. La phytoextraction
III.2.1.1. La phytoextraction continue
III.2.1.2. La phytoextraction assistée (induite)
III.2.1.3. Avantages et limites de la technique de phytoextraction
III.2.2. La phytostabilisation
III.2.2.1. Avantages et limites de la technique de phytostabilisation
Chapitre1.3: Modélisation mathématique dans le domaine des sols contaminés
I. Introduction
II. Modélisation mathématique appliquée aux sols
II.1. Les modèles physiques
II.2. Les modèles corrélatifs
II.2.1. La méthode de régression linéaire multiple
II.2.2. La méthode des surfaces de réponses (RSM)
II.3. Démarche pour construire un modèle mathématique en 3 étapes
II.3.1. Choix des facteurs et du domaine expérimental (screening)
II.3.2. Plan d‘expériences (PEX) pour la réalisation des essais
II.3.3. Construction mathématique d‘un modèle
II.4. Les réseaux de neurones artificiels (ANN)
II.4.1. Structure d‘un ANN
II.4.2. L‘apprentissage
II.4.3. Validation d‘un modèle ANN
II.4.4. Utilisation du modèle ANN
II.5. Modélisation déterministe et stochastique
II.6. L‘intérêt de l‘utilisation des ANN
II.7. Logiciel NeuroMod et développement du module ‗Soil Pollution Prediction‘
III. Conclusion
Chapitre 1.4: Références
2éme partie: Résultats par site
Chapitre 2.1: Mobilité et phytodisponibilité du Cu, Cr, Zn et As dans un sol contaminé (site de préservation du bois) après quatre années d’application de la phytostabilisation assistée avec des amendements organiques et minéraux
2.1.1 Résumé de la publication
2.1.2. Publication 1: Mobility and phytoavailability of Cu, Cr, Zn, and As in a contaminated soil at a wood preservation site after four years of aided phytostabilization
Chapitre 2.2: Phytoextraction assistée des éléments traces potentiellement toxiques d’un sol contaminé au cuivre avec une rotation de cultures de tabac et de tournesol sur deux années
2.2.1. Résumé de la publication
2.2.2. Publication 2: Assisted phytoextraction of potentially toxic trace elements in copper contamined soils with a crop rotation of tobacco and sunflower over two years
Chapitre 2.3: Phytostabilisation assistée d’un techno-sol contaminé par une forte concentration d’éléments traces, par des amendements organiques frais et matures
2.3.1. Résumé de la publication
2.3.2. Publication 3: Phytostabilization of techno-soils contaminated with high concentration of trace elements assisted by fresh and mature organic amendments
Chapitre 2.4: Effet des amendements organiques sur la mobilité des éléments traces dans un techno-sol contaminé phytoremédié: rôle des substances humiques
2.4.1. Résumé de la publication
2.4.2. Publication 4: Effect of organic amendments on the mobility of trace elements in phytoremediated technosoils: role of the humic substances
3éme partie: Modélisation des résultats obtenus par les réseaux de neurones artificiels (ANN)
Chapitre 3.1: Application d’un modèle par réseau de neurones pour la prédiction de la phytodisponibilité du Chrome dans des sols contaminés phytorémédiés
3.1.1. Résumé de la publication
3.1.2. Publication 5: Application of neural network model for the prediction of chromium concentration in phytoremediated contaminated soils
Chapitre 3.2: Identification inverse des traitements optimaux pour réduire la phytotoxicité du cuivre dans des sols contaminés phytorémédiés basée sur une modélisation par réseaux de neurons
3.2.1. Résumé de la publication
3.2.2. Publication 6: Application of an inverse neural network model for the identification of optimal amendment to reduce Copper toxicity in phytoremediated contaminated soils
Chapitre 3.3: Effet de la variabilité des paramètres chimiques du sol sur la variabilité de la concentration du cuivre phytodisponible dans un sol contaminé phytorémédié à l’aide d’une modélisation hybride par réseaux de neurones et simulations de Monte Carlo
3.3.1. Résumé de la publication
3.3.2. Publication 7: Uncertainty analysis of copper phytoavailability in phytoremediated contaminated soils using a neural network and Monte Carlo simulations
Conclusion générale
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