L’eau n’est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu’il faut protรฉger, dรฉfendre et traiter comme tel. Une politique de l’eau efficace et cohรฉrente doit tenir compte de la vulnรฉrabilitรฉ des รฉcosystรจmes aquatiques situรฉs ร proximitรฉ de la cรดte, รฉtant donnรฉ que leur รฉquilibre est fortement influencรฉ par la qualitรฉ des eaux de riviรจres qui s’y jettent. La protection de l’รฉtat de l’eau ร l’intรฉrieur des bassins hydrographiques apportera des bรฉnรฉfices รฉconomiques en contribuant ร la protection des biocรฉnoses, y compris les ressources halieutiques cรดtiรจres (CE, 2000). Pourtant lโamรฉnagement physique et la gestion intรฉgrรฉe des eaux de surface et des zones littorales sont souvent oubliรฉs dans les politiques des gouvernements mรฉditerranรฉens (Turley, 1999).
En Algรฉrie, la recherche de ces objectifs รฉconomique et รฉcologique se justifie dโabord par la mรฉconnaissance de lโรฉtat hydrologique des riviรจres et de leurs rรฉpercussions sur lโenvironnement littoral. Ensuite et en amont, dans les bassins versants, les pratiques agricoles et les activitรฉs industrielles ont profondรฉment changรฉ en mรชme temps que la composante dรฉmographique sโest accrue rapidement. Lโanthropisation des bassins versants devrait aboutir ร des consรฉquences directes ร la fois sur le chimisme des eaux de surface, des flux de matiรจres minรฉrales au littoral et sur le fonctionnement de lโรฉcosystรจme marin (Ibanez et Prat, 2002).
Aussi la construction et lโusage non coordonnรฉ des barrages dans les deux derniรจres dรฉcennies, a largement modifiรฉ les pratiques agricoles et par consรฉquent la qualitรฉ chimique des riviรจres et des milieux cรดtiers en interaction. De plus, le climat semi-aride rรฉgnant dans la rive sud mรฉditerranรฉenne, incite ร tenir le plus grand compte de la qualitรฉ des eaux de surface et des flux hydriques au littoral, aussi minimes soient-ils. Selon les donnรฉes de Margat et Vallรฉe (1999), seul 5% des 985 km3 dโeau de surface reviennent aux riviรจres sudmรฉditerranรฉennes. On comprend que les ressources en eau mรฉditerranรฉennes sont limitรฉes, fragiles et menacรฉes (Benblidia et al., 1997). Aux pressions quantitatives sur les ressources sโajoutent les impacts des rejets dโeaux usรฉes urbaines et industrielles (20 Milliards de m3 par an dans le seul bassin mรฉditerranรฉen, selon les donnรฉes du Plan Bleu).
L’Agenda ou Confรฉrence Med 21, rapporte que plus de 80% de la pollution de la Mรฉditerranรฉe est due ร des activitรฉs terrestres affectant aussi bien les eaux continentales que cรดtiรจres (MEATT, 1994). Lโaccroissement dรฉmographique avec plus de 130 Millions dโhabitants vivant dans les villes cรดtiรจres auquel sโajoute 30% du tourisme mondial (prรจs de 150 Millions de touristes (EAA, 1999) quโaccueille la Mรฉditerranรฉe, suppose de sรฉrieuses menaces du littoral et de la disponibilitรฉ de lโeau. Dans cet esprit, la Confรฉrence Med 21, qui reprรฉsente un programme dโaction de lโAgenda 21, les protocoles de la Confรฉrence de Barcelone, la Convention pour la protection de lโenvironnement et des rรฉgions cรดtiรจres en Mรฉditerranรฉe, Barcelone, Espagne 1995, offrent des dispositifs juridiques incitant les pays mรฉditerranรฉens ร une meilleure gestion des bassins versants et des rรฉgions cรดtiรจres.
Eaux de surface, pollution et anthropisation des bassins versants
Sources de pollutions des eaux de surface par les sels nutritifs et les matiรจres organiques
Lโurbanisation, lโindustrie et lโagriculture reprรฉsentent la principale source de pollution des eaux de surface et de la mer Mรฉditerranรฉe, cependant que leur contribution respective et les polluants quโelles gรฉnรจrent restent encore peu prรฉcisรฉes (AEE, 1999; Margat et Vallรฉe, 1999). Dans le cas des pollutions urbaine et industrielle, le problรจme principal correspond ร lโaugmentation rapide de la population le long des cรดtes sud de la Mรฉditerranรฉe, oรน les moyens lรฉgaux et les investissements dans lโinfrastructure environnementale sont moindres. La pression exercรฉe par le tourisme, notamment dans les pays du nord de la Mรฉditerranรฉe, constitue lโun des problรจmes qui doivent รชtre gรฉrรฉs efficacement afin dโempรชcher toute dรฉgradation future des milieux aquatiques (Margat, 1992). Lโaugmentation des forces productives en agriculture a suscitรฉ de graves modifications de lโenvironnement tant au niveau de la qualitรฉ des sols quโau niveau de la qualitรฉ des eaux de surface et des eaux marines. Dโaprรจs (Konovalove, 1995), les apports nutritifs ร la Mรฉditerranรฉe sont de lโordre de 0,5 Million de tonne de phosphore par an et de 1-2 millions tonnes dโazote par an. En Italie par exemple, le Pรด charrie 100 000 tonnes par an d’azote inorganique et 6000 tonnes par an de phosphore inorganique et contribue ร la majeure partie de la charge totale d’รฉlรฉments nutritifs du bassin nord de l’Adriatique (Marchetti, 1990). Dโautre part les apports fluviaux en 1995 (Pรด, le Rhรดne et lโรbre, PNUE/PAM, 2003) sโรฉlรจvent ร 610 000 tonnes dโazote nitrique et 14 000 tonnes de phosphate dans en Mรฉditerranรฉe.
Pollutions par les activitรฉs anthropiques
Dans la rรฉgion mรฉditerranรฉenne, lโindustrie prรฉlรจve 13% des 150 milliards de m3 dโeau utilisรฉe dans diffรฉrents secteurs (Margat, 2004). En Algรฉrie les ressources en eau prรฉlevรฉes en 2000 sont estimรฉes ร 6 milliards de m3 , dont 800 millions revient ร lโindustrie (FAO, 2005), soit 13%. Pourtant la rรฉgion mรฉditerranรฉenne ne dispose que de 3% des ressources en eau du monde, alors quโelle rassemble 7,3% de lโhumanitรฉ. Dโautre part, on considรจre quโenviron 60% de la population mondiale pauvre en eau, se concentre dans les seuls pays mรฉditerranรฉens du Sud et du Proche-Orient (DG Environnement Rรฉf.: www.eea.eu.int). Selon les estimations de (Margat, 2004), la demande en eau pour le secteur industriel sโรฉlรจve ร 3 milliards de m3 en 2025 alors que la ressource รฉtant dรฉjร trรจs limitรฉe ร 6 milliards de m3 .
La population algรฉrienne est considรฉrรฉe parmi les pays les plus pauvre en eau. Cette pauvretรฉ, justifiรฉe par la raretรฉ sโaggrave avec le besoin croissant dโusage de lโeau dans lโindustrie, lโagriculture et les collectivitรฉs . Les modifications des pratiques agricoles, devenues intensives, lโaugmentation des forces productives industrielles, la croissance dรฉmographique ont fait une pression de prise en eau croissante en particulier pour les collectivitรฉs locales mรฉditerranรฉennes .
Les effluents urbains
Le traitement des eaux usรฉes fait encore dรฉfaut dans les zones urbaines situรฉes le long des cรดtes et environ 60% des dรฉchets urbains rejetรฉs en Mรฉditerranรฉe ne sont pas encore traitรฉs cependant que les frais de santรฉ et autres pertes รฉconomiques, en particulier dans les zones touristiques du fait de la contamination des eaux cรดtiรจres, sont plus รฉlevรฉs que lโinvestissement nรฉcessaire pour atteindre une qualitรฉ acceptable du rejet des eaux usรฉes (MEATT/PNUE, 1994). Les eaux usรฉes domestiques sont composรฉs dโapports physiologiques, dโapports divers (eaux vannes de toilettes, dรฉchets solides rejetรฉs dans les toilette), et dโeaux ร usages domestiques (de lavabo, de bain et de douche, de lave vaisselle). Les apports physiologiques sont essentiellement les matiรจres fรฉcales et les urines humaines. Environ 30- 45 kg de matiรจres fรฉcales humides sont produites par personne et par annรฉe, soit 10-15 kg de matiรจres sรจches fรฉcales (Lentner et al. 1981).
Selon Kafi-Benyahia. (2006), la production journaliรจre moyenne par habitant d’urine et de matiรจres fรฉcales est respectivement de lโordre de 1 060 ml hab.xj-1 et 112 g hab.xj-1 . Dโautre part, Almeida et al. (1999) donnent les masses de matiรจres en suspension, de matiรจres organiques et azotรฉes pour 1ml d’urine et 1g de matiรจre fรฉcale (Tableau 8) (Laak, 1974, Seigrist et al. 1976). On peut remarquer par ailleurs que l’urine constitue une source principale de matiรจres azotรฉes.
La Seybouse et le littoral rรฉcepteur
La Seybouse
Oued Seybouse ร un bassin versant trรจs vaste de 6 500 kmยฒ (ABH, 2002) hรฉbergeant environ 1,5 Millions dโhabitants. Il comprend 5 Barrages dโune capacitรฉ de 400 Millions m3 et 64 retenues collinaires (7,5 Millions m3 ). Sur ce bassin versant sโexercent dโimportantes activitรฉs agricoles (cรฉrรฉales et cultures maraรฎchรจres) et industrielles intenses (plus de 70 usines dont les plus importantes se regroupent sur la Seybouse maritime). Selon ABH (2002) le rรฉseau dโassainissement est de 1200 Km avec un taux de raccordement de 80%. Le dรฉbit est trรจs variable selon la pluviomรฉtrie de lโannรฉe. La pluviomรฉtrie reรงue par le bassin versant varie de 450-735 mm par an selon les sous bassins. En mai 2002 le dรฉbit sโest abaissรฉ jusquโร 5 m3 .s-1 (Ounissi com. Pers.). Les donnรฉes de LCHF (1976) permettent de retenir un dรฉbit moyen annuel de 15 m3 .s-1 , ce qui correspond ร un flux de lโordre de 500 millions m3 .an-1 . Les eaux de lโoued recรจlent un mรฉlange dโapports pluviomรฉtriques, domestiques, industriels et agricoles.
Les dรฉbits de la Seybouse ont รฉtรฉ relevรฉs plusieurs fois dans l’annรฉe (figure 1), des prospections bimensuelles ont รฉtรฉ รฉgalement effectuรฉes et le dรฉbit รฉtant approximรฉ. Les valeurs de dรฉbits portรฉes sur la figure donnent de faรงon approximative lโintervalle de variation de ce dernier qui est trรจs variable selon les condition mรฉtรฉorologiques .Trois grandes crues sont enregistrรฉes (fรฉvrier, avril, dรฉcembre ; figure 1). Ce dernier a beaucoup diminuรฉ et s’est mรชme annulรฉ pour quelques jours en รฉtรฉ 2002.
Le littoral rรฉcepteur
Le golfe dโAnnaba, situรฉ ร lโextrรชme Est algรฉrien (36ยฐ 50โ-37ยฐN ; 7ยฐ 45โ-8ยฐ 15โE) est sujet ร dโimportants phรฉnomรจnes ocรฉanographiques : passage au large du courant atlantique modifiรฉ, intrusion dโeau du large ร partir de lโentrรฉe du golfe en plus des dรฉcharges de grandes quantitรฉs de polluants chimiques en particulier (figure 2). Il sโagit dโinfluences de facteurs naturels (courants, oueds) et anthropiques trรจs contrastรฉes. On peut tirer des travaux de Frรฉhi, 1995; KhรฉlifiTouhami, 1998 et de Ounissi et al.1998 les remarques suivantes :
โข Les valeurs de vitesses ont variรฉ entre 10 et 35 cm.s-1 . La direction des courants se situe entre nord-est ร est, soit 270ยฐ ร 90ยฐ. Vers le large, le courant de direction nord-est, change progressivement de direction ร lโapproche des cรดtes oรน il coule vers lโest. A lโentrรฉe du golfe (Cap de garde), en retrouve lโorientation habituelle de la circulation en Mรฉditerranรฉe Sud occidentale (courant algรฉrien).
โข Les ions nitrates sont abondants particuliรจrement dans la partie Sud-est oรน les teneurs fluctuent entre 5 et 67 ยตmoles.l-1 et sโordonnent selon un fort gradient cรดte large (Sud – nord). De mรชme, les ions phosphates abondent excessivement et leurs teneurs moyennes sโรฉlรจvent ร 2-18 ยตmoles.l-1 . Les valeurs moyennes du rapport N/P (1,4 ร 3,5), indiquent lโexistence dโune situation dโeutrophisation intense qui sโรฉtale sur presque toute lโannรฉe.
โข Les concentrations en Chlorophylle a phytoplanctonique sont toujours รฉlevรฉes mรชme en hiver et varient en moyenne entre 3,60 et 10,50 mg.m-3 . De telles teneurs expriment une situation dโeutrophisation ร phytoplancton.
En revanche les donnรฉes de Ziouch (2007), indiquent que le secteur ouest du golfe dโAnnaba, adjacent ร lโestuaire du Mafrag est considรฉrablement riche en matiรจres organiques (COP & NOD) oรน les teneurs sont en moyenne 500 fois plus รฉlevรฉes quโen mer ouverte. Cette richesse ne reprรฉsente pourtant que la moitiรฉ en phosphate, en NID, en COP et le 1/6 en Chla des valeurs de lโestuaire adjacent. Ces valeurs situent le littoral parmi les milieu cรดtiers les plus eutrophes sans que cette eutrophie ne sโรฉtend au stade de lโeutrophisation. Les valeurs modรฉrรฉes de la Chla (1,5 mg. m-3 en moyenne) expriment en effet cet รฉtat de richesse du littoral.
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Table des matiรจres
Introduction
Chapitre I : Eaux de surface, pollution et anthropisation des bassins versants
1. Sources de pollutions des eaux de surface par les sels nutritifs et les matiรจres organiques
1.1. Pollutions par les activitรฉs anthropiques
1.2. Les effluents urbains
Rรฉsultats
Chapitre II : Matรฉriel et Mรฉthodes
1. La Seybouse et le littoral rรฉcepteur
1.1. La Seybouse
1.2. Le littoral rรฉcepteur
2. Echantillonnage et mรฉthodes dโanalyse des รฉlรฉments Chimiques
2.1. Echantillonnage
2.2. Mรฉthodes dโanalyse chimiques
Chapitre III : variations saisonniรจres des teneurs en sels nutritifs et des matiรจres organiques dissoutes
1. Environnement hydrologique
โข Tempรฉrature
โข Salinitรฉ
2. Variations saisonniรจres des teneurs en sels nutritifs
2.1. Variations des teneurs de lโazote inorganique dissous (NID)
โข Lโazote ammoniacal (NH4+-NH3)
โข Les nitrites (NO2-)
โข Les nitrates (NO3โ)
2.2. Variations des teneurs en phosphates (PO4)
3. Distribution des matiรจres organiques
Discussion
conclusion
Rรฉfรฉrences bibliographiques