Early Warning System en médecine
Définition d’un Early Warning System
Le concept de Early Warning System (EWS) est ancien, et date de la 2ème guerre mondial : il s’agissait à l’époque d’avertir les populations des bombardements et de limiter le plus possible les pertes civiles. Il s’est ensuite développé et perfectionné pour la gestion des catastrophes naturelles. La définition actuelle est celle d’un système qui comprend à la fois une connaissance d’un risque donné, son monitorage, un système d’alerte, et une capacité de réponse (7).
Il est apparu en médecine pour la première fois dans les années 1990 (8). Il s’agit alors de système d’alerte permettant de détecter précocement en service les patients se compliquant, et de déclencher une réponse thérapeutique rapide et adaptée dans le but diminuer les conséquences de ces complications, le plus souvent définies dans la littérature par l’arrêt cardio-respiratoire, les admissions non prévues en unités de soins intensifs et le décès. Un EWS intègre un système d’alerte, le plus souvent sous forme de scores appelés « Early Warning Score », basés sur la mesure de paramètres vitaux et associés à des d’algorithmes de prise en charge. Ce système d’alerte est combiné à une équipe d’intervention et forme ainsi un système complet appelé « Early Warning System » ou « Système de Réponse Rapide ». Ce système peut aussi être décrit comme composé d’une voie afférente de détection, d’alerte et de déclenchement appelée «Track and triggering», et d’une voie efférente de réaction correspondant à l’action thérapeutique mise en œuvre, qui peut être soit une surveillance plus fréquente en chambre, l’envoie d’une équipe médicale d’urgence, ou le transfert en soins intensifs en fonction du niveau de gravité du malade.
Définition d’un Early Warning Score
Les Early Warning score ( EWScore ) sont des outils utilisés aux lits du patients basés sur la mesure de paramètres simples tels que les constantes vitales, l’état de conscience. Certains peuvent intégrer des paramètres biologiques. La modification anormale de ces paramètres va permettre d’identifier l’aggravation du patient et de déclencher une alerte. Il existe plus d’une centaine de EWScore dans la littérature, classés en trois catégories (9):
– les scores mono-paramétriques
– les scores multiparamétriques
– les scores pondérés.
Score mono-paramétrique
Dans le score mono-paramétrique, la mesure d’une seule variable anormale en fonction d’un seuil prédéfini va permettre de déclencher une alerte sans calcul de score. L’étude MERIT publié en 2001 est la première étude contrôlée, randomisée multicentrique dans 23 hôpitaux Australiens évaluant la mise en place d’un système d’alerte mono paramétrique avec l’introduction d’une réponse rapide basée sur une équipe médicale d’urgence (5). Les valeurs retenues pour déclencher l’alerte étaient une fréquence respiratoire > 36 cycles/min ou une fréquence cardiaque >140/min ou une pression artérielle systolique < 90mmhg ou une perte de 2 points de Glasgow. Il n’avait pas été retrouvé de différence en termes de mortalité, d’arrêt cardio-respiratoire et d’admission en réanimation malgré une augmentation du nombre d’appel de l’équipe d’urgence dédiée. Dans une étude rétrospective publiée en 2007, incluant la population contrôle de l’étude MERIT, il était mis en évidence dans ce système mono paramétrique une sensibilité faible de 49.1%, une spécificité de 93.7% pour prédire un évènement indésirable grave (ACR, admission en ICU, décès) dans les 24h précédent la survenue (10). Une revue systématique de la littérature parue en 2016 a confirmé les limites des systèmes d’alerte mono paramétriques pour identifier précocement les patients se dégradant .
Score multiparamétrique
Dans le score d’alerte multiparamétrique, c’est l’association de plusieurs paramètres dont les valeurs anormales (plus de 3 paramètres) vont permettre de déclencher une alerte. Dans une étude rétrospective menée par Bleyer et al. en 2011 qui a analysé les données de plus de 27 000 patients (1,15 million de constances vitales), l’association de 3 valeurs anormales étaient associées à un taux de mortalité augmenté de 23.6% comparé à 0.92% si seulement un paramètre avait une valeur anormale (11). Les valeurs seuils retenues étaient une pression artérielle systolique < 85mmhg, une fréquence cardiaque >120 bpm, une température < 35° ou >38.5°C, une saturation en oxygène < 91%, une fréquence respiratoire <13 ou > à 23, et un état comateux Cependant, les performances de scores multiparamétriques restent controversées dans la littérature. Dans l’étude prospective de Goldhill et al. en 1997, l’introduction du protocole « Patient-At-Risk-Team » (tableau 1) basé sur l’utilisation d’un score d’alerte multiparamétrique ne permettait pas d’identifier les patients à risque d’admission en réanimation. Dans cette étude, sur 97 admissions imprévues en réanimation, seulement 29% (soit 28/97) des patients avaient été identifiés par le PART dans les 48h précédentes. De même, l’ incidence des arrêts cardio-respiratoires avant admission était de 3.6% chez les patients identifiés par le PART et de 30% chez ceux non identifiés comme à risque par le PART 30% (p<0.005) en service conventionnel .
Score pondéré
Le constat que la sommation de paramètres aux valeurs anormales ne permettait pas d’identifier les patients à risque de complications a interrogé l’intérêt de score pondéré. Parmi ces scores, les plus utilisés chez l’adulte sont le score NEWS et le score MEWS. Dans un score d’alerte pondéré, pour chaque variable du score, la modification en dehors de normes prédéfinies est associée à une cotation allant de 0 à 3 points et dont la somme permet d’obtenir un score de gravité.
Score MEWS
Le score MEWS ( modified early warning score ) comprend la mesure de 5 paramètres: la pression artérielle systolique, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, la température, le niveau de conscience. Le Score MEWS s’étend de 0 à 9, un score MEWS à 0 correspond à un patient ou tous les paramètres sont normaux .
Score NEWS
Le score NEWS (national Early warning score) comprend la mesure de 7 paramètres: la pression artérielle systolique, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, la saturation en oxygène, la température, le niveau de conscience et l’apport en oxygène .
Dans une étude rétrospective de Smith et al. en 2013, analysant 198 755 constances vitales recueillies sur des patients en service de médecine, le score NEWS était associé à une aire sous la courbe ROC de 0.894 (0.887–0.902) pour les décès, de 0.722 (0.685–0.759) pour les arrêts cardio-respiratoires, de 0.857 (0.847–0.868) pour les admissions en soins intensifs, et une AUC de 0.873 (0.866– 0.879) pour les 3 évènements combinés. Dans cette même étude, le score NEWS était le score le plus discriminant comparativement aux 33 autres scores pondérés .
Autres scores
Le score ViEWS ( VitalPac Early warning score) a été développé à partir de l’analyse rétrospective de 198,755 constante vitales. Il est composé de la mesure de la fréquence cardiaque, de la fréquence respiratoire, de la pression artérielle systolique, de la saturation, de la température, de l’évaluation du niveau de conscience et du recours ou non à une oxygénothérapie. Le ViEWS était associé à une aire sous la courbe ROC à 0.888 (0.880–0.895) pour identifier les patient à risque de décès dans les 24h avant l’admission .
Un autre score pondéré est le Cardiac Arrest Risk Triage (CART) score. Il a été développé à partir de l’analyse rétrospective des paramètres vitaux de 47,000 patients et est composé de 4 items (fréquence respiratoire, fréquence cardiaque, pression artérielle diastolique, âge). Le CART score avait une capacité élevé à identifier dans les 48h avant l’admission les patients à risque d’arrêt cardiorespiratoire avec un aire sous la courbe ROC de 0.84 .
Composantes d’un Early Warning System
Dans un EWS, le circuit commence par la surveillance du patient en service conventionnel avec monitorage des paramètres vitaux, et éventuellement des paramètres biologiques et du recours ou non à une oxygénothérapie. Ces paramètres monitorés vont être intégrés dans un Early Warning Score, ce qui permet de déterminer le niveau de gravité du patient. Ce calcul peut être soit manuel, soit par l’intermédiaire d’un logiciel de saisi des paramètres avec calcul automatique du score, soit par l’intermédiaire d’un système entièrement automatisé avec utilisation de dispositif mobile permettant un monitorage intermittent ou continu, un transfert des données et un calcul automatique du EWScore. Dans un troisième temps en fonction du niveau de gravité, une alerte va être déclenchée soit par l’équipe paramédicale, soit de façon automatique par notification dans un système automatisé. La fin du circuit correspond à la réponse thérapeutique déclenchée.
Voie afférente: système de détection
L’objectif principal de la voie afférente du système est d’identifier précocement les signes d’alertes pour prévenir la dégradation du patient. Elle va dépendre de la surveillance et du monitorage effectué en service conventionnel ainsi que de la capacité discriminative des Early Warning Score utilisés. Idéalement, un score doit avoir une très bonne sensibilité pour pouvoir détecter une grande majorité de patients, et une bonne spécificité pour diminuer les faux positifs sources d’alertes inutiles En effet les scores multiparamétriques pondérés possèdent la meilleure sensibilité et spécificité pour identifier les patients à risque d’arrêt cardio-respiratoire, de décès et d’admission imprévue en soins intensifs dans les 24h précédentes. Un autre point primordial, le calcul du EWScore nécessite la mesure des constantes vitales, qui peut être effectué classiquement par une surveillance intermittente manuelle ou par un monitorage continu.
Surveillance intermittente, calcul manuel du EWScore, calcul automatique du EWScore
La surveillance standard d’un patient dans un service d’hospitalisation repose sur une surveillance paramédicale intermittente avec prise manuelle des constantes vitales toutes les 6 à 8 heures. Une première implémentation est d’améliorer cette surveillance par le calcul manuel d’un EWscore. Mais il a été montré que ce calcul manuel était source d’erreur, avec environ 30% d’erreur (18) (19). L’automatisation du calcul du EWScore à partir de paramètres mesurés manuellement permet d’augmenter la rapidité et la fiabilité du score calculé (18). Ainsi, l’implantation dans 2 hôpitaux Britanniques d’un système de surveillance électronique avec un logiciel de recueil des données et calcul automatique du score avec l’envoie d’une alarme, était associé à une diminution de la mortalité de 8 à 6% sur la période étudiée (20). Dans ce contexte-là, la formation des équipes infirmières, permet d’augmenter le niveau d’adhésion au EWscore, un meilleur recueil des constantes, et une meilleure identification du patient à risque de dégradation .
Recueil automatisé des données
L’intérêt d’un recueil automatisé des données est d’améliorer l’exhaustivité des paramètres recueillis, en particulier la fréquence respiratoire. Ce recueil peut être continu ou intermittent. Cependant un monitorage continu en service ne semble pas être la seule réponse. En effet deux études évaluant l’intérêt d’un monitorage continu comparativement à une surveillance intermittente, sans calcul d’un EWScore, ne retrouvaient pas de différence en terme de morbi-mortalité (6) (21). De même, Tirkkonen et al. retrouvaient 2 fois plus de retard et d’échec d’activation de l’équipe médical d’urgence dans la population monitorée en continue, et ce malgré une meilleure surveillance des constantes (6). Dans cette étude, les auteurs l’expliquaient par une tolérance plus importante de constantes anormales chez les patients monitorés, une fausse réassurance en considérant le monitorage comme une thérapeutique adaptée. De même dans l’étude de Watkinson et al, seulement 16% des patients avaient bénéficié d’un monitorage complet pendant 72h. Dans 37% des cas, le monitorage était retiré précocement pour permettre la mobilisation (21). Cette étude a souligné le besoin d’un monitorage permettant également le confort et la mobilité du patient.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Préambule
II. Early Warning System en médecine
II.1 Définition d’un Early Warning System
II.2 Définition d’un Early Warning Score
II.2.1 Score mono-paramétrique
II.2.2 Score multiparamétrique
II.2.3 Score pondéré
II.3 Composantes d’un Early Warning System
II.3.1 Voie afférente: système de détection
II.3.2 Analyse et intégration des données
II.3.3 Voie efférente: algorithme décisionnel et réponse thérapeutique
II.4 Impact clinique des Early Warning Systems
II.5 Echec de ce système ou « Failure to rescue »
II.5.1 Echec de la voie afférente : défaut de monitorage et de calcul du score
II.5.2 Echec de la voie efférente ou retard de prise en charge
III. Retour expérience de l’implémentation d’un EWS dans un HIA
III.1 Introduction
III.2 Matériel et méthode
III.3 Résultats
III. 4 Discussion
III. 5 Conclusion
CONCLUSION