Dynamiques végétales post-perturbations sur les carrières calcaires au Liban

Les écosystèmes méditerranéens sont principalement caractérisés par des contraintes climatiques particulières (des étés chauds et secs et des hivers doux et pluvieux), mais également par une anthropisation importante, sous forme de pressions d’urbanisme, de déforestations et de surpâturages (Daget 1977; Di Castri 1981; Quézel & Médail 2003). De plus, la topographie accidentée des versants et l’hétérogénéité des micro climats induisent une diversification du couvert végétal et la création d’un paysage très fragmenté (Quézel & Médail 2003).

De par son histoire et sa situation géographique et économique, caractérisé par une pression anthropique importante, des conditions climatiques et édaphiques particulières et la présence de nombreux écosystèmes dégradés, le Liban représente un bon prototype des pays méditerranéens en développement. Le contexte sociopolitique instable qui y a prévalu au cours de trois décennies a eu pour conséquences directes une dispersion de l’habitat et une con-urbanisation qui a rapidement progressé le long des axes principaux de circulation. Pour pallier à une croissance démographique et urbaine incontrôlée, l’ouverture de carrières exploitées au coup par coup et au gré des disponibilités financières et du clientélisme politique, l’exploitation sauvage et illégale de ce secteur a résulté en un gaspillage des ressources et une destruction de sites. Ces activités ont provoqué une érosion accélérée du substrat affleurant, une perte croissante de la biodiversité et une agression visuelle paysagère.

Exploitations de type le plus souvent familial, les carrières d’extraction du gravier et des pierres de taille ont suivi dans leur développement l’expansion urbaine qui a concerné la côte libanaise au début des années 60 et s’est étendue progressivement vers le Mont Liban et le Kesrouan (IAURIF/ ECODIT 1999). Un rapport officiel recense en 1996, 710 carrières réparties sur l’ensemble du territoire, soit 1 carrière / 14.7 Km² (Handassah 1996) alors que des chiffres non officiels de 1995 dénombraient jusqu’à 1800 exploitations sur le territoire. Dans un souci d’organisation et de régularisation de ce secteur, le Ministère de l’Environnement institué en 1992, a promulgué en 1997 un décret administratif visant à arrêter les exploitations en ne délivrant que dans certains cas, des permis spéciaux d’exploitation de durée limitée. De plus en plus de carrières étaient donc laissées à l’abandon, inexploitées et livrées à une régénération naturelle lente et incertaine.

Une approche interdisciplinaire pour l’appréhension d’un écosystème complexe

L’écosystème « carrière » représente un type particulier de milieu ayant subi une pression d’excavation importante et soutenue dans le temps. Principalement localisées au Liban en flanc de montagne ou au fond des vallées, l’arrêt de ces exploitations induit la création d’une plaie paysagère (pl.1). Techniquement, les opérations d’excavation débutent par une suppression du couvert végétal, suivie par un passage de bulldozers qui dénudent au fur et à mesure le substrat dans le but de mettre la roche mère au jour. L’étape suivante consiste à sillonner la pente mise à nue en y créant des chemins qui serviront à creuser des galeries dans la roche où ultérieurement seront posées les charges explosives utilisées pour le fractionnement et le concassage des roches. Le recours aux explosifs et la nécessité d’espace de stockage du gravier, se sont soldés par la présence dans chacune des carrières d’un front de taille (falaise) de hauteur variable (10 à 40m), d’un carreau d’exploitation (plateforme) de superficie allant de 10 à 50 ha et d’une multitude de remblais résultant soit des dépôts allochtones ramenés par les camions soit des érosions des sols environnants (pl. 2). D’un point de vue écologique, une carrière abandonnée va établir en tant que milieu neuf des relations d’échanges avec les écosystèmes avoisinants qui vont jouer le rôle de réservoir d’espèces végétales (ou animales) potentielles pour la recolonisation. La cicatrisation naturelle est généralement longue et dépend principalement de la disponibilité, l’accessibilité et l’adaptabilité des espèces présentes dans ces écosystèmes environnants (MacMahon 1987; Bradshaw 2000) aux conditions locales dans les carrières. Les conditions extrêmes qui prévalent sur les carrières (absence de sol, roche mère affleurante, sécheresse, absence ou paucité d’une banque de graines…) combinées aux conditions environnementales méditerranéennes laissent supposer qu’une caractérisation de la dynamique végétale spontanée pourrait servir de modèle d’apprentissage pour orienter d’éventuelles interventions futures sur les milieux dégradés en zone méditerranéenne. L’exploitation diachronique des carrières ayant résulté en un panel hétérogène tant au niveau spatial (différents types de biotopes dans les carrières) que chronologique (des secteurs dans les carrières abandonnées à des périodes différentes), notre approche analytique sera articulée autour de deux axes complémentaires : une évaluation spatiale verticale, et une approche interdisciplinaire horizontale (fig.1).

Géologie du Liban 

La géologie du Liban occidental est bien connue grâce à de nombreux travaux dont ceux de Dubertret (1953; 1955; 1966), Ponikarov (1967), Beydoun (1972; 1977; 1988), Aoudeh (1974), Ghattas (1975), Awad (1983), Shaban (1987), Arkadan (1992), Canaan (1992), Khawlie (1991) et Shaban (2003).

La lithologie du Liban peut être classée en quatre catégories principales  :
➤ Les roches calcaires : ils constituent près de 70 de la lithologie du Liban et sont situées pour leur plus grande partie dans les chaînes du Mont- Liban et de l’anti Liban. Ces formations sont principalement des roches calcaires dures (Jurassique, Aptien supérieur, Cénomanien, partie de l’Eocène et du Néogène). Il existe également des roches de calcaires fragiles et des marnes, comme il est possible de retrouver des calcaires marneux (Sénonien, Paléogène, partie de l’Eocène et du Néogène).
➤ Les roches en couches croisées : ces roches en couches croisées de marnes, argiles et silices caractérisent les formations crétacées les plus anciennes (Aptien et Albien). Cette alternance de roches perméables et imperméables favorise la mobilité des masses rocheuses et la vulnérabilité des terrains à l’érosion.
➤ Les roches volcaniques : peu représentées au Liban, ces formations du Crétacé principalement basaltiques, produisent des sols sablonneux, bien drainés.
➤ Les alluvions et les colluvions : ces agrégats du Quaternaire, avec souvent des dépôts d’érosion quaternaires, forment en grande partie la partie nord de la Plaine de la Bekaa. La lithologie a contribué à la diversification des ressources du sol qui dépendent fortement de la roche mère. A l’exception des sols gréseux sur les strates du Crétacé, la majorité des sols est calcaire avec une dominante de Terra Rossa et de rendzines. Là où les phénomènes d’érosion sont importants, les sols fersiallitiques deviennent des lithosols. Ces lithosols sont très fragiles, surtout sur les terrains en pente qui représentent près de 73 % de la superficie du pays. Cette érodabilité des sols est d’autant plus importante que le couvert végétal protecteur est disparate et que l’intensité des pluies et du ruissellement est forte (Shaban et al. 1999; Bou Kheir et al. 2001a; Bou Kheir et al. 2001b).

Climat 

D’ouest en est, le Liban est soumis au climat méditerranéen, et montre des variations importantes : un climat littoral subtropical, un climat froid et humide sur les sommets neigeux et une plaine subdésertique ou même aride par endroits. Le Liban a une moyenne élevée de précipitation par an (Beyrouth, 893 mm) comparée à d’autres pays méditerranéens. La pluviométrie annuelle est caractérisée par de grandes variations saisonnières avec une longue période de sécheresse estivale et près de 80 % des chutes annuelles concentrées entre les mois de novembre et mars sous forme de violentes averses. La moyenne sur le littoral est de 700-1000 mm et va jusqu’à 1600 mm dans les montagnes centrales. La moyenne de température annuelle sur le littoral varie entre 19.5°C et 21.5°C avec un gradient thermique décroissant de 3°C par 500 m jusqu’à une moyenne de 15°C à 1000 m d’altitude. En relation avec les isohyètes 200, 400, 600, 800 et 1000 (Emberger 1954; Quézel & Médail 2003) on définit au Liban cinq zones bioclimatiques allant de l’aride au perhumide .

Type de végétation 

Le Liban est caractérisé par plusieurs régions phyto-géographiques chacune définie par des groupements végétaux spécifiques, et par des zones enclaves où l’on peut retrouver des espèces particulières. La flore terrestre compte 3761 espèces parmi lesquelles 92 endémiques, 38 espèces sont rares et/ou menacées de disparition (Abi Saleh et al. 1996). Les forêts représentent près de 7% de la superficie du pays soit environ 70000 ha, elles sont principalement formées de Quercus calliprinos, Q. infectoria, Q. cerris, Q. cedrorum, Q. brantii, Cedrus libani ; Abies cilicia, Juniperus oxycedrus, J. excelsa. Pinus pinea, P. brutia et P. halepensis (nomenclature selon Mouterde (1966). La singularité des écosystèmes naturels au Liban découle de ces particularités phyto-géographiques et climatiques. Le pays concentre presque tous les types de formations végétales des régions méditerranéennes avec principalement un ensemble méditerranéen et un ensemble méditerranéen pré steppique. Sur la partie occidentale du pays, les étages sont divisés selon un gradient altitudinal de 500m principalement (Abi Saleh & Safi 1988; Abi Saleh & Safi 1990). Dans la partie orientale du Mont Liban et la partie Nord de la Bekaa, on retrouve les variantes pré-steppiques des étages de végétation méditerranéens (Abi Saleh et al. 1996) (carte 5). Sur le versant ouest du Mont-Liban, on distingue dans l’étage thermo-méditerranéen notamment sur substrat calcaire des essences telles que : Ceratonia siliqua, Pistacia lentiscus, Myrtus communis, Pinus halepensis, et Quercus calliprinos. Dans l’étage mésoméditerranéen, on retrouve des espèces comme: Quercus calliprinos, Pinus brutia et Cupressus sempervirens ; et dans l’étage supra-méditerranéen, Quercus infectoria, Fraxinus ornus, Quercus cerris. L’étage montagnard méditerranéen est distingué par le développement de : Cedrus libani, Quercus cedrorum, Quercus brantii, Juniperus excelsa. Alors que l’étage oro méditerranéen est caractérisé par la présence de Juniperus excelsa (Abi Saleh & Safi 1990; Abi Saleh et al. 1996).

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Table des matières

Chapitre 1- Introduction
1.1- Concepts et définitions
1.2- Une approche interdisciplinaire pour l’appréhension d’un écosystème complexe : les carrières calcaires
en milieu méditerranéen
1.3- Hypothèses générales de travail
1.4- Objectifs généraux
Chapitre 2. Cadre de l’étude
2.1- Situation géographique
2.2- Géologie du Liban
2.3- Climat
2.4- Type de végétation
2.5- La répartition des carrières au Liban
Chapitre 3. Choix méthodologiques et matériel d’étude
3.1- Choix de la zone d’étude
3.2- Choix des carrières à échantillonner
3.2.1- Caractérisation des carrières visitées
3.3- Conception et réalisation d’un SIG sur les carrières au Liban
3.3.1 Le matériel cartographique utilisé
3.3.2 Intégration de l’ensemble des données dans la base SIG
3.4- L’analyse phyto-écologique, floristique et structurelle de la dynamique de recolonisation
3.4.1- Méthodes d’échantillonnage
3.4.1.1 L’échantillonnage des relevés dans les carrières
3.4.1.2 Les relevés phyto-écologiques
3.4.1.3 Les facteurs du milieu
3.2.2- Gestion et traitement des données
3.2.2.1 Une base de données attributaires sur les traits de vie des espèces
3.2.2.2 Analyses statistiques multi-variées
3.3- Estimation de l’âge d’abandon des sites : apports des analyses morphologiques, dendrochronologiques
et historiques.
3.3.1- Les apports des données historiques
3.3.2- L’analyse dendrochronologique
3.3.3- L’analyse morphologique
Chapitre 4. La structuration de la végétation : une mosaïque d’espèces en réponse à une pression écologique
4.1- La végétation des carrières
4.2– Caractéristiques de la flore échantillonnée
4.2.1- Représentativité des espèces : notions d’espèces rares et d’espèces majeures
4.3– Analyses de l’organisation floristique en relation avec les paramètres de l’environnement
4.3.1- Caractérisation des grandes tendances des groupements floristiques
4.3.1.1 La projection factorielle des relevés à partir de la matrice M2
4.3.1.2 La projection factorielle des espèces à partir de la matrice M2
4.3.2- Caractérisation et ordination des différents descripteurs environnementaux.
4.4. Organisation des mosaïques spécifiques et dynamique de recolonisation
4.4.1 Regroupements des relevés selon le paramètre pluviométrie
4.4.1.1 Le groupe de relevés dans la tranche 700- 1000 mm de précipitations
4.4.1.2 Le groupe de relevés dans la tranche 1000- 1200 mm de précipitation
4.4.1.3 Le groupe de relevés dans la tranche 1200 – 1500 mm de précipitations
4.4.2 Regroupements des relevés en fonction de la situation et de la pluviométrie
4.4.2.1 Les relevés sur remblais dans la tranche 700 – 1000 mm de pluviométrie
4.4.2.2 Les relevés sur falaises dans la tranche 700 – 1000 mm de pluviométrie
4.4.2.3 Les relevés sur remblais dans la tranche 1000 – 1200 mm de pluviométrie
4.4.2.4 Les relevés sur falaises dans la tranche 1000 – 1200 mm de pluviométrie
4.4.2.5 Les relevés sur remblais dans la tranche 1200- 1500 mm de précipitation
4.4.2.6 Les relevés sur falaises du groupe 1200- 1500 mm de pluviométrie
4.5. Distribution des espèces rares
4.6. La typologie des spectres écologiques sur les écosystèmes « carrières »
4.6.1 Analyse et typologie des spectres biologiques au niveau des communautés végétales
4.7. Discussion
4.7.1 Les descripteurs environnementaux
4.7.2 La flore des carrières
4.7.2.1 Les espèces majeures et les espèces communes
4.7.2.2 Les espèces rares
4.7.2.3 Les espèces généralistes
4.7.2.4 Les espèces particulières
4.7.3 Sur le choix des écosystèmes de référence
Chapitre 5- Conclusion

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