Dynamiques territoriales et cooperation transfrontaliere dans l’espace senegalo-malien

La constitution des Etats-Nations au lendemain des indépendances africaines s’est consolidée par la délimitation des espaces territoriaux, faisant la spécificité de chaque pays. A la fois µdéfinie par les conventions internationales (Nations-Unies, Union Africaine, CEMAC, etc.) et les constitutions nationales, la frontière constitue un élément clé de l’identité territoriale de chaque nation.

Perçue comme une limite territoriale, une démarcation entre deux ou plusieurs pays, la frontière peut être naturelle ou imaginée par le colonisateur. Dans le contexte de notre étude, on peut parler de «pays-frontière » qui a été défini comme « un espace géographique à cheval sur les lignes de partage de deux ou plusieurs Etats limitrophes où vivent les populations liées par des rapports socio-économiques et culturelles» (Séminaire du 4 au 7 mars 2002 à Sikasso au Mali sur les Nations Etats). L’espace transfrontalier sénégalo-malien occupé par la commune de Kidira (au Sénégal) et la commune de Falémé (au Mali) est un exemple type.

Cette zone transfrontalière à l’image de toutes les zones transfrontalières est le lieu d’intenses dynamiques qui témoignent d’une certaine intégration de base. Ces dynamiques se manifestent particulièrement autant par des similitudes socio-culturelles que par des corrélations politiques, administratives, linguistiques et économiques qui témoignent d’une intégration «par le bas».

Dès lors, la coopération transfrontalière apparait vite comme l’outil à privilégier pour plus de dialogue, de communication dans le sens d’une culture de paix et d’un échange fructueux.

Ainsi à travers cette étude, nous analyserons les dynamiques territoriales dans l’espace sénégalo-malien, notamment entre les communes de Kidira (au Sénégal) et Falémé (au Mali) et la nécessité de promouvoir la coopération transfrontalière dans cette zone.

Dans les pays de l’Afrique au Sud du Sahara, les frontières, telles qu’elles se présentent, sont en grande partie, une part intégrante de l’héritage laissé par la colonisation. En effet, dans leur majorité, les Etats africains sont logés dans des territoires qui sont le fruit du découpage administratif colonial. Pour rappel, la première balkanisation de l’Afrique est survenue lors de la conférence de Berlin de 1885 et fût l’œuvre de puissances impériales dont le souci majeur était la préservation des intérêts et l’élargissement des territoires de leurs empires. Ceci fait dire à IGUE. J.O. que les frontières ont été érigées par les puissances métropolitaines occidentales non pas «pour permettre le développement des pays africains mais uniquement dans le souci de créer des espaces dont la signification ne dépasse pas celle d’un cadre de prélèvement colonial».

À l’heure de la globalisation des échanges, l’intégration de la région ouest-africaine est reconnue comme un objectif stratégique majeur pour consolider le développement des économies de la sous-région et faciliter leur insertion au sein du système mondial. Au-delà, la perspective d’un développement soutenable de l’Afrique de l’Ouest nécessite de gérer les principaux enjeux environnementaux, démographiques, sociaux et sécuritaires à l’échelle de la sous-région en assurant une meilleure coordination des politiques mises en œuvre par les différents États.

D’ailleurs, le traité instituant l’UEMOA a indiqué dans son préambule, la «nécessité de renforcer la complémentarité des appareils de production des états et de réduire les disparités de développement entre les états membres» par la mise en place d’une politique d’aménagement du territoire communautaire.

La problématique de l’intégration sous régionale en Afrique à travers des espaces frontaliers s’explique d’une part par les limites institutionnelles et d’autre part par la grande homogénéité géographico-sociale et l’importance des échanges socioculturels et commerciaux qui caractérisent ces espaces géographiques.

CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L’ETUDE

Contexte 

Consacrée par la conférence de Berlin en 1884, la plupart des frontières issues du partage colonial furent tracées au milieu de groupes ethniques et linguistiques sans tenir compte des réalités sociologiques, culturelles et économiques des peuples dominés. Le découpage territorial par les administrations coloniales n’avait pris en en compte que des enjeux économiques et géopolitiques. Elles ont été arbitrairement créées par les colonisateurs qui ont divisé des peuples unis par l’histoire et par la géographie. L’artiste ivoiro-malien, Ticken Jah Fakoli le confirme dans son chant quand il dit : «Ils ont partagé le monde sans nous consulter».

Aussitôt que ces frontières ont été constituées, les structures étatiques ont été parfois inaptes à développer des actions capables d’asseoir leur intégrité territoriale avec notamment la multi polarisation de certains peuples autochtones, la permanence des pratiques traditionnelles transnationales des communautés transfrontalières (rites funéraires et d’initiation, pratiques matrimoniales, visites familiales, etc.), les circulations migratoires des personnes et des biens et surtout le développement des activités commerciales transfrontalières qui se sont par ailleurs généralisées avec le processus de la mondialisation.

Le concept de «pays frontière» lancé au début des années 2000 par l’ancien président du Mali, Alpha Oumar Konaré, est défini comme «un espace géographique à cheval sur les lignes de partage de deux ou plusieurs États limitrophes où vivent des populations liées par des rapports socio-économiques et culturels ». L’objectif du concept de «pays-frontière» était de renforcer la coopération, les relations de bon voisinage entre les populations vivant de part et d’autre des frontières par la transformation des espaces transfrontaliers en zone de paix, de sécurité, de stabilité et de solidarité. Ce concept reconnaît la nécessaire implication des populations dans la gestion de la vie publique nationale et une politique d’intégration «Bottum-up».

Aujourd’hui, les frontières ne sont plus faites pour séparer mais pour organiser le bon voisinage car, les populations des zones frontalières sont toujours liées économiquement et culturellement. Conséquence, de part et d’autre des frontières africaines, nous remarquons une continuité linguistique, culturelle, ethnique. C’est pourquoi d’ailleurs, les populations ne tiennent pas compte des frontières, «elles font passer leur solidarité raciale avant leur appartenance à des territoires administrativement différents» . Cette solidarité se manifeste à travers le commerce transfrontalier et les échanges sociaux. Ainsi, loin de constituer une ligne de séparation, la frontière apparaît comme une ligne de rapprochement car «elle est une zone porteuse de dynamiques sociales, économiques et culturelles».  Ces principales dynamiques font des zones transfrontalières de potentiels vecteurs d’intégration sous-régionale.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PROBLEMATIQUE
METHODOLOGIE
PREMIERE PARTIE : LES CARACTERISTIQUES DU TERRITOIRE TRANSFRONTALIER
CHAPITRE I: LE CADRE HISTORIQUE
PROFIL HISTORIQUE DU TERRITOIRE TRANSFRONTALIER
Historique des villes de Kidira et Diboli
CHAPITRE II: CADRE PHYSIQUE ET ORGANISATION DE L’ESPACE
Présentation de l’espace transfrontalier
Le cadre physique de l’espace
L’organisation de l’espace
CHAPITRE III : LES ASPECTS DEMOGRAPHIQUES ET SOCIOCULTURELS
LES CARACTERISTIQUES DEMOGRAPHIQUES
LES ASPECTS SOCIOCULTURELS
DEUXIEME PARTIE: LES DYNAMIQUES TRANSFRONTALIERES ET INTEGRATION SOUS-REGIONALE
CHAPITRE I : LES DYNAMIQUES SOCIALES
Les flux sanitaires
Les flux scolaires dans l’espace transfrontalier
Les flux migratoires
Le foncier et la gestion des ressources naturelle dans l’espace transfrontalier
La transhumance dans l’espace transfrontalier
CHAPITRE II : LES DYNAMIQUES ECONOMIQUES
Les échanges commerciaux dans l’espace transfrontalier Kidira-Falémé
Le transport dans l’espace transfrontalier
TROISIEME PARTIE : LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE : PRATIQUES, DEFIS ET ENJEUX
La collaboration entre autorités locales et administratives
La Collaboration entre services administratives
La collaboration entre services sociaux
Le role des communautes locales
Les enjeux de la coopération transfrontalière
Les défis à relever pour une meilleure vie transfrontalière
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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