Dynamiques de localisation de la production agricole et laitière en France 

Les facteurs explicatifs du changement structurel

Les modèles de dynamique des exploitations s’inscrivent dans ces différents cadres théoriques. La loi de Gibrat, première tentative de modélisation, pose comme hypothèse que les différents facteurs susceptibles d’influencer la croissance d’une firme sont si nombreux et ont des effets si différents que la trajectoire qui en résulte est finalement très aléatoire. Le taux de croissance ne dépend ainsi ni de la taille ni de l’âge des entreprises. Les modèles ultérieurs ont tenté de dépasser cet « anti-modèle », d’abord contesté par différentes théories (trois théories biologiques et une théorie évolutionniste qui autorise l’existence de trajectoires technologiques multiples), ensuite contredit par plusieurs analyses empiriques. Ainsi, Mansfield (1962) introduit les facteurs relatifs à la technologie et l’innovation en s’appuyant sur les concepts de l’économie d’échelle et l’adoption et diffusion de la technologie. Il s’intéresse au rôle de l’innovation technologique dans la réduction des coûts des produits à l’échelle de l’exploitation. Singh et Whittington (1975) sont partis du concept de taille optimale pour supposer que plus la firme s’approche de cette taille, plus son taux de croissance est faible, ce qui aboutit à une relation inverse entre le taux de croissance et l’âge et la taille des firmes. Jovanovic (1982, 1989) s’est fondé quant à lui sur le concept des « capacités managériales » propres à chaque firme (qui peut s’interpréter en terme de capital humain de l’entrepreneur et de l’entreprise). Ignorées au départ, les capacités sont découvertes au fur et à mesure de l’activité selon que les résultats sont conformes ou non auxespérances. Certaines firmes (les moins capables) disparaissent, les autres se développent avec un taux de croissance qui diminue avec l’âge, ainsi qu’avec la taille pour un âge donné.

Changement structurel et intégration de l’espace : Les facteurs déterminants de la localisation des exploitations laitières

La plupart des études empiriques jusqu’ici réalisées sur le changement structurel, se limitent à une seule ou très peu de régions comme échelle d’analyse, ce qui explique certainement pourquoi des variables pertinentes théoriquement mais avec de faible variabilité temporelle ne sont généralement pas prises en compte. En effet certaines variables sont écartées malgré qu’elles déterminent fortement le niveau de technologie disponible à l’exploitation. Par conséquent, une analyse plus large qui prend en compte les différences et spécificités régionales pourrait rendre les variables ayant une variabilité à travers l’espace plus pertinentes (Zimmermann et al., 2009). De plus, les déterminants classiques précédemment cités dans le cadre du changement structurel peuvent eux aussi, en plus d’être variables dans le temps, être hétérogènes dans l’espace. Ces facteurs peuvent être hétérogènes en qualité, en quantité disponible mais aussi en coût (prix ou valeur). Ici, une brève vue d’ensemble de ces facteurs est donnée. Les dotations «naturelles» sont, sans aucun doute, les facteurs de production les plus liés à la localisation. Les plus pertinentes parmi elles concernant la production laitière sont liées à la disponibilité de la terre, la qualité du sol, la topographie et le climat.
La qualité, la quantité et le coût du travail sont également hétérogènes dans l’espace et peuvent conditionner la localisation de la production, son expansion ou même sa disparition.
Le travail peut être vu d’abord comme la capacité managériale de l’exploitant qui peut augmenter avec la facilité de l’accès à l’information qui à son tour peut dépendre de la localisation. La disponibilité et le coût du travail sont également considérés comme assez importants surtout dans les études empiriques américaines (Roe et al., 2002; Isik, 2004; Eberle et al. 2004; Rutt, 2007). Le taux de chômage peut également être considéré comme un proxy de la disponibilité de la main d’œuvre mais également une alternative de reconversion des exploitants agricoles (notamment dans l’industrie) (Heng-Hung, 2005). Le taux de chômage s’est avéré positivement lié à la production laitière selon l’étude empirique d’Isik, (2004), diminue l’ajustement structurel et la disparition des exploitations dans les études de Foltz (2004) et Zimmermann et Hecklei, (2010) et est, cependant, non significatif dans les études de Roe et al., (2002) et Herath et al., (2005).
Les technologies peuvent être également spatialement corrélées puisque la diffusion et l’adoption de la technologie n’est pas la même dans toutes les régions. Abdalla et al (1995) explique comment la production agricole américaine s’est déplacée vers des régions plus susceptibles de changer de méthode de travail.
Le coût de production, étant lié aux prix des inputs, aux ressources de l’exploitation, à la technologie et à la capacité de l’exploitant, diffère par définition selon les pays et même au sein du pays. Souvent, dans les études empiriques, les prix des inputs sont utilisés comme des proxys du coût de production. L’augmentation des prix des aliments de bétail s’est avérée être significative dans la diminution de la production laitière au USA (Adelaja et al., 1998 ).
Le prix du lait est évidement différent selon les régions. En France, les exploitants des régions montagneuses reçoivent un prix plus élevé que ceux de la plaine (312 €/100kg le lait en montagne contre 293 €/100kg de lait en plaine. Ceci est certainement dû à une meilleure valorisation de la qualité du lait sous forme d’AOC notamment. La variabilité du prix est également différente. En effet, après avoir été quasi-stable pendant longtemps grâce aux prix d’intervention du beurre et de la poudre de lait, le prix du lait connait maintenant une forte variabilité.

Les modèles utilisés pour capter le changement structurel des exploitations agricoles

Les modèles de simulation du changement structurel agricole s’inscrivent dans la famille des modèles dynamiques. Ce sont donc des outils et techniques d’analyse qui permettent à priori d’étudier les causes et les conséquences de l’évolution des structures agricoles dans le but d’une meilleure compréhension de cette dernière (Corgne, 2004). Ce type de modèle doit donc permettre de prendre en compte un ensemble complexe de paramètres socio-économiques qui influencent le rythme et la nature des changements des structures afin de pouvoir simuler ces changements et leurs conséquences sur le territoire.
De multiples modèles ont été développés pour produire des simulations de l’évolution des structures des exploitations (Briassoulis, 1999).
Parker et al. (2003), dans une synthèse non exhaustive, distinguent sept grandes catégories de modèles de simulation d’occupation du sol, qui peuvent être classés en fonction de leur approche d’analyse. D’une façon générale, on peut distinguer deux types d’approches (Parra, 1997): des modèles reposant sur une approche dite «dure» ou «non approximatives», tels que les modèles mathématiques, statistiques, d’évolution (systèmes multi-agents), cellulaires (automates cellulaires) et les modèles basés sur une approche dite «approximative», qui permettent de prendre en compte l’incertitude et l’imprécision, tels que les modèles fondés sur la théorie des champs de Markov ou des modèles experts (une revue de littérature plus détaillé est fournie par Corgne, 2004 et Ben Arfa, 2006).
En se focalisant spécifiquement sur le changement structurel en agriculture, Zimmernann et al 2009 dans une revue bibliographique mettent en évidence cinq modèles, ils sont les plus utilisés dans les études empiriques.

L’Autocorrélation spatiale de la production agricole

L’autocorrélation spatiale permet d’identifier si les dynamiques observées en termes de production sont distribuées de manière aléatoire entres les espaces productifs ou si elles sont polarisées sur le territoire, si les effets sont cumulatifs autour de pôles dynamiques. Elle est définie comme la coïncidence d’une similarité de valeurs et de localisation (ANSELIN, 2001).
En effet, il y a autocorrélation spatiale positive lorsque des valeurs élevées ou faibles d’une variable aléatoire ont tendance à se concentrer dans l’espace et il y a autocorrélation spatiale négative lorsque les unités spatiales sont entourées de voisins présentant des valeurs très différentes pour cette même variable aléatoire.
Les interactions spatiales entre régions sont évaluées en utilisant l’Analyse Exploratoire des Données Géo-référencées. Cette analyse est un ensemble de techniques qui nous permettent de décrire et de visualiser les distributions spatiales, d’identifier les localisations atypiques et les points extrêmes, de détecter les schémas d’association spatiale et enfin de suggérer des régimes spatiaux ou d’autre formes d’hétérogénéité spatiale (ANSELIN, 1998 et 1999; BAILEY et GATRELL, 1995 ; ERTUR et KOCH, 2005).

Autocorrélation spatiale locale des exploitations laitières

Comme expliqué précédemment, le diagramme de Moran permet de détecter les localisations atypiques, c’est-à-dire les régions qui dévient du schéma global d’association spatiale. Il s’agit des régions qui se trouvent dans le quadrant LH ou dans le quadrant HL.
L’autocorrélation spatiale globale (I de Moran) peut également être visualisée sur ce graphique puisque la statistique I de Moran est formellement équivalente à la pente de la régression linéaire de Wz sur z en utilisant une matrice de pondération spatiale standardisée.
Nous examinons les caractéristiques de polarisation des départements et cantons français à l’égard des exploitations laitières en utilisant les diagrammes de Moran pour 1988 et 20052 concernant les départements et 1988 et 2000 concernant les cantons. La plupart des départements (cantons) sont caractérisés par une association spatiale positive, ils sont localisés dans le quadrant HH et le quadrant LL.
Les diagrammes de Moran permettent également de détecter les départements (cantons) atypiques, ceux qui dévient du schéma global d’association spatiale. Il s’agit des départements (cantons) qui se trouvent dans le quadrant HL et LH. Ainsi, en 2005, 10% des départements français dévient du schéma global d’association spatiale (5,5% dans le quadrant HL et 4,5% dans le quadrant LH). Au niveau cantonal, les chiffres de 2000 sont plus faibles en  pourcentage (3% dans le quadrant HL) mais plus important en nombre (111 cantons présentent des dynamiques positives autour de la production laitière alors qu’ils sont entourés de cantons présentant des dynamiques négatives).
Ce qui est intéressant à noter c’est que la statistique globale I de Moran est plus élevée à l’échelle du département (0.7544 en 1988) qu’à l’échelle du canton (0.6008 en 1988). Ceci est lié à l’hétérogénéité qu’on peut rencontrer à l’échelle du canton en termes de nombre d’exploitations laitières qui pourrait être effacée ou réduite avec les moyennes départementales.
Les indicateurs locaux d’association spatiale ou LISA (Local Indicator of Spatial Association) développés par Anselin (1995) permettent de mesurer le degré de ressemblance d’une unité spatiale avec ses voisines. Ils révèlent les tendances régionales tout en conservant les valeurs locales, ils préservent ainsi l’information relative à l’hétérogénéité interne de ces zones. La statistique locale d’autocorrelation spatiale fournit une mesure pour chaque unité spatiale.

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Table des matières

Introduction Générale 
Chapitre 1 :Evolution et localisation de la production laitière en France 
I. Evolution et localisation de la production laitière en France : Aperçu historique 
II. Evolution et localisation de la production agricole : Approches théoriques 
1. Les différentes théories de croissance et changement structurel
2. Les apports de la nouvelle économie géographique et de l’économie spatiale
3. Les facteurs explicatifs du changement structurel
4. Changement structurel et intégration de l’espace : Les facteurs déterminants de la
localisation des exploitations laitières
III. Evolution et localisation de la production agricole : Cadre méthodologique 
1. Les modèles utilisés pour capter le changement structurel des exploitations agricoles
1.1 Les modèles sans dimension spatiale
1.1.1 Les modèles statistiques ou de régression
1.1.2 Les modèles du type « Age cohort »
1.2 Les modèles intégrant la dimension spatiale
1.2.1 Les modèles cellulaires
1.2.2 Les modèles multi-agents
1.2.3 Les modèles de Markov
1.2.4 Les modèles d’économétrie spatiale
Conclusion du chapitre
Références 
Chapitre 2 : Agricultural policies and structural change in French dairy farms: A non-stationary Markov model 
1. Introduction
2. The structural dynamics of industries
3. The Markov model
4. Generalized Cross Entropy (GCE) formalism for the non-stationary Markov model
5. Data and structural changes in French dairy farms
6. Choice of exogenous variables
7. Results and discussion
8. Conclusion
References 
Annex
Chapitre 3 :Dynamiques de localisation de la production agricole et laitière en France 
I. Dynamiques spatiales de la production agricole en France 
1. Introduction
2. L’évolution de la spécialisation régionale
3. La concentration géographique des productions
4. L’Autocorrélation spatiale de la production agricole
4.1. La structure spatiale globale de la production agricole
4.2. Analyse de l’autocorrélation spatiale locale de la production agricole
5. Conclusion
References
Annexes
II. Dynamique de localisation des exploitations laitières 
1. Concentration géographique des exploitations laitières
2. Autocorrélation spatiale des exploitations laitières
2.1. Autocorrélation spatiale globale des exploitations laitières
2.2. Autocorrélation spatiale locale des exploitations laitière
3. Conclusion
Références 
Annexe 
Chapitre 4 :Agglomeration and dispersion forces in the French dairy sector: a spatial HAC estimation 
1. Introduction
2. Literature review
3. Approach
4. Empirical Model
5. Variable description
6. Results and Discussion
7. Conclusion
References 
Annex 
Chapitre 5 :Generalized Cross Entropy Approach to Model Spatio-Temporal change in the structure of French Dairy Farms 
1. Introduction
2. Literature Review
3. The Markov model
4. Generalized Cross Entropy (GCE) formalism for the non-stationary Markov model
5. GCE formalism for spatial analysis
5.1. GCE with spatial autocorrelation
5.2. Impact measures, diagnostic and inference
6. Data and structural changes in French dairy farms
7. Results and Discussion
8. Conclusion
References
Conclusion Générale

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