Dynamique passée de la forêt boréale coniférienne
Reconstitutions des paléovégétations à partir des grains de pollen
Pour reconstruire les paléovégétations, les grains de pollen séquestrés dans les sédiments lacustres ont été extraits suivant une version modifiée du protocole de (Faegri et Iversen, 1989a). Un minimum de 300 grains de plantes vasculaires terricoles (somme pollinique) a été compté et identifié à différents niveaux de la carotte sédimentaire afin de reconstruire 1 ‘histoire de la végétation au cours de 1 ‘Holocène à une résolution temporelle inférieure à 150 ans. Les changements rapides ayant eu lieu au sein du couvert végétal au cours du temps ont été caractérisés par la technique du taux de changement pollinique (Jacobson et Grimm, 1986). Les périodes de relative stabilité, quant à elles, ont été déterminées sur la base de « périodes polliniques » identifiées par des analyses de groupements stratigraphiquement contraints à partir du programme CONISS (Grimm, 1987a).
La fréquence et la taille des feux peuvent chacune influencer les dynamiques de végétation. De nombreux travaux ont caractérisé leurs conséquences sur les derniers siècles (Bergeron et al., 2004; Harper et al., 2002; Johnson, 1996) mais très peu l’ont fait à une échelle de temps plurimillénaire (Carcaillet et al., 2010; Kelly et al., 2013).
Comprendre l’influence de la taille et de la fréquence des feux sur les trajectoires de végétation au cours de 1 ‘Holocène, et ce, dans différentes régions, permettrait de renforcer les conclusions faites à l’échelle pluricentenaire et de mieux caractériser les dynamiques futures de la végétation en réponse à des changements dans le régime des feux.
Simulations du climat passé
Les modèles de circulation générale (MCGs ), basés sur des équations permettant de simuler les processus et circulations océaniques et atmosphériques, sont utilisés pour étudier les climats passés et futurs. Le modèle climatique anglais du H ad ley Centre (HadCM3 ; Singarayer et V aides, 201 0) fait partie des modèles utilisés dans les rapports d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques (GIEC-IPCC; éditions 2001 et 2007). De plus, les données issues des simulations paléoclimatiques fournies par le Programme de modélisation atmosphérique mondial des universités britanniques (UGAMP) à partir de ce MCG ont
déjà été utilisées dans plusieurs zones de la forêt boréale canadienne (Ali et al., 2012;Blarquez et al., 2015; Girardin et al., 2013; Hély et al., 2010). Ces études ont permis de tester la cohérence des données de sorties et de mettre en évidence les limites de ce modèle dans cette zone.
Les températures et les précipitations mensuelles simulées par pixel de 3. 75° x2. 5° tous les 1000 ans sont converties pour chaque millénaire en anomalies par rapport à la période contrôle pré-industrielle (1750) du modèle MCG. Elles sont ensuite appliquées aux normales mensuelles post-industrielles ( 1901 à 2002) calculées sur la grille spatiale de 0.5°x0.5° TS 2.1 de 1 ‘Unité de Recherche Climatique de l’University of East Anglia pour obtenir des séries temporelles sur 0.5° (Mitchell et Jones, 2005). Pour chacun des pixels, une série de 30 ans de températures et précipitations mensuelles est reconstruite tous les 1000 ans en utilisant pour chaque variables mensuelles une distribution normale (température) ou gamma (précipitation) paramétrée grâce à la moyenne reconstruite passée (pré-industrielle avec anomalie) et la variance actuelle (post
industrielle) (New et al., 2002 ; Ramstein et al., 2007). Ces séries mensuelles sont ensuite transformées en données journalières grâce au générateur météo de Richardson (Richardson, 1981 ). À partir de ces données quotidiennes obtenues à 1’ échelle régionale
(Figure 1.3), l’indice de sécheresse (DC), faisant partie des indices composant l’Indice Forêt Météo (Van Wagner, 1987), est calculé. Le cumul des jours dont le DC est supérieur ou égal à 80 unités, évalué à partir d’analyses de valeurs de DC historiques comme étant le seuil d’un risque modéré de feu dans cette région, permet d’obtenir la longueur de saison de feu (Hély et al., 2010a). Celle-ci est scindée en deux saisons (printemps et été) afin d’observer l’impact respectif de son allongement ou rétrécissement sur le régime de feux.
Des études menées en Alaska et dans l’ouest des États-Unis portant sur les dernières décennies ont suggéré qu’une saison de feux débutant plus précocement engendrait des feux plus sévères ou plus grands (Turetsky et al., 2011 ; Westerling et al., 2006). Cela serait dû à la disponibilité plus importante de combustible sec avant le début de la saison de croissance que plus tardivement dans la saison. Cependant, d’autres études réalisées au Canada et en Sibérie montrent, pour leur part, que les précipitations pourraient également avoir un impact sur le régime de feux en affectant la croissance et l’accumulation de combustible l’année précédant la saison de feux (Balzter et al.,
2007; Flannigan et al., 2009; Kasischke et al., 2002). À l’échelle de l’Holocène, les feux les plus grands (et/ou les plus sévères) dans 1 ‘ouest du Québec ont également eu lieu durant les périodes caractérisées par une saison de feux plus précoce attribuable à une augmentation des températures printanières non compensée en terme de risque d’incendie, par une augmentation des précipitations (Ali et al., 2012a).
Objectif de la thèse
L’objectif général de la thèse est de mieux comprendre les interactions entre le climat, les feux et la végétation dans les forêts boréales du Québec-Labrador à différentes échelles spatiales (globale, régionale et locale). Ces résultats permettront d’améliorer les prédictions sur les régimes de feux et les dynamiques de végétation en précisant à quelles échelles spatiales les différents processus d’interactions ce sont produits dans le passé et quels facteurs ont eu une importance prédominante sur les changements de régime de feux et de végétation. Ils devraient, à terme, apporter une aide dans la décision des futurs plans d’aménagement forestiers, notamment sur la position future de la limite nordique d’exploitation forestière. La thèse s’articule autour trois sections qui traitent à la fois des aspects d’écologie des perturbations, de biogéographie et de méthodologie de reconstitutions des feux locaux qui se sont produits dans les bassins versants des lacs étudiés.
La première partie (Chapitre 2) étudie les interactions entre le régime feux, en termes de fréquence et de taille, et les trajectoires de végétation qui en découlent au cours de l’Holocène dans l’ouest et dans l’est du Québec-Labrador. Les résultats permettront d’estimer l’importance de la fréquence et de la taille des feux dans la dynamique de végétation.La deuxième partie (Chapitre 3) porte sur les paramètres climatiques à l’origine des variations des régimes de feux à l’est, au centre et à l’ouest du Québec-Labrador. Cela nous aidera à mieux comprendre le rôle de la température, des précipitations et de la longueur de la saison de feux sur la dynamique de perturbations par le feu.
La dernière partie (Chapitre 4) est à caractère méthodologique. Elle vise à améliorer la détection des feux locaux à partir des charbons séquestrés dans les dépôts sédimentaires lacustres, afin de permettre des études plus approfondies sur l’influence des facteurs locaux dans la dynamique des forêts boréales.
|
Table des matières
AVANT-PROPOS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES AB RÉ VIA TI ONS
RÉSUMÉ
CHAPITRE I INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 Régions d’étude
1.2 Dynamique passée de la forêt boréale coniférienne
1.2.1 Reconstitutions des paléo-incendies à partir des charbons de bois
1.2.2 Reconstitutions des paléovégétations à partir des grains de pollen
1.2.3 Simulations du climat passé
1.3 Objectif de la thèse
CHAPITRE II WILDFIRE SIZE ALTERS LONG-TERM VEGETATION TRAJECTORIES
IN BOREAL FORESTS OF EASTERN NORTH AMERICA
2.1 Abstract
2.2 Résumé
2.3 Introduction
2.4 Material and methods
2.4.1 Study area
2.4.2 Sediment sampling and chronologies
2.4.3 Fire history reconstructions
2.4.4 Reconstructions of vegetation dynamics
2. 4. 5 Statistical analyses
2.5 Results
2. 5.1 Fire histories
2.5.2 Vegetation dynamics
2.5.3 Statistical relationships between fire activity and vegetation
2.6 Discussion
2.6.1 Fire activity
2.6.2 Vegetation trajectories
2. 7 Conclusion
2.8 Acknowledgments
2.9 References
CHAPITRE III DIFFERENT REGIONAL CLIMATIC DRIVERS OF HOLOCENE LARGE WILDFIRES IN BOREAL FORESTS OF NORTHEASTERN AMERICA
3.1 Abstract
3.2 Résumé
3.3 Introduction
3.4 Materials and methods
3.4.1 Study are a
3.4.2 Fire-history reconstructions
3.4.3 Climate data
3.5 Results
3.5.1 Fire histories
3.5.2 Past climate
3.5.3 Fire-climate relationships
3.6 Discussion
3.6.1 7000-3000 BP
3.6.2 3000-1000 BP
3.6.3 1000 BP to present-day
3. 7 Conclusion
3.8 Acknowledgments
3. 9 References
CHAPITRE IV IMPROVING DETECTION OF LOCAL FIRE EVENTS IN LACUSTRINE DEPOSITS WITH ANALYSIS OF LARGE CHARCOAL COUNTS
4.1 Abstract
4.2 Résumé
4.3 Introduction
4.4 Material and methods
4.4.1 Study area
4.4.2 Sampling design and charcoal quantification
4.4.3 Chronological setting and fire event reconstructions
4.4.4 Identifying true local fire events
4.5 Results and Discussion
4.5.1 Insights from the LCC method for identifying local fire events
4.5.2 Which is the accurate method to detect local fire events?
4.5.3 Recommendations and limitations of the LCC method
4.6 Acknowledgments
4. 7 References
CHAPITRE V CONCLUSION
5.1 Les origines complexes des grands feux
5.2 Trajectoires de végétations futures
5.3 Une nouvelle façon d’appréhender les recherches sur les paléofeux et les
paléovégétations
Télécharger le rapport complet