DYNAMIQUE ET CARACTERISTIQUES DU DEVELOPPEMENT URBAIN
Le fait urbain, dans son état actuel est un phénomène assez récent en Mauritanie. En effet, le pays n’y était pas confronté lors des premières années de son existence (années 60). Même la présence coloniale à travers sa stratégie de quadrillage du territoire n’avait pas servi de levier à l’amorce du phénomène urbain en Mauritanie. Le processus d’urbanisation s’est donc opéré dans un pays profondément rural au milieu du XXème siècle. La dynamique de développement urbain a connu une accélération en raison de la sédentarisation massive des populations rurales victimes des conséquences de la succession de périodes de sécheresse. À partir de ce moment, ce pays, considéré jadis comme étant l’un des bastions du nomadisme, se transforme avec l’installation durable du phénomène urbain.
Phénomène urbain et genèse des villes en Mauritanie
La société mauritanienne était, jusqu’aux années soixante dix, fortement ancrée dans le mode de vie nomade et l’économie du pays dépendait essentiellement des activités agro-pastorales. Mais, la succession des années de faible pluviométrie a provoqué l’effondrement du nomadisme et a déclenché l’hémorragie des populations rurales vers les centres urbains existants, dans l’espoir d’une hypothétique amélioration de leurs conditions de vie.
Ce phénomène d’exode rural a eu comme conséquence directe, l’urbanisation spontanée, rapide et anarchique du pays. Les villes, sous l’effet des flux migratoires, ont connu de profondes transformations et les autorités compétentes ont éprouvé de sérieuses difficultés pour la maîtrise, l’organisation et la gestion de l’espace urbain.
Émergence du phénomène urbain
Le fait urbain en Mauritanie était donc, en réalité, un phénomène assez peu répandu à la veille de l’accession du pays à la souveraineté nationale en 1960. Avant l’indépendance, la sédentarité, d’une manière générale, n’était matérialisée que par quelques embryons de petites villes au nord, représentées par des anciennes cités caravanières, et par des villages d’agriculteurs au sud du pays. Dans les régions du sud, la croissance démographique se traduisait par la multiplication des villages plutôt que par le développement spatial de ceux-ci. Cette stratégie consistait à éviter que l’extension spatiale des villages ne vienne empiéter sur les terres réservées pour d’autres usages . La colonisation française s’est opérée dans un pays profondément rural, ce qui expliquerait, sans doute, la localisation du centre de commandement du territoire du futur État mauritanien à Saint-Louis du Sénégal.
Pour saisir l’évolution du phénomène urbain en Mauritanie, il convient de retracer les principales étapes qui ont donné lieu grosso modo à trois générations de villes dont a hérité l’armature urbaine du territoire national. En effet, de l’ère précoloniale à l’accession de la Mauritanie à la souveraineté nationale, l’armature urbaine s’est enrichie à chaque fois, pour des raisons différentes, d’une série de villes.
L’urbanisation et ses caractéristiques en Mauritanie
D’aucuns pensent que l’urbanisation est une conséquence logique et inévitable du développement économique . Cela reviendrait à établir un parallélisme, ou au mieux, une relation mécanique entre faible taux d’urbanisation et pauvreté. Sans pour autant contester la pertinence de ce postulat, il demeure, néanmoins, discutable dans certains cas, parce qu’il réduit l’urbanisation au simple fait économique. Cela équivaut à dire que là où on constate une forte croissance économique, l’urbanisation devrait afficher des taux élevés, mais est ce que l’inverse est toujours vrai ?
En tout cas, au lendemain de l’indépendance, le contexte économique en Mauritanie ne justifiait, en aucune manière, l’ampleur et le rythme élevé de l’urbanisation qui, par ailleurs, a concerné toutes les capitales régionales et les chefs lieux des régions indépendamment de leur niveau de développement économique. Ceci dit, la concentration des pôles économiques au niveau de la capitale et des villes appartenant au bassin minier, essentiellement, a créé un appel d’air qui se traduit par la polarisation de la croissance urbaine sur ces localités : celles-ci ont vu leur taille et leur structure évoluer plus vite que les autres.
Cette situation n’est pas particulière à la Mauritanie. En effet, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne ont enregistré, ces dernières décennies, la même forme d’urbanisation rapide, mais le phénomène a pris un caractère spectaculaire dans ce pays. La population urbaine est passée de 4% de la population totale en 1962 à 23% en 1977, 41% en 1988 et ce taux est estimé à la hauteur de 55% en 1999. À titre de comparaison, au Mali, la part de la population urbaine était évaluée à 11% de la population totale en 1960 et 28% en 1996 alors qu’à la même date ce taux atteignait déjà 51% en Mauritanie .
Suite aux détériorations des conditions climatiques qui ont motivé le départ massif des populations des zones rurales, la Mauritanie a connu une urbanisation qui a surpris par sa spontanéité et sa rapidité. Les centres urbains, sous l’effet de l’exode rural et de la sédentarisation des populations nomades, ont enregistré une croissance exponentielle du nombre de leurs habitants, sans que les capacités d’accueil ne soient à la hauteur de l’ampleur des flux migratoires. L’urbanisation du pays s’est donc faite d’une manière brutale en l’absence de toute planification préalable. Partout, elle s’est réalisée essentiellement par une extension spatiale démesurée des centres urbains et ne s’est pas accompagnée d’un développement significatif des infrastructures et des équipements urbains. En fin de compte, il s’est produit une urbanisation marquée par une profonde inadéquation entre la croissance démographique dans les centres urbains et la quantité de ressources disponibles. Ce décalage a empêché de créer les meilleures conditions d’accueils des néo-urbains et d’améliorer les capacités des infrastructures et équipements urbains.
Analyse de la croissance urbaine en Mauritanie
La Mauritanie, a connu trois décennies d’urbanisation rapide et incontrôlée. Cette urbanisation est, très largement, attribuée à l’articulation du phénomène de migration et du processus de sédentarisation massive des populations nomades. Ce mécanisme consécutif à la succession des périodes de grandes sécheresses de 1968, 1972 et 1973, a induit une augmentation fulgurante des populations dans les centres urbains du pays.
De 4% au début des années soixante, la population urbaine a donc augmenté sans discontinuer pour atteindre plus de la moitié de la population totale du pays à la fin des années quatre vingt dix. Cette évolution démographique explosive a profondément bouleversé la structure des villes mauritaniennes. En réponse à cette croissance exponentielle de la population urbaine, ces villes se sont développées de manière anarchique et spontanée, en dehors de toute planification ou cadre réglementaire. Le triptyque, migration des populations rurales, sédentarisation massive et urbanisation non planifiée, a redoutablement bien fonctionné, au cours de cette période, et les conséquences qui en résultent continuent aujourd’hui encore de poser des difficultés évidentes aux autorités . Partout cette dynamique démographique s’exprime par le développement et la prolifération des quartiers irréguliers composés pour l’essentiel d’habitats précaires autour des villes.
Cette croissance urbaine, s’est accompagnée d’une détérioration des conditions de vie, notamment celles des populations habitant les quartiers périphériques et celles de Nouakchott en particulier. Cela s’explique par la discordance entre la croissance spatiale mal maîtrisée et l’insuffisant développement des infrastructures et équipements de base.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I NOUAKCHOTT, LA VILLE, LE CONTEXTE ET LE DEVELOPPEMENT URBAIN
1- DYNAMIQUE ET CARACTERISTIQUES DU DEVELOPPEMENT URBAIN
1-1 Phénomène urbain et genèse des villes en Mauritanie
1-1-1 Émergence du phénomène urbain
1-1-2 L’urbanisation et ses caractéristiques en Mauritanie
1-1-3 Analyse de la croissance urbaine en Mauritanie
1-1-4 Macrocéphalie de l’armature urbaine : Nouakchott
1-2 Présentation et dynamique urbaine de la ville de Nouakchott
1-2-1 Croissance démographique démesurée
1-2- 2 Répartition géographique de la population urbaine dans la ville de Nouakchott
1-2-3 Développement spatial de Nouakchott
1-2-4 Du petit Ksar à l’agglomération : les étapes d’une croissance spatiale effrénée
2- URBANISATION NON CONTROLEE : DYSFONCTIONNEMENT DE LA PLANIFICATION URBAINE ET IMPROVISATION CHRONIQUE
2-1 Politique de la ville et actions publiques
2-1-1 Du manque de planification à la gestion improvisée : Trois décennies de développement urbain chaotique
2-1-2 Exode rural massif et urbanisation spontanée : quel est l’obstacle à l’émergence d’une politique urbaine ?
2-1-3 Urbanisation de Nouakchott : des documents d’urbanisme constamment dépassés
2-1-4 Nouvelles stratégies de développement urbain de Nouakchott
2-2 Nouakchott, la ville et les conséquences d’une urbanisation spontanée
2-2-1 Accaparement du foncier comme mécanisme d’accès à la propriété
2-2-1-1 Tendance générale à un étalement urbain continu
2-2-1-2 Gestion déficiente du foncier : facteur déterminant du développement périphérique de Nouakchott
2-2-2 L’équipement d’une urbanisation éclatée : des contraintes permanentes
2-2 2-1 Faibles densités des quartiers périphériques : un obstacle à leur équipement
2-2-2-2 Production du cadre bâti et implantation des infrastructures : des discordances réelles
2-2-2-3 Équipement des quartiers informels et risque de réactivation de la spéculation foncière
3- SEGREGATION SPATIALE ET INEGALITES TERRITORIALES
3-1 Répartition spatiale des infrastructures et équipements urbains à Nouakchott
3-1-1 Infrastructures et équipements en services publics : une répartition déséquilibrée entre centre-ville et quartiers périphériques
3-1-3 Dualisme urbain et pression sur les équipements du centre-ville de Nouakchott
4. CONCLUSION
CHAPITRE II ORGANISATION URBAINE ET MOBILITE QUOTIDIENNE
1-COMPRENDRE LA MOBILITE QUOTIDIENNE
1-1 La mobilité : une notion générale à acceptions multiples
1-1-2 Étude de la mobilité, une approche en profonde mutation
1-1-3 Du déplacement à la mobilité quotidienne
1-1-4 Les déplacements : articulation entre durée et distances
1-1-5 L’étude de la mobilité quotidienne, une question de spécificités
1-2 Compréhension de la mobilité quotidienne : une question de pratique modale
1-2-1 Pratique de mobilité : l’expression des comportements individuels
1-2-2 Pratique de mobilité : le poids du système de représentations dans la définition des différents choix
1-2-3 Pratique de mobilité, est-ce une question d’aspirations ou de contraintes ?
1- 2-3-1 Pratique de mobilité, la force de la contrainte
1-2-3-2 Pratique modale, le choix comme facteur déterminant
1-2-3-3 Pratique de mobilité, quand le choix et la contrainte deviennent étroitement liés
1-3 La mobilité quotidienne et les différents modes de transport
1-3-1 Quelques exemples de modes individuels de transport
1-3-2 Les modes de transports collectifs urbains
2- LA VILLE ET LA MOBILITE URBAINE
2-1 Urbanisation et système de transports : un système d’interactions
2-1-1 La ville et le niveau général de la mobilité urbaine: les éléments explicatifs
2-1-2 Agencement urbain et la mobilité quotidienne
2-1-3 Intégration urbaine des espaces urbains par les transports
2-1-4 Croissance urbaine et desserte de l’espace urbain par les transports
2-2 De la mobilité à l’accessibilité des espaces urbains
2-2-1 Accessibilité : de quoi parle-t-on ?
2-2-2 De l’immobilité à la mobilité : l’accessibilité un déterminant majeur
2-2-3 Mobilité et territorialité : lorsque la structure urbaine favorise l’accessibilité
2-2-4 De l’enclavement à l’accessibilité : le principal défi des politiques publiques
3- CONCLUSION
CHAPITRE III LES TRANSPORTS URBAINS DANS LES VILLES EN DEVELOPPEMENT
1- LA PERSISTANCE DES PROBLEMES DE DEPLACEMENTS QUOTIDIENS : UNE PROBLEMATIQUE GENERALE AUX VILLES EN DEVELOPPEMENT
1-1 Transports urbains et ville en développement : chronique d’une crise endémique
1-1-1 Décalage entre croissance urbaine et offre insuffisante en transports urbains
1-1-2 Tendance générale à l’insatisfaction de la demande de mobilité
1-1-3 Le système de transport à l’épreuve de la ségrégation spatiale
1-2 Mobilité urbaine, transports urbains et pauvreté
1-2-1 La pauvreté, de quoi parle-t-on ?
1-2-2 Exode rural et explosion démographique urbaine : propagation de la pauvreté urbaine
1-2-3 Du manque de revenus à l’accès aux besoins essentiels : la mobilité, une question centrale
1-2-4 Des revenus du ménage aux revenus individuels : l’accès à la mobilité en ligne de mire
1-2-5 Mobilité des populations pauvres : mobilité sous contraintes
1-2-6 Accès limité aux transports collectifs : intégration urbaine de proximité pour les citadins pauvres
1-3 La complémentarité des modes de transport comme solution à la problématique de mobilité
1-3-1 La crise dans le système de transport collectif : De la décadence des entreprises publiques à l’émergence des opérateurs privés
1-3-2 L’exigence de mobilité et la nécessité de développement des transports de masse
1-3-3 Coexistence entre systèmes institutionnel et artisanal à travers quelques exemples de villes
1-3-4 Complémentarité et territorialisation de l’offre de transport collectif : l’équité spatiale en question
2- LES TENTATIVES DE SOLUTIONS ET LIMITES DE LA TRANSFERABILITE DES MODELES DE DEPLACEMENTS.
2-1 Compréhension de la demande et planification du système de transport : modèles et méthodes proposées
2-1-1 Évolution méthodologique dans la planification des transports en ville
2-1-2 Démarche classique pour l’évaluation de la demande de transport
2-1-2-1 Les caractéristiques de la méthode classique
2-1-2-2 Critiques de la méthode classique
2-1-3 Méthode analytique pour la compréhension de la mobilité quotidienne
2-1-3-1 Caractéristique de la démarche désagrégée de l’analyse de la demande de mobilité
2-1-3-2 Critiques de la démarche désagrégée de la prévision de la demande de mobilité
2-2 Transports urbains : transfert de modèles et adaptabilité aux spécificités locales
2-2-1 Transfert et adaptabilité de l’approche classique pour l’analyse de la demande de transport urbain
2-2-2 Enquête-ménage de mobilité ou la démarche adaptée pour l’étude de la mobilité dans les villes en développement
2-2-3 Quelle approche méthodologique et quel modèle de transports urbains dans les villes en développement ?
3- CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE