Dynamique du nucléosome et accessibilité de l’ADN

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Caractéristiques des cellules sénescentes

Arrêt prolifératif

La première caractéristique des cellules sénescentes qui fut décrite fut l’arrêt de la prolifération. Les cellules sénescentes sont incapables de se diviser. C’est une caractéristique indispensable mais non suffisante à l’identification de la sénescence. En effet, des cellules telles que les cellules en différentiation terminale ou les cellules en quiescence (phase G0) présentent un arrêt stable de la prolifération. La différence réside dans l’absence d’activation des voies de signalisations impliquées dans la suppression de tumeurs chez les cellules différenciées ou en quiescence.
La plupart du temps, les cellules sénescentes sont arrêtées en phase G1 (Di Leonardo et al. 1994; Herbig et al. 2004; Ogryzko et al. 1996; Serrano, Athena W Lin, et al. 1997) mais il a été montré qu’un arrêt en phase G2 par l’activation de certains oncogènes ou en réponse à des agents chimiotoxiques est possible (Shay & Roninson 2004).
L’arrêt prolifératif des cellules sénescentes est considéré comme permanent mais il est possible de l’outrepasser par des manipulations génétiques (M Beauséjour et al. 2003; Dirac & Bernards 2003; Jeanblanc et al. 2012) ou la déplétion de protéines de signalisation (Kuilman & Peeper 2009).

Changement morphologiques

Les cellules sénescentes sont également caractérisées par de marquants changements morphologiques. Les cellules peuvent s’élargir, s’aplanir ou s’allonger. On peut également voir leur réticulum endoplasmique se vacuoliser (Denoyelle et al. 2006) et voir s’accroître la masse lysosomale. (figure 3)
Il est intéressant de remarquer que ces changements diffèrent selon le type et le stress cellulaire : l’aplatissement s’observe suite à l’activation de HRAS (Serrano, Athena W Lin, et al. 1997), suite à un stress de culture in vitro (Parrinello et al. 2003) ou suite à l’activation des voies de signalisation de dommages à l’ADN (Korotchkina et al. 2010) tandis que l’activation des kinases RAF (Zhu et al. 1998) ou MEF(Lin et al. 1998) en aval de RAS se caractérise par une morphologie très allongée avec de longs prolongements cytoplasmiques.
Figure 3. Morphologie des cellules sénescentes.
La première ligne montre la morphologie de fibroblastes WI38 en prolifération, en quiescence et en
sénescence. La sénescence est ici induite par un oncogène RAF (SenRAF) pendant 5 jours, par des dommages à l’ADN induit par étoposide (SenETO) pendant 5 jours ou par sénescence réplication (RepSen). La seconde ligne de ces images montre l’activité enzymatique β-galactosidase qui permet de visualiser les cellules sénescentes par une coloration cytoplasmique. Données issues de Contrepois, 2012.

Augmentation de l’activité B-Gal

La -Galactosidase est un marqueur de la sénescence couramment utilisée. Identifiée en 1995 par l’équipe du Dr Campisi, l’activité de cette enzyme peut être détectée dans la région périnucléaire des cellules sénescentes (Dimri et al. 1995). Ce type de marquage enzymatique peut être réalisé in vitro ou in vivo (Debacq-Chainiaux et al. 2009). Ce marqueur n’est toutefois pas spécifique de la sénescence car une activité - Galactosidase est détectable dans les cellules quiescentes (Yang & Hu 2005).

Formation de structures d’hétérochromatines : les SAHFs

Une caractéristique particulière des cellules sénescentes est la formation de foyers de chromatine condensée : les SAHFs (Senescence-Associated Heterochromatin Foci) (figure 4). Découverts en 2003, ces foyers sont aisément détectables par coloration (DAPI, Hoechst), là où des cellules proliférantes montreraient une coloration homogène à l’exception du chromosome X inactif chez la femme (Yang & Hu 2005).
Ces foyers sont enrichis en protéines de l’hétérochromatine telles que HP1 (heterochromatin protein 1) ou le variant d’histone macroH2A et contiennent des marques épigénétiques répressives (H3K9Me3/H3K27Me3). Ces structures semblent jouer un rôle dans la répression des gènes E2F (Narita et al. 2003). De plus, Les SAHFs ne sont pas aussi marqués dans des lignées de fibroblastes de prépuce (cellules Bj) et la sénescence y est plus facilement réversible (di Fagagna et al. 2003; Beauséjour et al. 2003). Il a donc été supposé, dans un premier temps, que les SAHFs joueraient un rôle de maintenance et de renforcement de la sénescence. Or, cette explication semble être contestée par des études plus récentes car interférer avec la formation des SAHFs ne bloque pas l’entrée en sénescence ni sa stabilité (Kosar et al. 2011; Contrepois et al. 2012).
Figure 4. Formation des SAHFs contribuant à l’arrêt prolifératif des cellules sénescentes.
Les SAHFs répriment stablement la transcription des gènes E2F nécessaires à la transition de la phase G1 à la phase S. Issues de Funayama, 2007.

Résistance à l’apoptose

De nombreuses cellules sénescentes présentent une résistance à l’apoptose. Ce processus de mort cellulaire programmée permet d’éliminer les cellules ne pouvant plus assurer leurs fonctions car endommagées. (Wang 1995; Gansauge et al. 1997; Seluanov et al. 2001). Les mécanismes impliqués dans cette résistance ne sont pas élucidés mais certaines molécules telles que la caspase-3 (Rebbaa et al. 2003; Marcotte et al. 2004) ou Bcl-2 (Wang 1995; Crescenzi et al. 2003; Ryu et al. 2007) sont impliquées dans ce processus. L’absence de stabilisation de p53 pourrait également jouer un rôle (Seluanov et al. 2001). Plus de travaux sont nécessaires pour comprendre pourquoi les cellules entrent préférentiellement en sénescence ou en apoptose en réponse à un stress. Le type cellulaire a son importance, les fibroblastes ou les cellules épithéliales engagent plus facilement une entrée en sénescence là où des lymphocytes préfèrent l’apoptose. A l’instar de l’induction de la sénescence par un oncogène qui est induite préférentiellement à la tumorigénèse, l’induction de l’apoptose ou de la sénescence serait envisageable pour tous les types cellulaires mais dépendrait de la nature et de l’intensité du signal de stress. (Rodier et al. 2007)

Augmentation de l’activité autophagique

L’autophagie est définie comme un processus catabolique suite à certains stress (ex. carences nutritives) où les cellules digèrent leurs propres composants grâce à leurs lysosomes (Levine & Kroemer 2008; Yang & Klionsky 2010; Kimmelman 2011). Elle joue un rôle dans l’homéostasie énergétique et le contrôle qualité des protéines (Hoare et al. 2011). Pendant la sénescence, des marqueurs de l’autophagie sont induits : surexpression de MAP1LC3, autophagosome visible en microscopie électronique (Young et al. 2009; Wiel 2014). Par ailleurs, l’autophagie contribuerait à l’arrêt du cycle cellulaire et à la sécrétion de certains constituants du SASP (Young & Narita 2009) ou à dégrader certains fragments chromatiniens rejetés dans le cytoplasme (A. Ivanov et al. 2013). En dépit de ces découvertes où l’autophagie agit en tant que mécanisme de renforcement de la sénescence, le rôle de l’autophagie reste débattu. Son inactivation dans des MEF rend ces cellules plus sensibles à la sénescence (Wang et al. 2012). De plus, il a été montré qu’un processus autophagique pouvait provoquer la mort de kératinocytes sénescents et résistants à l’apoptose (Gosselin et al. 2009).

Modification de l’expression génique

Le profil d’expression génique est fortement altéré lors de la sénescence. De nombreux régulateurs du cycle cellulaire sont perturbés. On observe notamment la répression de gène E2F1 et de gènes codant pour des protéines favorisant la progression du cycle cellulaire : cyclines, PCNA, c-Fos, MCM6, etc. (Mason et al. 2004).
Lors de la mise en place de la sénescence, l’expression des CDKIs p16INK4A, p21CIP1 et p14ARF peuvent être ainsi que plusieurs voies de signalisation suppresseur de tumeurs : p53, p16-Rb que nous détaillerons dans la partie 3 du chapitre 1. (Te Poele et al. 2002; Collado et al. 2005; Baker et al. 2011; Serrano, Lin, McCurrach, et al. 1997; Stein et al. 1999). Cependant, nombre de gènes impactés par l’entrée en sénescence ne concernent pas le cycle cellulaire. C’est notamment le cas des gènes codant pour les facteurs du SASP (senescence associated secretory phenotype) (Trougakos et al. 2006), ces gènes codent pour des protéines sécrétées par les cellules sénescentes. Ce phénotype sécrétoire est décrit en détail dans la partie 4 du chapitre 1.
L’étude de l’expression génique en sénescence a mis en évidence le rôle des microARNs (Noren Hooten et al. 2010). La surexpression de microARNs influencerait plusieurs mécanismes, de la répression du cycle cellulaire par miR-21 ou Let-7 (Dellago et al. 2013; Moussa Benhamed, Utz Herbig, Tao Ye 2012) à la régulation du stress oxydant par miR-335 (Bai et al. 2011) en passant par le contrôle de l’inflammation par miR-21, -126 and -146a (Olivieri et al. 2013).

Autres marqueurs de reconnaissance d’une cellule sénescente

Parmi les caractéristiques présentées jusqu’ici, il est important de préciser qu’aucune individuellement ne permet d’identifier une cellule sénescente que ce soit in vivo ou in vitro.
Malgré son utilisation très populaire, l’activité SA-B-Gal est également présente dans des cellules en quiescence induite par contact ou par privation de sérum. En l’absence de biomarqueurs fiables, c’est la présence simultanée de plusieurs marqueurs qui se doit d’être privilégiée.
En plus des marqueurs suscités, d’autres marqueurs comme l’induction de Dec1 (Deleted oesophageal Cancer 1) et DcR2 (Decoy Receptor 2) sont valables in vitro et in vivo(Collado et al. 2005) tout comme WNT16B pour la sénescence réplicative ou induite par l’oncogène Ras(Binet et al. 2009) ou encore Sprouty2 (Courtois-Cox et al. 2006).
Une alternative à la SA-B-Gal, parfois difficile à détecter techniquement dans les tissus âgés est la présence d’agrégats de lipofuscine (Georgakopoulou et al. 2013). De nombreuses études présentent également un changement de morphologie du noyau dû à la diminution de l’expression de la lamine B1 en sénescence (Freund et al. 2012; Sadaie et al. 2013; Shah et al. 2013)
Enfin, l’activation des kinases ERK1 et ERK2 lors de la mise en place de la sénescence engendre une dégradation ciblée de protéines phosphorylées nécessaires à la prolifération cellulaire. On parle alors de SAPD (Senescence-associated Protein degradation). La dégradation de ces molécules par le protéasome contribuerait à la sénescence que celle-ci soit induite par l’activité d’oncogène ou par le raccourcissement des télomères. (Deschênes-Simard et al. 2013)

Processus dynamique

Des études récentes ont montré que la sénescence ne pouvait se définir comme une finalité en soi mais plutôt comme une série d’états phénotypiques apparaissant progressivement après l’arrêt prolifératif initial. (De Cecco et al. 2013; Wang et al. 2011; a. Ivanov et al. 2013). L’hypothèse actuellement supportée définirait la sénescence comme un processus dynamique durant lequel les propriétés des cellules sénescentes continuent à évoluer et à se diversifier selon le type cellulaire et l’inducteur initial. Une des premières étapes est le passage d’un arrêt transitoire du cycle cellulaire à un arrêt stable (figure 5).
In vitro, des cellules peuvent entrer en sénescence en quelques jours après l’induction par un stress mais reste viable pendant plusieurs mois (De Cecco et al. 2013) et atteignent alors un stade de sénescence dit profond ou tardif. Parmi les phénotypes les plus tardifs à apparaitre, on retrouve une hausse de la transcription d’éléments transposables comme les membres des familles de transposons L1, ALU et SVA (De Cecco et al. 2013; Wang et al. 2011) ou l’extrusion dans le cytoplasme de fragments de chromatine cytoplasmique (CCFs) enrichis en H3K27me3 et γH2AX (a. Ivanov et al. 2013). Ces fragments subissent une protéolyse par les lysosomes, ce qui serait à l’origine d’une perte globale des histones.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 : Mécanismes et contrôle de la sénescence
1. Inducteurs de Sénescence
1.1 La Sénescence Réplicative
1.2 Sénescence prématurée
2. Caractéristiques des cellules sénescentes
2.1 Arrêt prolifératif
2.2 Changement morphologiques
2.3 Augmentation de l’activité B-Gal
2.4 Formation de structures d’hétérochromatines : les SAHFs
2.5 Résistance à l’apoptose
2.6 Augmentation de l’activité autophagique
2.7 Modification de l’expression génique
2.8 Autres marqueurs de reconnaissance d’une cellule sénescente
2.9 Processus dynamique
3. Principales voies de signalisation, d’induction et de contrôle
3.1 La voie p53
3.4 Acteurs du maintien de la sénescence.
4. Composition, régulation et signalisation du SASP
4.2 Les voies de régulation du SASP
4.3 Effet autocrine et paracrine du SASP
5. Le rôle de la sénescence in vivo
5.1 La sénescence est un mécanisme suppresseur de tumeurs
5.2 La sénescence est un processus nécessaire à l’homéostasie et au développement
5.3 L’impact de la persistance des cellules sénescentes dans les tissus
Chapitre 2 : Dynamique de la chromatine
1. La structure du nucléosome
1.1 La composition du coeur histone
1.2 Dynamique du nucléosome et accessibilité de l’ADN
2. Structure de la chromatine
2.1 L’euchromatine
2.2 L’hétérochromatine
2.3 Domaines chromatiniens et territoires chromosomiques
2.4 Le chromosome mitotique
3. Le code épigénétique
3.1 Modifications post-traductionnelles des histones
3.2 Le code histone
3.3 Communication croisée et combinaisons des modifications d’histones
4. Histones canoniques et variants
4.1 La famille des variants de l’histone H2A
4.2 Les variants de l’histone H2B
4.3 Les variants d’histones de H3
Chapitre 3 : Rôle du code nucléosome dans l’établissement et la maintenance de la sénescence.
1. PTMs et variants d’histones dans la sénescence cellulaire
1.1 Méthylations et Acétylation d’histones
1.2 Les variants d‘histones
2. Le variant H2A.J
2.1 Accumulation du variant H2AJ durant la sénescence cellulaire avec dommages persistants à l’ADN
2.2 Les spécificités du variant H2A.J
2.3 H2A.J dans la littérature.
Description du projet de thèse
Stratégie d’analyse
Création de lignées de fibroblastes immortalisées au gène H2AFJ inactivé
ARN interférence
Création et validation des lignées
Création d’un anticorps anti-H2AJ spécifique
RESULTATS
Introduction.
PUBLICATIONS
RESULTATS COMPLEMENTAIRES
Importance mécanistique des particularités de séquences de H2AJ
Effets de H2AJ sur les gènes d’inflammation dans le contexte de la réponse inflammatoire
Effet de H2AJ dans un phénotype sénescent dépourvu de dommages à l’ADN mais induisant les voies des DDR.
Exploration de voies impliquées dans la dérépression du SASP
H2AJ dans les lignées cancéreuses
DISCUSSION
H2AJ est nécessaire à la dérepression effective des gènes d’inflammation
Réflexions sur les mécanismes d’action et d’accumulation de H2AJ
H2AJ, un potentiel marqueur de stress lié au vieillissement
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
H2AJ in vivo
Etude du mécanisme d’action de H2AJ
Accumulation de H2AJ au cours de la sénescence
Bibliographie
Annexes
Annexe 1. Liste des histone-acetyltransferases (HAT)
Annexe 2. Liste des histone-deacetylases (HDAC)
Annexe 3. Liste des histone-methyltransferases (HMT)
Annexe 4. Mise en évidence de la phosphorylation de H2AJ.
Annexe 5. Matériels et méthodes

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